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Eléa
Nombre de messages : 5382 Âge : 34 Race et âge : Cydienne - 31 ans Cité : Muria Métier : Fleuriste-Gladiatrice Feuille de personnageCompétences: Manipulation de la nature / Soin / Esprit Compétences bonus: Manipulation du feu, dressage d'une bête, Spécialisation (rapière)Réputation : (10/10) | |
| Sujet: [FH] Je n'ai jamais pu oublier (terminé) Mar 14 Jan - 13:50 | |
| « Non !!!!!! »
Je me revoyais encore. Là. Sur ce champ de bataille. Devant la mare de sang dont le sol se gorgeait. Ce sang qui était le mien. Je me retrouvais encore devant ces corps, aussi inepte et incapable qu'une petite fille. Je me sentais nue. Seule. Abandonnée. Trahie. Comment tout cela avait-il pu arriver ? Je tentais de me remémorer. De comprendre. Je regardais la plaie béante que mes pouvoirs ne parvenaient pas à soigner. J'étais trop lente, trop lente, le sang coulait trop vite je ne parvenais pas à l'arrêter !! Je me souviens avoir crié à l'aide, personne autour de moi ne répondait. Je crois que j'ai pleuré, encore et encore jusqu'à ce qu'elle pose sa main sur ma joue et me sourit. Il y avait dans ce regard plus qu'il n'y avait jamais eu ces dernières années. De la fierté. De l'amour. De la peine aussi mais aucune peur. Aucune peur dans les yeux de ma mère. La mienne pourtant était énorme. Jacen était mort sur le coup, je n'avais pas eu le temps de me retourner que son Esprit disparaissait du mien dans un souffle. Mon père était mort. La nouvelle n'arrivait pas à traverser mon cerveau autrement que comme une information comme une autre. Je tentais de sauver ce qu'il restait de ma mère. La plaie, béante, grouillait de terre et de sang. Ce connard ne l'avait pas loupé. L'épée courbe qu'il utilisait avait vrillé de sorte qu'elle avait endommagé les organes, puis il avait remonté la lame avant de la vriller à nouveau et la retirer violemment. Comment ? Pourquoi ? Les yeux de Philéa devenaient comme vides. La souffrance semblait quitter son corps mais ce n'était pas grâce à mes soins. La vie la quittait et pourtant, elle affichait un sourire paisible, sans aucune trace de peur ou de haine. Elle savait. Elle savait qu'au fond de moi germait déjà la vengeance. Ou alors, elle était tout simplement fière et heureuse de la vie qu'elle avait vécu. Jacen était mort et elle souriait. Elle allait mourir et elle souriait. Je pleurais.
Je pleurais encore et encore. Les larmes ne s'arrêtaient. Je me foutais d'ailleurs de ne pas faire attention à qui m'entourait sur le champ de bataille. La bataille était presque finie de toute façon. Loin, là-bas, à l'intérieur des enceintes, se mouraient les derniers mécréants et s'enfuyaient les autres survivants. Le gros du combat n'était plus dans la plaine alentour. Les pertes, les morts, rien n'avait d'importance, seul l'océan de ses yeux comptait. Cet océan de vide qui pourtant s'accrochait à mon regard.
« Maman, ça va aller, je te le jure, ça v... » « Tais toi »
Même aux portes de la mort, ma mère restait la Reine qu'elle avait toujours été. Je redoublais d'effort pour la sauver, pour refermer les plaies plus vite que le sang ne s'en écoulait mais je savais déjà que c'était inutile. Elle posa sa main sur la mienne, comme si le geste était trop dur, son corps émis un soubresaut et elle cracha une gerbe de sang. Il lui fallut de longues secondes pour calmer la toux mais elle reprit d'une voix rauque.
« Tu devras les protéger. Toujours... »nouvelle salve « Je suis fière de toi... »
Ces mots que je n'avais jamais entendu. Jamais. Elle venait de les prononcer. Elle me regardait d'un air doux et soudain, sa poitrine se souleva dans un dernier soubresaut. J'étais seule. Je me souviens avoir crié, avoir hurlé son nom et l'avoir secouée mais elle était partie.
J'ai oublié la suite. Je me souviens m'être réveillée à Muria, Jelenna attendant, les yeux rougis par les larmes, au pied de mon lit. Haiiro et Onii dormaient à ses côtés, veillant sur elle comme sur le plus précieux des trésors. J'avais l'impression de ne pas être là, d'être une étrangère à mon propre corps. Quand Jelenna m'enlaça, j'avais l'impression de ne pas être là. D'être avec eux. Une partie de moi était partie avec mon père et ma mère. J'avais l'impression de vivre toute la suite comme dans un mauvais rêve, comme une spectatrice silencieuse. Muria toute entière pleurait la mort de Philéa. Sauf quatre petites filles et un petit garçon qui ne savaient rien. Devait-on leur dire la vérité ? Devait-on … Accepter la vérité ? Je n'y arrivais pas moi-même. J'en étais incapable. Je ne voulais pas le croire. C'était impossible, j'avais forcément rêvé ! Le sourire triste de ma sœur me convainquit.
« Il faut leur dire. »
Je savais qu'elle avait raison. Ce n'était pas à elle de faire ça. C'était à moi. J'étais … J'étais... J'étais reine. J'avais promis. Je ne me souviens plus comment. Je ne me souviens que des larmes de mes petites sœurs, trop jeunes pour comprendre, de mon petit frère, trop éveillé pour assimiler. Trop petits pour retrouver la paix, trop grands pour oublier. Ils étaient là. Nous étions tous là alors que le cercueil avançait. Jacen devait être enterré au Temple mais ma mère ne pouvait que reposer dans sa cité. Jelenna retenait ses larmes, consolant de ses gestes tendres mes frère et sœurs. Lukhàs pleurait en silence, tenant fermement la main d'Aedan dont le visage était plongé sur son torse.
Elle était partie. Son corps était sous terre. C'était fini. Je ne parvenais pas à pleurer. Je n'arrivais pas à le croire. C'était fini.
Il ne restait personne devant la tombe. La nuit était d'ailleurs tombée sans que je ne m'en rende compte. Quelle heure était-il ? Combien de temps étais-je restée seule devant cette sépulture ? Je sentis une mains se glisser dans la mienne. Chaleureuse, ce n'était pourtant pas celle de Jelenna. Il ne me fallut pas plus d'une seconde pour la reconnaître. Lukhàs. C'était sa petite main timide qui s'était glissée dans la mienne et son regard, perdu sur le lopin de terre, en disait long sur ses pensées. De tous, il était le plus proche de notre mère, le petit protégé et, avec sa mort, il avait perdu plus qu'une mère. Jacen était également quelqu'un de proche pour lui, le seul petit bonhomme perdu au milieu de toutes ces filles. Je me rendais compte en le voyant à quel point la disparition de nos parents pèseraient sur notre famille et les derniers mots de ma mère me revinrent en mémoire. Alors les larmes cédèrent au sourire. Avec douceur, je prenais le petit dans mes bras et, avec tendresse, je lui soufflais enfin les mots que son cœur attendait. Que le mien attendait également.
« Je suis là et je vous protégerais.»
Je pleurais en me réveillant. Cela faisait longtemps que je n'avais pas fait ce rêve. Que je n'avais pas repensé à tout cela. Presque deux ans. Peut être plus. Je ne m'en souvenais plus vraiment aujourd'hui. Peut être que leur présence me manquait. Quatre ans loin d'eux. Quatre longues années … Le temps était passé depuis tellement longtemps. Et pourtant, je n'ai jamais pu oublier tout cela. Jamais. Toutes les sensations, les sentiments, rien n'avait changé.
Je devais tenir ma promesse. Il était temps d'agir. |
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