Dans sa dernière lettre, la reine amazone avait précisé à son époux qu'elle comptait se rendre à Cydonia mais finalement, elle n'en était plus si sure. Enceinte depuis maintenant six mois ou peu sans faute, elle risquait gros en se rendant dans sa cité natale, même si au fond, elle savait que c'était nécessaire. Il fallait que la dame se décide à agir quand personne ne voulait prendre les rênes de la situation. C'était dans sa nature et elle ne pouvait le renier. La situation était délicate désormais, sa fille ainée refusait de lui parler pour les mensonges dont elle l'avait entouré pendant des années en tentant de la protéger, sa cadette était entre les mains d'un malade qui pensait que son sacrifice le ramènerait à la vie, même si dans tous les cas, Philéa comptait bien lui faire la peau pour avoir mis la main sur sa précieuse Jelenna et pour finir le tout, elle était enceinte de jumeaux qui allaient naitre, si elle ne faisait rien, dans un monde de chaos. Si Philéa avait beaucoup de défauts, elle était tout de même une bonne mère et c'était là sa plus grande qualité. Elle ne tenait pas à perdre sa précieuse cadette et ne tenait pas non plus à offrir un monde semé d'embuches à sa progéniture. Les choses devaient changer, le temps des querelles devait faire place à celui de la paix, aussi fugace soit-elle. Il était venu le temps de la réconciliation, au moins en ce qui concernait la bataille à venir car désormais, tous avait un avenir commun. Soit ils combattaient ensemble, soit ils mourraient les uns après les autres pour leur erreurs passées.
La Dame avait réfléchi de longues nuits avant d'en venir à cette décision. Il fallait qu'elle parle à Anatoli Clari au plus vite. La situation l'exigeait car sinon, toutes les cités d'Azthia finiraient comme Tamawa, détruite, misérable et sans avenir. Les races seraient au mieux asservies à ce dieu fou au pire, décimées et elle ne tenait pas à vivre ces situations. Il fallait donc qu'elle parte à la rencontre de son plus grand ennemi, de celui qui depuis des années les traquait pour les décimer, elles qui avaient trahis en partant vivre en autarcie dans la forêt amazone. Elles qui traquaient et tuaient les hommes qui tentaient de les débusquer.

Ce matin-là, Philéa se leva pour la première fois effrayée. Et si elle ne revenait pas ? Si Anatoli la retenait prisonnière ? Qu'adviendrait-il de sa précieuse cité ? De ses fidèles amazones ? Elle avait réfléchi à toutes les perspectives et savait qu'il n'était pas dans l'intérêt du Cydien de la capturer, pas encore du moins, pas tant qu'il ne connaitrait pas l'emplacement de la cité mais tout de même, le risque existait. La souveraine quitta sa chambre et s'en alla retrouver Kiera. La Chef des Sentinelles était la seule qui connaissait suffisamment sa situation pour comprendre les risques qu'elle prenait. Kiera était sa gardienne mais également le tombeau de ses secrets. Elle appela la jeune femme qui ne tarda pas à venir à sa rencontre, ombre parmi les ombres. Philéa lui fit signe de la suivre et lorsqu'elle fut sure d'être seule en sa compagnie et que personne ne les écoute, elle prit la parole doucement, sa voix pourtant ferme :

" Kiera, tu es une Chef des Sentinelles fidèle, la plus fidèle de mes amazones sans doutes et c'est pour cela que si je ne reviens pas, je te confie la mission suivante. La cité ne peut tomber en désuétude, aussi, je te demande de trouver Eléa quoi qu'il arrive. Cependant, je ne souhaite pas qu'elle devienne reine, pas tout de suite du moins, aussi, je compte sur toi pour l'aider, pour la guider et pour protéger à ses côtés la cité jusqu'à ce qu'elle soit prête à monter sur le trône. "

Devant le visage perplexe de son garde du corps, Philéa ne put que sourire pour la rassurer, bien qu'elle même aurait eut besoin d'en être convaincue, en ajoutant :

" Ne t'en fais pas, cela n'arriva pas, je reviendrais. Mais n'oublie pas pour autant ce que je viens de te dire. "

Sur ce, la dame s'en alla sans rien dire. Maintenant qu'elle avait pris sa décision, rien ne la ferait changer d'avis. Elle était du genre têtue certes, mais savait aussi faire preuve d'un esprit de sacrifice sans égal lorsque la situation l'exigeait. Pour le bien de sa cité, elle devait prendre le risque de ne pas revenir. Et puis, à bien y réfléchir, Muria avait noué tellement d'alliance que Storghein et Silmarie seraient obligées de venir à son aide si jamais les choses tournaient mal, ce qui rassura la souveraine.
Sans plus attendre, elle fila s'habiller. Une robe rose pâle, cintrée suffisamment pour qu'on ne voit pas qu'elle était enceinte, même si de toute façon, elle n'avait pas pris grand chose comme poids pour le moment et quelques bracelets dont son favori, le bracelet en forme de serpent qui remontait le long de son bras gauche jusqu'à son épaule. Elle se coiffa rapidement mais avec classe. Elle opta pour un chignon élaborée ceinturé par une "ficelle" en or. Elle saisit enfin son fouet, seule arme qu'elle s'autorisait pour rendre visite aux Cydiens. Ceci fait, elle se dirigea vers les écuries. Philéa n'était pas du genre à vouloir faire prendre le moindre risque à ses amazones aussi avait-elle décidé de voyager seule. Elle prit Roxanne, sa fidèle jument, et se dirigea vers Tamawa au pas. C'est qu'il ne fallait pas faire une fausse couche au passage !


Que le temps lui avait paru long. D'ordinaire, le voyage paraissait passer tout seul mais lorsqu'on fait le trajet au pas, forcément, les choses semblent passer au ralenti et pire, cela laisse le temps au doute de s'installer, aux questions, de vous pourrir le moral et pour finir, cela laisse tout le temps à votre humeur de se dégrader. Déjà que les femmes enceintes sont sujettes aux sautes d'humeur, je vous laisse imaginer ce que cela donne lorsqu'en plus, vous êtes irritée à la base !
Philéa laissa aux soins des palefreniers du Temple Roxanne avant de s'épousseter. C'est que la petite dame n'aimait pas se sentir sale et surtout, souhaitait être présentable. Elle avait également pensé que Jacen serait là pour l'accueillir mais il fallait croire que comme d'habitude, monsieur avait oublié l'essentiel. De mauvaise humeur et fatiguée par la route qu'elle avait cru interminable, la reine amazone se dirigea, manteau sur le dos et capuche blanche sur la tête, en direction des appartements de son mari.

En chemin, elle ne put que constater les dégâts encore marqués de la cité neutre. Jamais plus Tamawa ne ressemblerait à ce qu'elle avait été et quelque part, Philéa en fut choquée et attristée. S'il y avait bien une cité qu'elle avait apprécié dans son enfance, c'était celle-là, pour sa beauté et le havre de paix qu'elle constituait, l'avoir attaqué était un symbole fort pour la dame. Elle ravala sa colère, laissant place à la mélancolie et continua sa route en pensant que peut-être, si les choses allaient en s'arrangeant, il faudrait qu'elle envoie ses Sentinelles pour aider à la reconstruction de la cité. Une autre pensée l'assaillit également en voyant les trous béants laissés ça et là dans les murailles du Temple comme dans les rues de la cité. Jelenna et Eléa avaient assisté à cela, elles avaient participé à la bataille et cela effrayait maintenant Philéa en voyant les dégâts. Eléa avait su gérer de main de maitre la situation d'après Jacen mais finalement, Philéa se demandait si cela était une bonne chose. La guerre ne cesserait donc jamais ?
Philéa chassa cette pensée de sa tête. Elle était ici dans un but unique : chercher son Templier de mari et aller ensemble demander l'aide de Clari dans cette bataille grandeur nature. Ni plus ni moins. Alors qu'elle était perdu dans ses pensées, son chemin croisa celui de Jiven, qui visiblement parlait à une jeune femme aux cheveux blonds. Asora d'après ce qu'elle comprenait et ce nom ne lui était pas étranger. La dame attendit que la jeune femme et le vieux maitre aient fini de parler pour s'avancer. Dans un premier temps, elle avait eut envie de leur rire au nez, de s'exclamer haut et fort qu'elle ne comprenait pas comment ce Temple tenait encore debout en se permettant de ne pas accueillir dignement quelqu'un comme elle mais maintenant, elle n'avait plus le coeur à rire. Elle n'avait pas non plus envie de les accabler. Elle enleva la capuche de sur sa tête avant d'ajouter, devant le regard étonné de Jiven :

" Bonjour Jiven. Vous me voyez désolée de venir en de si tristes circonstances, mais il me faut voir Jacen. Sans doutes vous a-t-il confié mon désir d'aller à Cydonia et la situation comme vous le savez exige sa présence. Je vous en serez également reconnaissante si, à notre retour, nous pouvions avoir une discussion, le temps a passé depuis la dernière fois que je vous ai vu. Et j'aimerais également m'entretenir avec vous jeune Asora mais pour l'heure, si vous vouliez bien me conduire à mon époux. "

La jeune femme avait insisté sur ce dernier point histoire de leur prouver qu'elle n'était pas venue en traitre. Asora s'exécuta après un bref signe de tête en direction de Jiven mais ne décrocha pas un mot à Philéa. Jacen avait du lui conter l'histoire de leur vie à moins que ce ne soit Eléa, quoi qu'il en soit, il n'était pas besoin d'être Templier pour savoir que la demoiselle ne la portait pas dans son cœur. Philéa s'abstint de commentaire, elle était lasse de tout ça. La Templière l'abandonna devant la porte des appartements de Jacen et Philéa ne posa pas plus de question. Elle frappa faiblement une fois à la porte avant d'entrer, exténuée par le voyage. Jacen était devant la fenêtre, visiblement pensif. La jeune femme n'y tenant plus, elle alla s'assoir sur la chaise du bureau pour se reposer avant d'ajouter, d'une voix qu'elle voulait moqueuse mais qui en réalité, marquait sa fatigue :

" Alors ... on ne vient même pas chercher sa femme ? Quel manque de politesse de ta part. "

Mais au fond, Philéa n'avait pas envie de rire, le pourquoi du comment elle se trouvait dans cette pièce, et officiellement de surcroit, ne prêtait pas au rire. Elle calma sa respiration une minute avant d'ajouter :

" Jacen, m'accompagnes-tu toujours ou penses-tu que cela est pure folie ? "

Au fond, toute grande reine qu'elle était, elle avait besoin d'être rassurée comme une enfant.

[ J'ai préféré poster ici en sachant que l'action première se passe à Tamawa pour éviter d'ouvrir deux topics. Jacen est le suivant à poster et nous on précisera quand on arrive à Cydonia ^^ ]

Jacen n'aimait pas les surprises comme les retards, et il fallait avouer que sa femme sur ce dernier point ne le décevait jamais. Et malgré tout, il eut la bonne surprise de la voir arriver de la manière la plus humble possible. L'imaginer passer par la grande porte en plein jour alors que sa dernière visite s'était déroulée furtivement en pleine nuit lui dessina un petit sourire. En espérant que cette entrée ne fut pas trop remarquée cependant, le Templier cherchant à ne pas attirer l'attention sur eux en ce moment. Surtout avec leur "petit secret".
Assuré que personne n'était avec eux dans la pièce, Jacen put s'asseoir sur le lit face à sa femme.

"J'aurai pu en effet t'éviter de gravir ces étages qui ont dû t'exténuer, mais je dois t'avouer que je ne pensais pas que tu arriverais si tôt. Il n'était pas si utile que tu t'épuises autant. Comment allez-vous tous les deux ?"

Le futur père s'approcha doucement de sa femme et dirigea sa main vers son ventre. Ne ressentant pas d'animosité, il la posa.

"Difficile de croire que cela fait déjà six mois en te voyant si fine, mais tu as toujours été ainsi il me semble -déjà pour Eléa."

Tendant son Esprit vers le foetus, Jacen sonda la santé de son enfant. Seulement, Philea lui réservait encore une surprise capable de le laisser sans voix malgré toutes ces années: il ne ressentait non pas un écho à son Esprit, mais distinctement bien deux. Deux petites présences qui vibraient en duo, impatiente de sortir découvrir le monde.

"Philea, je tiendrai toujours ma promesse envers toi: je protégerai ma famille, même si cela implique de rentrer à Cydonia avec toi. Et c'est cette promesse qui me pousse à te demander d'attendre demain avant de partir et de te reposer. Je pense que tu me l'aurais déjà dis si tu le savais.... Tu attends deux jumeaux."

Avoir fait autant de marche, monter autant d'étages avec deux enfants dans le ventre tenait de l'exploit olympique, et Jacen ne tenait absolument pas à risquer la vie de sa femme ou de ses enfants à naître. C'était dur, très dur, car chaque minutes passées à attendre rapprochaient sa petite Jelenna de la mort, sans compter qu'Eléa n'était vraiment pas bien depuis cet événement. Il avait toute confiance en Jiven pour redresser sa fille et calmer ses envies de meurtres, mais la meilleure manière de tous les protéger restait de retrouver la petite princesse le plus vite possible.

"Même si je ne l'ai pas encore bien découverte, Jelenna est ma fille. J'irai m'allier aux zélotes s'il le faut pour la libérer. Mais nous devons aussi protéger nos autres enfants. Nous partirons demain à l'aube ma chérie."

Juste le temps de demander à Asora de préparer une calèche et ils seraient prêts.


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Deux jours plus tard, après avoir fait un arrêt d'une après-midi à Varath pour que Jacen puisse être rassuré sur la santé de sa femme, ils passèrent les portes de Cydonia. Décidément, la femme la plus recherchée d'Azthia n'avait pas un visage connu... Azael pourrait se présenter en personne qu'on le laisserait passer en somme!
La cité était rentrée dans l'automne de plein pied: il commençait à faire frais, les arbres changeaient de couleurs et les dernières vendanges étaient passées. Il serait de bon temps que Jacen visite ses parents, mais il doutait que Philea soit du même avis... De même que pour son beau-père.
Avancer jusqu'au forum n'était pas le chemin de croix habituel de l'été, mais déjà beaucoup de monde était à l'extérieur pour faire son marché ou se préparer à l'hiver. A cette heure, beaucoup de citoyens devaient être aux thermes à parler politique, relation ou menace érathienne. Espérons juste qu'Anatoli soit encore présent pour parler de ce dernier point.
Anatoli Clari était une personne spéciale dans la vie de Jacen: déjà Consul lorsque Philea monta sur le trône, il prit en main le rétablissement de Jacen après sa blessure. Un geste simple qu'on ne peut oublier.

"Tiens, il est mignon ce chat!"

Quand Philea était enceinte, elle devenait vraiment sensible à cause de ses hormones... La voilà admirant un petit chat se promenant devant les gardes du forum, alors que le moment fatidique approchait!
C'était un effet un très beau chat. Enfin, une très belle chatte.... Car sa transformation en humaine quelques secondes plus tard lui prouva que c'était une jeune fille!

"Hein et puis quoi encore? Et moi est-ce-que je te mate?"

Il était amusant de voir à quel point Jacen avait toujours été fidèle. Non pas envers la reine amazone en tant que personne, même si elle savait que c'était le cas, mais fidèle à lui-même, à son caractère, à sa vision des choses et des gens. Il n'avait pas changé malgré les années et quelque part, cela rassurait Philéa parce que elle, avait changé. Elle était devenue plus sure d'elle, plus forte aussi psychologiquement comme physiquement, elle avait su prouver sa valeur au monde entier, elle qui avait toujours souffert de ne pas être reconnue. Ainsi, Philéa était-elle devenue à la fois l'une des femmes les plus craintes d'Azthia et l'une des plus recherchées. C'était ce second point qui la perturbait car après tout, qu'est-ce-qui lui garantissait que Clari n'allait pas l'enfermer une fois à Cydonia ? Sans elle, que se passerait-il à Muria ? La cité amazone sombrerait surement dans le chaos et ce n'était pas le moment, pas maintenant. C'était en cela qu'elle remercia le ciel d'avoir mis Jacen sur sa route car quoi qu'elle dise, quoi qu'elle fasse, il l'aimerait toujours. Il lui serait toujours fidèle et son éternelle compassion, son éternelle douceur envers elle suffirait à effacer ses doutes. Quels qu'ils soient.
Elle observa son époux tout en se massant les temps, fatiguée qu'elle était par le voyage. Ce voyage avait été ... long, très long, trop long. Il ne fallait pas autant de temps d'ordinaire mais étant donné qu'elle n'était plus seule désormais, elle se devait de faire attention à sa personne et à l'enfant qu'elle portait. Ainsi, elle avait forcé sa jument si fougueuse d'ordinaire à marcher au pas. Et l'animal tout comme elle-même n'avait pas apprécié la balade. Roxanne allait surement lui en vouloir d'avoir fait ce chemin-là aussi lentement mais tant pis, au moins, leur enfant ne risquait rien. Mais quand même, bon dieu qu'il avait été long ce voyage et qu'elle avait envie de s'en plaindre ! Mais Jacen la prit de court avec sa question. C'était vraiment rassurant d'être en sa présence, de sentir qu'on était à ce point important aux yeux de quelqu'un avait quelque chose de réconfortant, de stabilisateur. Philéa s'en réjouit au fond d'elle sans rien en montrer en surface, elle était après tout bien trop fière pour avouer ce sentiment : elle avait besoin de ce Templier et en avait sans doutes toujours eut besoin, c'était peut-être ça le pire à avouer pour la dame. Quoi qu'il en soit, à cet instant, elle hésita à répondre, tant l'inquiétude dans la voix de Jacen lui donnait envie de jouer encore de ce trait de caractère chez son mari. Il l'aimait, elle le savait, mais surtout, il la couvait et c'était fort agréable. Elle se força tout de même à répondre, ne cherchant nullement à jouer de la situation même si c'était tentant.

" Je vais bien, ne t'en fais pas et je pense que lui aussi. J'ai fait tout ce chemin au pas pour éviter des malheurs. Et il me semble que tu as oublié comment j'étais pour Eléa ... on aurait dit une barrique ! "

Mince, voilà qu'elle se mettait à râler, ce n'était pas inhabituel certes chez elle mais elle n'en avait pas l'intention. Pas tout de suite et de toute façon là encore, Jacen ne lui laissa pas l'occasion de poursuivre sur ce chemin-là. L'homme s'approcha de la reine amazone. N'importe quel autre homme se serait prit une gifle, au mieux, s'il avait tenté ce que Jacen s'apprêtait à faire mais pour autant ce ne fut pas le cas de ce dernier. Il posa sa main sur le ventre de l'amazone qui se laissa faire. Elle faillit avoir un mouvement de recul, offusquée qu'elle était de voir le Templier hésiter à agir de la sorte, comme n'importe quel père. Elle était vexée qu'il puisse croire qu'elle allait le repousser mais en même temps, elle comprenait qu'il hésite à être doux et attentionné envers elle ... après tout ce qu'elle avait pu lui faire ... Elle sourit comme pour l'encourager.
Philéa n'était pas du genre à aimer les surprises, elle aimait les choses bien faites, prévues à l'avance et carré. Manque de chance cette fois encore, ce ne serait pas le cas. Elle pensait être enceinte d'un enfant et voilà que Jacen lui en annonçait deux ... il se moquait d'elle ? Ce n'était pas vraiment drôle ! Elle allait réagir lorsqu'elle remarqua qu'il n'avait pas l'air de la taquiner, loin de là, il était tout ce qu'il y avait de plus sérieux !

Elle soupira.
Un enfant était déjà mal vu, surtout à Muria où elle était censée ne plus avoir d'homme dans sa vie. Mais plus loin que ça, un enfant dans ces conditions, alors qu'une guerre se profilait, c'était vraiment ... inconscient ! Alors deux ... c'était du suicide. Elle soupira à nouveau, se demandant pourquoi le sort s'acharnait sur elle ainsi. Eléa ne lui pardonnerait jamais, surtout si c'étaient réellement des jumeaux et elle faisait suffisamment confiance au Templier pour être certaine qu'il ne se trompe pas. Là était tout le problème.

" Des jumeaux ... " osa-t-elle enfin souffler.

A cet instant lui revint en mémoire la naissance d'Eléa et, plus tard et dans le plus grand secret ou presque, celle de Jelenna. Elle revit leur bouille adorable lui sourire. Rapidement, elle se remémora la première fois qu'Eléa avait rencontré une rapière, manqua de se tuer avec, la première fois que la petite avait dit un mot "papa". Puis Jelenna, qui ne cessait de courir derrière son ainée ou qui ne cessait de réclamer de l'attention là où Eléa n'en avait cure. Elle se rappela à quel point il était agréable d'être mère, parce que les enfants sont les seuls êtres au monde purs et innocents, qui vous aime sans limites.

" Et bien, nous verrons, il faudra que je réfléchisse aux prénoms dans ce cas ! " précisa-t-elle, amusée.

Philéa se laissa convaincre par son époux de rester au Temple jusqu'au lendemain. Elle était fatiguée, enceinte et peut encline à voyager, il fallait bien l'avouer. Une nuit de sommeil lui ferait le plus grand bien, d'autant plus que pour la première fois, elle doutait réellement de ce qu'elle devait faire. Elle ne savait pas si elle avait fait le bon choix, même si Jacen semblait croire que oui. Sauver Jelenna était une priorité, ensuite, elle veillerait sur Eléa mais de là à aller voir Anatoli Clari en personne ... l'homme qui le recherchait plus que tout autre ...

Philéa fit des rêves étranges cette nuit-là.


Le soleil se levait à peine lorsque Jacen décida qu'il était temps de partir. Il avait préparé une calèche pour la plus grande horreur de Philéa qui ne manqua pas de lui dire sa façon de penser. Elle insista pour que Roxanne soit attelée à la calèche, ainsi, si l'envie lui en prenait, elle pourrait toujours la monter. Philéa s'habilla rapidement pour ne pas retarder le départ qui déjà lui semblait bien tardif à la base vis à vis du temps qu'elle avait prévu de passer en dehors de sa cité. Certes elle avait donné des instructions précises mais quand même, une cité sans son dirigeant restait fragile et aux portes de l'anarchie, même si elle ne doutait pas de ses amazones et de leur volonté de vivre libre et donc, de la nécessité de garder Muria sur pied, intacte.
Elle enfila une robe couleur pêche cerclée de noir au niveau de ventre, qui cachait les quelques traces visibles de sa grossesse avant d'enfiler ensuite son fidèle bracelet en forme de serpent et en or et pour finir, son tout aussi fidèle fouet à épines. Elle saisit son manteau blanc pour le mettre sur ses épaules, la capuche sur la tête, et ... elle monta dans la calèche.

Le mouvement perpétuel de la calèche lui donna la nausée pendant toute la durée du voyage bien qu'elle tenta de rester digne. Et ce voyage dura longtemps en plus ! Dire qu'il ne fallait que quelques jours pour faire l'aller retour d'habitude ... quelle plaie d'être enceinte en de si triste circonstances. Elle profita de son mal-être pour se caler contre Jacen et dormir une grande partie du voyage, espérant le voir passer plus vite.

Les portes de la cité de Cydonia se dressèrent devant nous.
La reine devint alors nostalgique. Elle avait passé pas mal de temps ici, toute son enfance même pour ainsi dire et revoir cette cité qu'elle avait quitté depuis maintenant bien des années ne lui donnait envie que d'une chose : partir au plus vite. Tant de souvenirs heureux certes mais tant de déceptions aussi. Elle avait peur quelque part de se laisser submerger par ses souvenirs et surtout par les bons souvenirs qu'elle avait ici avec sa famille. Vite, elle chassa cette idée de son esprit avant que Jacen ne puisse l'intercepter et se concentra sur le pourquoi de sa venue ici. Déjà, passer les portes et les gardes. De ce côté là ... pas de problèmes ! A croire que Azael lui même pouvait entrer dans la cité sans qu'on y prenne garde. Quelque part, c'était vexant pour la Dame mais au final, ce n'était pas plus mal. Maintenant, ne restait plus qu'à entrer dans le forum politique et mieux encore, avoir accès à Anatoli.

Sur le chemin, alors qu'ils étaient à pied, Philéa commença à exposer son plan à Jacen qui, bien sur, ne semblait pas d'accord. L'idée que sa femme puisse s'énerver et mettre en danger leur enfant à naitre ne lui plaisait pas vraiment mais Philéa était une mère, et si elle aimait déjà ces deux petites vies qui poussaient dans son ventre, elle aimait par dessus tout sa petite Jelenna. Elle allait obliger Anatoli à se plier à ses envies, c'était son but, peu importe comment. Elle réfléchirait plus tard aux conséquences non ? Jacen semblait pourtant avoir raison mais elle n'arrivait pas à le croire. A vouloir l'entendre.
Elle commença à perdre patience.

" C'est moi qui parlerait un point c'est tout ! " s'emporta-t-elle finalement.

Elle avança d'un pas décidé, bien décidée qu'elle était à ne plus entendre le Templier qui tentait de la raisonner. Elle allait entrer dans le forum lorsqu'un chat attira son attention. Ah la joie des hormones pendant la grossesse, elle ne put s'empêcher de dire, toute colère envolée :

" Tiens, il est mignon ce chat ! "

Honteuse de sa réaction à bien y réfléchir, elle le fut d'autant plus lorsque le chat en question, qui était en réalité une chatte, se mua en humaine et lui répondit d'une façon ... comment dire, peu orthodoxe.

Je regardais la scène d'un œil amusé. Décidément, j'avais bien fait de paresser devant le forum politique car si père avait décidé de ne pas me voir, voilà qu'il semblait désormais bien niais face à la situation. Qu'allait-il faire face à cette reine ayant eu l'audace de le défier jusque dans son propre bureau ? Je regardais la scène, me demandant comment il réagirait face à cette situation quelque peu inattendue. Ainsi, j'avais vu passer dans les premières secondes de notre entrée dans la pièce une certaine colère dans les yeux de mon père. C'était amusant, après tout, il avait précisé qu'il ne voulait pas me voir de la matinée ou de la journée peu importe et voilà que ...
La première réaction de mon père fut ensuite plus clairement la colère, elle perlait dans ses yeux telle une fièvre doucereuse. Mais étrangement, cela ne me fit pas plaisir, comme si quelque chose au fond clochait. Mon père était triste plus que colérique. Il semblait se demander, et je commençais à comprendre que c'était à juste titre, pourquoi Jacen avait amené cette femme ici et pourquoi j'avais cautionné cela. Je connaissais rapidement l'histoire du Templier pour savoir qu'elle ressemblait à celle d'Anatoli et quelque part, une idée commençait à s'insinuer en moi. Celle que j'avais permis à mon père de faire remonter en lui de mauvais souvenirs, cette simple idée calma mon envie de voir mon père en colère. Je venais de comprendre que j'avais peut-être fait une erreur mais cette éternelle curiosité chez moi faisait également en sorte que je veuille voir la suite. Et elle promettait d'être intéressante.

Certes je n'avais plus envie de voir mon père énervé mais au moins avais-je envie d'entendre ce que la Dame avait à dire. Quelque chose me soufflait que si elle était venue jusque dans la cité où elle était la plus recherchée, c'était surement pour une bonne raison. J'avais hâte de savoir laquelle et je n'étais visiblement pas la seule dans ce cas. Anatoli Clari était un homme politique de grande envergure et c'était sans doutes la première fois que j'en prenais pleinement conscience ... dire que c'était mon père ! Ce dernier se leva, contournant son bureau. Un instant, je craignais qu'il ne me fasse une réflexion ou pire, qu'il ne me gifle pour l'affront que je venais de lui faire mais il n'en fit rien.
Il se contenta d'agresser avec toute la politesse dont il était capable en l'instant la jeune femme, lui demandant ce qu'elle faisait et c'était ... excitant ! Comment allait-elle s'en sortir ? J'éprouvais de la sympathie pour cette jeune et j'admirais encore une fois son courage même si au fond, j'en étais consciente, je savais que sa vision n'aidait en rien mon père à se calmer. Il lui rappelait surement trop la trahison de ma propre mère. Visiblement, la conversation allait s'engager et Anatoli ne faisait plus attention à moi, du moins suffisamment plus attention à moi pour que je puisse disparaitre en silence tout en suivant la scène avec avidité bien sur ! Père était passé devant moi et me tournait le dos, il était donc temps que j'en profite. Discrètement, je passais derrière le bureau en silence et pour finir, alors que la dame prenait la parole, coupant visiblement son ... mari ? en pleine action, je m'asseyais sur le meuble qui se trouvait derrière le bureau, une espèce d'armoire en bois, et là, j'entamais ma transformation. J'aurais pu opter pour un petit louveteau mais j'aurais fait surement tâche dans le paysage aussi, je me décidais à opter pour la souris et pour finir, je me cachais derrière je ne sais quoi à la forme indéterminée. Allez, la discussion pouvait commencer, j'étais prête.

Et elle promettait ...

[ Edit Eléa : l'ordre de passage est le suivant, à savoir Thémis, Philéa, Jacen et le MJ ]

[S'il y a des choses qui ne vont pas, dites le moi. Il est tard et j'ai du mal. Désolée. =/]

Thémis semble croire que je n'ai pas remarqué son manège. Pourtant si. Malgré la surprise d'avoir en face de moi la Reine Amazone, ma fille reste toujours présente dans un petit coin de ma tête. Je ne le montre peut être pas assez et c'est pour cela qu'elle arrive à penser que j'oublie sa présence une fois que quelque chose d'important se produit. Qu'importe. Elle peut rester si tel est son bon vouloir. Elle s'intéresse au droit, très bien. Je vais lui faire goûter à la politique et aux relations entre les cités. Je suis peut être un mauvais père, mais je veux lui montrer que je suis capable d'être bon dans un autre domaine. Inspirant doucement, je fais semblant de n'avoir rien vu. Il n'y a, maintenant, dans ce bureau, que Jacen et Philéa et personne d'autre.
Se rendent-ils compte à quel point ils me font mal, tous les deux. Le templier qui protège sa bien aimé traitresse. Et elle, avec son petit ventre rond... Ça me glace. Pourtant, je ne devrais pas m'attacher à ce genre détails. Leur vie et la mienne ne sont pas comparables. Sans compter que ce n'est pas le sujet.

La réponse de Philéa ne tarde pas à venir. Elle à du cran, je me dois de l'avouer. Elle ne se repose absolument pas sur Jacen. Elle est là en tant que Reine et veut le montrer. Je ne peux que saluer bien bas un tel comportement et une telle détermination. La suite de son discours, par contre, me laisse sans voix. Je me reprends rapidement, cependant, prenant un air grave qui se traduit par un froncement de sourcils.
Elle veut créer une alliance entre Cydonia et Muria ? Est-elle folle ? N'avait elle pas choisit, jadis, de fuir la cité ? La situation est-elle si grave pour que cette femme vienne réclamer ainsi quelque chose d'aussi improbable. Je devrais refuser sur le champ et l'emprisonner, mais quelque chose m'empêche d'agir de la sorte. Le bon sens, peut être. En faisant ainsi, je risque de provoquer une guerre et Cydinia n'a vraiment pas besoin de ça.

Jacen me parle de parenté. Je ne comprends pas vraiment où il veut en venir. Essaye-t-il de dire que mes filles sont en danger ? Non, ça ne doit pas être ça ou plutôt, ce n'est qu'une partie. Je contourne le bureau pour retourner à ma place et me donner ainsi un petit de temps de répit, pour réfléchir et digérer ce qu'on vient de me dire. Je les invite à s'asseoir d'un geste de la main, puis prends place à mon tour.

« Je comprends, Jacen. Cependant, je ne puis vous donner ma réponse tout de suite. Comprenez ma position. Je dois agir en premier lieu pour le bien de mon peuple. Et pour l'instant, je ne vois pas le bien que peut m'apporter cette alliance. »

Je me tourne vers Philéa, grave.

« Vous débarquez ainsi chez moi et me faites une proposition insensée sans me faire part des raisons qui la motivent. Comment suis-je sensé réagir ? Hocher joyeusement la tête et accepter sur le champ ? Vous, Reine Philéa, avez déjà trahit une fois notre cité. Qu'est-ce qui me prouve qu'il n'y aura pas de seconde ? »

Une pointe de colère transperce ma voix, mais du fait de la situation, je trouve que je reste relativement calme. J'ai peut être tord de réagir comme cela. Qu'importe ! Cydonia mérite qu'on choisisse ses alliés avec soin.

« Vous devez savoir des choses que j'ignore. Je connais les grandes lignes, mais que se passe-t-il réellement sur Azthia. Si la situation le demande, je suis prêt à mettre de côté nos vieilles rancœurs et vous soutenir, mais -sachez le- je ne le ferais que pour préserver la vie de mon peuple. »

Jacen a dit de parler sans artifices et c'est ce que je fais. Je n'aime pas l'hypocrisie de toute façon.

Philéa avait pris place sur ce qui serait la scène d'une bataille.
Non une bataille armée mais une joute verbale. Et dire que le temps lui manquait mais tout aussi cruellement, ce genre de petits jeux verbaux lui avait manqué. Cela faisait maintenant un certain temps que Kriisten, la reine des glaces, avait disparue et de tous les chefs de cité, elle ne s'entendait qu'avec elle. Nalween était une ombre parmi les fantômes, Tutnesi était un sale esclavagiste, et qu'Anatoli ... est Anatoli. Leur différent lui avait presque manqué mais pourtant aujourd'hui, c'était bel et bien pour lui demander alliance qu'elle était venue. Il fallait qu'elle use de tous ses charmes, de tous ses atouts car l'enjeu était trop important. Au delà du sort de sa cadette, qui restait sa primauté, dépendait le sort d'Azthia tout entier. La reine amazone l'avait très bien compris, sans l'alliance entre les cités, il leur serait impossible de vaincre le dieu des fous. Muria était déjà l'alliée des Astorgs depuis des années et l'absence de l'Oblat n'y changeait absolument rien. L'alliance avec Silmarie était assurée par le mariage futur de sa fille ainée avec le Capitaine de la cité elfique quant à Ptot Tàh, elle savait qu'elle plierait en voyant que tous les autres avaient rallié la cause amazone. Quant à Tamawa ... la cité devait une fière chandelle à Eléa et de toute façon, elle savait que Jacen la suivrait. Non, Tutnesi n'aurait pas le choix et c'était bien pour cela qu'elle avait choisi de venir à Cydonia en premier lieu.
La dame écouta parler son époux, ne comprenant pas vraiment pourquoi ce dernier cherchait à attendrir le cœur visiblement fermé depuis belle lurette du politicien qui se tenait à présent en face d'eux. Être parent était une chose, mais la politique en était une autre, on ne mélangeait pas les torchons et les serviettes comme disait le dicton surement elfique. En d'autres termes, cela se voyait que le Templier était habitué aux temps de paix désormais résolus car il était évident qu'il ne connaissait rien à l'art de la politique. Elle ne tiqua pas et ne réagit même pas à ce que disait son époux. Elle était consciente que sa présence aux côtés de Jacen pouvait être perçue par Anatoli comme un affront, elle qui l'avait laissé pour mort des années auparavant. Elle savait également que c'était le Consul qui avait sauvé la vie du templier et l'en remerciait, silencieusement bien sur aussi, elle se doutait qu'il ne valait mieux pas jouer avec le feu et dénigrer totalement Jacen. Elle ferait avec, la politique était un art qu'elle avait su apprendre avec brio, même quand il y avait des petites ... embuches, elle parvenait toujours à ses fins. Dire que pour une fois, elle ne se battait pour elle-même ou pour sa cité mais pour l'ensemble des peuples. Enfin presque, parce qu'avant tout, elle voulait récupérer sa fille cadette quand même ! Azael allait en voir de toutes les couleurs et, elle pouvait le lui garantir, il n'oublierait pas de si tôt Philéa Ryran. L'amazone se concentra à nouveau sur la conversation, laissant de côté son désir de vengeance en tant que mère désespérée. De toute façon, il fallait être désespérée pour agir comme elle le faisait et une petite voix dans sa tête lui disait qu'elle avait eu tord de venir à la rencontre du dirigeant de la cité qu'elle avait fui avec tant de hâte.

La reine amazone s'était doutée qu'il serait difficile de convaincre le Consul mais pas autant. En réalité, elle ne pouvait s'empêcher de penser qu'elle aurait réagit comme lui. Jamais elle n'aurait accepté d'alliance avant d'en savoir les tenants et les aboutissants. C'était l'évidence même si on voulait tenir une cité et la protéger ! Au fond d'elle, la jeune femme ne put s'empêcher de penser qu'Anatoli était peut-être la pire des pourritures envers elle, mais qu'il avait du bon. Qu'il aimait sa cité au point de vouloir se sacrifier pour elle ou tout du moins, de ne pas accepter n'importe quoi sous prétexte que quelqu'un le lui demandait gentiment. C'était déjà pas mal en soi.

L'homme pouvait être particulièrement puérile et bestiale et si c'était le cas de Clari, il ne le montrait pas du tout en cet instant. Il était relativement posé pour quelqu'un qui discutait avec sa pire ennemie, et plus que tout, il était intelligent. Philéa réfléchit un instant avant de répondre, ne s'offusquant même pas de la pique que lui avait envoyé son interlocuteur. Elle ne pouvait pas le nier, elle avait trahi en quelque sorte la cité en la fuyant même si au fond, elle n'avait jamais trahi plus que ça les Cydiens. Elle avait juste quitté les lieux sans demander son reste et si sa cité était devenue puissante ... c'était soit parce que les hommes maltraitaient trop leur femmes, soit qu'elle était une excellente souveraine. Elle préférait opter pour la première solution.
Philéa cherchait ce qu'il était bon d'avouer au politicien et ce qu'il fallait taire. Pour autant, elle n'arrivait pas à aligner deux pensées cohérentes, les petites choses qui poussaient dans son ventre ayant décidé de lui mener la vie dure. Elle posa sa main sur son ventre et c'est à ce moment précis qu'une contraction se fit sentir. Au même instant d'ailleurs, la reine amazone faillit faire une crise cardiaque tant elle avait oublié la présence de la fille du Cydien dans la pièce. Cette dernière repris forme humaine devant ses yeux alors qu'elle ne s'y attendait pas le moins du monde. Elle gronda son père, encore plus étonnant quoi que pas vraiment quand on connaissait le tempérament de sa propre fille, et pour finir, elle vint à sa rencontre. Philéa avait su garder tout son charisme jusque là mais quelque chose lui soufflait qu'elle n'allait pas aimer ce que la jeune fille s'apprêtait à faire. Et elle avait vu juste.
Philéa n'avait jamais aimé toutes ces vieilles bonnes femmes avec leur sourire sénile sur les lèvres qui souhaitaient lui toucher le ventre pour "porter bonheur au bébé". Elle avait balayé cette tradition débile le jour où elle était montée sur le trône. Mis à part Jacen, personne n'avait le droit de poser sa main sur son ventre, porte bonheur ou pas. Mais visiblement, Thémis s'en moquait car elle appliqua sa main sur le ventre arrondi de la jeune femme et ferma les yeux. Avant même que Philéa ait pu réagir, la douleur qu'elle ressentait jusque là avait disparu. Elle remercia du regard la jeune femme sans pour autant apprécier ce qu'elle venait de faire sans sa permission, ce qu'elle lui fit comprendre par le regard puis, sachant que son époux pouvait l'entendre, elle pensa très fort :

* Ça ne t'es même pas venu à l'idée de faire ça plus tôt toi hein ? *

Voyant le ton méchant qu'elle venait d'employer et le regrettant aussitôt, mais un peu trop grande reine pour demander pardon, elle ajouta aussitôt, plongea un regard désolé dans le sien :

* Je suis enceinte, je suis enceinte ! * fit-elle en posant sa main sur son ventre, joignant ainsi le geste à la "parole.

Ceci dit, elle reporta son attention sur Anatoli et sa fille.

" Votre fille a un talent précieux. " dit-elle avec politesse.

Elle réfléchit l'espace d'un instant à ce qu'elle allait dire et décida de jouer franc jeu, ou presque. Avec Jacen, cela avait marché alors peut-être convaincrait-elle l'homme politique si puissant qu'elle avait en face d'elle.

" Je comprends votre réaction, en tant que dirigeant, vous êtes dans l'obligation de ne pas accepter la première demande d'alliance qui vous ai fait mais il est des temps où vous n'avez pas le choix. Nous sommes entrés malgré nous dans ces temps-là Anatoli. "

Elle cherchait ses mots avec précaution, cherchant à le sensibiliser à la situation, cherchant à évaluer ses connaissances sur ce qui se passait en ce moment et pour finir, cherchant également à le convaincre coute que coute.

'' Vous n'êtes pas sans savoir que Tamawa a été attaquée il y a peu. Seul le Temple et une partie de la cité ont été sauvé des flammes d'Azael et de son Cavalier, Guerre. Mes filles étaient sur les lieux, elles ont vu de quoi était capable le serviteur de cette infamie. Vous n'êtes pas non plus sans savoir que Bête a été terrassée dans le désert par cinq valeureux guerriers. ''

La jeune reine marqua une pause, laissant le temps à ses mots de faire l'impact qu'elle désirait. Lorsqu'elle fut à peu près certaine que son interlocuteur l'écoutait, qu'elle avait capté son attention, elle poursuivie sur le même ton, un ton qui n'était ni moqueur, ni prétentieux, un ton simplement convaincant, du moins l'espérait-elle :

'' Ces Cavaliers n'étaient pas venus là par hasard. Ils cherchaient quelque chose à chaque fois, que ce soit la bague de Nalween ou encore, l'épée Glace. Azael tente de renaître, et pour cela, il a besoin de ces artefacts. Nous sommes en possession de deux artefacts pour le moment, nous sommes donc en position de force mais si nous sommes divisés, inutile de dire que cela ne servira à rien face à la puissance de ce fou. Voilà l'objet réel de ma requête, venir ici, en cette cité qui fut jadis mon ennemie pour en faire mon alliée, parce que les temps l'exigent, parce que, si nous voulons survivre, il faudra le faire ensemble. ''

Philéa marqua une pause. Elle avait la gorge sèche mais elle sentait qu'elle avait parlé comme une vraie politicienne, maintenant, elle savait également que le jeu politique consistait à convaincre l'autre et qu'il n'était pas joué d'avance. Chacun avait encore entre ses mains le pouvoir de faire basculer les choses dans un sens ou dans un autre et malheureusement pour elle, l'amazone n'était pas en position de force pour l'instant. Elle n'avait pas encore joué de tous ses atouts mais dans tous les cas, elle était presque prisonnière, même si son esprit se refusait à le concevoir. Si Anatoli le souhaitait, il pouvait la mettre dehors et l'enfermer !
Elle posa son regard sur lui avec insistance et ajouta, cherchant désespérément les mots qui sauraient avoir un impact positif sur cet homme. Il fallait le convaincre, et surtout, vite ! Il ne fallait pas qu'elle perde trop de temps vainement sinon Jelenna risquait d'en mourir et ça, il n'en était pas question. Et puis ce n'était pas tout, des milliers de gens risquaient d'en mourir. C'était le moment de jouer le tout pour le tout.
'' Anatoli, je suis venue en votre cité pour vous demander cette alliance, mais auparavant, je suis allée quémander la même chose aux elfes de Silmarie, à qui j'ai promis ma fille en mariage, aux Astorgs, avec qui, je le sais bien, vous n'êtes pas en bon termes, aux Templiers qui m'ont pardonnés ma folie envers l'un des leurs. Malgré leur différents, tous ont accepté. ''

Les arguments politique et militaire.
Certes c'était déjà pas mal, mais Philéa sentait que même elle ne se serait pas laissée tenter aussi facilement. En effet, quelles garanties Anatoli avaient ? Comme il le lui avait suggéré, elle avait déjà trahi une fois cette cité alors pourquoi ne le referait-elle pas le moment venu ? Et si tout cela était un piège ? En tant que reine et à la place d'Anatoli, elle aurait certes pris en compte les vérités premières qu'elles venaient d'énoncer auparavant, mais elle aurait également penser à toutes ces questions, aussi, elle embraya :

'' J'ai trahi cette cité par le passé, je ne m'en cache pas même si je n'utiliserais pas ce terme pour qualifier ma conduite mais peu importe. Vous êtes le protecteur de cette cité et rien ne vous prouve que je ne vous trahirez pas une seconde fois, je vous l'accorde. ''

La jeune maman marqua une pause, montrant pour la première fois une certaine hésitation vis à vis de ce qu'elle allait dire mais elle se rendit compte que c'était l'argument le plus percutant qu'elle avait en réserve. Aussi, elle se décida à jouer le tout pour le tout et à ajouter :

'' Ma fille cadette, Jelenna, est la Clé qui permettra le réveil d'Azael et comme vous pouvez le constater, elle n'est pas à nos côtés aujourd'hui. Ce monstre me l'a prise et je compte bien la reprendre. Si ma bonne foi et ma parole de souveraine ne vous suffisent pas Anatoli, sachez que je m'engage non pas en tant que représentante de Muria, mais en tant que mère. Jamais une mère ne laisserait mourir son enfant, et si pour le sauver elle devait s'allier à son pire ennemi, elle le ferait. Je suis venue le faire aujourd'hui et tant que je n'aurais pas récupéré ma fille, je serais votre alliée si tel est votre désir. Même après s'il le faut. ''

Cette fois, Philéa avait été honnête, aussi étrange que cela puisse paraître pour une politicienne de sa trempe. Elle plongea son regard dans celui d'Anatoli et attendit simplement que Jacen ou lui, voire même Thémis, sa fille, qui semblait ne pas avoir sa langue dans sa poche, rompe le silence angoissant qui s'était installé dans la salle. Maintenant, les cartes étaient entre les mains du Consul, peu importait ce qu'elle ajouterait, elle ne voyait rien de plus important que ce qu'elle venait d'avouer à l'homme qui se tenait en face d'elle : l'amour d'une mère pour son enfant. Elle espérait juste qu'il serait en mesure de le comprendre.
Alors qu'elle attendait la réaction de son entourage, un petit pincement au cœur lui rappela soudain à quel point sa cadette lui manquait. Au fond d'elle, la reine amazone souffrait, même si elle affichait pour l'heure une certitude à toute épreuve, un air calme et posé. Son cœur lui hurlait que la petite Jelenna était en danger, qu'elle lui manquait … et au fond d'elle, Philéa espérait que sa fille soit encore en vie.

Philéa n'était pas venue par hasard dans la cité cydienne. Elle était là uniquement pour la bonne et simple raison qu'il fallait absolument obtenir cette alliance, autant pour la cité amazone que pour la vie de sa cadette. La petite templière avait précisé que l'enfant était aux mains d'Azael mais elle avait également appris à la reine amazone qu'il lui faudrait allier les peuples pour remporter la victoire contre le dieu en devenir. Philéa avait renié son honneur pour revenir dans la cité de son enfance et quémander de l'aide à Anatoli aussi espérait-elle que ce sacrifice ne serait pas vain.
Anatoli Clari avait le destin du peuple d'Azthia entre ses mains. S'il refusait une telle alliance, alors il serait vain de tenter quoi que ce soit pour tuer Azael et il serait d'autant plus vain d'aller essayer de chercher Jelenna. La reine amazone avait besoin d'atouts, et Clari faisait partie de ces derniers. Elle espérait que sa fille, présente dans la pièce, saurait faire la différence et convaincre son interlocuteur.

L'homme parla.
La position du Consul était délicate. Philéa savait que pour prendre la décision qu'elle lui proposait, le Consul avait besoin de temps mais malheureusement, elle n'en disposait pas. La jeune femme le regarda prendre sa décision, visiblement, il hésitait. Elle ne pouvait que le comprendre, à vrai dire dans la position inverse, elle n'aurait surement pas pris la peine de l'écouter et l'aurait fait assassiner sur le champs.
Anatoli Clari était surement plus raisonnable et sage que la reine amazone mais cela, elle ne le lui dirait jamais, jamais elle ne le lui avouerait. Et à son plus grand étonnement, dans sa sagesse ou dans sa folie au choix, il venait d'accepter sa demande. Une alliance entre Muria et Cydonia … sans doutes les amazones la détesteraient-elles pour avoir fait cela et elles auraient bien raison ! Pour l'heure, le plus important était cette promesse. Même si l'alliance n'était que temporaire et cela, Philéa ne pouvait que le comprendre.

« Anatoli, j'honorerais ma promesse. Chaque amazone de ma cité sera fidèle envers Cydonia pour peu que vous restiez fidèle à votre parole. »

Ces mots lui étaient tellement difficiles à prononcer. Pourtant, il le fallait. Jelenna valait tous les sacrifices, au delà de la guerre qui se profilait.

« Avec Cydonia la belle à nos côtés, nous vaincrons l'armée d'Azael. Vous aurez le dieu à votre merci et je récupérerai ma fille. »

C'était le principal. Jelenna valait tous les sacrifices d'une mère. Philéa ne pouvait rien faire d'autre que cela, tenter de mettre de leur côté toutes les chances de victoire. Enceinte et ignorant toujours où se trouvait la petite, elle ne pouvait que mettre son talent à l'œuvre pour bâtir une armée suffisamment solide pour être sure ou presque d'obtenir la victoire. Cydonia venait de plier, et c'était bienheureux. Il le fallait. Philéa espérait juste que les astorgs, avec qui elle avait une alliance depuis maintenant longtemps, ne prendraient pas mal cette nouvelle même si elle n'osait espérait meilleure réaction de leur part.

« Je vous remercie encore une fois de votre indulgence et je vais de ce pas me retirer à Muria, il me semble que ma présence dans cette cité n'est pas souhaitable. »

De toute façon, mieux valait se retirer avant … enfin, la souveraine amazone savait parfaitement que sa présence n'était pas souhaitée outre mesure et elle-même ne souhaitait pas rester. Cydonia lui rappelait tellement de souvenirs. Bons ou mauvais, peu importait, elle voulait les oublier. La proposition de Thémis fut accueillie par un sourire par la jeune femme et elle se décida à accepter sa proposition uniquement lorsqu'elle fut sure que son père lui en ai donné l'autorisation. La demoiselle quitta la pièce. Philéa se leva, réprimant un soupir et une nausée et salua avec dignité le Consul avant d'ajouter :

« Que votre journée soit gracieuse noble Consul et ne vous en faites pas, je prendrais soin de votre fille. »

Ce n'était pas une menace mais quelque part, cette petite venait d'offrir à la reine amazone la garantie que son père observerait sa promesse et cela lui suffisait. D'autant qu'il avait donné son accord, ce n'était pas comme si elle l'avait kidnappée. Philéa quitta la pièce, suivit du Templier qui ne cessait de s'inquiéter pour elle. Ensemble, ils quittèrent la cité, vers d'autres problèmes, Philéa n'en avait que pleinement conscience.

[ Désengagés : Philéa, Anatoli, Jacen ]