[151-DH][FINI] Sous tous les rapports [Jillian]

Elly Sora cheminait difficilement vers Storghein, c'était vers le trentième jour de Souffleneige.
L'hiver battait son plein, et il fallait affronter les intempéries sans ciller car plus les jours passaient, et plus il était pénible de parcourir les chemins cahoteux.
Elly était le seul être humain sur ce paysage désertique; sa silhouette fine se détachait du décor, et sa chevelure noire -liée pour l'occasion- claquait sur ses épaules.

Si Elly Sora allait de par ces sentes dépeuplées, c'est parce qu'elle revenait de Tawana. Jillian l'y avait envoyée en mission, et la Nùa venait faire son rapport à la Meneuse.
Les temps étaient troublés. Dans toutes les villes l'agitation régnait: guerre, mort, destruction, maladie... tout semblait chaos.
La Troupe était une association d'artistes; c'était aussi un réseau d'informations et à ce titre, il fallait qu'elle se tînt au courant des principaux évènements.
Malheureusement, la vie grégaire des artistes avait au moins un inconvénient: voyager était plus long et ostentatoire. Les rares habitants du coin sortaient de leurs chaumières en apercevant les roulottes, couleurs et musiques qui accompagnaient la Confrérie.

Pour parer à cet empêchement, il y avait Elly.
Rapide, furtive et résistante, elle se glissait partout et faisait face à tous les obstacles possibles, et ce en accomplissant toujours les fonctions qu'on lui avait confiées.
Alors même que le spectacle de Ptot Tàh avait été terminé, Elly avait devancé La Troupe et était partie pour Tawana. Depuis, elle avait eu le temps d'arriver à destination, de remplir sa besogne, d'essuyer quelques impedimenta et de revenir sur la traces de ses coéquipiers, sur la route de Storghein.
Efficace pour ainsi dire.

La jeune femme avait beau être épuisée, elle tenait un bon rythme. Ses traits étaient tirés, ses joues creusées, et le haut de sa pommette droite avait pris une couleur violacée, à cause d'une gifle reçue par la Jumelle Serpent. Elle s'était à peine sustentée, et n'avait pris que quelques heures de repos depuis les jours précédents. Plus vite rejoindrait-elle La Troupe, et plus vite elle serait au chaud, près de ses compagnons de route.

Elly Sora, pour s'occuper l'esprit, pensait aux saltimbanques de la Confrérie. Elle se sentait étrangement pressée de les rejoindre, même si elle ne leur parlait pas vraiment beaucoup. La Troupe la rassurait, elle y voyait comme une sublimation de l'univers familial.
Jillian, en tant que Meneuse, avait accepté Elly Sora dans le groupe. En lui tendant la main, elle l'avait sauvé de la débâcle. Qui sait? Peut-être serait-elle tueur à gage à l'heure qu'il était, si elle n'avait pas croisé la femme pétillante, un de ces soirs lointains. Elle était la seule personne qui eût jamais fait confiance à Elly Sora pour accomplir quelque chose de précis, et c'était peut-être cette foi que Jillian entretenait pour la Nùa qui expliquait le déploiement de zèle dont faisait preuve cette dernière pour accomplir ses missions.

Sans doute Elly Sora était naïve, et que Jillian se servait d'elle comme l'on se sert d'un bon outil, ou d'une bonne bête, utile ou docile. Sans doute ne s'apercevait-elle pas que son dévouement pour Jillian s'apparentait à de la servitude. Sans doute, aussi, fermait-elle volontairement les yeux sur ces faits, et se voilait la face en ayant peur de voir la réalité de front.

Quoi qu'il en soit, Elly entrevoyait au loin les premiers tentes colorées et les silhouettes graciles et mouvantes des saltimbanques, sur une aire aux portes de la Cité blanche.
Il était dur de donner un nom à ces formes lointaines, mais la Nùa était à peu près sûre de reconnaître en ces deux figures qui couraient les petites Miki et Maya. Mi-exaspérée, mi-amusée, Elly les regardait cavaler ingénument.

Encore une heure et demie auront été nécessaire à l'assassin pour rejoindre le reste des artistes. Elle fut accueilli gentiment, comme à l'accoutumée, mais non sans une espèce de réserve de la part des adultes: tous se doutaient bien des basses affaires qui amenaient Elly à disparaître prématurément, et à s'isoler des heures durant avec Jillian, le soir venu. Aucun ne s'exprimait sur ce sujet, car tous savaient cela nécessaire.

Elly s'était dirigée directement vers la caravane de Jillian, qui râlait sur un enfant, Sam à ses côtés. Elle lui adressa un regard discret, toujours le même, qui criait: "mission accomplie!"; et le visage de la Meneuse, dont les traits étaient tirés, s'apaisait à la vue des deux yeux noisette d'Elly.
Sur ce Elly, exténuée, bondissait sous sa forme féline dans la caravane qu'elle avait pris l'habitude d'occuper, et sommeillait jusqu'au soir dans les tissus multicolores et chauds.
Et enfin, la nuit venue, quand La Troupe avait allumé le feu et prit son repas; qu'on entendait les artistes jouer aux cartes ou discuter au coin du feu, c'est alors que Jillian grimpait dans la roulotte d'Elly, en tirant soigneusement les tentures. La Meneuse s'installait ensuite confortablement sur un fauteuil, et attendait que l'animal endormi s'éveille et lui rapporte les évènements.

C'était un moment de pure intimité, où les deux jeunes femmes pouvaient être sûres de n'être entendues de personne.

Un simple regard échangé et Jillian s’était remise à respirer. Ces derniers jours avaient été durs. Très durs. Et elle ne parlait pas du froid mordant, qui après la fournaise de Ptot Tàh avait d’abord surpris puis pétrifié toute la Troupe. Non, les intempéries et les montagnes glaciales astorgs n’étaient rien à côté des catastrophes qui frappaient Azthia. Jillian venait d’apprendre que la Reine des Neiges avait disparu. Non pas qu’elle avait une quelconque affection pour cette femme – elle ne l’avait jamais rencontrée – mais plutôt que c’était une pierre de plus à l'immonde édifice qui emmurait petit à petit les Azthiens. Et qui finirait par les étouffer.

Au coup, les Saltimbanques répétaient leur numéro pour le prochain spectacle, riant, se chamaillant, bien loin des soucis et des projets de leur Meneuse. Revoir Elly, exténuée certes, mais entière, avait donc allégé le poids qui pesaient depuis plusieurs jours sur ses épaules. Peut-être s'impliquait-elle trop. Azthia et ses problèmes ne la concernait certainement pas autant que cela.

Malgré l'impatience qui la rongeait, elle accorda à la femme-panthère quelques heures de repos bien méritées. Pour se changer les idées, elle se remit à la confection de son costume, au chaud dans sa roulotte colorée, Sam à ses côtés. Mais bientôt, n'y tenant plus, elle sortit de son antre, laissant derrière elle ses questions et ses craintes et se dirigea sans hésitation dans la chambre d'Elly. Son bras droit, comme certains l'appelaient. Et ils n'étaient pas loin de la vérité. Sauf qu'il y avait plus que cela entre les deux femmes.

Discrètement, Jillian pénétra dans la roulotte, Sam sur ses talons. Elle prit soin de contourner la panthère sans déranger son profond sommeil, avant de s'installer sur un fauteuil, qu'elle s'était appropriée au cours des longues discussions que cette pièce avait jalousement gardées. Elle ressortit son long tissu bleu pâle qu'elle avait abandonné le temps de la traversée et reprit son atelier couture là où elle l'avait laissé. Tout comme Sam qui s'installa confortablement auprès d'elle avant de s'endormir.

Jillian n'eut pas à attendre beaucoup avant qu'Elly ne se réveille. Le premier réflexe de la panthère fut de regarder le siège sur lequel la Meneuse se tenait. Jillian lui servit un sourire carnassier dont elle avait le secret.

« Eh ben ! On est pas foutue d'être à l'heure et en plus on se permet une sieste ! Elle est pas belle la vie ? »

Son ton faussement dur jurait avec l'étincelle qui illuminait ses yeux. Une joie plus ou moins dissimulée de se retrouver à nouveau dans cette roulotte en compagnie de son acolyte préférée. Mais Elly n'était pas au bout de ses peines...

« T'en as mis du temps ! Ils ont déplacés Tamawa de plusieurs lieues après l'avoir assiégée ou quoi ? »

Pour changer, Jillian râlait. Pour la forme seulement cette fois-ci. Elle n'avait aucune raison de se plaindre, mais c'était plus fort qu'elle. Mais derrière ses répliques cinglantes et son air bougon, elle était sincèrement soulagée de revoir Elly. Elle accomplissait le moindre caprice de la Meneuse, se pliant en quatre pour la satisfaire. Et cela, Jillian le voyait. L'appréciait même. Elle retrouvait un peu d'elle-même chez cette gamine – elle aimait la qualifier comme cela, même si elle était plus âgée qu'elle, ce qu'elle refusait ce voir. Cette ardeur au travail, ce manque d'indulgence avec soi-même. Elle ne savait que trop bien de quoi il s'agissait.

C'est pourquoi elle appréciait vraiment Elly. Seulement elle se gardera bien de lui montrer. Et encore moins de lui dire !

Elle était comme ça Jillian. Un gros coeur... extrêmement bien caché !

La panthère s'étire: elle est éveillée.
Aussitôt ses deux yeux fauves grands ouverts, elle mire en direction d'un fauteuil tout à côté. Comme prévu Jillian est là, Sam à ses pieds. La panthère grogne doucement en voyant le félin massif dans sa caravane: elle n'a jamais aimé les bêtes.
Jillian sourit et la panthère, dans un tout dernier étirement, rétracte une à une ses griffes acérées pour reprendre forme humaine. Voilà Elly Sora, vêtue de son habituelle tenue de cuir au beau milieu d'un tas de tissus colorés.

« Eh ben ! On est pas foutue d'être à l'heure et en plus on se permet une sieste ! Elle est pas belle la vie ? »

A peine rentrée qu'elle était déjà gourmandée... mais quelle étrange sensation de chaleur dans le corps d'Elly... Qu'est-ce que c'est? De la joie?

« T'en as mis du temps ! Ils ont déplacés Tamawa de plusieurs lieues après l'avoir assiégée ou quoi ? »

Elly Sora gardait le silence et écoutait la meneuse ronchonner, comme à l'accoutumée. Habituellement, les geignements insupportaient Elly; mais, et c'est un fait étrange, lorsque c'était Jillian qui geignait, la chose lui semblait toute différente. Ses rognonnements sonnaient même bien à son oreille, et il lui sembla que si la jeune femme en face d'elle n'était pas intempérante, Elly l'apprécierait moins.
Apprécier... quel verbe étrange pour la Nùa.

J'ai fais au plus vite. J'ai été... retardée, lâcha Elly laconiquement.

L'assassin faisait référence à la rencontre avec Ithilion et Yuuhi, dont elle se serait bien passée. Quand elle y repensait, ces deux-là attiraient les ennuis comme la fleur attirait l'abeille, c'en était même impressionnant! La prochaine fois qu'elle apercevrait au loin leurs carnations alarmantes elle fuirait aussi vite que possible les lieux, c'était certain!

Après s'être brièvement exprimée, Elly Sora refit le silence. Elle aimait les soirées comme celles-ci, où il faisait bon dans la roulotte, qu'au-dehors les bruits du campement faisaient de la musique et que Jillian était là, avec elle et rien qu'avec elle... et cette fichue bestiole encombrante et ronronnante.

Je suis allée à Tawana, et j'ai fais ce que j'avais à y faire. C'est tout ce qui compte non? Et puis... je suis à l'heure pour le Spectacle. En revanche, j'ai comme l'impression que vous avez traînés en chemin, je me trompe? Certaines caravanes ne sont même pas encore déballées, ce n'est pas bon du tout, reprit la Nùa, une pointe de défi dans la voix. Se lancer des piques était le petit jeu auquel Elly et Jillian jouaient toujours lorsqu'elles étaient ensemble. Elles se chamaillaient comme des enfants, se renvoyaient verbalement des reproches, et sans se le dire, cela les amusait toutes les deux beaucoup.
Vous l'aurez compris, la relation de la Meneuse et de son assassin attitré était ambiguë, mais sincère.

« J'ai été... retardée, répondit Jillian, plaçant toute l'ironie dont elle était capable dans son dernier mot. Déplacer une troupe d'incompétents pleurnichards dans les montagnes astorgs, c'est quand même autre chose que de faire une petite balade dans les plaines de Tamawa ! Te fiche pas de moi ! S'il te faut des siècles pour faire le trajet seule, j'imagine même pas ce que t'aurais fait avec un boulet comme le mien ! Une dizaine de caravanes, rien que ça ! Sans parler de Miki et Maya, quelles pestes celles-là... »

Ca, par contre, c'était gratuit. Les jumelles avaient été les seules à mettre un peu de bonne humeur dans la Troupe au cours de l'interminable voyage sous la neige, la grêle et surtout le froid mordant, celui qui transperce les vêtements les plus chauds, rend les nuits blanches interminables... et donne une raison supplémentaire à Jillian de se plaindre ! Quelle idée lumineuse elle avait eu d'écouter Siam et ses visions de dégénérée et de choisir Storghein comme destination ! En plein hiver ! Diseuse de bonne aventure... D'aventure, ça oui, mais elles ne devaient pas s'accorder sur le mot « bonne ».

« Quant à être à l'heure pour le Spectacle, t'as aucun mérite. Pour se que t'y fais sur scène... Forcément pas besoin de trop de préparation ! »

Quelle mauvaise foi... Au précédent spectacle, la Meneuse avait avoué à Elly que son numéro n'avait été « pas trop mal ». Ou plutôt « très émouvant » dans la langue Jillianesque. Mais déverser ses reproches ridicules la soulageait... Elle finit tout de même par se taire et jeter un coup d'oeil à la Saltimbanque. Elle éclata de rire et balaya l'air de la main, comme pour effacer ce qu'elle venait de dire.

« Mais laissons là les formalités protocolaires ! Alors ? J'ai le droit de savoir ce qui t'as retenue ? C'est le bordel à Tamawa ? Oui d'ailleurs, c'est Tamawa, hein, pas Tawana ou ch'ais pas quoi. Ils ont dû te prendre pour une touriste si t'as dit ça comme ça là-bas ! »

Certains se seraient contentés de dire « au rapport, soldat ». Mais Jillian n'est décidément pas un chef ordinaire. Elle savait qu'Elly ne lui en tiendrait pas rigueur. Cette dernière profiterait seulement d'une autre occasion pour lui rendre la monnaie de sa pièce... Et s'ensuivrait alors les éternelles chamailleries dont les deux jeunes femmes ne se lassaient pas.

Pour se donner une contenance – et masquer la curiosité qui l'envahissait peu à peu – elle reprit la confection de sa robe bleue. Du moins, si on pouvait appeler ça robe... La forme grossière ressemblait plus à une cape large, surtout avec la capuche et le manque cruel d'ornements et de broderies. La Meneuse serait-elle en retard pour le Spectacle ?

« Aller parle. Que moi aussi j'ai des choses à t'annoncer... »

[J'ai eu un peu de mal, ça manque d'ouvertures =S. Je suppose que le Tamawa est une faute de frappe, je me suis permise de rebondir quand même la dessus =}.]

Elly sourit: elle aimait ce franc-parler propre à Jillian. Si cela n'avait pas été elle, vous pouvez être certain qu'Elly Sora, assassin de la Troupe, se serait mise en rogne et que son interlocuteur aurait pu se mordre les doigts... mais pas Jillian, pas elle.

Elly Sora portait à la Meneuse un intérêt tout particulier, une attention assidue; elle scrutait tous les signes qui aurait pu trahir un quelconque sentiment vis à vis d'elle. La plupart du temps, le ronchonnement de Jillian était de bon augure, et aujourd'hui ne faisait pas exception à la règle: Jillian était heureuse de la retrouver, comme Elly l'était elle-même.

La curiosité dont faisait preuve la jeune femme était caractéristique: elle voulait en savoir plus sur ce qu'avait tramé Elly à Tamawa; alors que celle si avait volontairement évité le sujet. Un sourire mystérieux sur les lèvres, Elly dévoila:

J'ai rencontré deux hommes... Cette déclaration piquerait peut-être un peu Jillian, mais cela avait le mérite de faire marrer la Nùa, si rigide d'habitude.
Ne fais pas cette tête-là,ajouta-t-elle c'est simplement qu'il y a ce Cydien, Ithilion, conteur à ce qu'il dit. J'étais tombé dessus à Ptot Tàh dans les Bas-Fonds juste avant le spectacle, et à cause de lui -entre autre- j'avais été embarquée dans une bagarre de rue, où il avait bien fallu que je me défende... Force était de constater qu'à chaque fois qu'Elly avait croisé le chemin d'Ithilion, elle avait eu du mal à montrer sa bonne foi de saltimbanque inoffensive. Il fallait qu'elle le rapporte à la Meneuse car il pouvait se révéler être gênant. En somme, je l'ai recroisé en arrivant dans la Cité. Il était accompagné d'un homme très étrange, aux cheveux rouges. Yuuhi, vraiment décalé et assez inquiétant d'ailleurs. Alors que nous discutions, une bande de malfrat qui semblait en vouloir à ce dénommé Yuuhi est arrivée. Ils voulaient notre peau! Alors on a pris la leur... si tu vois ce que je veux dire. Ca m'a retardé! Parce qu'Ithilion m'a mis la puce à l'oreille. Ce prétendu conteur a des pouvoirs un peu trop dangereux à mon goût, et Yuuhi a le regard perturbant. Crois-moi, j'ai du flair. Alors je les ai suivi, après notre petite incartade... et ça m'a pris du temps.

Si tu veux mon avis, si tu vois un homme aux cheveux bleus traîner aux alentours, méfie-t'en. Il semble en avoir deviné plus que de raison... Et, pareillement, si tu as l'occasion de le croiser, surveille-le, il autant conteur que je suis saltimbanque, crois-moi!

L'information était passée, en tout cas elle devait l'être. La Troupe ne pouvait pas se permettre d'être démantelée, et Elly le savait mieux que personne. Leurs agissements, outre de donner du bonheur aux yeux des Azthiens, avaient une implication politique bien trop marquée pour se permettre de faire la moindre erreur. Et, si Elly devait un jour recroiser Ithilion, elle veillerait à endormir ses sens tout en gardant l'oeil ouvert. Elle regrettait déjà la soirée du Bar de Storghein, et ces pintes de bière pas mauvaise du tout... mais elle se garderait bien d'en confier le moindre mot à Jillian, qui ne manquerait pas de la rosser sur ce coup-là.

Maintenant, il fallait aborder un autre sujet, et ne pas regarder les gros yeux que Jillian faisait.
Elly s'étira intensément car ses muscles engourdis lui faisaient mal et bientôt déjà, il faudrait participer au Spectacle. L'atmosphère de la caravane était délicieuse et donner envie de se rendormir, bercé par les crépitements du feu au-dehors. En fait, les temps étaient dur, et Jillian devait être au courant. Elly Sora prit l'air grave, et baissa un peu plus encore la voix. Elle fixait intensément la Meneuse enfoncée dans le fauteuil moelleux:

Mais ce n'est pas tout, et ce que je vais te dire là est autrement plus préoccupant qu'un Cydien curieux: à Tamawa... les choses tournent au vinaigre, ainsi que dans toutes les autres Cités à ce que j'ai pu comprendre.

Les Cavaliers sont venus, et Tamawa, en l'occurrence, a dû faire face au Cavalier de La Bête, prénommé Kiki. Je me suis renseignée auprès de soldats et d'habitants, pour savoir ce qu'elle voulait... Accroche-toi: Kiki voulait l'Oblat. Templiers et assassins l'ont affrontée avant qu'elle ne s'envole l'air paniqué. On prétend qu'elle serait partie vers Erathia... mais cette nouvelle n'a le statut que de rumeurs.

Ah, et autre chose encore: à Ptot Tàh, la maladie a frappé, et décimé la Cité et ses habitants. Apparemment le cavalier aurait été défait, mais j'ignore par qui et de quelle manière.
En fait Lika avait payé de sa vie la mort de Maladie, mais Elly Sora l'ignorait. Elle avait rencontré Lika dans les Bas-Fonds, en même temps qu'Ithilion. La jeune femme devait rejoindre la Troupe normalement, mais Elly n'y pensait déjà plus, et ne pouvait pas faire le rapprochement, aux vues de ce qu'elle savait.

Désormais Jillian était au parfum, et Elly lui avait dit tout ce qu'elle avait pu. Restait à voir ce que la Meneuse ferait de ces informations...

Rien que ça ! Eh bien, on peut dire qu'Elly n'avait pas chômé ! Jillian avait cessé de coudre et regardait son amie avec une intensité peu commune, voire inquiétante. Ses traits s'étaient figés, et si l'assassin était parvenue à rendre compte des faits avec une nonchalance déconcertante, Jillian, elle, eut du mal à encaisser la nouvelle. Elle en avait même oublié de la chambrer à propos de sa rencontre « avec deux hommes ». Elle aurait d'ailleurs dû prêter plus d'attention à ces deux gars-là, si on découvrait que la Troupe comptait dans ses rangs un assassin de la trempe d'Elly, la réputation des Saltimbanques en prendrait un coup, peut-être même ne s'en relèveraient-ils pas. Mais la suite du rapport accapara toute l'attention de la Meneuse. Le conteur à deux Talents et son acolyte aux cheveux rouges attendraient !

« Eh bien ma belle, c'est pire que ce que j'pensais... »

Les sourcils froncés et l'air grave qu'elle avait la rendaient méconnaissable. On aurait pu s'attendre à ce quelle maudisse ces « foutus morts-vivants », qu'elle se réjouisse de la mort de centaines d'esclavagistes d'Almers qu'elle avait critiqué avec tant de vigueur lors de son dernier spectacle, qu'elle lâche un « bien fait pour leur gueule » avec un sourire mauvais... Non, Jillian resta silencieuse, le regard dur, profondément affectée.

« Plus d'Oblat, plus de Templiers et plus d'Almers tout court... Mais c'est quoi ce bordel dans ce con de pays ? »

Sam dut sentir le changement d'air dans la chaleur de la caravane car elle leva une oreille intriguée avant de poser ses prunelles endormies sur sa maîtresse. Jillian passa machinalement une main dans la crinière emmêlée du fauve, déclenchant instantanément la turbine à ronrons, plus destinés à la calmer elle, qu'à témoigner réellement du plaisir que ce simple geste entraînait.

« Je pensais pas que c'était si grave tout ça. J'avais prévu le coup, avec mon speach de demain pendant le spectacle sur le rapprochement des peuples et compagnie, je pensais que ça pouvait être pas mal que les Azthiens oublient leurs emmerdes perso pour s'unir et faire face mais en fait... »

Elle fixait le pan de tissu orangé qui couvrait le lit d'Elly, laissant sa phrase en suspens un instant. Pour mieux la terminer.

« C'est putain de nécessaire ! »

Jillian était quelqu'un de grossier, d'autoritaire, tyrannique et franchement chiante... Mais dès qu'il s'agissait de prendre les choses en main, on pouvait dire que ces défauts devenaient instantanément des atouts de taille. La Troupe ne resterait pas sur la touche, simple spectateur des atrocités qui allaient bientôt s'abattre sur Azthia. Non, personne n'accuserait Jillian de voyeurisme glauque et déplacé. C'est bien connu, ce sont les Saltimbanques qui donnent des spectacles, qui sont au coeur de la scène. S'il fallait partager les planches, soit, mais il ne serait pas dit que la Troupe ne ferait pas partie de la représentation. La décision n'était pas facile à prendre, cela entraînerait beaucoup de sacrifices, de pertes, de morts, n'ayons pas peur de le dire. Son tempérament impulsif ne pouvait pas être le seul à décider de ses faits et gestes. Jillian savait pertinemment ce qui les attendait. Et elle assumerait jusqu'au bout la décision qu'elle allait prendre.

« Ces derniers temps, les alliances se sont multipliées, ça n'a pas pu t'échapper. Les Grands vont devoir se mouiller, je te le dis. Je vais charger Meg et Filou de surveiller un peu tous ces clowns, si quelque chose doit se produire on doit être au courant. »

Elle lâcha enfin le mobilier du regard pour planter ses yeux émeraude dans ceux de son amie. Un tel sérieux ne lui ressemblait pas...

« Elly, ma belle, si une bataille à la con doit terrasser Azthia, la Troupe en fera partie. Tu seras avec moi ? »

C'était une réelle question. Généralement, ce genre d'interrogation était rhétorique et où les seuls choix de réponses possibles étaient «oui» ou « bien sûr ». Cette fois-ci c'était différent. Elle n'entraînerait pas son Elly dans n'importe quelle galère et même si elle se doutait de sa réponse, elle se devait de lui laisser toutes les cartes en main. Et puis c'était une manière plutôt fine de demander son avis à la Saltimbanque. Selon sa réaction, Jillian saurait si sa décision est adéquate ou totalement folle.

Franchise et confiance. Voilà qui aiderait la Saltimbanque à mener sa Troupe. Et même sur les chemins les plus tortueux, les plus noirs. A sens unique...

Tu seras avec moi?
...
...
...
...
Ces quatre petits mots, ces quatre simples mots touchèrent Elly au plus profond de son âme. Elle se figea presque instantanément, le regard rivé dans celui de Jillian. Cette sensation.

Alors... quelqu'un tenait vraiment à elle?
Elly regardait la femme assise face à elle: son expression et l'éclat de ses yeux exprimaient un océan de sentiments que seul le langage n'arriverait pas à traduire. Sa prunelle émeraude étincelait, et Elly se sentait comme engloutie sous la vague éprouvante de l'inconnu. L'assassin, aussi distante et laconique qu'elle pouvait l'être, était pour la première fois saisie au coeur par la meneuse. Aussi loin qu'il lui était possible de se rappeler, et même ses dernières années passées aux côtés de La Troupe, Elly Sora n'avait jamais considéré qu'elle avait un ami.
Quel effet!
Qui aurait su dire que cette Nùa, arrachée toute jeune à son environnement naturel, réduite à l'esclavage et poussée à la folie du meurtre, puisse un jour se sentir émue? Quand elle se levait aux aurores et déambulait, hagarde, dans ce manoir de pierre; qu'elle mangeait -et dormait- à même le sol, sans jamais avoir droit à aucun contact -hormis celui des coups; se serait-elle un jour imaginée appréciée? La réponse est non, bien sûr. Lorsqu'elle avait été enfant, puis adolescente, jours et nuits étaient semblables tant ils étaient des cauchemars. Et au lieu de s'épanouir, d'éclore comme le font les jeunes filles de son âge, Elly Sora, elle, sombrait tous les jours un peu plus dans les abysses de la solitude. Avant d'avoir eu le temps de fleurir, elle était déjà fânée; et dans son âme, secrètement, une seule et unique chose l'avait habitée...
La souffrance.
Celle des coups portés par ses bourreaux bien sûr, celle-là même qui lui avait laissé des marques que le temps avait fini par estomper. Et puis l'autre, qui reste vivace d'hiver en hiver, qui humilie et ronge petit à petit, pire que le fouet encore: la solitude.
Depuis son rapt, Elly Sora n'avait tissé aucun lien social. Elle était restée seule, sans pouvoir s'amarrer à quelque souvenir d'enfance qui rappelle parfois que les beaux jours ont été et qu'ils seront peut-être à nouveau.
Aucun passé; un présent infâme; un avenir inexistant.
Voilà ce qu'avait été la vie d'Elly Sora.
De cette existence qui n'en était pas une, seules deux échappatoires se présentaient à la petite esclave...
Le Suicide.
Ou La Folie.
Et un matin qu'Elly ouvrait les yeux, elle vit la lueur violine envahir sa vision... C'était le second chemin qu'Elly avait pris, et la voilà inconsciente, et des cris et du sang et un plaisir intense qui l'envahissait. C'était cela, la jouissance? Etait-ce cela? Dite-le-moi!

A cela suivi une période troublée. Encore pleine d'adrénaline meurtrière, la toute jeune Elly était restée cachée et puis... Et puis il avait fallu vivre.
Et le vent tourna.
On pourrait penser que pour cette gamine asociale et déracinée, la normalité n'aurait aucun sens et que son existence d'adulte serait peut-être pire que celle d'esclave. Combien étaient celles qui avaient chuté dans la dépression, la sorcellerie, la prostitution? Combien étaient-elles, chaque minute de chaque jour, celles qui s'interrogeaient sur le sens même de leur propre vie?

La criminelle qu'était devenue Elly sut s'adapter, poussée par un élan d'origine inconnue. La folie, sans doute, ne l'aurait jamais quittée si un soir Elly n'avait pas rencontré quelqu'un qui -elle l'ignorait alors totalement- changerait le cours de son existence: Jillian.
Un petit bout de femme, qui avait su apprivoiser la bête ambivalente qu'était Elly. Une véritable thérapeute auprès de laquelle elle ne pouvait qu'évoluer. Peut-être que, si les circonstances avaient été autres, Elly Sora serait devenue quelqu'un de normal, de terribles secrets en plus, c'est tout.
Mais le destin réserve bien des surprises.
Et voilà que la Nùa, en voie de réadaptation, replonge dans les affres du meurtre, avivant des braises pas tout à fait éteintes.
Jillian, qui était alors assise l'oeil sincère et sérieux, avait donné tout en même temps donné, et retiré la vie d'Elly Sora.

Elle l'avait fait renaître en lui tendant la main un soir frisquet, lui proposant d'intégrer son groupe. Mais elle l'avait aussi enterrée, en lui demandant de s'occuper des basses besognes, réactivant une folie latente.

Et pourtant...
à ce moment précis, dans cette caravane confinée, Elly Sora était heureuse, grâce à ce bout de femme posté devant elle, les traits irrésistiblement sérieux. Et cela, ça comptait plus que tout.
Elly pouvait mourir maintenant car elle savait ce qu'était le Bonheur. Pas celui qu'elle pensait connaître lorsqu'elle déchirait les chairs, le Vrai.. l'éphémère.

Jillian était la seule personne qui comptait réellement pour Elly Sora. Le seul être humain pour qui elle comptait, chez qui cela se voyait. Alors, pour la première fois depuis vingt-neuf ans, c'est une voix cassée par l'émotion, tremblotante et instable qui sortit des lèvres rosées:

Bien sûr que je serai avec toi!

Le barrage immense que s'était construit Elly pour enserrer son coeur avait, pour la première fois, cédé. Une toute petite larme perlait au coin de son oeil noisette.

La réaction d’Elly était sensée éclairer Jillian sur la folie de cette décision. Elle s’attendait à de l’inquiétude, de l’enthousiasme, de l’indignation, de l’indifférence, de la colère même. Rien de tout cela. Une voix rauque méconnaissable. Une larme. Unique et éphémère.
Mais libératrice.

« Bien. C’était ce que je voulais entendre… »

Reprendre son faux ton autoritaire pour se donner contenance. Se concentrer à nouveau sur la confection du costume. Que pouvait-elle faire d’autre ? Prendre Elly dans ses bras ? Se mettre à pleurer avec elle ? Pour quelle raison, d’ailleurs ? Si mourir avec son amie sur le champ de bataille ne la dérangeait pas plus que cela, elle ne s’était pourtant pas mise à chialer ! Elle était sincèrement touchée, même déroutée, mais cette réaction lui échappait totalement. Et comment lui en vouloir ? Comment aurait-elle pu deviner l’ouragan qu’avait déclenché ce simple souffle de confiance ?

« Je préviendrai la Troupe dès ce soir. Ca va être long. La plupart des Saltimbanques sont des singes, des feux follets, pas des machines de guerre. Va falloir prévoir le coup ! »

Jillian était décidément bien maladroite lorsqu’il s’agissait de sentiments. Trop habituée à se planquer derrière son masque d’agressivité, son lot d’injure et son caractère bien trempé. Elle ne prendra pas Elly contre elle, ne la regardera même pas avant de changer de sujet.

« Tu dis que la maladie n’a épargné personne à Ptot Tàh ? »

Elle arqua un sourcil sans détacher son aiguille du regard, comme si elle relançait la conversation de manière anodine. Elle se serait inquiété du sort du dernier couple à la mode dans la Troupe qu’elle aurait employé le même ton. Elly risquait de noter que ce ton faussement détaché sonnait bizarre, mais Jillian imperturbable, continuait :

« Et la potiche qui se la pète, la Grande Prêtresse bidulle chouette ? Elle était là-bas pendant la charmante visite du Cavalier non ? »

Les répliques habiles de Nalween avaient mis en défaut la Saltimbanque à deux reprises, ce qui expliquait cette animosité envers l’Elfe. Normal. Elle l’avait pris de haut, mademoiselle-je-sais-tout, la traitant à plusieurs reprises comme un maître répondrait à un élève un peu long à la détente. C’est ce que Jillian laissait paraître. En réalité, elle avait beaucoup d’estime pour la Grande Prêtresse et son sort l’inquiétait au plus haut point. Elle était bien la seule chose qui aurait mérité d’être épargnée dans le palais d’or almer. Oui, personne d’autre à Ptot Tàh n’avait d’intérêt aux yeux de Jillian. Personne. Personne ?

« Putain ! »

Elle se leva d’un bond, s’entaillant le doigt avec son aiguille au passage et dévisagea Elly. L’inquiétude assombrit le vert de ses yeux tandis qu’elle cherchait dans le regard de son acolyte la réponse à une question qu’elle n’avait pas encore formulée.

Dans la Troupe les Saltimbanques allaient et venaient comme bon leur semblait à une condition : passage obligé par la case « Jillian Torrez ». Tous s’y pliaient sans exception – quel genre d’informateurs seraient-ils si les dits informateurs étaient aussi instables que des courants d’air ? Et Jillian savait si quelqu’un ou non manquait à l’appel et elle savait que l’une d’entre eux n’avait pas rejoint la Troupe, au moment de quitter la capitale almer. Elle s’était intéressée à elle après sa prestation lors du spectacle, elle avait donc noté son absence. Et le fait qu’elle soit restée à Ptot Tàh. Peut-être même y était-elle encore lors du raid du Cavalier…

« Est-ce qu’on sait si Lika est revenue ? »

[Tu peux intervenir entre mes répliques, ce serait plus logique. Je te laisse manipuler Jillian pour la clôture !]

Elly Sora regretta bientôt la manière dont elle s'était comportée. L'annonce de Jillian l'avait bouleversée, et elle avait eu un moment de faiblesse, dévoilant pour une des premières fois le tourbillon de sentiments qu'elle cachait intérieurement.
La Meneuse, de son côté, avait gardé son port habituel et feint ne pas voir l'état dans lequel son bras droit se trouvait, ce qui avait eu pour effet de renfrogner la Nùa qui, déjà, déglutissait et redressait la colonne vertébrale, comme si rien ne s'était passé.

Elly Sora s'en voulait d'avoir dévoilé une part, certes infime, mais une part d'elle-même tout de même. Discrètement, elle enfonça ses ongles profondément dans les paumes de ses mains, et la douleur que provoqua ce geste lui fit reprendre son air habituel -concentré.
Elle repenserait aux évènements plus tard car pour l'heure, Jillian avait repris le fil de sa pensée, sans qu'on eût l'impression qu'elle se fût aperçue de quoi que ce soit d'étrange.

Et comme à l'accoutumée, Elly acquiesçait aux remarques de son amie, en gardant le silence autant qu'elle le pouvait, et à la regarder s'emballer, fulminer puis se tempérer, à renfort de gestes amples et d'écarquillements d'yeux gigantesques. Quel drôle de personnage tout de même! Comme Elly aurait eu envie de briller autant que son amie...
Mais l'assassin n'eut pas le temps de ressasser plus longtemps ces questionnements puisque Jillian lui demandait des détails. Ce n'était pas à son habitude d'être aussi pressante dans ses interrogations. La plupart du temps Elly faisait son rapport et la Meneuse l'écoutait attentivement, jusqu'au bout, et elle gardait le silence de longues minutes pour réfléchir et digérer les informations glanées. Dans le cas présent, Elly avait eu à peine le temps d'acquiescer à la première question que la jeune femme tempétueuse lui en posait déjà une seconde.
L'assassin, surprise par le comportement de son amie, n'en laissa pour le moins rien paraître. Peut-être que Jillian avait été gênée par l'incident qui venait de se dérouler, et chercher à changer de sujet pour distraire leurs esprits fatigués.
C'est au moment où Elly Sora parlait de la Grande Prêtresse que le Putain ! échappa des lèvres de Jillian. Qu'y avait-il encore? Jamais Elly n'avait eu autant de peine à finir un compte -rendu, et cela la mettait mal à l'aise, et la stressait même. Mais quand le nom de Lika lui arriva aux oreilles, la Nùa ne put s'empêcher de froncer les sourcils et d'écarter les lèvres. Lika... Lika... Mais oui, c'était cette femme étrange qui voulait rejoindre La Troupe! Elly l'avait rencontrée à Ptot Tàh, un peu avant que celle-ci n'ait été détruite.

Après avoir réfléchi quelques secondes, Elly ouvrit enfin la bouche. Le ton larmoyant qu'elle avait quelques minutes auparavant été passé.
La dernière fois que j'ai vu cette fille, c'était dans les Bas-Fonds de Ptot Tàh, lorsque la Troupe y donnait un spectable. Elle était avec cet homme dont je t'ai parlé: Ithilion. Il avait fallu que nous nous battions contre un petit gang, vraiment quelque chose de ridicule. Je me suis éclipsée dès que j'ai pu, quand cette femme, Volesprit, est arrivée...

Elly se souvenait parfaitement du visage de Volesprit, qui lui été resté gravé au fond du crâne. La Nùa n'avait pas vraiment apprécié cette femme d'ailleurs, peut-être que l'assassin y voyait une teinte condescendante...
Quant à Lika... j'ai compris qu'elle suivait Ithilion et Volesprit dans les Bas-Fonds, faire la peau à ce qui devait être une racaille de bas étage. Une histoire de gangs je crois, de vendetta, ou autre chose du même acabit. Ensuite... plus de nouvelles. Je lui avais pourtant bien indiqués où étaient les caravanes...

Elly ne pouvait bien évidemment pas ce qu'il s'était vraiment passé. La Troupe était partie quelques jours avant l'arrivée de Maladie, et n'y été plus retournée depuis.
L'absence de Lika paraissait étrange... Il faudrait aussi s'y intéresser de plus près.

Mais pour l'heure la nuit s'était largement installée sur Storghein la Blanche, et il était l'heure de dormir. Au bout de quelques instants de silence gêné, où chacune des interlocutrices réfléchissaient de leur côté, Jillian se leva, Sam à ses talons. Elle jeta un rapide coup d'oeil au-dehors, où quelques courageux saltimbanques entretenaient le foyer. Puis elle adresse un signe de tête à son assassin et sortir. Les mille draps obturant l'ouverture laissèrent rentrer une vague froide sur Elly, qui s'était métamorphosée à nouveau, et ronronnait doucement au milieu des couffins.

Les temps à venir seraient durs...

[Désengagés : Jillian & Elly]

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[151-DH][FINI] Sous tous les rapports [Jillian]

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