Kriisten était portée disparue depuis tant de temps. Beaucoup trop avait estimé Joris. Il fallait agir, au lieu de rester les bras ballant à attendre que les réponses leur tombent des cieux. Toute cette mascarade, ce désastre ne pouvait durer indéfiniment. Storghien ne pouvait avancer sans L'Oblat, sans la ferme et généreuse Kriisten. Et le consort qui ne faisait rien, à croire que c'était lui le coupable. Ses prétendues recherches ne donnaient rien. D'ailleurs Meliant refusait catégoriquement de faire part de ses trouvailles aux Compagnons de la Reine. Un comportement des plus suspects, mine de rien. Il leur fallait en apprendre plus sur ce qu'il se passait dans les appartement de cet homme. Et puisqu'il refusait de parler, il fallait procéder autrement pour obtenir ces informations.

Joris te choisit donc toi pour cette mission dangereuse, car il ne serait pas simple de s'introduire dans ses appartements, son aile bien surveillée par des gardes qui avaient pour ordre de ne laisser passer personne. Le bureau de Meliant se trouvait au troisième étage.
Il te faudrait donc passer les patrouilles et ne pas te faire surprendre lorsque tu colleras ton oreille contre la porte.



[Mission terminée pour cause d'intrigue, les révélations sont faites dans le post d'intrigue]

[Je me permets de manipuler le décors, cette mission n'étant pas une réelle mission, puisque la fin en a été dévoilé, c'est juste par soucis de cohérence que je tiens à la jouer.]

L'heure est venue.
Une ombre pénètre dans l'immense couloir avant de se plaquer contre un mur. Sa respiration régulière, sa démarche souple. Il ne peut s'agir que d'un Compagnon. Pas de garde à cet étage, si ce n'est ceux qui attendent patiemment au pied de l'escalier monumental qui mène aux appartements de leur maître. Cette pourriture.

Ian s'élança hors de sa cachette, silencieux et invisible dans la semi-obscurité. Joris savait à qui il avait affaire lorsqu'il le choisit, lui. Les mauvaises langues diront que le Vice Capitaine n'avait pas fait preuve d'objectivité. Elles auraient été coupées net si elles avaient assisté à la scène qui suivit...
Il parvint sans encombre à s'approcher des escaliers. A quelques mètres à peine il disparut derrière un pilier. Il glissa un oeil pour évaluer la situation. Deux gardes encadraient le bas des marches et fixaient le mur face à eux. Un peu plus de deux mètres les séparaient de la première marche. Ian dut estimer que cela suffisait.

Tous les Compagnons sont des hommes dotés de talents exceptionnels. Pourtant, seul Ian pouvait réussir ce qu'il allait entreprendre. Il sortit de sa cachette, sans un bruit. Les gardes ne bronchèrent pas. Ils ne le virent pas s'approcher des escaliers. Ils ne l'entendirent pas passer dans leur dos, alors qu'à peine un mètre les séparaient. Ils ne surent pas que leur garde venait d'échouer et qu'un compagnon venait de franchir la première marche. Ian n'était pas devenu invisible. Il n'était pas dans le champ de vision des gardes, et comme aucun son, aucun mouvement brusque ne l'avait trahi, personne ne s'était rendu compte de sa présence. Et de son infiltration.

En quelques enjambées, il gravit le sommet des marches mais resta sur le pallier. Les choses allaient se compliquer. Les escaliers continuaient à monter sur sa droite, mais de même qu'à l'étage précédent, deux soldats occupaient sa base. Et cette fois-ci, impossible de se servir de leur angle mort. Des hommes armés circulaient dans le couloir. Contre toute attente, Ian prit la direction opposé à celle de l'escalier. Il se plaqua contre le mur de pierres froides et profitant du va-et-vient des gardes qui patrouillaient dans le couloir, il fit quelques mètres ainsi, sur la pointe des pieds.

Sans aucune raison apparente, il s'arrêta, fixant le mur opposé. Il détailla chaque pierre, rongée par le froid et les années. Ses yeux clairs allaient de l'une à l'autre, les transperçant du regard. Comme s'il voulait les obliger à parler. A révéler le secret qu'elles cachaient. Alors que l'une d'entre elle venait d'attirer son attention, il fut contraint à lâcher le mur du regard pour se dérober à nouveau derrière un pilier. Un garde approchait. Il allait être vraiment gênant pour la suite des opérations...

L'arc que Ian tenait coincé sous le bras glissa dans sa main. Il encocha une flèche silencieusement. Bandit l'arme... L'homme de Meliant passa à quelques mètres de lui... Ian relâcha la corde. Sans avoir tiré. La flèche regagna le carquois dans son dos. Le garde continua sa ronde sans se douter qu'il venait échapper de justesse à la mort. Il aurait été ridicule de le tuer ici. Rien de mieux pour alerter les gardes et Meliant en personne. Tant pis, Ian devrait se contenter de la présence du garde... Et traverser le couloir dans toute sa largeur sans être vu...

Il déposa ses armes derrière l'immense colonne. S'il savait récupérer ses habits après s'être métamorphosé, il n'arrivait pas encore à conserver son arc. A l'abri des regards, la transformation commença. Ses longs cheveux blonds s'élevèrent pour former comme un coeur autour de son visage, des crochets apparurent aux coins de ses lèvres, ses yeux devinrent jaunes avant d'être fendus par une pupille noire et petit à petit, une couverture d'écaille vint envelopper tout son corps. Leur teinte dorée rappelait la couleur de ses cheveux, mais c'est tout ce qu'il restait de Ian.

Un magnifique cobra l'avait remplacé.

Alors bien sûr qu'un tel reptile ne passerait pas inaperçu dans ce couloir... Mais traverser en rampant s'avérerait certainement plus efficace que de rôder sous sa forme humaine. Après s'être habitué à la cécité temporaire que lui imposait le serpent, il se concentra sur les vibrations du sol, sa langue pointue allant et venant, aussi efficace finalement qu'une paire d'yeux valides. Il sut que le garde de gauche, qu'il avait manqué de tuer s'éloigner de plus en plus jusqu'au fond du couloir, tandis que celui de droite s'approchait. Il fallait qu'il traverse lorsque les deux soldats entameraient leur demi-tour. Encore quelques pas... Ian se concentra. Et s'élança.

Le cobra long de deux mètres sortit de sa cachette et rampa jusqu'au mur opposé sans un bruit. Le soldat de droite lui tournait le dos, il ne le vit donc pas. Quant à celui de gauche, son demi-tour était à peine terminé que le serpent avait déjà atteint son but. Ian reprit rapidement la place du reptile et se plaqua à nouveau contre les pierres sombres. Ses mains jouèrent sur les roches, cherchant cette faille qu'il n'avait pas réussi à déceler depuis sa cachette quelques instants plutôt, sans pour autant quitter le garde des yeux. Il abandonna les pierres pour le pilier lorsque ce dernier passa devant, attendit son demi-tour, et revint à leur côté. Ses recherches accélérèrent, ses mains passaient d'une intersection à l'autre, jamais satisfaites. Pour la première fois il douta. Un frisson le parcourut. S'était-il trompé d'étage ? Il connaissait le palais par coeur pour l'avoir exploré de fond en comble, il savait l'emplacement de chaque pièce, la destination de chaque couloir. Et même des plus secrets...

Un déclic discret. Un soupir de soulagement.

Le mur se déroba derrière Ian. Et lorsque le garde repassa au même niveau, le Compagnon avait disparu, laissant derrière lui un mur de pierre on ne peut plus quelconque. Un passage secret s'était ouvert à Ian. Exactement de ceux qu'on imagine dans les châteaux hantés. La torche enflammée par on ne sait quel enchantement sur la droite, les murs recouverts de mousse, le plafond de toiles d'araignée... Sans oublier les dalles glissantes et l'odeur de moisi. Ian aurait préféré passer par celui caché derrière la commode d'une des servantes de Kriisten, qui passait tantôt par la salle de bains des femmes du personnel, tantôt par leurs dortoirs... mais il ne menait malheureusement pas aux appartements de Meliant – sinon Joris se serait chargé de la mission, pas fou !

Le Compagnon de la Reine se saisit de la torche et s'engagea dans l'escalier en colimaçon très étroit qui lui faisait face. L'ascension sembla durer une éternité – et dire qu'il n'y avait que deux étages... Car Ian n'était finalement pas sûr que Meliant ignore l'existence de ce passage secret... Remarque, il suffisait qu'il ne sache pas qu'un des Compagnons le connaissait... Il arriva enfin à la fin des escaliers. Il ne fit pas attention au couloir dans lequel il pénétrait, après l'avoir traversé maintes fois, il ne s'émerveillait plus de sa beauté étrange.

Totalement à l'opposé de celui qu'il venait de quitter, celui-ci avait les murs recouverts de tapisseries aux motifs simples, mais au tissu raffiné, tandis qu'une moquette sombre étouffait les pas pressés de Ian. Il ne jeta pas non plus un regard aux morceaux de parchemin enfermés dans des cadres dorés accrochés aux murs. Il les connaissait par coeur... Il s'agissait de lettres provenant de diverses personnes, de milieux totalement différents, même si toutes étaient Astorgs. Ce qu'elles contenaient n'avaient aucun sens. Certaines relataient des choses complétement dénuées d'intérêt, d'autres énuméraient des listes de noms, plantes, hommes et objets confondus sans aucune cohérence apparentes... Toutes cachaient de lourds secrets sur l'architecture du château. Derrière les mots à double sens, ou encore les énigmes qu'elles se contentaient d'esquisser, elles évoquaient l'existence et parfois même la localisation de nombreux passages secrets du palais. Ian avait réussi à déchiffrer à peu près le quart de ces lettres et avait découvert grâce à elles des raccourcis improbables, mais tellement pratiques. Un jour lui aussi rédigerait la sienne.

Il s'arrêta avant que le couloir n'ait pris fin et se tourna vers le pan de mur à sa droite. Il n'avait rien de différent par rapport aux autres. A première vue. Une fissure indécelable à ceux qui ne savent pas regarder trahissait sa fonction. Une porte. Ian prit une inspiration. Si jusqu'à maintenant la mission s'était avérée difficile, elle devenait à présent, franchement délicate. Sa main effleura la porte, puis la poussa doucement. Sans bruit elle pivota docilement et Ian se faufila dans l'embrasure. Il dut s'allonger sur le ventre et ramper. Le passage était très étroit. Il n'eut pas à avancer longtemps. Bientôt des voix s'élevèrent. Il reconnut celle de Meliant. Aussi froide et cassante que la glace. De son point de vue, il devinait la scène, sa vision était hachurée, tantôt il voyait la chambre dans laquelle il se trouvait, tantôt un obstacle entravait sa vue, à intervalles réguliers. A sa droite, la porte d'entrée gardée fermée, à gauche, à l'opposé total un lit monumental en baldaquin. Et face à lui des hommes étaient assis dans de confortables fauteuils autour d'un secrétaire. S'il était sûr que Meliant en faisait partie, il ne savait pas qui étaient les autres.

La chambre, celle du Consort, était richement décorée. Des tableaux, des tapisseries, des tapis, des trophées de chasse... L'un d'entre eux était d'ailleurs très impressionnant. Un squelette gigantesque, dont le corps était encadré de plusieurs bras très longs. Colossal.

La dépouille du Kraken.

Et parmi les tentacules géants du monstre des mers, invisible aux yeux de l'assemblée, Ian était tapi. Près à regarder la vérité en face, Monsieur.

[Très sympa ta transformation et ton déplacement dans le palais !]


A travers les os monumentaux, la vision fut bientôt assez nette pour permettre au compagnon d'observer précisément la scène sans être vu... Tant qu'il ne faisait pas de bruit à l'ombre du squelette.
Au pied du Kraken, un petit bassin d'eau était paisiblement secoué de frémissements légers. A partir de là était déroulé un large tapis rouge aux bords dorés orné d'une peau de bête en son centre, juste avant deux petites marches menant au bureau de Meliant. Derrière les confortables sièges, le mur arborait un immense soleil stylisé en or dont les rayons faisaient plus penser à des lances de soldats. A intervalle régulier et parfaitement alignés étaient disposés des torches fixées au sol, le feu crépitant depuis l'assiette. Sang et Or, voilà ce qui ressortait de cette chambre.
Après quelques secondes, un geste de Meliant fit prendre congé ses invités, sauf une. Ils se levèrent alors pour s'entretenir en toute intimité, et Ian dût prendre le risque de s'approcher encore un peu plus pour écouter la conversation. Le Consort avait déjà la parole.

".... Donné des ordres. Je ne veux pas sa fuite."
"Vous êtes avisé, Altesse. Vous ne devez pas laisser de la place à la chance ou l'imprévu." flatta son interlocuteur, un homme chauve arborant le signe d'une divinité sur son ventre rebondit.
" Ou à de la sédition, Gimbas. Les Compagnons pourraient intervenir dans nos plans, ne croyez-vous pas?"
"Bien possible, acquiesça Gimbas lentement, bien que je ne vois pas trop comment. Mais il faut les arrêter avant qu'ils ne deviennent trop gênant dans votre affaire."
Meliant leva une main, signifiant que son invité ne devait pas aller plus loin.

"J'y ai déjà songé, les actes valent mieux que des suppositions. Je vais dissoudre l'Ordre des Compagnons très bientôt. Cela devrait accélérer nos plans, et nous laisser une marge de manœuvre convenable. Les hommes sont-ils prêts?"
"Ils le seront bientôt votre Altesse, je vais m'en charger personnellement."
"Ne perds pas de temps, Gimbas. Cette affaire n'a que trop traîné."

Le bonhomme salua alors et prit congé. Ne sentant pas Meliant sur le point de partir, Ian rebroussa chemin et sortit par où il était venu. Ils pourraient toujours venir fouiller la pièce plus tard, même si le Consort ne semblait pas être un homme à laisser traîner des affaires....


[Ton post étant très bon, je ne te ferai pas l'affront de te demander un dernier message expliquant ton échappée. Mais si tu le souhaites, rien ne t'y empêches. Je clos en attendant, bien joué, et encore bravo pour ton post.]