Notre histoire se passe un beau matin de Souffleneige alors que la paix semble petit à petit revenir même si les esprits les plus avisés de ce monde se doutent bien qu'elle ne pourra pas durer. Ainsi, le Temple se réveille doucement à la lueur des premières heures de l'aube. Le temps, clément malgré l'hiver déjà bien entamé, offre un ciel bleu parsemé de quelques nuages blanc et cotonneux. Sans doutes porteur d'une neige qui ne tombera que dans la journée ou dans la soirée. Il semblerait d'ailleurs que le temps se fasse un peu plus frais même si l'absence de vent est souhaitable, ce dernier ayant soufflé les dix derniers jours. Si je devais parler en température, je dirais qu'en cette matinée, elles pourraient bien frôler les dix degrés.
Le Temple de Tamawa se remettait petit à petit de ses blessures, cicatrisant ici et là les stigmates laissés par les attaques successives des Cavaliers de l'Apocalypse. La muraille détruite par l'arrivée de Bors ainsi que les demeures modestes commençaient à renaitre de leur cendres. Le Temple, abîmés ici ou là, semblait se réparer de lui-même, tel un phœnix. Il était évidemment présomptueux de dire que la cité neutre était de nouveau sur pied, fière et fidèle à ses convictions de paix, non, la peur était dans les yeux de tous, et si les bâtisses reprenaient vie, ce n'était pas encore le cas du cœur des habitants de la noble cité. Les Templiers quant à eux tentaient de soigner les blessés qui arrivaient parfois de loin pour obtenir l'aide du Temple, tout en continuant leur vie bien rangée. Bientôt, l'heure de la bataille sonnerait et ils se devaient d'être prêts. Ainsi, nombre d'entre eux partageaient leur journée entre études et entrainements et si la jovialité de l'Ordre n'était pas encore exactement revenue, nombre étaient ceux qui estimaient que c'était de leur devoir que de se préparer au combat. Pour préserver la paix, ils allaient une fois de plus devoir être saignés …
Le décor était planté du moins pas tout à fait car aux portes de la cité qui se réveillait sous un jour nouveau, se dressaient une petite compagnie qui espérait bien y entrer. Les quelques gardes aux portes semblaient réticents étrangement à les laisser entrer comme si la folie et la peur qu'ils pouvaient lire dans leur yeux ne leur inspiraient pas confiance. Sans doutes avaient-ils bien raison de se méfier, l'avenir seul le dirait. De là où tu te trouvais, tu pouvais voir cette étrange troupe qui voulait débarquer dans la cité neutre, y cherchant visiblement du réconfort et des soins pour leur malades. Sans doutes t'étais-tu dit que le comportement des gardes des portes était anormal et tu t'étais approchée malgré toi de l'entrée. En voyant ton allure, celui qui semblait le dirigeant de la Troupe, composée d'une dizaine d'adultes et de cinq enfants dont un en bas âge, tous à la peau basanée, s'adressa à toi, te prenant surement pour une Templière.

«　Vous êtes Templière　» affirma-t-il avec ferveur avant de poursuivre, «　vous êtes garants de la paix, pourquoi nous refuse-t-on l'asile ?　»

Sa voix était pressante, comme s'il craignait quelque chose. Ses yeux ne te quittaient pas. Derrière lui, les murmures des autres Almers se faisaient entendre sans que vous ne parveniez à comprendre ce qu'ils disaient. Le bébé pleura un instant jusqu'à ce que sa mère le calme. Tout cela n'avait sans doutes pas pris plus d'une minute ...

Les soldats te jaugèrent d'un œil mauvais.
Ils n'étaient pas hostile envers toi mais envers la troupe qui, il fallait bien l'avouer, ne les faisaient pas rêver. Au contraire, ils semblaient craindre plus qu'autre chose ces gens, aussi étrange soit-il. Certes la petite troupe d'Almers n'offrait pas un spectacle de calme mais comment pouvait-il en être autrement ? Ils venaient de voir leur cité détruite par un Cavalier ! Des morts jonchaient leur rues, l'eau était imbuvable, les cultures avaient été détruites … leur maisons, leur familles, leur ressources … tout était parti en fumée en l'espace de quelques jours ! Comment ne pouvaient-ils pas paraître fous aux yeux de tous !

Le garde leva un sourcil suspicieux tandis que ses trois camarades présents t'observaient d'un air tout aussi suspicieux. Sans doutes doutaient-ils de ce que tu venais de dire mais aucun n'osa contester. Seul le premier, qui avança d'un pas comme pour se démarquer des autres, pris la parole et osa t'affronter.

«　J'ignorais que Maitre Jiven avait une adjointe … aussi charmante.　» ajouta-t-il avec un sourire complice.

Tu avais de la chance, tu étais plutôt jolie à regarder et ce gros bêta n'avait pas du toucher de femmes depuis si longtemps qu'il en venait à se faire des films tout seul dès qu'une jolie fille lui parlait. Mais revenons à nos moutons. Le garde te détailla avant de réfléchir un instant et de finalement te répondre :

«　Ces gens viennent de Ptot Tàh, nous ne savons rien de la tragédie qui s'est jouée dans cette cité, peut-être sont-ils porteurs de la Maladie ! Mais si vous êtes prête à prendre le risque, cela n'engage que vous.　»

Il eut un sourire malicieux avant d'ajouter, d'une voix plus basse :

«　Nan mais franchement mademoiselle, regardez-les, on dirait des chiens apeurés, que seront-ils mise à part des bouches en plus à nourrir ?　»

Dans son champs de vision, les deux groupes de protagonistes ne semblaient pas prêt à lui laisser le moindre répit que ce soit les gardes qui la dévisagèrent d’un air aussi méfiant que mauvais ou les rescapés Almer qui portaient dans leur regard et leur yeux cernés le traumatisme qu’ils avaient dû subir dans la grande Ptot Tàh. Même si les soldats ne semblaient pas franchement lui en vouloir à elle, leur animosité envers les Almers eut le don de l’agacer à croire que pour eux leur souffrance n’était pas un motif pour leur offrir l’aide des Templiers. Elle détestait ce monde pour ce que les hommes étaient capables d’en faire et elle savait du haut de son éternité que les hommes n’avaient pas besoins des fléaux d’Azael pour s’entre tuer. Meurtre, conspiration, trahison peuplés les cours des plus grands depuis toujours et cela ce n’était pas les hommes du Dieu Maudit qui en étaient la cause mais bien les enfants d’Azthia. Certains Etats en étaient épargnés comme Silmarie en raison de la légitimité incontestable que procurait à la Grande Prêtresse l’âme de Silmaria ou Muria de par la jeunesse relative de la Cité et la loyauté qui liée les Amazones entre elles mais on ne pouvait à son avis en dire autant de Cydonia ou de Storghein –qui avait d’ailleurs il y a quelques mois failli subir un coup d’Etat. Personne n’était en mesure d’éviter de telle lutte intestine, pas même les Templiers qui tentaient de protéger les Cités les unes des autres, mais il n’y aurait jamais personne pour protéger les Cités d’elle-même. En revanche, ces derniers n’avaient aucune raison de refuser de fournir de l’aide à des rescapés d’une telle catastrophe.

Sa soit disante autorité sur les gardes due à sa prétendue place hiérarchique auprès de Jiven ne sembla pas convaincre outre mesure les gardes mais ils doutaient suffisamment pour ne pas la contredire. Ce n’était guère étonnant, en vue du mensonge et de son énormité néanmoins ils semblèrent passer outre leur doute et l’un des soldats, sans doute le plus gradé de ceux présent s’avança vers elle avant de lui montrer à nouveau la troupe d’Almer. Autant dire que la première tirade déplut à la Déesse, autant dire que la seconde ne fut pas mieux. La Dame ne sourcilla même pas, à quoi bon s’énerver sur de simples soldats cela ne serait que faire preuve d’une stupidité qu’elle ne se complaisait pas à arborer néanmoins elle doutait exactement du pouvoir qu’avaient les Templiers puisque ces derniers n’avaient pas de réelle supériorité sur les autres gardes, du moins elle n’en savait rien, tout comme Jiven n’était pas un souverain les deux milices devaient être associées.

Autant dire qu’il valait mieux la jouer fine. Se redressant, arborant une stature martiale devant la garde la templière tourna son regard vers les réfugiés et leur apparente fatigue avant de revenir au meneur auquel elle parla d’une voix claire mais pas autoritaire pour ne pas brusquer les gardes et obtenir leur coopération. L’avantage de Tamawa était l’universalité des peuples, et étant résidente Tamawenne d’origine Astorg elle pouvait se permettre de parler couramment toutes les langues sans paraître outre mesure suspecte.

« Si ces hommes et ces femmes étaient touchés par la Souillure, ils seraient je pense déjà décéder, il ne faut que peu de temps pour périr d’un tel mal. »

Néanmoins, force était d’admettre qu’ils n’avaient pas l’air d’être au sommet de leur forme et l’argument pouvait paraitre bancale ainsi continua-t-elle, toujours avec ce ton sympathisant qui pouvait vous faire passer de suspect à consœur. Pour la suite s’était à espérer.

« Tamawa est un refuge, un havre de paix pour les réfugiés. Nous nous devons de protéger les faibles et les victimes. »

Et voilà qui était fait. Si les gardes prenaient la liberté de refouler les rescapés ils pourraient entacher la réputation d’un Ordre déjà affaibli par les attaques des ennemies et la sécession.

« Mais vous avez raison , ajouta-t-elle en se tournant vers lui le front barré d’une ride soucieuse, nous ne pouvons garantir que ses almers ne soient pas un danger pour les résidents c’set pourquoi je vous demande si vous me le permettez de réunir quelqu’un de vos gardes pour nous escorter jusqu’au Temple où ils seront mis en quarantaine avant d’être soignés pour éviter tout risque de contamination. »

La prétendue adjointe savait que son plan était réalisable, les soigneurs au Temple n’étaient pas rares et il fallait éviter par-dessus tout que le reste de Tamawa subisse le même sort que Ptot Tàh et que la maladie se répande au sein de la ville neutre. Si des gardes veillaient à ce que les Almers ne soient pas pris par l’envie de se perdre dans les ruelles le risque était minime ce qui devrait sans doute rassurer les gardes.

Le garde ne parut guère convaincu. En réalité, le Souillure était une maladie difficile à soigner, même lorsqu'elle était prise à temps par un bon médecin. En revanche, il savait par expérience que certains médecins, n'ayant pas les ressources et les connaissances nécessaires, tentaient de soigner ce terrible mal en prodiguant chaque jour des soins qui ne faisaient en réalité que repousser l'échéance fatale. Ce n'était donc pas un mauvais bougre mais tout simplement un soldat fier et prêt à tout pour protéger la paix relative de la cité neutre. Tamawa avait subit beaucoup de pertes et de dommages et de nombreux réfugiés Almers ou Nùas étaient venus y trouver la paix en apportant maladies et autres réjouissances du même genre. Il voulait simplement être sûrs de la bonne santé de ces nouveaux arrivants et de leur état mental aussi sans doutes. L'homme observa chacun des membres de la troupe qui s'était avancée, pleine d'espoir, de quelques pas. Il pointa de sa lance ce qui avait semblé être leur chef et ajouta au propos de la dame un simple grognement. Il était méfiant, il n'aimait pas beaucoup l'idée de les laisser entrer dans la cité sans un examen médical ou autre mais si l'assistante et l'adjointe en personne de maitre Jiven le demandait, qui était-il pour le refuser ?
Il grommela quelque chose du genre « un havre de paix » suivit d'un flot léger d'insultes diverses et variées mais décida de ne pas s'interposer. Il n'était qu'un simple garant de la paix au bas de l'échelle sociale, il ne pouvait donc pas s'opposer à ce qu'une adjointe au directeur du Temple lui ordonnait à demi-mot de faire, toute aussi délicate et douce soit-elle pour le lui dire. Pourtant, l'avenir montrerait à l'homme qu'il avait eu tord de ne pas insister, qu'il avait eu raison de se méfier. La jeune Astrée, toute déesse qu'elle était, n'était sans doutes pas assez expérimentée pour savoir ce que la Souillure pouvait faire, pour savoir ce que les hommes étaient prêt à offrir pour rester en vie coûte que coûte. Quoi qu'il en soit, le garde fit un pas en arrière de mauvaise grâce et laissa passer la petite troupe. Quant à la dernière requête, il se fit un plaisir d'y répondre, sur un ton des plus ironiques tout de même, n'ayant peut-être pas apprécié d'être ainsi relégué au rang de gardes, ce qu'il était néanmoins !

« Je me ferai un plaisir d'accompagner cette vermine à vos côtés jusqu'au Temple. Pour plus de sécurité, deux de nos gardes fermeront la marche en revanche, si l'un d'entre eux tente quoi que ce soit, ils seront exécutés, vous voilà prévenue. »

Il parlait sur un ton fort déplaisant mais il avait la loi pour lui. Même à Tamawa, il fallait mettre en place un système parfois répressif sans quoi la cité, tout aussi neutre soit-elle, serait sujette à de nombreuses attaques. Ainsi, et surtout depuis l'incident de Ptot Tàh, il avait été décidé que les personnes appartenant au peuple du désert devaient faire l'objet d'une surveillance particulière pour éviter la propagation de la Souillure, si elles le refusaient, les gardes pouvaient décider de ne pas les laisser entrer et si passage forcé il y avait, ils avaient ordre d'agir en conséquence. Le principal était de protéger une population déjà fragilisée et si Tamawa était un havre de paix comme l'avait justement suggéré Astrée, elle devait le rester. Parfois en échange de vies.
Le garde se décida donc à accompagner la petite troupe composée d'une quinzaine de membres jusqu'au Temple. Tout au long du court chemin qui séparait les portes du Temple, il ne cessa de faire des réflexions sur leur état de santé douteux, sur leur yeux où ne semblaient régner que la peur et la folie. Les deux jeunes gens qui les accompagnaient et fermaient la marche se tenaient éloignés du cortège, comme s'ils craignaient d'attraper la Maladie, la mort en personne. Fort heureusement, les murs d'enceinte se firent bientôt voir. Le garde laissa la jeune femme et la troupe devant les portes pour retourner à son poste. Là, une nouvelle altercation eut lieu entre le chef de file et les deux jeunes Templiers postés à l'entrée, un garçon et une jeune fille. Après quelques négociations entre les quatre protagonistes, la petite troupe put pénétrer dans l'enceinte.

Etant donné qu'Astrée avait pris le risque de se présenter en tant qu'adjointe de Jiven, la moindre des choses étaient sans doutes d'aller le prévenir de l'arrivée quelque peu massive de réfugiés et ce, en personne. Ce fut ce que la jeune déesse se décida à faire, sans préciser qui elle était. Le directeur du Temple nota son courage et la remercia de son insistance auprès des gardes. Sans doutes ne savait-il pas encore ce qui se passerait pour la gratifier d'un si grand éloge. Mais peu importait, ce n'était pas la faute de la jeune déesse, ce n'était la faute de personne si ces quinze pauvres âmes avaient décidé de rejoindre Tamawa non pas pour la paix des lieux mais pour ses médecins, bien plus performant que les leurs qui ne pouvaient que les maintenir difficilement en vie depuis des semaines. Car ils étaient Souillés, sans aucun doutes, mais cela, la pauvre Astrée l'ignorait. Qui aurait pu le savoir ? Leur état de fatigue et de stress pouvait très bien être attribué à ce qu'ils venaient de vivre !

Alors que la journée avançait, de petites choses vinrent mettre la puce à l'oreille des Templiers que ce groupe en provenance de Ptot Tàh n'était pas aussi clair qu'il le prétendait. Le chef parlait à voix haute, signe d'un trouble psychologique fort développé, les enfants étaient malades, certains commençaient à présenter des symptômes inquiétants quant aux femmes, leurs yeux affolés ne présageaient rien de bon. En réalité, le médecin de la troupe était mort la veille au soir et c'était une chance quelque part que les symptômes ne se soient développés que tardivement. Les médecins Templiers postés dans le secteur de la mise en quarantaine étaient de jeunes promus de garde, bien loin du niveau de leurs maitres. Jiven avait fait dépêcher une équipe de soigneurs mais cette dernière avait du se rendre à l'évidence. Ils avaient le mal en eux. Quel mal ? Les Templiers n'osaient le formuler, peu d'entre eux savaient soigner la Souillure ou la reconnaître. Ce fut donc maitre Jacen en personne qui donna son diagnostic lorsque le premier mort fut déploré parmi la petite troupe. Ils étaient atteint de la Souillure et il n'y avait plus rien à faire. Ils étaient dans le dernier stade, le médecin de leur troupe ayant fait de son mieux pour repousser l'invasion de la maladie, il les avait en réalité condamner !
Le Templier n'eut d'autre choix que d'annoncer leur condamnation. Seulement les choses, toutes aussi tristes et douloureuses qu'elles soient, n'étaient pas aussi simples que cela ! Car la troupe, avant d'être mise en quarantaine, avait été en contact avec bon nombre de gens qui eux mêmes avaient été en contact à leur tour avec d'autres personnes. Tel un essaim, la Maladie se propagea rapidement dans le Temple à vitesse grand V.

Le garde de l'entrée était déjà allongé sur une couche ainsi que les deux jeunes Templiers. D'autres affluaient, sans doutes en contact avec les uns ou les autres. Les deux gardes qui les avaient accompagnés entre les portes et le Temple étaient déjà à l'article de la mort, visiblement de plus faible constitution que leur supérieur. A la nuit tombée, ils décédèrent dans d'atroce souffrance. Astrée ne pouvait que constater l'ampleur de ce qu'elle avait sans faire exprès causé. La Souillure s'installait trop vite pour qu'on puisse soigner les malades à temps et déjà, alors que vingt heure sonnait, la troupe d'Almer au complet avait succombé, en manque de soins. Alors que la jeune déesse passait devant le garde, ce dernier articula avec peine, le regard pleins de reproches :

« Je vous .. je … vous … l'avait dit. »

Une heure plus tard, l'homme était mort. Plus d'une dizaine de Templiers avaient été mis en quarantaine sans oublier quelques civils, passés par les portes de la cité avec les mauvais gardes, déjà contaminés. L'heure était grave et le visage fermé de Jiven et de son vieil acolyte ne disaient rien qui vaille. Dans un silence lourd, l'homme annonça, la voix serrée par l'émotion qu'il ne parvenait pas à contenir :

« A moins qu'un miracle ne se produise, il faudra les achever avant qu'ils n'en contaminent d'autres. Il nous faudra brûler les corps pour éviter que la Souillure ne se propage. »

Chacun de ses mots avaient été pesé, chacun lui avait pesé sur le cœur, il n'y avait qu'à voir son visage. Tous ces jeunes gens, ces gardes, ces civils qui avaient rencontrés la mauvaise personne au mauvais moment, leur vies ne tenaient plus qu'à un fil. A un rien. Les deux Templiers posèrent leur regard sur la fenêtre de laquelle on pouvait voir le ciel magnifiquement étoilé. Ce qu'ils prirent sans doutes pour un signe cruel du destin allait pourtant les sauver.

[ J'ai été un peu vite sur certains passages mais ainsi, tu pourras terminer dans ta réponse. Je te laisse le soin d'expliquer comment tu as pris la décision de te sacrifier pour les soigner à la lueur des étoiles ainsi que le soin de décrire ta réincarnation. Si tu as besoin, n'hésite pas à me MP. ]

La tension de la Déesse augmenta d’un cran lorsqu’elle perçut dans son dos le mouvement des Almers qui s’étaient avancés et en croisant le regard craintif d’une femme elle ne put s’empêcher d’adresser un regard pressant au garde qui malgré d’aussi nombreuses que visibles tergiversations finit par abdiquer en sa faveur. Déçue que son ton apaisant n’ai fait que l’énerver plus encore la Déesse muette se contenta de hocher la tête pour acquiescer à l’impératif du garde. C’était plus que rationnel de les empêcher de se disperser dans la ville au risque de les voir propager la Souillure et c’était pour la même raison qu’elle avait demandé l’escorte jusqu’au Temple, elle ne comprenait pas pourquoi il avançait ce ton désagréable en réponse au sien et décida par conséquent de passer tout simplement outre. Faisant signe aux Almers de s’avancer une fois les gardes en place, elle écouta stoïque les protestations du garde sur le chemin qui les amenaient au Temple et en alla même jusqu’à décrocher son arc dans son dos alors que les flèches dans leur carquois accrochait à sa taille claquaient à chacun de ses pas contre sa cuisse comme pour signifier sa désapprobation flagrante. Quant à savoir à qui elle destinait les flèches qu’elle comptait encocher à l’arc là demeurait le mystère. Ce garde n’était pas un homme mauvais mais se terrer comme il souhaitait le faire derrière les murailles d’Ankdor n’était juste pas une solution au problème, si un jour Tamawa était frappée par un mal quel qu’il soit que deviendrait ses habitants si toutes les Cités claquaient leur porte à leur visage ? De ce constat elle n’en fit rien à vrai dire mais la curieuse Déesse passa le trajet à observer les expressions du garde, les émotions qui s’inscrivaient tour à tour sur son visage qui parfois ne passait pas loin du cramoisi alors qu’il maugréait contre elle.

Sa contemplation prit fin lorsque les bottes de la Déesse foulèrent les dalles devant le parvis du Temple ce qui ramena la Déesse à son groupe de réfugiés et donc au temple. Elle salua de façon protocolaire le garde et celui-ci la gratifia d’une royale ignorance qui lui arracha une moue de tristesse mais elle laissa ce sentiment de côté pour s’occuper de la suite et qui ne s’annonça pas de tout repos alors que le Chef de la troupe s’en prenait désormais aux templiers aux portes. Faisant comprendre à ce dernier qu’il valait mieux s’il tenait à trouver refuge au temple pour lui et pour les siens de se calmer et de se laisser prendre en charge , Astrée s’en retourna aux jeunes templiers qui firent un pas en arrière rien qu’en étendant le mot « Souillure » -Comment le leur reprocher ?- et leur expliqua rapidement ce qu’elle avait exposé aux gardes, leur provenance, leur possible contamination et la quarantaine qui devait être mise en place. Une fois entrée, elle abandonna donc les réfugiés aux équipes soignantes pensant que l’histoire en finirait là. Inutile de dire qu’elle ignorait que ce ne serait pas le cas.
Traversant la salle commune pour rejoindre le bureau du Directeur, elle vit d’un œil distrait un aigle entrer et se poser sur une table alors qu’une blonde vénitienne aux reflets écarlates le regardait d’un air suspicieux avant de lui lancer un quartier de viande qu’un chien-loup s’empressa de gober en bondissant sur la table avant le volatile ce qui lui valut un mauvais regard de la rousse mais pas plus et le canidé regarda avec satisfaction l’oiseau disparaître. Une femme qui aurait pu être une vétérante vu son âge se joignit à elle et Astrée fit glisser son regard sur le reste de la salle où un môme lançait des boules de feu sur un collègue qui tentait de les bloquer à l’aide d’un bouclier et on épargna un bucher au temple que grâce à l’intervention d’un adulte qui doucha indifféremment les deux jeunes et secouant la tête avec un sourire au coin la Déesse se décida à presser le pas pour se rendre au bureau du Maître Jiven.

Dans le couloir, la porte appartenant au Directeur du Temple lui fut aisée à discerner bien plus imposante que les autres, placée stratégiquement en vue de l’importance de l’habitant des lieux, Astrée s’en rapprocha avant de porter lentement ses doigts contre la puissante porte et se repliant en un poing hésitant elle toqua contre le bois centenaire. Ouvrant la porte à l’invitation de Jiven, elle avança dans la pièce jusqu’à son bureau ou après s’être levé il lui proposa de s’asseoir, invitation qu’elle refusa poliment ne préférant pas trop s’attarder sur les détails de l’opération qui s’était déroulée quelques minutes auparavant et soulagée par l’aval que Jiven lui confia elle se retira rapidement du bureau du directeur du temple. Étrangement, quand un des templiers monta à sa suite pour lui poser une question il ne vit personne et trouva nulle trace de la fameuse rousse qui semblait s’être ni plus ni moins que volatilisée.

Pas si loin, en vérité juste là à bien y regarder. Mais si la haut, au sommet de sa tour, tenant compagnie à la belle architecture d’Ankdor. Elle n’est jamais bien loin, perchée à surveiller de près les templiers, à les couver de son regard bienveillant alors que l’ombre marche sur Azthia : Qui aurait cru que ce serait elle, une Déesse sensée être infaillible qui introduirait le Mal parmi les siens.

Et pourtant.
La Souillure se propagea comme une trainée de poudre, la tentative de mise en quarantaine avait de toute évidence échouée face au mal, trop virulent, trop rapide. Létal.
Le désespoir.
Une douleur sourde, un tumulte de souffrance, de pleurs étouffés, d’abattement et d’impuissance.
L’impuissance, une rage qui ravageait tout un être. Parsemée de remords à chaque fois qu’elle posait son regard bleu d’acier sur les malades. Vous pouviez fermer les yeux mais c’était totalement inutile : La détresse des souillés, écrasante par l'Esprit, manquait de vous faire exploser le crâne.
La peur, l’horreur de la maladie, la colère, la faiblesse des vivants. La mort.

« Je vous .. je … vous … l’avais dit. »

Les lèvres de la Dame Rousse se pincèrent en repensant au soldat mort, encaissant le coup du mieux qu’elle put alors que ses yeux trahissaient sa détresse. Contre le mur de pierre, la Déesse Templière anéantie avait laissé aller sa tête contre la pierre froide, glaciale à des lieux du bûcher qui détruisait le corps des templiers.
L’entrée de Jiven et de Jacen ne lui fit même pas respecter le protocole habituel, elle n’avait plus la force de jouer la comédie alors que ses fidèles se mourraient. Les mots de Jiven lui parurent lointains et lorsqu’elle redressa la tête pour suivre leur regard qui se portait sur la nuit tombante elle manqua d'arriver à la même constattion. Et puis la vue de ses compagnons de toujours, perchées qu’étaient les étoiles dans le ciel lui firent l’effet d’un coup de foudre dans une nuit ténébreuse. Quelle idiote, elle aurait dû y penser avant. Se redressant, la Templière couru vers la fenêtre et se dématérialisant sous les yeux sans doute médusés des templiers la silhouette de femme aux contours flous qui restait d’Astrée en cette instant loin de tomber monta dans le Ciel s’exposant à la Lune et aux étoiles se complaisant du pouvoir que lui accordait la moindre de ses réverbérations.

Elle pouvait les guérir, elle le savait.
Mais les lois d’Azthia sont immuables, même pour les Dieux. On ne peut ramener à la vie des personnes blessés létalement sans contrepartie. Non Jiven s’était trompé, il ne faudrait pas un miracle.
Un sacrifice.
Elle ne mourrait pas quoiqu’il advienne les Dieux ne pouvaient pas disparaître tant qu’ils persistaient de leur fidèle mais elle perdrait conscience, elle ne serait plus, elle ne saurait plus ce qu’il adviendrait des siens. Peu importe c’était la seule solution. Le Soin s’activa alors que ce valide pouvait voir à la fenêtre sur cette silhouette immaculée, sur la Blanche Dame un sourire s’épanouir alors qu’elle sentait son énergie la quitter peu à peu au fur et à mesure que la douleur et la souillure se rétractait du corps des mourants. Une vie pour une vie… non des centaines de vie juste pour celle d’une déesse, elle trouvait çà peu cher payé et comment ne pas ressentir cette pensée mesquine de retirer au Dieu des Morts des âmes qui s’apprêtaient à le rejoindre ? Ceux-là tu ne les auras pas Azael, pas tout de suite.
Et puis bientôt de la Déesse il ne resta qu’un orbe luminescent qui fila vers le Temple avant de se ficher dans la poitrine d’une Templière qui n’eut pas le temps de protester que déjà l’âme de la Déesse l’habitait. Tournant les yeux vers les lits, elle sentit les regards pesants qui s’attardaient sur elle.
Elle, c’était Cersei. Vice Capitaine de la Division des Pluies née fille bâtarde du Consort et demi-sœur de l’Oblat. Peut-être que les templiers s’attendaient à une déclaration quelconque ou à ce que ses yeux deviennent de grenat et qu’elle lévite dans les airs il n’en fut rien comme à l’accoutumée la jeune femme resta muette et ce fut la charismatique Jiven qui vola à son secours pendant que Jacen inspectait les malades.
Vaincue tu étais, vile Souillure.
Toute pression retombée, un éclat de rire brisa le silence venant d’un Astorg qui fut rejoint par le rire cristallin d’un Elfe. Une Almer fondit en larmes en comprenant que son amant était sauvé et Cersei se laissa aller à un sourire devant l’euphorie collective qui gonfla leur poitrine d’allégresse. Le Temple était sauf et la Réincarnation fut certaine qu’Astrée devait percevoir là où elle était ce pourquoi elle s’était sacrifiée.