Deux heures du matin. L’heure de dormir pour les personnes normales. Dans la forêt, pas un bruit, ou plutôt pas d’autres bruits que ce frémissement continuel des arbres, crissement de feuilles, cris d’animaux effarouchés et malheureuses victimes de la chasses des prédateurs nocturnes, chant de l’eau et des grenouilles… Comme toutes les nuits depuis la nuit des temps.

Près du lac, une silhouette encapuchonnée regagnait la grotte qui lui servait d’abris. En y entrant elle baissa sa capuche et l’on pu voir en sortir une masse de cheveux blancs, d’où dépassais deux oreilles pointues. Coralynn, puisque c’était elle, regagnait son logis après avoir passé une partie de la nuit à regarder les étoiles sur un promontoire rocheux à quelques distance de là. Cela n’avait pas suffit à l’apaiser ; les astres célestes étaient incapables de chasser les souvenirs qui la hantaient et lui rongeaient l’esprit. Encore et encore, elle repensait au carnage de la Bataille de Tamawa, à ces centaines de vie soufflées en une seule nuit, à cette odeur de brulé qui donnais à ce qu’elle mangeait un gout de cendre, à cette armée démoniaque, au retour d’Erathia, et aussi à la confrontation de la petite Jelenna avec la mort. Ces images l’empêchaient de dormir. Comme toutes les nuits depuis cette nuit sanglante.

Dans une anfractuosité de la roche, elle prit sa cithare et, assise sur le sol, laissa courir ses doigts sur les cordes. C’était une des dernières choses qui l’apaisait un moment : cette musique lente et doucement improvisée. Elle se laissait doucement portée. Et le sommeil vint. Un sommeil de plomb, plus d’épuisement que réparateur. Un sommeil peuplé de cauchemars. Comme toutes les nuits depuis cette nuit cauchemardesque.

***

Six heures du matin. Les chants des oiseaux célèbrent le retour du soleil dans le ciel. Quelques biches et cerf sont venus boire à l’eau du lac. Dans la grotte, l’elfe est toujours endormie. Son corps en sueur s’agite, prononçant des paroles incompréhensibles, en proie à un cauchemar plus tourmenteur que les autres…

« NAAAAAANN !!!! »

Le hurlement avait résonné tel un coup de feu dans le calme du matin. Les oiseaux s’envolèrent, le gibier effarouché détala.

Dans la grotte, Coralynn, repliée en position fœtal, se tenait la tête entre les mains, tentant de reprendre contrôle de ses esprits. Des larmes amères coulaient le long de ses joues, reflet de sa colère d’être impuissante face à ces images.
La crise passé, elle se traina jusqu’au lac et s’aspergea le visage d’eau pour se réveiller. Le miroir aquatique lui renvoya l’image d’une elfe amaigrie, au teint encore plus pâle que d’habitude, les yeux rouges et gonflés à force de pleurer, le visage marqué de cernes violets profond. Elle s’en détourna avec tristesse. Chaque jour, c’était pire.

Ces souvenirs allaient finir par la rendre folle.

[HRP : Voila m’sieur, je pense qu’un hurlement de si bon matin est un bon prétexte. Bon courage pour le déménagement. ]

Au moment où elle senti les deux bras puissants se poser sur elle et la retourner aussi facilement que si elle avait été un vulgaire paquet, elle se cru perdue et voulu hurler à nouveau.

Puis elle vit le visage de cet homme éperdu, elle entendit le nom qu’il cria dans ses oreilles et réalisa alors que c’était lui qui était perdu, ou du moins son esprit l’était. Que dire ? Que faire ? Elle n’était pas celle qu’il cherchait. Elle en était désolée. La douleur d’un autre faisait toujours aussi mal à voir. L’humanité n’était-elle donc faite que pour souffrir ? Elle allait finir par le croire.

Cependant, aussi vite qu’il l’avait saisie, il l’avait relâchée. L’elfe s’était alors relevé pour l’observer. Il semblait terriblement dépité, déçu qu’elle ne soit pas celle qu’il cherchait. Elle ne savait que faire pour l’aider ou au moins l’apaiser. Étrangement, il lui semblait qu’ils avaient en commun quelque chose mais elle ne savait trop quoi. Dans son regard peut être… Le sentiment qu’il luttait comme elle contre quelque chose qui le dépassait. En tout cas ce qu’il dit la toucha profondément.

Pour l’éternité.

« J’espère que non. » répondit-elle d’une voix triste. « Ce serait trop long. »

Puis elle ajouta en détournant les yeux : « Je n’en aurais pas la force… »

Et c’était vrai. Si ce tourbillon de souvenirs ne cessait pas sa ronde folle en son esprit, elle envisageait par moment de mettre fin à toute cette vie, de manière définitive. Même si la lâcheté de l’action évoquée la dégoutait au plus profond d’elle même, elle n’envisageait pas pour autant assister à la victoire des fragments de passés tourmenteurs sur son esprit qui faiblissait. L’homme en revanche devait avoir dépassé le stade des sombres pensées de l’elfe pour parler ainsi. Coralynn l’admira pour ça.

« Vous par contre, vous devez être fort. » Comprenant qu’il lui fallait développer son idée, elle poursuivit les yeux dans le vague. « Je veux dire… Si vous arrivez à vivre éternellement avec ce qui vous tourmente. »

Détournant à nouveau le regard elle ajouta, d’une voix à peine audible « Je vous envie… »

Un bien pour un mal ; un mal pour un bien. Il n’y à rien à dire. Cruel est le destin.

La souffrance d’une personne est dure à concevoir, mais voir lutter cet homme, cela redonne espoir. Tout n’est pas perdu. Il y a de la lumière au fond du couloire.

Mais trop tournée sur ses soucis, pas encore remise des cauchemars de la nuit, elle ne sait quoi répondre aux mots de l’homme ici. Alors elle se tait. Un peu confuse, un peu gênée… Et réfléchis à la question posée.

Où mène la souffrance ? Sur les chemins du mal, de la tristesse, du froid, du manque de confiance, du dégout, de la peur, parfois de la violence. Il est facile de s’y perdre. Que répondre à cela ? Quel sentier a-t-elle choisis de prendre ? Vers où la porte ses pas ? La réponse est complexe. Se cacher, fuir, pleurer. Revivre encore et encore les mêmes souvenirs, ces souffrances, ces blessures… Et ces centaines de morts qui tombent les uns après les autres comme un château de carte, balayé par un vent sombre et teinté d’écarlate. Le mal est parmi nous. Elle se terre, priant pour qu’il la laisse, pour qu’il ne l’emmène pas au fond de son gouffre…
Mais les souvenirs restent. Terribles tourmenteurs qui chaque jour la molestent. Elle ne veut plus les voir. Ils la rendront folle. C’est pour ça qu’elle s’isole. Mais les cauchemars s’accrochent, ils ne veulent pas la laisser vivre, la poursuivant jusqu’en ses songes, épuisants, crevants, brisants… Elle souffre.

Mais résumer cela est pour elle impossible. Pas à cet homme là, qu’elle vient de rencontrer. Lui faire confiance déjà serait bien trop risqué. Mais ne pas répondre serait être insensible. Il va falloir faire un compromis, tout au moins pour ne pas être impolie.

Ses yeux se baissent alors qu’elle reprend la parole :
« Moi je fuis. Je ne sais trop où cela me mènera, au fond de moi, je sais que c’est lâche, mais je n’ai pas la force de lutter. »

La force. On y revenait toujours. Ce qui faisait qu’un Homme se battrait tandis qu’un autre s’enfuirait. Elle était mise face à l’évidence. Elle était faible, trop utopique, trop artistique, dans son monde à elle où rien ne tranchait, où la souffrance et le mal n’étaient que des personnages distants, dont les hauts faits déprimants n’étaient que des histoires factices qu’on raconterait aux enfants pour les éloigner des vices. Stupide Elfe idéaliste.
Et cruel Destin puisqu’il lui a brisé ces illusions futiles qui la protégeait. Le monde vole en morceau, Coralynn flotte au milieu, partant à la dérive, vers l’infini et d’autres cieux. Comment se reconstruire ? Face à ce mal qui s’avère réel, comment faire pour trouver à nouveau la vie « belle » ? Retrouver l’étincelle qui faisait d’elle une fleur, volant au gré du vent, semant ses dons de conteur. Tourner la page pour en écrire une nouvelle ? Bien difficile à faire pour notre demoiselle. Qui pleure.

« Que croyez vous que sont les larmes ? »

Une phrase comme ça, sans raison apparente. Sortie dans ce contexte, elle est déstabilisante. La grotte ce matin se transforme en salon de philosophe. Mais l’Autre sera-t-il d’humeur ?

Elle ravale sa tristesse et reprend avant qu’il ne continue.

« Je suis impolie pardon. Peut-être désirez-vous quelque chose ? »
Au fond de sa grotte elle part chercher un sac qu’elle ramène rapidement, et s’approchant de l’âtre, elle s’active à l’allumer.
« Du thé du café, une tisane peut être ? Que voulez-vous … » Elle relève la tête « Comment faut-il que je vous nomme ? »

[J'ai l'autorisation de manipuler Soren dans le post, afin de pouvoir clôturer plus vite]

Elle grava ces paroles au fond de sa mémoire. Il avait de belles pensées ce princeps, ce celles qu'on peut retenir et méditer, qui vous reviennent en tête quand vous vous y attendez le moins. Elles étaient somme tout simple et assez logique ces phrases, mais pour la conteuse qui depuis plusieurs mois remâchait sans cesse ses idées noires, elles étaient source de lumière. L'espoir, peut-être, refaisait surface.

"Vous avez de belles paroles, Princeps, malheureusement non, je ne pourrais pas vous en remercier avec quelque chose de plus "fort" comme vous dites. Sachant la vie en solitaire qui m'attendait, j'ai préféré ne rien emporter de ce genre. Noyer ses soucis dans l'alcool n'est jamais bon, et il y a suffisamment de dangers ici pour qu'on ait pas à s'en rajouter de supplémentaires."

Bien que depuis sa rencontre avec l'étrange homme-loup taciturne, elle savait sa caverne surveillée, et songeait avec justesse que pour elle ne savait quelle obscure raison, elle avait acquis à sa cause un nouveau protecteur, et se sentait bien plus en sécurité.

Bref, puisqu'il n'y avais pas de choix, ce serait eaux chaude et herbes sèches pour tout le monde et elle s'affaira à tout préparer.

Ils discutèrent encore de choses et d'autres, se racontant leur passé, ce pourquoi ils étaient arrivé là, la bataille de Tamawa pour Coralynn, une reconnaissance avec son armée pour Soren, se réconfortant à coup de bonnes paroles du mieux qu'il pouvait. Étrange comme deux humains qui n'avaient à priori rien en commun étaient capable de s'échanger de tels propos. Coralynn appréciait ce premier vrai contact humain depuis des lustres, et elle espérait bien que Soren passait lui aussi un moment agréable. Elle le trouvait presque détendu, parfois, brièvement, avant que ses sombres pensées l'assaille de nouveau.

Et pendant ce temps l'astre solaire gravissait lentement le ciel sans nuage, seul reflet du temps qui passait.
Temps qui était d'ailleurs un peu dépassé pour le princeps, qi se leva soudain, rappelant qu'il devait retourner auprès de ses hommes. Remerciant l'elfe pour son hospitalité, il s'éloigna un peu avant de faire volte face :

" Dites Dame Coralynn, vous ne voulez vraiment pas partir maintenant ? J'aurais des scrupules à vous laisser ici..."

La conteuse jeta un regard autour d'elle. Qu'avait-elle d'important ici ? Son luth ? Une sacoche? Des provisions et quelques peaux de bêtes ? En quelques instants elle aurait empaqueté le plus important...

" Pourquoi pas. " Répondit-elle en souriant, "Vous voulez bien m'aider à tenir ça ?" Et oui, tant qu'a faire, autant rentabiliser cette présence masculine pour transporter les plus affaires les plus encombrantes, à savoir les peaux.

Et c'est ainsi que Coralynn quitta sa grotte et repris sa vie publique, le moral toujours un peu vacillant, mais le cœur un peu plus vaillant. Et c'est à deux et en discutant qu'ils prirent le chemin du campement de l'armée.

Les observant silencieusement tout les deux, Lizzie ne disait rien, mais n'en pensait pas moins. Un loup les suivait depuis tout à l'heure, elle l'avait repéré, mais se refusait à prévenir Soren une pointe de jalousie peut-être ? Wolf pouvait marcher tranquille.

Coralynn marcha avec le Princeps et son armée jusqu'à ce qu'ils croisent une route assez importante. C'est là que leur chemin se séparèrent, avec la promesse de se revoir un jour si l'occasion se présentait. Coralynn rentrait au pays, là tempête en son cœur quelque peu assagit, et derrière elle, toujours la pistant, le loup était devenu renard, et elle marchait en chantant.


[Désengagés]

[Merci pour ce RP, même si je n'ai pas posté aussi régulièrement qu'il fallait, j'y ait pris beaucoup de plaisir =) ]