[DH] eau miraculeuse (terminé)

[ Ceci est un flashback qui se passe en été. ]

D'aussi loin que je me souvienne, j'ai toujours aimé le contact avec les gens, les enfants surtout, et les animaux. Peut-être même préférais-je le contact avec les animaux que celui avec les gens. Les premiers peuvent se dresser et avoir une confiance infinie en vous, les seconds finiront forcément par vous trahir un jour. J'ignorais pourquoi j'avais cette peur de la trahison mais au moins n'existait-elle pas chez les êtres vivants tels que les animaux. L'été venait à peine de pointer le bout de son nez et pourtant, les températures avaient déjà grimpées, laissant bien loin derrière elles les fraicheurs du printemps. Lorsque cette histoire a commencé, il devait être à peu près midi, l'heure à laquelle je m'étais levée ce matin-là. Le réveil avait été délicat, l'esprit encore embrumé, j'avais rapidement attrapé de quoi me mettre sur le dos et j'avais aussitôt disparu de la circulation, à comprendre, de la maison, pour me rendre à l'écurie. Lune m'y attendait et comme chaque matin depuis une semaine maintenant, je prenais un malin plaisir à le brosser, à lui récurer les sabots et lui tresser la crinière pendant qu'il mangeait ou profitait tout simplement de l'instant. J'étais sure que si il avait été un chat, l'étalon aurait ronronné tout le temps que durait ce petit exercice.

En début d'après-midi, je décidais d'une petite balade à cheval. L'équidé n'avait pas l'air vraiment décidé mais quelques caresses suffirent à la convaincre et il finit par consentir à supporter quelques heures scelle et harnais. Je choisissais la plus belle de celle que j'avais à disposition pour lui faire plaisir. Je savais l'animal capricieux et pire que tout, hargneux et colérique, si je pouvais lui faire plaisir par quelques petites attentions, ce n'était pas plus mal. Une fois scellé, je le lançais au trot pour sortir de la cité et dès que les portes furent assez loin et que la campagne nous ouvrit ses portes, je le laissais aller au galop. J'avais toujours aimé la sensation de l'air vous fouettant le visage et de la vitesse qui avait tendance à me griser. J'aimais ces moments simples, loin des intrigues politiques de mon père, de la folie de son bras droit de Soren et pour finir, de la litanie de la vie d'une élémentaire telle que moi, condamnée à soigner les gens faute d'être estimée à ma juste valeur dans la manipulation de l'eau. Certes je n'étais pas la plus douée mais j'étais loin d'être la plus mauvaise seulement, je le savais très bien et j'en jouais, j'avais un caractère terrible et un nom très lourd à porter. Quand les gens comprendraient-ils enfin que le nom de Clari ne valait rien s'il n'était pas élu ?

Deux heures s'étaient écoulées depuis que j'avais quitté la cité en quête d'un peu de liberté. Lune étant fatigué, nous nous étions arrêté dans un champs et je profitais du soleil, allongée à même le sol. Le temps était doux, tellement agréable, et l'animal me faisait l'ombre juste suffisante pour que je ne ressente pas trop la chaleur environnante. C'était parfait pour un petit somme.
Ce furent ses cris qui me réveillèrent. Des miaulements plaintifs et de plus en plus faible venaient d'un endroit non loin de là. Je me levais, curieuse de voir quelle était la boule de poils qui pouvait pousser des cris aussi terribles. Sans doutes s'étaient-elles prises au piège quelque part et quémandait-elle de l'aide. Un petit soin et elle serait sur pattes ! Mais lorsque je cherchais du regard la créature qui poussait ces cris, mes yeux ne croisèrent qu'un petit groupe d'enfant qui jouait avec une balle. Je finis par croire que j'avais rêvé lorsqu'une nouvelle fois, j'entendis les cris plaintifs et agonisant. Le cri provenait de la direction des enfants. Intriguée, je les observais avec un peu plus d'attention et c'est à cet instant que je compris, horrifiée, avec quoi ces enfants étaient en train de jouer. Enfourchant en vitesse Lune qui hennit de mécontentement, je le lançais au galop en direction de la scène. Il me fallut à peine une minute pour traverser la distance qui me séparait d'eux mais peut-être que cette minute serait fatale à la survie de la petite chose !
Arrivée sur place, alors que j'avais apeuré certains des enfants qui s'enfuyaient déjà, d'autres me regardaient l'air méchant, comme si je venais de mettre fin à leur plus grand jeu depuis des mois. Mon regard croisa celui du meneur qui avait la boule de poils à ses pieds. Je le fusillais du regard, descendant du cheval.

C'était bien un chaton que j'avais entendu et s'il était encore en vie après ce qu'il venait de subir, ce serait une chance ...

" Donne-le moi. " ordonnais-je d'un ton qui n'admettait pas la réplique.

L'un des gamins prit peur et recula d'un pas tandis que le meneur poussa la chose violemment. Celle-ci émit un cri qui m'horrifia tant il était déchirant et me rassura tout à la fois parce que justement, elle était encore en mesure de pousser un cri, ce qui voulait dire qu'il était vivant. Mais le comportement du gamin était ... monstrueux, ce sourire sur ses lèvres ...

" Qui t'es pour nous donner des ordres toi ? " me demanda-t-il avec méchanceté.

" Celle qui va te botter le derrière si tu n'obéis pas. N'as-tu jamais appris le respect des ainés ? "

Le gamin cracha par terre mais avant même qu'il ne puisse esquisser le moindre mouvement vers la pauvre petite chose qui luttait pour rester en vie, j'avais agi. Avec le temps, la transformation animale ne me prenait guère plus de temps qu'il n'en fallait pour le dire. Penser que je me changeais en quelque chose suffisait pour le faire. Une louve de belle taille accueilli son geste et transperça de ses crocs sa chair juvénile au niveau de la jambe. Le gamin, surprit, n'eut le temps que de fuir. Un autre tenta de m'attaquer mais je le mordais sans remords. Il n'en fallut pas plus pour faire déguerpir le reste de la troupe.
Heureusement que c'était l'été, car sans ça, j'aurais attrapé froid en sous-vêtements au milieu de la campagne cydienne. Sans parler de la tête qu'aurait fait mon père s'il avait vu cela ! Une chance que j'ai fait peur à ces gamins, personne ne viendrait avant un moment et j'aurais tout le temps d'attendre la nuit pour rentrer sans que personne ne me voit sur le dos couleur de nuit de Lune. C'était parfait. Ne restait plus qu'à m'occuper du chaton qui agonisait ... Au loin, le cri des gamins que j'avais blessé s'estompait. Ils ne me connaissaient pas, cela ne retentirait pas sur la réputation de mon père et quand bien même, je l'aurais refait sans hésiter. J'étais soigneuse certes mais pour autant, je ne supportais pas la maltraitance.

C'était pire que ça, c'était de la sauvagerie. Je n'osais même pas toucher la petite bête de peur de l'achever.
Un examen rapide de son cas m'apprit qu'il avait au moins deux côtes fêlées et une totalement brisée en petits morceaux. Un rein avait explosé sous l'impact des coups et une de ses pattes était brisée. Étais-je seulement capable de sauver cette petite chose qui respirait à présent avec difficulté ? Le temps était compté désormais.

Posant mes mains sur la petite chose, je me concentrais autant qu'il m'était possible de le faire. Lune, attiré par l'odeur du sang comme par ce que je faisais, s'était posé non loin de moi, semblant observer mon tour de main. Si seulement je pouvais avoir autant confiance en moi que ce cheval semblait me faire lui-même confiance ! Sans doutes ce chaton serait-il déjà sauvé ! Je n'étais pas le meilleur médecin, bien loin de là mais le transporter dans cet état était exclu ! Il me fallut dix bonnes minutes pour réparer la patte mal en point et près d'une heure pour réparer les côtés fêlées. C'était un miracle que le petit être soit encore vivant. Mais quelque chose me disait qu'il n'allait pas survivre bien longtemps ...
Restaient la côte brisée pour ne pas dire explosée en mille morceaux et le rein qui n'en était plus un. J'avais beau sentir ce qui clochait, je ne comprenais pas comment faire pour aider la petite chose qui agonisait. J'avais beau essayé de réparer les dégâts, rien n'y faisait et je sentais la vie quitter la petite bestiole sans que rien n'y fasse. Pendant plusieurs minutes qui me parurent des heures, je tentais encore et encore. Tout ce que je savais, tout ce que j'avais lu mais rien n'y faisait. A présent, je pleurais de rage, de ce sentiment d'impuissance qui m'empêchait de sauver un être vivant de la cruauté des hommes.

Ce fut à un instant tragique que je me souvenais d'un livre que j'avais feuilleté quelques semaines auparavant. Il s'agissait d'une technique de soin alliant la terre et le soin. Je ne maitrisais pas la terre, mais l'eau était mon élément et si l'un fonctionnait, pourquoi pas le mien .? Dans mes souvenirs, le soigneur entourait de glaise le corps de la victime et le soignait ensuite en imaginant recoller les morceaux. Je me souvenais de l'explication donnée à la lettre.
Fermant les yeux, je croisais intérieurement les doigts pour que cela marche. Me concentrant du mieux que je pouvais en ces circonstances, laissant de côté ma frustration de ne pas pouvoir le sauver ainsi que ma colère envers les gamins comme envers moi-même, je cherchais le lien qui m'unissait à l'eau. Une fois le lien trouvé, je me concentrait un peu plus. Mes mains posées sur le corps tremblant du félin, je l'entourais d'une fine couche d'eau en évitant la tête bien évidemment. Lorsque ce fut fait, je me concentrais sur les explications données dans le livre et faisait de même. Me représentant mentalement un rein, je m'imaginais en train de créer l'organe, et, comme une tapisserie que l'on tisse, je le sentais naitre sous mes doigts. Il ne fallait surtout pas que je perde le lien fil sinon, c'était perdu d'avance. Combien de temps me fallut-il pour parvenir à mes fins ? Des heures sans doutes car la nuit était déjà tombée. Le rein était là, refait à neuf, c'était le principal.

Ne restait que la côte, que j'avais volontairement laissée de côté pour m'occuper de l'organe vital. Exténuée, je m'obligeais à retrouver le lien et à reprendre ma tapisserie, imaginant cette fois-ci la côte en question. Ce ne fut qu'à mon réveil le lendemain matin que je pus constater que la petite chose était sauvée. J'avais réussi ce que j'avais pensé impossible en lisant ce fichu manuscrit ! En parlant de la boule de poils d'ailleurs, elle dormait blottie contre moi. Je crois que par la même occasion, je m'étais fait un nouveau copain ...

" Tu es sauvé maintenant ... " murmurais-je satisfaite, encore sous le choc d'avoir réussi un tel exploit.

Maintenant, il était temps de rentrer.
Mais visiblement, je ne rentrerais pas seule car le petit chaton trottait derrière moi tandis que je me dirigeais vers Lune qui dans la nuit s'était déplacé pour paitre. Souriant, je prenais la petite boule de feu entre les mains.

" Au moins, je me sentirais moins seule quand je devrais expliquer à mon père pourquoi je me suis baladée en sous-vêtements en ville. "

[ Désengagée ]

[ Validé par le Staff. ]

Félicitations au passage, c'était vraiment agréable ^^

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