Elle l'avait fait boire au raz du petit ruisseau qui depuis peu s'était gelé et avait poursuivi son chemin vers le sud. Elle retournait à Arano, simplement. Sans encombre ni souvenir s'y reliant. Durant son voyage, elle avait longuement débattu quant à sa réelle destination : son village natal ou la capitale en soit? Si l'endroit ou elle devait être était déjà bien clair, celui ou elle désirait réellement se rendre, lui, n'avait pas cette chance. Depuis peu s'étendait à l'horizon les portes de la ville et se multipliaient les passants, ceux qu'elle croisait et qui la regardaient fumer sa Kiseru avec envie. Ceux qui mourraient parfois de faims et les autres se laissant porter par plus d'un cheval. Des carrosses dorés et des rideaux rouges, tous arborant cette salamandre qui un jour était reine dans son petit monde. Mais plus maintenant. Seul maître restait l'absence qu'il avait laissé à sa mort. Seul maître restait son objectif : se rendre à Arano. Discuter avec ce Kitajima. Kaoru de son prénom, si sa mémoire était juste. Une brise effleura sa peau couleur de lait et ses cheveux détachés s'y débattirent. Quel agréable climat que celui dans lequel elle avait grandit. Le printemps s'annonçait et, avec lui, les projets de grandeur. La bride de son cheval entre les doigts et les yeux rivés sur les portes de cette ville, plus petite que dans les résidus de souvenirs qui lui en restait, un soupire s'échappa d'entre ses lèvres.

Ces souvenirs ou son père l'emmenait à la capitale, à quelque heures de cheval, pour aller lire. Oui, simplement. Lire des livres à la bibliothèque, lire des livres sur tout et n'importe quoi. Sur l'herboristerie qui fascinait la gamine souriante qu'elle était, ou simplement sur les comptes de fées qui s'étaient entêtés à hanter son existence jusqu'à ses quinze ans. Lire plein de choses, tout plein. Recharger son esprit d'histoires saugrenues et de recettes délicieuse pour un mois tout entier. À de rares occasions, maman les accompagnaient et chevauchaient à leur côté, sur sa jument à la selle beaucoup plus confortable que celle de son père. Ils plaisanteraient, mangerait un repas en cours de route et cueillerait des fleurs qui pousseraient sur ce même chemin.

Ce même chemin qui la menait aujourd'hui devant Arano, la cité du clan de la Salamandre, le capitale du sud d'Oyashima. Éternelle négative qu'elle était, elle ne pu s'empêcher de lancer un regard agacé au canasson paresseux qui se refusait à avancer au moment ou elle le chevauchait. Comme si il avait mal aux jambes. Un simple fer à cheval brisé avait-il réellement un tel impact sur ce destrier? Monstre! Aux muscles saillants et aux ruminements faisant trembler les montagnes! Si il avait décidé de faire ce pourquoi elle l'avait gardé en sa compagnie, elle serait depuis déjà longtemps dans l'enceinte de cette ville, à discuter autour de tabac frais et de thé chaud en compagnie de ce mystérieux Kitajima.

D'ailleurs, que lui avait-on dit, à son sujet? On lui avait d'abord dit qu'il faisait de l'argent. Beaucoup plus qu'un salon de thé ne devrait en apporter. On lui à ensuite dit qu'il pourrait peut-être l'aider, si ce qu'elle cherchait se trouvait dans le domaine de l'inégalité.

On lui à dit que Kitajima travaillait dans la contrebande, d'une certaine façon.

Et ce fût assez pour la voir quitter Koubai vers le sud pour le rencontrer. Tout commençait avec cet individu dont elle ne connaissait absolument rien sinon le nom de son commerce : les ailes enchantées. Ça lui était amplement suffisant.

Mais elle ne passa jamais le portail. Affaires étaient un peu plus loin, à l'orée de la ville, là ou la place ne manquait pas. Pourquoi? Le genre d'affaires que faisaient Kitajima demandait-il tant d'espace? D'après ce qu'elle avait entendu, non. Pas pour son travail officiel, du moins. Prenait-il autant d'espace qu'un...

… salon de thé?

Il ne lui fallut pas plus de cinq minutes pour s'y rendre, attacher son cheval à l'extérieur et y entrer, voyant à sa grande surprise... Un jeune garçon. Kaoru Kitajima était loin d'être comme elle l'avait imaginé...

Ce bâtiment n'était certainement pas un salon de thé!

«Kitajima Kaoru, je présume?»

La journée n'avait pas très bien commencé. Non seulement il s'était levé avec un mal de crâne pas possible, mais en plus, il devait à l'heure actuelle écouler la tonne de papier pour les animaux nouvellement arrivés. Il s'était d'ailleurs levé tôt. Une heure d'entraînement pas très intensif, mais un entraînement quand même. Et puis préparation du petit déjeuner pour Ame et lui. Préparation des rations pour les animaux. D'abord nourrir les pensionnaires et enfin se nourrir soit. Et puis il était arrivé devant la porte du bureau, en ouvrant la porte, il avait vu la tonne de papier sur son bureau et son mal de crâne qui semblait s'être calmé avait repris de plus belle. Il voyait sa sœur dehors en train de travailler avec les oiseaux. Récemment, elle avait ramener celui qu'elle aurait du vendre à une personne dans la cité des glaces. Et lui ? Il en avait ramené un sur deux. Le félin était revenu avec lui. Plus compliqué à dresser, moins docile que l'oiseau, l'homme n'avait pas voulu le prendre prétextant qu'il n'était pas sur que l'animal se ferait chez lui.

Des excuses, encore des excuses. Heureusement que les pensionnaires partaient aussi vite qu'ils rentraient, sinon ce serait rapidement la galère et l'anarchie dans leur lieu. Le jeune jinmen regarda par la fenêtre, les chevaux qui étaient rentrés récemment avait reçu de tels dégâts qu'il se demandait encore aujourd'hui si cela allait s'arranger. Le début n'avait pas été facile, prendre contact avec eux s'avérait très très complexe, bien plus que ce qu'il n'avait pensé au départ. Le dresseur reporta son attention sur les papiers devant lui et commença alors à signer, à ranger et vérifier. L'argent qu'ils avaient mit avec Ame de côté s'était avéré largement suffisante et avec ce qu'il rentrait, il leur en restait encore en cas de besoin. Jamais il n'aurait pensé que leur notoriété soit aussi grande et que le magasin ait tant de succès. Non seulement on venait de tout Oyashima pour leur service, mais le continent faisait lui aussi de même en demandant leur concours. Cela ravissait le jeune homme en quelques sorte, par contre, il regrettait de ne plus avoir énormément de temps pour eux.

Ces derniers temps, s'était tout juste si le jeune jinmen avait la chance d'apercevoir sa sœur tant il y avait de chose à faire. Il avait l'impression d'être trop loin d'elle par moment et de ne pas pouvoir prendre soin d'elle correctement comme il se l'était promis. Avec un soupir, il aperçu la fin de la pile de papier et un sourire apparut sur son visage, il allait enfin arrivé au bout de cette journée maudite. Une fois la pile de papier terminé, le dresseur se tourna vers le comptoir ou il regarda le carnet de commande. Certains animaux était déjà prêt pour ceux qui l'avait demandé, mais d'autre n'était pas tout à fait au point. Il y avait un peu de boulot. Il était prêt à sortir lorsqu'il vit une jeune femme arrêter un cheval devant la devanture. Même si la bête semblait brave, elle semblait aussi bien épuisé comme si elle avait courut un certains moment sans jamais s'arrêter. La jeune femme s'avança dans la boutique, le regardant étrangement et finalement demanda... Son père.

Était-elle à ce point perdu pour confondre une boutique d'animaux avec un salon de thé ? Le jeune jinmen n'en savait fichtre rien, mais pour le coup, elle s'était trompé de chemin et le fait que sa monture n'était pas en forme ne l'aidait pas réellement à apprécier la jeune femme. Il la regarda, avec toute l'intensité de ses yeux noirs et puis prit la parole à son tour.

« Pas vraiment non. Je suis Jun Kitajima, Kaoru est mon père. De plus, vous auriez dû le remarquer. Ici, ce n'est pas une maison de thé, mais une boutique d'animaux. »

Il s'arrêta un instant.

« Si vous voulez voir Kaoru, vous devez repartir dans le sens inverse et juste après la porte tourner à droite et continuer tout droit. Vous y serez dans dix minutes si votre monture arrive à vous suivre. »

Il y avait dans la fin de sa phrase quelque chose d'étrange. Ce n'était pas réellement un avertissement, mais ce n'était pas une remarque agréable non plus.