-Vous vous fichez de moi? Vingts pieces d'or pour ce grimoire ? protesta Ithilion en tapotant avec rage l'épais bouquin poussiéreux qu'il tenait en mains.

Le marchand, un homme d'age mur de petite taille accoutré d'une veste orange, ne se laissa pas démonter face à l'indignation dont faisait preuve ce client difficile. Il reprit sa marchandise pour le serrer contre ses bras frêles, comme si il s'agissait d'un trésor sans valeur qu'on voudrait lui voler. De sa voix fluette et éraillé, finalisant le côté burlesque du personnage, il répliqua en levant "légèrement" la tête afin de défier le zelote du regard :

- Si vous le voulez c'est vingt pièces d'or ! La prochaine fois que vous protesterez, je vous monterais le prix à vingt-cinq !

Le ciel tomba sur la tête du jeune cydien. Vingts-cinq pièces d'or ?? Tout ce chemin, toute cette mise en scène pour acheter un exemplaire de " Stratégie politique et manipulation gouvernementale" d'Elvar Megan pour Volesprit. Un écrit d'un politicien Tamawa mort dans l'évènement tragique qui avait détruit la cité.

"Franchement, j'espère que ce livre en vaut la peine..."grogna intérieurement Ithilion."Madame a été appelé je ne sais ou, elle m'envoie faire ses courses à quarante mille lieues du QG pour trouver l'ouvrage d'un mort qui n'a rien eut de mieux à faire de sa vie que d'écrire un pavé imbuvable"

Pour se calmer, il souffla un bon coup. Il ferma les yeux quelques instants pour évacuer toutes envies de meurtre. Lorsqu'il les ouvrit de nouveau, son visage avait complètement changé d'expression. Sous deux yeux suppliants, un immense sourire rayonnait à présent, et ce fût de sa voix la plus amical possible qu'il implora :

- Pardonnez moi !! Mais s'il vous plaiiiiiit. Un petit priiix, une toute petite reduction à 15 pièces d'or. Aller quoi...c'est bon pour votre croissance !

Plusieurs signes signalaient la fureur bouillonnante qui gagnait rapidement le marchand. Le sang lui montant à la tête lui donnait une couleur rougeâtre, ce qui ne s'accordait pas le moins du monde avec son horrible veste orange soit dit en passant, son pied martelait frénétiquement le sol et ses petits poings rageurs se refermèrent prêt à s'écraser contre la face de cette impertinent qui se moquait de lui. Cette scène aurait pu se produire, si Ithilion n'avait pas fait une bonne tête et demi de plus et ne dégageait pas, malgré ses airs de gamin, cette mystérieuse aura pesante, amenant à la vigilance.

-ecoutez ! reprit le cydien jouant sa carte ultime pour remporter sa réduction tant désiré. On demande au premier passant à combien il estime ce livre ! Je m'engage à payer le prix qu'il en donne.

Le commerçant parut intéressé par cette ultime offre qui pourrait enfin résoudre cette histoire. Cela commençait à lui donner un mal de crâne de négocier avec un être aussi têtu. Mais il ne semblait tout de fois pas encore convaincu. Ithilion s'en rendit compte, c'est pourquoi il rajouta en brossant délicatement la couverture :

- Vous avez autant de chance d'etre gagnant que moi. Souvent les personnes pensent que plus un objet est vieux, plus il a de la valeur. Sans prendre en compte que votre article ressemble beaucoup à un grimoire, les gens attachent souvent un attrait mystérieux, magique à ce genre de recueil. Et la magie doit couter cher ? Si nous tombons sur un ignorant, vous avez toutes vos chances pour avoir un bénéfice.

Sa victime craqua. Le petit homme orange n'en pouvait plus, il ne prit même pas la peine de réflechir au propos que venait de lui servir le cydien. de toute façon, il y avait une certaine logique dans ce qu'il disait mais dans ce cas pourquoi le proposait-il si il était si sur d'être perdant? Aucune importance ! Plus vite il sera partie, mieux ça sera. Et avec cela, il avait une chance de vendre l'ouvrage plus cher que son prix initial.

-C'est d'accord. grommela t-il. Mais dépêchons !

ithilion se retourna et interpella l'individu qui passait à ce moment la derrière lui. Il s'agissait d'un homme plutôt jeune aux traits efféminés. Une longue chevelure rouge recouvrait un visage froid au regard tranchant. Cela ne perturba pas le projet du cydien :

-mad...euh pardon monsieur. Avez vous quelques secondes à me consacrer ? Je suis entrain de négocier ce livre avec ce commerçant. Nous ne sommes pas vraiment d'accord sur le prix. Pouvez vous nous donner votre avis.

D'un signe discret, ithilion pointait son doigt vers le sol ou venait d'être tracé grossièrement un un et un zéro. Le cydien revêtit son air le plus suppliant tentant ainsi de rallier cet individu, pour le moins étrange, à sa cause.

Dès l'instant ou l'individu lui posa une main de façon plutôt familière, voir intime, sur son épaule, sans ne savoir très exactement pourquoi, un mauvais pressentiment saisit le zelote. L'homme avait accepté, le visage ravie, de les aider à trancher le prix du livre. Cependant l'attitude de l'inconnu avait attiré l'attention d'Ithilion; alors qu'il lui expliquait le problème, celui jetait des coups d'oeil en arrière comme si il guettait quelqu'un. Serait-il poursuivit ? Non, un fugitif ne prendrait pas le temps de s'arrêter aider deux imbéciles à discuter sur le prix d'un gros bouquin poussiéreux. Alors pourquoi le cydien le sentait de moins en moins ? Son regard fût capté par celui que lui portait l'homme aux cheveux rouges. Envoûtant. Fasciné.
Ithilion était maintenant tellement focalisé dessus qu'il eut l'étrange impression que les yeux s'avançaient vers lui. Un contact doux de la main de l'individu contre sa joue le rappela à l'ordre. Ils s'approchaient réellement de lui. Malgré ses longues années d'expériences afin de maitriser son corps et ses émotions, tout ses membres refusèrent de bouger. Ces lèvres étaient proches ! Beaucoup trop proche !

" Nooon..nooon...ne fait pas le con ! !" prévint intérieurement Ithilion qui se doutait, non sans une désapprobation certaine, de la fin de la scène.

Le contact suivit immédiatement. Aucune douleur, aucun choc, les yeux du cydien s'écarquillèrent à la limite de sortir de leurs orbites lorsque leurs lèvres se rencontrèrent. Aussi doux et aussi bref que la caresse de la brise. Tout se brouilla à l'intérieur d'Ithilion, il mit quelques secondes avant de pouvoir réfléchir de nouveau normalement. Complètement abasourdie par la situation. Ses joues s'embrasèrent légèrement en se colorant d'un léger teint rouge.
Le jeune passant s'approcha de l'étalage, l'air tout naturel, et saisit le gros grimoire des mains du vendeur. Lui non plus ne semblait digérer correctement ce qu'il venait de se passer devant son échoppe, toute colère et agacement s'étaient volatilisé, son visage n'affichait plus que de l'incompréhension.

Tout ça pour un simple livre. Il avait démonté des mafias, fait enfermer les bandits les plus recherchés, résolut les plus grandes énigmes, et pourtant jamais le sort ne s'était jamais autant acharné ! Des dizaines de lieues parcourus à pied pendant cette saison pourrie ou les températures étaient les plus basses juste pour chercher un grimoire, ce marchand têtu qui essayait de l'arnaquer en lui mettant le prix de l'article désiré au plus haut, tout cela passait encore. Mais qu'en demandant à un passant de les aider dans les négociations il se fasse embrasser par un homme comme ça , sans prévenir, ithilion se demanda si il ne faisait tout simplement pas un cauchemar ! Cette pulsion particulière était elle dû à l'individu que l'homme au cheveux rouges surveillait ? Une histoire de couple dont il était devenu un acteur malgré lui afin d'éveiller la jalousie chez sa compagne. Ou son compagnon, après tout, vu ce qu'il venait de se passer cela ne l'étonnerait guère.
Ses esprits à nouveau rassemblés, il s'apprêtait à dire à l'inconnu sa façon de voir les choses lorsqu'il se rendit compte l'immense lame suspendu en l'air. Prêt à trancher le prix comme convenu. L'imbécile !!! Ithilion se rua sur la table pour protéger le recueil politique contre sa poitrine. Le marchand, prit de panique, était tombé à la renverse. En se remettant sur pied, Ithilion ne put contenir plus longtemps la rage bouillonnante accumulée depuis les 5 dernières :
minutes :

-NON MAIS VOUS ËTES PAS BIEN ?!! IL FAUT VOUS ENFERMER !! PRIMO : VOUS ASSOUVISSEZ VOS DÉSIRS DOUTEUX SANS MON CONSENTEMENT ! DEUXIO : VOUS VOUS APPRÊTIEZ A DÉGRADER CE POURQUOI J AI TRAVERSE LA MOITIE D'AZTHYA !! CA CE VOIT QUE VOUS NE VIVEZ PAS AVEC MA COLLEGUE !! ET TERTIO ....

LA colère s'estompa immédiatement. Il chercha quelques secondes un reproche à ajouté pour finir d'enfoncer ce fou. N'en trouvant pas, il lacha d'une voix grognon :

-Il n' y a pas de tertio. Heureusement pour vous...

A ce moment la, le marchand ressurgit du dessous de sa table en pointant un doigt accusateur vers le causeur de tout ces problèmes, il hurla de fureur :

- SI IL A ARRACHE DES PAGES DU LIVRE !! J'AI APERÇU SON PETIT MANEGE ! A MOI !! GARDE !!..

-QUOI ?!!!! s'exclama Ithilion en se retournant vers l'homme aux cheveux rouges qui restait totalement immobile, un sourire agaçant aux coins des lèvres. C'est...c'est vraii..

La voix du cydien se brisa devant la gravité de la situation. Une véritable douche froid s'abbatie sur ce pauvre être désemparé . Volesprit tenait absolument à obtenir ce livre et il ne devait en exister qu'une vingtaine d'ouvrages. Si il lui en ramenait un avec des pages manquantes, il servirait de porte-veste à l'entrée de la grotte à coup sur ! Et voila maintenant que le marchand appelait à la garde ! Jamais il ne pourra retrouver un autre exemplaire de cet auteur, il fallait absolument qu'il achète celui la ! Et maintenant le temps pressait. Il plongea rapidement sa main dans la bourse et en ressortie quinze pièces en or. Les bouts de métal précieux atterrirent sur le comptoir alors que le grimoire disparut dans la sacoche d'Ithilion. Le nabot ouvrit la bouche pour contester mais le cydien ne lui en laissa pas le temps :

- La dégradation du bouquin fait baissé le prix ! Au-revoir !

Joignant gestes et paroles, il saisit le poignet de l'inconnu aux cheveux rouges et l'entraina à travers la foule. Derrière lui, il entendait les protestions des personnes bousculées sur leur passage. Un nouveau concert de mécontentement titilla la vigilance d'Ithilion. Il jeta un coup d'oeil à l'arrière, il constata avec horreur à travers le voile de cheveux rouges que la milice s'était jeté à leur trousse.

- Mais ce n'est pas vrai ! se plaignit le fuyard. Je n'ai tué personne ! Toi on va régler nos comptes une fois à l'abri, promit-il au malade aux pulsions sexuelles plutôt gênantes

"Et toi tu iras acheter tes livres à la con toute seule la prochaine fois !rajouta t il intérieurement à l'adresse de Volesprit. Ma bonté m'a trop perdu ! Surtout au niveau de ma pauvre bourse !"

Tamawa n'était pas une ville qu'il visitait régulièrement. Il y eut bien une ou deux affaires qui l'amenèrent ici mais sa connaissance des lieux restait restreinte. Les deux hommes coururent à travers les petites ruelles, bifurquant le plus possible dans l'espoir de semer les cinq-six gardes lancés à leur recherche.

Alors que Yuuhi s’apprêtait à couper le livre en deux, l’homme qui l’avait interpellé dans la rue se rua vers la table et protégea le livre contre sa poitrine. Le jeune homme aux cheveux de sang fut surpris de la réaction de son interlocuteur. Lui et le vendeur ne voulaient-ils pas garder chacun ce livre ? Quoi de plus simple que de couper le livre en deux et que chacun en garde une partie ? Pourquoi l’avait-il arrêté ? Yuuhi ne comprenait pas et ce fut deux yeux roux remplis de surprise qui regardèrent Ithilion à ce moment-là. D’ailleurs, heureusement que le Chef des Enfants de l’œil d’Or savait suffisamment contrôler ses gestes et n’avait pas l’intention non plus de le tuer, sinon l’homme qui l’avait interpellé aurait été blessé voire pire. Laissant son regard roux aller vers le marchand, il constata que celui-ci, choqué, était tombé à la renverse. Yuuhi eut à cet instant du mal à retenir un rire amusé, l’expression du marchand ainsi que son accoutrement rendant la scène des plus ridicules aux yeux du jeune homme.

Ce fut à ce moment, que l’homme qui l’avait interpellé se remis sur pied et, en colère, se mit à le gronder, lui reprochant tout ce qu’il venait de faire. Une personne normale aurait compris pourquoi l’homme était en colère, mais pas Yuuhi. Pour lui, il n’avait rien fait de mal. Pour une fois qu’il aidait quelqu’un, voilà comment on l’en remerciait. Super. Puis d’ailleurs qu’est-ce qu’il lui avait pris de vouloir aider cet homme ? Bah, les vieilles habitudes peut-être, après tout. Ah, l’homme voulait l’enfermer, bah il avait qu’à essayer lui-même ! Et puis pourquoi, il lui faisait tout une scène pour un simple petit baiser de rien du tout ? Il n’y avait pas mort d’hommes. Hein ? Dégrader ce que l’homme voulait acheter ? N’importe quoi, il voulait juste l’aider lui et le marchand ! Pff…

Alors que l’homme achevait sa longue tirade d’une voix grognon, l’expression que Yuuhi afficha à ce moment-là semblait dire « c’est bon vous avez fini ? Je peux parler maintenant ! ». Mais alors que le jeune homme aux cheveux de sang s’apprêtait à prendre la parole, le marchand l’accusa d’avoir volé deux pages du livre. Qu’est-ce qu’il en savait, ce clown, hein ? Jetant un regard méprisant au pauvre marchand, Yuuhi n’eut pas le temps de faire le moindre commentaire que déjà l’homme qui l’avait interpellé l’entrainait parmi la foule après s’être exclamé, avoir payé le livre plus bas que le prix demandé et avoir pris congé du marchand furieux, ne laissant pas au jeune chef des Enfants de l’œil d’Or le temps de dire quoique ce soit.
A peine quelques instants plus tard, Yuuhi entendit lui aussi le nouveau concert de mécontentement derrière lui. La milice sûrement, puisque cet imbécile de marchand les avait appelé ! Comme Ithilion, le jeune homme aux cheveux de sang, jeta un coup d’œil derrière lui, et put en effet constaté que la milice s’était lancée à leur poursuite. En ce qui concernait le Dragon du Crépuscule, ce n’était pas la première fois, et cela ne serait sûrement pas la dernière non plus. Bah, pour le jeune chef des Enfants de l’œil d’Or, le jeu n’en devenait que plus amusant et se laisser entraîner par l’homme qui lui avait demandé de l’aide n’était pas mal non plus…

Celui-ci, en voyant que tous deux étaient poursuivis, se plaignit et promit à Yuuhi qu’ils allaient régler leur compte une fois à l’abri. C’était une menace ? A cette pensée, ne pouvant s’empêcher d’imaginer ce qu’allait lui faire l’homme, le Dragon du Crépuscule ne put empêcher un sourire amusé de venir étirer pendant un bref instant ses lèvres. Qu’allait bien pouvoir inventer l’homme ? Un duel ? Ou bien il allait le gronder encore une fois ? Le torturer, peut-être ? Nan, il ne semblait pas être du genre à faire cette dernière chose. Quoique les êtres bons n’étaient qu’un mythe dans ce monde. Ils n’existaient pas, du moins pas pour Yuuhi. Alors qui sait ce qu’allait bien pouvoir faire l’homme… Mais d’un côté, même si c’était plutôt malsain, cela attisait la curiosité du jeune homme… Quant à l’abri, il fallait encore qu’ils en trouvent un…

Dans l’espoir de semer les gardes à leur poursuite, Ithilion entraîna Yuuhi dans les petites ruelles, tournant à droite à gauche, un peu dans tous les sens afin de semer les quelques gardes derrière eux. Ce fut à ce moment-là qu’il remarqua que l’homme en plus d’avoir deux beaux yeux azurs avait aussi de beaux cheveux de la même couleur. Pourquoi remarquait-il cela seulement maintenant ? Yuuhi n’en savait rien et cela lui ne lui importait guère. En tous cas, le Dragon du Crépuscule trouvait cet homme amusant et avait encore envie de s’amuser un peu avec lui…

Soudain, alors que tous deux étaient toujours en train de courir, le jeune homme eut l’impression d’être surveillé et que d’autres personnes en plus des quelques gardes s’étaient mis à les suivre. Alors que l’homme allait tourner une énième fois, Yuuhi libéra son poignet et força l’homme à s’arrêter. D’une voix ferme, il déclara :

« Il suffit ! Cela n’arrangera pas le problème. »

Puis pendant que les gardes les rejoignaient, Yuuhi put enfin prendre la parole et répliquer aux reproches que l’homme à la chevelure bleue lui avait faits. Laissant un soupir franchir ces lèvres, il s’adressa ensuite à l’homme d’une voix un peu râleuse :

« Rah, là, là. Ce n’était pas la peine de faire toute une scène parce que j’ai juste un peu touché vos lèvres. Vous n’avez qu’à le prendre comme un pari que j’ai fait ou bien un gage. Qu’y a-t-il de mal à cela ? »

Puis s’approchant de l’homme, il lui tapota une nouvelle fois l’épaule gentiment et reprit d’une voix amusée, adressant un clin d’œil à l’homme :

« Ah ! Mais peut-être n’avez- vous jamais fait ce genre de choses, monsieur ? »

Pour une personne normale, cela n’avait rien de commun de faire ce genre de choses. Mais pour le jeune homme aux cheveux de sang, cela ne semblait n’avoir rien d’anormal. Où avait-il bien pu traîner dans le passé ? Qu’est-ce qui l’avait amené à devenir ainsi ? Le jeune homme ne savait pas très bien lui-même, mais il n’avait pas non plus prit le temps de réfléchir à la question. De toute façon, cela ne l’intéressait pas et il n’était pas du genre à se poser ce genre de questions sur lui-même. Pour lui, faire des paris, n’avait rien d’extraordinaire. Pour lui, donner un baiser n’avait pas plus de signification que de dire bonjour et il y avait encore pas mal d’autres choses qu’une personne saine d’esprit considèrerait tout sauf normal que lui considérait comme on ne peut plus communes. La faute à qui ? Lui vous répondrait au monde. Mais c’était plutôt à cause de son passé, de ce qu’il avait vécu…

Laissant tranquille l’épaule de son interlocuteur, Yuuhi laissa de nouveau un soupir s’échapper de ses lèvres et continua son discours, reprenant une voix râleuse :

« Quant à votre livre, je voulais simplement vous aider… Mais tout ce que vous trouver à faire c’est de m’empêcher de vous aider et de me râler dessus. »

Laissant une nouvelle fois un soupir s’échapper de ses lèvres, le jeune homme aux cheveux de sang murmura comme pour lui-même, mais suffisamment fort pour que son interlocuteur puisse entendre :

« Et dire que je voulais simplement aider ce monsieur… »

A vrai dire, le Dragon du Crépuscule n’était pas vraiment en colère contre l’homme à la chevelure bleue. D’ailleurs quand il était vraiment en colère, il n’était pas du genre à crier mais plutôt à monter des plans pour se venger, même si sa ‘vengeance’ ne pouvait être réalisé que bien des années après. Eh oui, Yuuhi était plutôt du genre rancunier. Très, même.

Soudain, le jeune homme aux cheveux de sang sembla se souvenir de quelque chose. Il se souvint alors de la première phrase de reproche que lui avait adressé l’homme qui l’avait interpellé. Même si cette dite phrase n’avait été dite que sous le coup de la colère, elle avait un peu moins plu que tout le reste au chef des Enfants de l’œil d’Or. L’expression de Yuuhi changea alors et un sourire à la fois amusé et méprisant apparut sur les lèvres de celui-ci. Se mettant en face de son interlocuteur, il approcha une nouvelle fois tout près son visage de celui de l’homme. Celui-ci étant plus grand que lui, il n’eut pas à passer un doigt sous son menton pour le forcer à le regarder dans les yeux mais dû lui lever légèrement la tête. Plantant son étrange regard roux dans les beaux yeux azurs, toujours le même sourire sur le visage, Yuuhi murmura d’une voix méprisante :

« Si vous tenez tant que cela à m’enfermer, pourquoi n’essaierez-vous pas ? »

Décidément, l’homme avait vraiment de beaux yeux. Leur couleur azur lui rappelait en quelque sorte les yeux de son propre cher petit frère. Même si les yeux de celui-ci étaient bleu ciel et non azur. A cet instant, comme si un lointain souvenir s’était subitement introduit durant un court instant dans son esprit, une lueur d’extrême tristesse passa furtivement pendant une éphémère fraction de seconde dans les deux yeux roux sans expression du jeune homme.

Tout à coup, Yuuhi s’éloigna de l’homme et lui tourna le dos. Puis semblant se rappeler une nouvelle fois de quelque chose, il frappa son poing dans le plat de son autre main et se retournant de nouveau vers l’homme, il prit une fois de plus la parole, semblant annoncer une évidence d’une voix enfantine :

« Les mauvais garçons ou filles sont toujours punies lorsqu’ils font une bêtise, n’est-ce pas ? »

S’approchant de nouveau de l’homme à la chevelure bleue, il continua sur le même ton :

« Et d’après vous, monsieur, j’ai été un mauvais garçon, n’est-ce pas ? Donc je dois être puni. »

Puis prenant une voix on ne peut plus sérieuse, Yuuhi poursuivit :

« Si votre punition est de me faire enfermer, monsieur, je suis prêt à l’accepter. »

De toute façon, au pire, une fois qu’il aurait jugé avoir purgé sa peine pour ce qu’il avait fait, il pourrait toujours combattre les gardes ou autre pour sortir de sa prison…

Soudain, les gardes les rejoignirent et Yuuhi se tourna vers eux. Fermant les yeux pendant un instant, il ajouta à l’attention de l’homme aux cheveux bleus :

« On dirait que les gardes ne sont pas les seuls à être venu nous rendre visite. »

Puis, d’une démarche féline remplie de grâce et d’élégance, le Dragon du Crépuscule commença à se diriger vers la milice. Pendant ce temps au coin de la rue, quatre costauds gaillards apparurent et eurent tôt fait de rejoindre Ithilion. Une fois qu’ils l’eurent rejoint, l’un d’eux posa sa grosse main sur la tête du Cydien d’une trentaine d’années et attrapa les cheveux de celui-ci. Essayant d’ôter les cheveux d’Ithilion de sa tête, l’homme costaud lui cria dans les oreilles :

« T’essaie de faire quoi là ? Otes moi ça ! On n’est pas un spectacle ici ! »

Puis l’homme costaux n’arrivant pas à ôter les cheveux du crâne d’Ithilion, continua, parlant toujours aussi fort et de façon agressive, projetant le pauvre homme aux cheveux bleus contre le mur de la ruelle :

« C’est quoi ces cheveux ! T’essaie de te la jouer cool c’est ça ! Otes-moi ça, bâtard ! »

Ce fut à ce moment-là qu’un autre homme, un jeune homme, apparut. Celui-ci, un poignard dans la main, s’élança vers Ithilion, prêt à le pourfendre de sa lame, tout en disant d’une voix remplie de colère, mais surtout de jalousie :

« Comment as-tu osé toucher à ma petite poupée ! Rends-là moi ! Rends-là moi ! »

Entendant tout le bruit qui se faisait derrière lui, Yuuhi jeta un rapide coup d’œil en arrière et reconnu le jeune homme qui n’arrêtait pas de le suivre depuis maintenant plusieurs jours. Le chef des Enfants de l’œil d’Or trouva que celui-ci ne manquait pas de culot. Cependant, le jeune homme aux cheveux de sang ne s’attendait pas à une telle réaction de la part de son poursuivant et trouva que le spectacle qui lui offrait était des plus intéressants. Haaa, quel pourrait bien être la suite des évènements ? Yuuhi avait hâte de le savoir…

La course s'arrêta brusquement à l'angle d'une énième rue. L'homme aux cheveux rouges s'était dégagé de sa poigne et lui avait posé une main sur l'épaule pour l'empêcher de continuer.

« Il suffit ! Cela n’arrangera pas le problème. »

Sur ce point, il se trompait lourdement. Combattre la milice de Storghein ou attendre au risque de se faire ensuite attraper par la Justice de la cité, les deux cas n'attireraient que des ennuis à Ithilion. Rien qu'au niveau de l'Ordre, il ne pouvait se permettre de se faire remarquer par les gardes en cas de futur mission dans ces régions. Mais le cydien ne reprit pas la fuite. L'individu paraissait décider à rester ici, et lui avait besoin de récupérer les deux pages manquantes. Une autre chose le perturbait, le calme qui se lisait sur son visage alors qu'ils étaient poursuivis par la milice, sa façon de se mouvoir, ses expressions, le sabre pendant à ses cotés, tout ces facteurs alertèrent l'attention d'Ithilion. Le sang ne devait surtout pas couler, il décida donc de rester pour veiller à la suite des évènements.

Attendant l'arrivée des gardes, l'efféminé se tourna vers lui. Lors de ses maintes études béhavioristes sur l'être humain, Ithilion avait apprit à comprendre le langage des gestes, des expressions, traduisant le véritable sens d'un message. Et au soupire qui s'échappa des lèvres de son interlocuteur, le cydien comprit que celui-ci allait enfin se justifier. Cela ne manqua pas. Mais une chose troubla particulièrement ithilion dans ces explications, aucune trace d'ironie, ni d'humour, il semblait tout simplement sincère. Comme si il ne comprenait pas ce qu'il avait fait de "mal". Après un clin d'oeil complice, il reprit d'un ton cette fois moqueur.

"Ah ! Mais peut-être n’avez- vous jamais fait ce genre de choses, monsieur ? »

Et même si cela était vrai, qu'est ce que ça changerait ?! Ithilion préféra ne rien répliquer ou plutôt préféra ne pas se justifier sur le sujet. L'amour était un chemin obscur dont il ne connaissait pas grand chose. A vrai dire, il ne s'y était jamais vraiment intéressé. Son esprit devait s'occuper déjà de pas mal de problème, nul besoin de soucie supplémentaire quand à son âme soeur.
L'étrange individu repartie dans son ronchonnement. Oui bon, exact ! Il n'avait pas été très tendre, surtout pour un simple bouquin. Sur le coup, les kilomètres parcourus, le prix, le baiser, le livre prêt à être tranché, la fatigue, les foudres de volesprit si il n'avait pas ramené le livre, tout ça à fait qu'il s'était emporté trop facilement. Il se promit de mieux se maitriser la prochaine fois. Encore une fois, l'expression sur son visage et la tonalité de sa voix apparaissaient sincères. Il avait réellement voulut l'aider à sa façon. Mais qui était donc cet ingénu ? Ce monde parallèle existait-il donc? Comme il avait tenté de le démontrer à Kolïn, celle-ci ayant au final bien rit de sa théorie stupide. Ou alors...cela venait peut être de son passé, de son éducation. Le lieu, la façon dont nous avons été élevé, le caractère de nos parents, leurs idéos, tout ça influençait sur notre façon de grandir, de percevoir le monde. Cet homme aurait été coupé du reste du monde durant toute son enfance ? Soudain son visage changea de traits. Ses sourcils se renfrognèrent, l'éclat de ses yeux devint plus tranchant, tout comme son timbre :

« Si vous tenez tant que cela à m’enfermer, pourquoi n’essaierez-vous pas ? "


Ce changement comportemental soudain surpris Ithilion. De quoi parlait-il ? Tout le long de sa tirade il n'avait pipé mot, pour justement éviter de me vexer. Schizophrénie ? Ce personnage couvrait beaucoup de mystère en son sein. La curiosité du grand amateur d'énigme qu'il était s'activa à l'intérieur de lui. Cependant, il ne voulait pas se mêler de sa vie. Le passé est une affaire privée et personne ne peut se permettre d'en violer l'accès. Hormis dans le cadre d'une enquête de haute importance, Ithilion se l'interdisait formellement.
La suite fût tout aussi troublant. L'homme aux cheveux rouges commença à lui parler de mauvaises actions et de punitions. Pourquoi? Qu'elle était la source de ce délire ? Soudain une image resurgit de sa mémoire. "-NON MAIS VOUS ËTES PAS BIEN ?!! IL FAUT VOUS ENFERMER !!" Non. Ithilion n'avait proféré ces propos que sur le coup de la colère accumulée notamment par le voyage, l'arnaqueur, le baiser, le livre qui aurait pu être coupé en deux. La cause de tout ce dialogue ne serait tout de même pas du à cela quand même ? Surtout qu'il n'avait noté aucune réaction chez l'individu tout à l' heure, hormis un certain amusement.
La voix de l'homme, plus doux cette fois il était apparemment calmé, le tira de ses songes :

« On dirait que les gardes ne sont pas les seuls à être venu nous rendre visite. »
En effet, quatre gardes complètement essoufflés arrivèrent de la rue d'en face. La course poursuite dans leurs épaisses armures ne devaient pas être une partie de rigolade.

-Attend..., dit Ithilion. Comment ça, pas les se...AIE

Une forte poigne lui tira violemment sa chevelure. Tout en hurlant d'une voix bourru une histoire de spectacle. Le pauvre cydien ne comprenait plus rien, il tentait dégripper le bras de son assaillant mais sans succès. Quel abruti ! Il ne savait pas distinguer une perruque d'une vrai chevelure ou quoi? Visiblement il s'en rendit enfin compte et visiblement cela ne dût pas beaucoup lui plaire. Avec un magnifique vol plané, Ithilion fût projeté contre le mur. Complètement focalisé sur son nouvelle "ami", il ne s'attendait pas à se faire sournoisement attaquer par derrière. Le choc fût plutôt rude, il mit quelques secondes avant de reprendre complètement ses esprits. Tout dégénérait. Les gardes avaient de grandes chances d'être blessé, lui aussi d'ailleurs, ce n'était plus le moment de garder son rôle d'extravertie.
A ce moment, un autre homme fondit sur lui, la pointe d'un immense poignard pointé vers lui, et il cria :

« Comment as-tu osé toucher à ma petite poupée ! Rends-là moi ! Rends-là moi ! »

Quelle poupée ? La lame effilée fouetta rapidement l'air dans un arc de cercle mortel. Un bruit mat suivit. Le garçon ne bougeait plus, haletant de fureur. Un léger filet de sangs coulèrent le long de la garde du couteau. Un expression horrifié s'était peint sur le visage d'Ithilion.

-Il ne fallait pas toucher à ma poupée ! C'est bien fait ! bien fait ! lacha l'assassin avec un sourire cruel. On fait moins le malin la einh?!!

-Mo..mo...monsieur !! balbutia l'un des quatre costaud en pointant en direction de Yuuhi.

Le jeune homme se tourna pour voir ce qu'il se passait. Un tic de fureur fusa au coin de ses lèvres. A côté de sa poupée, l'imprudent qui avait osé la toucher tout à l'heure le regardait avec un sourire narquois. Comment était-ce possible ?!! Son poignard était en ce moment fiché dans son coeur. Ithilion répondit sa question muette en lui désignant d'un mouvement de tete la cible de son acte :

-Es-tu bien sur de m'avoir vraiment attaqué?

Le gamin se tourna de nouveau vers l'Ithilion qu'il avait attaqué. Il ne put retenir un cri de stupeur. Il retira vivement la lame du cadavre. Le corps massif du gaillard chuta lourdement au sol.

- Illusion ou réalité?... ces deux choses sont parfois si proche qu'on ne peut les distinguer. C'est...troublant, n'est il pas? reprit le cydien d'une voix énigmatique. D'ailleurs sommes nous encore la ? Qui sait ? Peut etre suis-je juste derrière toi pendant que tu ne parles qu'a un reflet de ta conscience.

Le jeune fût soudain prit de panique, il bondit sur le côté et regarda frénétiquement dans tout les sens au cas ou ce diable aux cheveux bleus surgirait de nul part. Il courut se réfugier derrière la barrière de muscles sécurisantes des trois colosses sous ses ordres.

-Tuez le !! tuez le ! ordonna t-il en se recroquevillant sur lui même.

Le zelote saisie le bras de yuuhi avant de lui souffla :

-Ecoutes moi. Nous sommes a sept contre deux. Ces gardes, malgré leurs apparences, sont suffisamment fort pour nous mettre à terre, surtout si ils sont aidés par ces trois brutes.

Ithilion écarta ses pieds et étendit diamétralement ses bras . Puis d'un mouvement rapide, il balança son corps en avant, sa main droite fendit l'air en traçant une large parabole. Une violente bourrasque s'abattit brusquement vers leurs assaillants,les obligeant à se protéger les yeux et à prendre appuie pour ne pas être déséquilibré.

- C'est le moment ! Allons nous en. Et ne fait pas d'histoire, je n'ai pas que ça à faire!

Les deux hommes s'élancèrent aussitôt à vive allure. La ruelle déboucha dans l'immense avenue, artère principale de la ville. La foule y était si compact à cette heure que les deux fuyards peinèrent à la traverser. Au bout de quelques minutes, ils réussirent tout de même à en réchapper pour se retrouver à présent devant les portes de la ville.

- Sortons d'ici pour un petit moment le temps que ça se calme.conseilla le cydien en espérant que ce candide aux cheveux rougesle suivrait. Et en attendant, tu me diras qui est ce gamin capricieux. Tu as l'air de le connaitre. J'ai même l'étrange impression qu'il joue un rôle dans ce "gage" dont tu m'as parlé.