[FH] Vie de famille [Fauve]

Il faisait bon ce matin-là, L'hiver touchait à sa fin et déjà, la chaleur printanière se faisait ressentir. Oh, la différence n'était pas flagrante, le temps restant généralement frais à Silmarie. De plus, les brumes étaient toujours capables de glacer un homme jusqu'aux os. Au moins ne neigeait-il plus et les températures étaient plus agréables que celles des mois précédents. Le vent froid soufflait fort au-dehors , au point d'en faire grincer bruyamment les volets. À l'intérieur, le feu crépitait dans l'âtre. Il y faisait bon, ni trop chaud, ni trop froid, et une douce odeur emplissait la bâtisse. Il était presque midi et une marmite de soupe mijotait sur le feu, d'où l'odeur.
Kayla était assise à table, occupée à repriser tant bien que mal des vêtements. Une de ses robes, s'il ne se trompait pas. Habituellement, c'était lui qui se chargeait de faire la couture mais cette fois, la petite fille avait insisté pour le faire, fière d'avoir appris à coudre et désireuse de montrer son savoir-faire. Son père se pencha par-dessus son épaule, curieux de voir comment elle s'en sortait. Le travail n'était certes pas parfait mais demeurait toutefois très correct. Il dût la déconcentrer, car elle se planta l'aiguille dans le pouce au même instant, ce qui lui arracha un petit cri, autant de surprise que de douleur.

« Papa... ! » bougonna-t-elle, l'air faussement mécontente.

Un sourire étira les lèvres du Cydiens tandis qu'il ébouriffa la chevelure rousse de sa fille. Une goutte de sang perla du doigt de cette dernière mais il n'y avait aucune inquiétude à avoir, quelques secondes passèrent et déjà, cela ne saignait plus. Ashrand prit la robe dans ses mains et inspecta la façon dont la petite l'avait arrangée. Il était satisfait mais pointa tout de même l'endroit où cela lui
semblait être le moins réussi.

« Essaie de rapprocher tes points, ici, et ce sera parfait. »

« Merci. » souffla-t-elle en gonflant les joues.

Elle n'aimait pas qu'on l'aide autant, préférant de loin tout faire elle-même – comme beaucoup d'enfants, en fait. L'homme n'avait pas dit cela dans le but de la démoraliser, loin de là, il avait simplement souhaité l'aider afin qu'elle-même puisse être fière du résultat. Kayla était la digne fille de sa mère sur bien des points, de bons comme de mauvais. L'éducation que lui avait donné Kiera se sentait dans son comportement : calme, obéissante et futée étaient très des mots la décrivant le mieux. Ashrand n'avait pas l'occasion de la voir souvent, pas autant qu'il le voudrait du moins, car si l'Amazone la lui amenait régulièrement, il était évident qu'elle passait beaucoup plus de temps avec sa mère. C'était logique, en soi. Elle y avait toutes ses connaissances et sous la tutelle des femmes de Muria, elle bénéficierait d'une rigueur et d'une certaine sécurité, suffisamment pour rassurer le Cydien. Il ne s'en plaignait donc pas et profitait au contraire des moments où Kayla était à la maison pour savourer le temps passé avec elle. Père et fille s'aimaient énormément et de ce fait, la situation lui convenait tout à fait.
Il fit de nouveau le tour de la table pour revenir vers le feu. L'odeur de légumes lui donnait terriblement faim et il n'en pouvait plus d'attendre que la soupe soit prête. Il souleva le couvercle et huma profondément, son ventre gargouillant tant il avait hâte de se mettre à table. Gourmand, lui ? À peine !

« Va réveiller ta sœur, s'il te plaît. »

Elle délaissa ses travaux de couture, descendit de sa chaise et prit la direction des escaliers dont elle grimpa les marches quatre à quatre.

« Et pour la centième fois, ne cours pas dans les escaliers ! » lui cria-t-il du rez-de-chaussée.

Il avait beau le lui répéter autant de fois qu'il le voulait, elle s'y tenait quelques jours et recommençait. Ce n'était pas trop grave, mais Ashrand s'en serait voulu si elle venait à rater une marche et à chuter. Des hématomes la plupart du temps, mais des os pouvaient facilement se briser et quelquefois, les blessures étaient irréversibles... Elle redescendit peu après, en marchant cette fois.

« Je n'arrive pas à la sortir du lit, je crois qu'elle ne veut pas se lever. »

« J'y vais. » soupira-t-il, « Profites-en pour ranger tes affaires et mettre la table. »

Il monta à son tour jusqu'au premier étage. Sans être trop petites, les chambres n'étaient pas très spacieuses mais au moins, chacune des filles avait la sienne. Ainsi, il se planta devant la porte menant à celle de la seule personne encore endormi à cette heure-ci, sur laquelle il frappa par trois fois.

« Fauve ? Tu comptes dormir jusque demain ? »

Pas de réponse. Il y avait fort à parier qu'elle ne l'avait même pas entendu, elle avait dû mettre du temps avant de trouver le sommeil. L'homme posa une main sur la clinche et la fit tourner avant de pousser le panneau de bois et d'entrer dans la chambre de la demoiselle. Elle dormait à poings fermés, bien que Kayla et Ashrand soient venus plusieurs fois pour la réveiller. Bon, aux grands mots les grands remèdes, pensa-t-il en empoignant les couvertures, qu'il tira subitement en espérant que le froid fasse sortir Fauve de son lit.

« Debout, grosse larve ! Il est déjà midi et le repas est prêt ! »

Il s'assura qu'elle ait ouvert les yeux, un peu confuse d'être happée si violemment hors du monde des rêves. Cela fait, il sortit de la chambre en laissant la porte grande ouverte et redescendit en bas, où Kayla avait déjà mis le couvert. Sans s'attarder davantage, le Cydien se saisit d'une grosse louche en bois et se mit à remplir les bols avant d'aller chercher le pain dans l'armoire. Si Fauve voulait avoir droit à de la soupe encore chaude, elle avait tout intérêt à ne pas trop traîner là-haut.

J'ai toutes les raisons du monde d'aller me coucher, mais je n'en ai pas la moindre envie. Malgré la fatigue effroyable qui m'a gagnée, j'aurais tout le loisir de dormir dans ma tombe. Kayla a fini par trouver le sommeil au cours de l'un de mes récits entraînant sur un combat, totalement imaginaire, à propos d'une énorme bête. De retour dans ma chambre, j'ai fait les cent pas pendant près d'une demi-heure avant de me pencher à ma fenêtre. La rue est vide de passants, quoique, je peux apercevoir quelques habitants se presser de temps en temps. Puis je suis descendue, j'ai croisé mon père dans les escaliers qui m'a gentiment demandé de ne pas me coucher trop tard. Je lui claque un bisou sonore sur la joue en lâchant un "Oui, oui !" presque convaincant. Finalement, c'est dans un fauteuil devant la cheminée que j'ai trouvé refuge. Ramenant mes jambes sous mon menton, j'observe les flammes danser dans le foyer. En fait, ça m'arrive assez souvent. De ne pas savoir quoi faire. Je lâche un profond soupire en relevant la tête vers le plafond.

Il est vrai que quand je ne suis pas dans le sable de l'arène ou dans une salle d'entrainement, voire en train de gambader dans la nature, j'ai tendance à trouver le temps long. Surexcitée comme jamais, je finis par me redresser pour aller faire un petit tour dans la ville. Je ne cherche pas quelque chose ou quelqu'un en particulier, c'est juste histoire de prendre l'air. Emmitouflée dans mon manteau, je glisse mes mains dans mes poches après avoir placé ma capuche sur ma tête. Il n'y a plus tellement de neige et je me prends à me demander quel temps il fait à Storghein. Cette ville ne me manque pas, de toute façon je ne m'en souviens pas. Il fait beaucoup trop froid... J'ai donc fait demi tour pour retourner à la maison, me glissant enfin sous mon duvet.

N'importe qui se serait sans doute réveillé juste en entendant ma petite soeur monter l'escalier. Il faut dire que je m'étais assoupie tellement tard que finalement... Et bien, moi, je ne l'ai pas entendue arriver. Je continue donc de roupiller tranquillement. Sans doute que je me bave dessus... Jusqu'à ce qu'il fasse soudainement très froid dans cette chambre. J'ai a peine entendu mon père me traiter de larve avant qu'il ne redescende. Je ronchonne un peu en m'enroulant sur moi-même avant de finalement me redresser. Je peine grandement à garder les yeux ouverts alors que je tente d'enfiler quelque chose. Avec toute la flegme du monde, je me traîne dans les escaliers, j'ai dû louper une marche à un moment, parce que j'ai dû me redresser souplement une fois en bas. Équilibre précaire. Retrouvant pied, je viens embrasser la joue de Kayla puis de papa avant de me écraser lourdement sur ma chaise en râlant. Je marmonne un bonjour. Et l'odeur de la soupe finit par me tirer quasiment entièrement du brouillard matinal. "Matinal", il est déjà midi.

« J'suis pas une larve, 'pa... » après avoir réalisé, « Bon appétit ? J'ai trop faim, là... »

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