[D-A] Reine amazone cherche Templier (pv Jacen)(fini)

Ce soir là, Philéa s'était rendue compte de beaucoup de choses. La grande reine amazone n'était finalement rien de plus qu'une femme comme les autres mais pire encore, elle pouvait partager les mêmes peurs, les mêmes craintes et angoisses que ses congénères. Ce soir-là, outre le fait d'apprendre qu'elle était enceinte, bien qu'elle s'en soit doutée depuis un moment, la grande reine amazone, toute aussi respectée qu'elle soit par les siennes, était sur le point de se trahir. Toutes ces années passées ici l'avaient endurcie tant et si bien qu'elle avait su laisser ses sentiments de côté même si, quelques années plus tôt, elle avait craqué et que la conséquence en avait été la naissance de Jelenna. Pourtant, malgré l'éloignement, malgré la haine qu'elle lui vouait, il fallait avouer quelque chose de bien pire : elle l'aimait, aujourd'hui comme par le passé, elle n'avait jamais cessé de l'aimer même si d'un certain côté, elle le haïssait de la maintenir ainsi prisonnière.
Ce fut perturbée que la souveraine amazone entra dans sa chambre et toute aussi perturbée qu'elle commença à écrire quelques mots sur le papier posé sur son bureau. La flamme de la bougie éclairant la pièce dansait à côté d'elle, son ombre projetée sur le mur. Les mots coulèrent les uns après les autres comme si la main de la jeune femme était soudain mue d'une vie nouvelle, d'une volonté propre.

Cher Jacen,

Depuis notre dernière rencontre, beaucoup de choses semblent avoir changées. Je t'écris ces quelques lignes dans l'espoir que tu comprendras ce qu'une pauvre femme comme moi peux ressentir en de telles circonstances. Par le passé, tu as toujours été un confident pour moi alors sans doutes espérais-je que tu le serais encore aujourd'hui, ne serait-ce que pour la vie nouvelle qui grandit en moi à présent. Je pense qu'il est temps d'être honnête envers moi-même, même si pour cela je dois reconnaitre que tu avais raison depuis le début. Je m'étais fourvoyée, j'avais tord et sans doutes n'aurais-je jamais du faire ce choix cette nuit-là. Je sais que les mots n'effacent jamais la souffrance, la tristesse ou la rancune mais j'espère toujours que tu comprendras mon geste. Un avenir brillant et prometteur s'offrait à moi comparé à la vie banale et pleine de routine que tu m'offrais. Un avenir dont notre fille, Eléa, pourrait bénéficier, j'ai pensé sans doutes à tord qu'elle serait plus en sécurité à l'abri des murailles de la cité amazone. Je lui ai sacrifié une partie de mon amour pour toi même si je pense que mes propres ambitions n'étaient pas étrangères à ce choix. Je te demande pardon, sans doutes pour la première fois et la dernière. Je l'ai élevée avec amour en lui mentant sur son passé, sur toi, sur l'amour infini que tu pouvais lui porter. Je pense qu'elle me haïra lorsqu'elle l'apprendra.
J'espère également que tu me pardonneras de t'avoir caché la naissance de Jelenna, ta deuxième fille bien que je ne pense pas que tu te souviennes de notre rencontre ce soir-là. Je te l'ai caché dans l'espoir qu'elle laverait mes fautes et qu'elle me permettrait de dire un jour que j'avais eut raison de faire ce choix. Mais tu avais raison, tes filles te ressemblent, chacune à leur façon certes mais elles te ressemblent plus que je ne pouvais le penser. Elle partage l'Esprit, ce don qui m'a toujours amusé chez toi par le passé et me terrifie plus que tout aujourd'hui. Je sais qu'elles en viendront à me détester, me haïr comme j'ai haïs ma mère d'être partie par le passé mais plus que tout, je sais qu'elles viendront à toi, pour comprendre mais aussi parce que tu es le seul à pouvoir leur offrir un avenir stable.

Mon cœur tombe en morceau. Ah elle est bien belle la reine amazone, puissance cachée au cœur de sa forêt, protégée par ses nombreuses alliances mais incapable de pouvoir aimer sa progéniture sans lui mentir, incapable de vivre la vie qu'elle souhaite parce qu'elle a choisi elle-même de la renier. Je suis une femme sans ambitions aujourd'hui, sans craintes de t'avouer tout ça, sans doutes parce que je connais déjà ta réponse à ces quelques lignes et que je sais que les cartes sont déjà jouées. Je refuse de refaire les mêmes erreurs même si je sais également qu'aujourd'hui, celles que j'ai déjà faite me conduiront à ma perte. J'ai peur Jacen, que nos filles me détestent, qu'elles s'éloignent de moi comme je les ai forcé à s'éloigner de toi, à te haïr. J'ai peur parce que cette vie qui grandit en moi, je ne pourrais pas l'élever seule. J'ai besoin de toi, de ta protection comme de notre passé. Cette lettre me parait totalement folle et pourtant les mots glissent sous ma plume. Je t'aime Jacen et ce n'est pas en tant que reine de la puissante cité amazone que je te demande cela mais bien en tant que femme, voudrais-tu encore de moi ?

Philéa.

Lorsqu'elle cessa d'écrire, Philéa ne savait plus vraiment si ce qu'elle avait fait été bien ou non. Elle l'avait fait et avant même de regretter, elle enferma la précieuse lettre dans une enveloppe cacheté qu'elle prendrait soin de confier à Kiera, le moment venu. Pour l'heure, il fallait que son cœur cesse de battre la chamade. Ce dernier pourtant ne semblait pas décider à lui obéir et ce, malgré ses efforts. La jeune femme poussa un long soupir ... elle le détestait autant qu'elle l'aimait et c'était là sa plus grande faiblesse. Nombreux étaient ses ennemis qui s'en sortiraient grandis d'apprendre que Jacen ou ses filles étaient ses points faibles ... et dire qu'elle avait passé ces dernières années à se forger une carapace si solide qu'il avait brisé en une soirée.
Philéa reposa la plume et quitta la pièce, la lettre à la main.

La main tremblante, tenant le papier qu'il relisait pour la troisième fois, il repassa son index sur les mots marqués à l'encre annonçant la surprenante nouvelle. Voilà peut-être le signe divin qu'il avait attendu pendant quinze ans, le lien tissé en toile d'or qui rapprocherait pour toujours ces deux âmes déchirées par le destin. Il avait retrouvé sa femme, puis sa fille, s'en était découverte une deuxième. Et voilà à présent qu'un troisième cœur allait permettre de faire battre celui de toute la famille éclatée à l'unisson.
Car toute cette lettre allait dans cette direction, ce renouveau. La fin des malentendus, la fin de l'attente, la reconstruction sur les cendres. Difficile de décrire ce qu'il ressentait, mais plus grande était la difficulté de prendre des décisions. C'était pourtant sa position dans cet ordre, mais le siège était à présent bien trop inconfortable.

Venir à Muria ne devait pas signifier quitter les Templiers. Pas maintenant, après ce qu'il venait de se passer. Comment pourrait-il promettre un avenir à.... ses enfants.... si les dirigeants s'enfuyaient devant leurs responsabilités? Il y a quelques mois, il aurait pu volontiers laisser Jiven gérer seul le temple encore solide: à présent que ses fondation vacillait après le grand bain de sang, lui retirer un pilier serait comme lui prendre le coeur.
Non, il ne devait pas partir maintenant. Il avait probablement épousé la femme à la position la plus compliquée du continent, recherchée ou condamnée à mort dans plusieurs cités.
Une femme puissante, qui avait su s'entourer des plus puissantes comme la Reine Kriisten ou la Prêtresse Nalween. Elle était loin d'être une frêle femme de pouvoir, elle était l'archétype même de la Reine qu'il fallait contre Erathia aujourd'hui.
Une reine qui a pourtant deux coeurs dans son corps à présent. Jacen ne devait faire courir aucun risque à son aimée, mais aussi à Jelenna et au bébé: il devait protéger Muria de l'extérieur, et commander les Templiers était la meilleure des défenses. Malgré le conflit d'intérêt que cela suscitait.

"Philea."

Commencer par quelque chose de plus personnel risquait de la froisser un peu, et Jacen voulait l'éviter à tout prix.

"La vie nous prend beaucoup mais nous en offre en retour. Ma plus grande fierté est d'être père, et je me réjouie de le vivre une fois de plus avec toi pour le partager. Ce bébé est une bénédiction pour nous, mais je pense-et je gage que tu y as déjà pensé en fine stratège que tu es- qu'il convient de cacher cet état au plus de monde possible. Nos filles ou encore ton bras droit, celle qui m'a si gentiement drogué, semble des personnes idéales pour t'aider dans ce secret.
La guerre est à nos portes, et je ne tiens pas que nos ennemis se servent de ton état comme d'une faiblesse pour nous atteindre aux vues de nos positions stratégiques dans la politique du continent. Repose-toi bien, je me charge de surveiller la frontière avec mes templiers pour te décharger de ce poids.

Nos filles se portent bien. Eléa est aussi attentive aux règles que tu l'étais, et elle est déjà repartie avec Jelenna dans le sud avec son fiancé et sa confrérie. Mon disciple est avec elles, j'ai en un rapport complet sur leur voyage par Esprit ce matin. J'ai toute confiance en leur retour prochain.

Je te rendrai bientôt visite pour veiller sur ta santé.
Avec toute mon affection,

Jacen".

Philéa saisit le morceau de papier avec autant de précaution que s'il avait contenu sa vie même.
En réalité ... c'était un peu le cas étant donné que cette lettre venait certainement de Tamawa, sinon, pourquoi Kiera elle-même aurait-elle pris la précaution de le lui donner en main propre ? Non, le message était forcément de la main de son époux, il n'y avait pas d'autres explications. La reine amazone prit le papier aussi soigneusement que possible et ferma la porte de son appartement à double tour avant d'en parcourir les lignes. Comme par le passé, Jacen n'était pas très éloquent et, comme par le passé, il avait une écriture difficile à déchiffrer. Il en avait toujours été ainsi, même après toutes ces années et quelque part, cela rassurait Philéa. Certaines choses étaient immuables et ne changeraient jamais dans ce bas monde, ce n'était pas plus mal. Un sourire paisible éclairant ses traits, la souveraine se mit à parcourir l'ensemble de la lettre. Il était évident que le Templier avait tenté de la ménager et comme toujours, même en écrivant, il ne savait pas mentir. C'en était presque amusant mais Philéa s'abstint de rire, les nouvelles n'étaient pas si bonnes que ça.
La dame attendit quelques heures avant de répondre, ne souhaitant pas se hâter pour éviter de répondre trop "méchamment" ou encore plus simplement, pour éviter de répondre des vérités trop mordantes. Lorsqu'elle saisit la plume, elle se demandait encore par quoi elle allait commencer. Les idées vinrent les unes après les autres en relisant mot par mot ce que son époux lui avait écrit.

" Jacen, "

Le ton lui semblait plus froid que dans sa précédente missive mais l'homme semblait tenir à cette disance et sans doutes était-ce mieux ainsi.

" J'ai longtemps réfléchi à la situation nouvelle qui s'offrait à nous aussi ai-je pris la décision - tout comme tu me l'as également suggéré - de cacher mon état à mes soeurs. Il serait fort difficile de leur expliquer comment j'aurais pu tomber enceinte sans qu'aucun Soumis ne soit entré dans ma couche depuis mon arrivée dans la cité. "

Et bien voilà, si Jacen avait eut un jour des doutes sur l'homme avec qui elle partageait ses nuits depuis son départ, maintenant, il n'aurait plus aucun doutes. Philéa n'avait jamais connu d'autre homme que son époux et cette lettre allait encore conforter Jacen dans l'idée que sa femme n'était peut-être pas aussi forte qu'il l'avait pensé. Tant pis, si tel était le prix à payer pour ne plus subir toute cette pression ou encore, plus simplement, pour éviter que sa fille ainée ne file de Muria loin de sa succession et du lourd héritage qui lui incombait. Philéa ne pouvait pas perdre ses filles et, elle s'en était rendue compte depuis peu, ne pouvait pas perdre son Templier alors il fallait bien faire quelques concessions.

" Pour l'heure, seule Kiera est au courant de mon état et me transmet tes missives. Je pense annoncer la nouvelle à Eléa et Jelenna plus tard, lorsqu'elles rentreront à la maison, pour le moment, je pense que notre fille ainée n'est pas encore prête à entendre les quelques nouvelles que j'ai à lui annoncer. Comme tu l'auras deviné, la vérité n'est pas toujours telle qu'on la prétend. Mais tu me vois rassurée d'apprendre qu'elles vont bien. J'espère seulement qu'elles ne tarderont pas à rentrer, au vue de la situation, j'ai tendance à croire que Muria est la cité la plus sure pour elle en ces sombres heures. "

Philéa marqua une pause une fois encore, comme si chacun des mots qu'elle notait sur ce papier lui pesait, lui couter en énergie.

" Pour ce qui est de surveiller mes frontières, je te le déconseille, pour ne pas dire que je te l'interdis. Mes Sentinelles sont les plus fières et les plus efficaces des soldats et même enceinte, je n'hésiterais pas à affronter l'ennemi sur le front à leur côtés. Je serais donc intrensigente sur ce point, Muria n'appartient qu'aux amazones et tes Templiers seront plus utiles pour reconstruire Tamawa. En parlant de cela, j'aimerais que tu me donnes quelques détails sur la bataille. J'espère que Jelenna n'y a pas pris part, ce n'est encore qu'une enfant et je crainds que ce genre d'expérience n'ai des effets néfastes sur cette petite. Je te prierais également de demander à Eléa de me donner de ses nouvelles tout comme je souhaiterais savoir comment se passent tes relations avec elle - je suppose que celles avec Jelenna sont des plus douces la connaissant -.
En ce qui concerne mes filles, j'espère sincérement qu'elles sont entre de bonnes mains puisque le Capitaine Feanaro n'est pas à leur côtés, j'espère que ta petite élève sera se montrer aussi douée voir même plus que maitre Galathil.

J'espère te voir bientôt même s'il me sera de plus en plus difficile de quitter ma cité et toi de même, je suppose en effet que la situation actuelle du Temple nécessite ta présence. Pourtant, il me semble qu'il est nécessaire et urgent que nous puissions discuter de vive voix.
Je me porte bien du reste, ne t'en fais pas pour notre enfant.
Avec toute mon affection,

Philéa. "

La souveraine amazone regrettait déjà sa lettre. Cette dernière était à la fois une accusation et un aveu. Elle n'était pas vraiment fière de l'avoir écrite mais elle n'avait pas non plus envie de la recommencer. Elle se sentait dans un tel état de fatigue qu'elle se doutait que si jamais elle reprenait sa lettre pour en écrire une nouvelle, elle serait pire. Dans son palais, ce qu'il en restait du moins car elle n'avait jamais voulu des palais à l'image de ceux de Kriisten ou de Nalween, Philéa se sentait seule, surtout depuis le départ de ses filles, aussi est-ce sans doutes pour cela qu'elle ajouta :

" J'espère te voir vraiment bientôt. "

Philéa soupira et fit appeler Kiera. Une fois arrivée, elle confia la lettre presque à regrets à son assassin royale et partit se coucher.
Demain était un autre jour et sans doutes regretterait-elle d'avoir confié la missive à l'amazone mais il serait déjà trop tard et elle aurait tout le temps de regretter par la suite.

Les missives de Jacen s'étaient faite plus tardives, comme si son mari avait trop de choses à faire pour la gérer elle aussi. Mais pour autant, Philéa ne lui en tenait pas rigueur, elle savait plus que quiconque ce qu'il incombait aux dirigeants et même si Jacen n'en était pas un, il avait un poste important au sein du Temple et cela d'autant plus depuis la récente bataille. Ce soir-là pourtant, Philéa avait décidé de reprendre la plume et d'écrire une dernière missive pour son époux. La bataille lui avait prouvé que la menace prédite par Nalween n'était pas une blague et ses filles étaient peut-être maintenant en danger. Quant à ses enfants à venir, elle ne tenait pas à les faire vivre dans un monde où ils seraient soumis à qui que ce soit. Sa décision était donc de rallier les deux dernières cités à leur cause, même si elle ne la partageait pas pour les mêmes raisons que la Prêtresse. Ptot Tàh et surtout Cydonia, les grands ennemis de Muria, devait comprendre leur intérêt à survivre à Azael. Ils n'étaient pas aussi idiots qu'ils en avaient l'air n'est-ce-pas ? Philéa saisit la plume l'air résolu et écrivit.

" Jacen,

Je sais que ton temps est précieux aussi, je ne te tiendrais pas rigueur de ton absence de missives. Toutefois, je tiens à te faire part de ma décision de me rendre à Cydonia pour rallier Clari à notre cause puis à Ptot Tàh pour rallier Tutnesi. La guerre approche et je ne tiens pas à ce que mes filles vivent dans un monde soumis à un fou. J'irais sous peu à Cydonia, en espérant que tu me feras l'honneur de ta présence.
Prends bien soin de Jelenna et d'Eléa. "

Philéa reposa la plume. Elle n'était pas mécontente de la tournure de sa demande et savait d'avance que le templier accepterait. De toute façon, il l'aimait trop, elle et les petits qu'elle portait, pour la laisser tomber dans un moment pareil, à moins que ce ne soit plutôt sa crainte de voir sa femme découper Anatoli Clari en rondelles qui ne le pousse à agir, quoi qu'il en soit, elle connaissait déjà sa réponse. La jeune femme enceinte confia la lettre à sa Chef des Sentinelles sans un mot.
Elle n'avait plus qu'à attendre la date de rendez-vous que fixerai Jacen. Qui vivra verra comme disait le dicton.

[ Désengagés : Jacen, Philéa ]

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