La nuit était claire et agréable. Une légère brise flottait dans l'air portant en elle les notes enthousiastes des artistes de la troupe. Elles avaient réussi leur coup les malines. La bonne humeur avait gagné leur public, des éclats de rires répondant à leurs appellent. Tout avait commencé quelques minutes plutôt, par un hommage triste et mélancolique, faisant écho au propre chagrin de tous ceux qui avaient perdu un être cher. Keziah faisait partie du lot. Son père était mort au combat. En héros, certes, mais ce n'était qu'une maigre consolation, même pour un compagnon et cela ne remplirait jamais assez le vide qu'il avait laissé. Il lui avait fallut du temps pour s'en remettre. Elle laissa donc la musique bercer sa tristesse et les souvenirs si cruellement joyeux qu'elle gardait jalousement au fond d'elle. Puis l'air s'était charger d'un autre rythme, la réveillant de sa torpeur. Un fin sourire se dessina sur ses lèvres, quand elle vis les premiers danseurs arriver sur l'estrade. Voilà donc pour quoi et pour qui ils s'étaient battus: des gens de toutes sortes bondissant, et riant à tout bout de champs. Ses pensées étaient moqueuses,mais elle devait reconnaître que c'était sans doute la meilleure façon de célébrer leur victoire: montrer qu'ils avaient vaincus la mort et comptaient bien profiter de la vie. Au fond, elle était même persuadée que c'était comme ça que son père aurait vue les choses. C'était d'ailleurs pour ça qu'elle était venue, elle n'avait pas spécialement envie de faire la fête , mais elle était en vie et se disait qu' à cet instant précis, c'était ici qu'il aurait souhaité qu'elle soit: célébrant une victoire à laquelle ils avaient participés tout les deux.

Au fond elle ne regrettait pas d'être venue: l' ambiance était bonne enfant, et la troupe qu'elle voyait pour la première fois donnait un spectacle digne de sa réputation. Même de l'arbre où elle s'était appuyée les bras croisés, elle pouvait admiré leurs tours en appréciant leur qualité. Et puis ce n'était pas tout les jours qu'elle pouvait observer tout ce défilé de peuple différent sans qu'aucune animosité soit palpable. Ca vous donnerait presque envie de saluer un cydien. Bon fallait pas rêver non plus...Il était clair que sans ce concours de circonstances, cela ne se serait jamais produit et si les rivalités restaient bien planquées pendant la nuit entière, on pourrait déjà considérer cela comme une seconde victoire. Mais il y avait des choses intéressantes dans cette mixité d'un soir... Des détails auxquels on ne pouvait pas faire attention en temps de guerre, se révèle soudain comme une nouvelle attraction. Il y avait les accents, puis les vêtements...et les armes de ceux qui ne les avaient pas abandonnés. La forgeronne observait tout cela avec attention. Le visage impassible ,de nouvelles idées s'incrustaient dans son esprit, concernant telles ou telles lames laissées à l'abandon dans sa forge. Cependant de loin, elle avait l'attitude d'une simple demoiselle pensive. Car mis à part la rapière qui ne l'avait pas quittée , rien n'indiquait la nature de ses deux métiers: elle avait défait sa longue tresse, laissant ses cheveux ondulés se soulever au gré d'une brise, et -si si c'est possible- s'était forcée à mettre une robe. Bon elle était toute simple : bleue , manches trois-quarts, dans un tissu ni trop riche ni trop pauvre. Mais elle lui tombait bien, et Keziah s'y sentait presque à l'aise. La raison de cette tenue était simple: elle n'était ici ni en qualité de forgeronne, ni en qualité de compagnon. Ajoutez à cela qu'elle souhaitait passer le plus inaperçue possible pour se garantir une soirée pleine de tranquillité ... la robe s'était imposée comme un mal nécessaire pour le Bal. Elle n'avait pas eut tort. Cela marchait même plutôt bien....

Enfin, jusqu'à présent...

Le grand bal célébrant la victoire des forces du bien face au mal avait lieu à Tamawa. Ici se présenterais une foule de personne, de toutes les nations du continent. Il y aurait même tout le gratin, les familles royales et autres hommes politiques devaient faire bonne figure et se montrait pour qu'on les félicites d'avoir mené cette campagne victorieuse... Et mortelle. Les soldats seraient là aussi, ceux encore valide bien entendu et on les féliciterait d'avoir vu les pires atrocités de la guerre. Tous ceux qui ont pu se libérer se trouvait ici. C'était un événement qui attirait vraiment tout le monde, même les voleurs à la petite semaine. Talphan était donc ici, mais le coeur n'y était pas. Ici, on célébrait la mort de milliers d'âmes, et la préservation des centaines de milliers d'autres. Ses valeurs morales, bien au-dessus de la moyenne du voleur lambda voir même du citoyen moyen, ne lui permettait pas de voleur quiconque ici. Le seul plaisir qu'il lui restait était donc de profiter de la fête sous toutes ses coutures. Il mangera et boira à l'oeil, profitera d'un spectacle qu'il n'avait pas l'occasion de voir tous les jours. C'était à vrai dire les seuls points positifs que l'almer arrivait à trouver, il aurait pu se mêler aux autres, il était très fort pour cela. Il connaissait le mode de vie et les habitudes des gens de classe moyenne et du petit peuple, arrivait tout aussi bien à discuter avec une personne de haute caste sans se trouver idiot ou inculte. Cela était le fruit de l'éducation de l'un des plus grands assassins que cette terre ai connu... Un fait que Talphan avait toujours du mal à digérer. Son éducation lui permettait aussi d'apprécier la musique à juste titre. Un cadeau de sa mère défunte, lui apprenant à jouer d'un instrument ainsi qu'à danser, au cas où il en aurait besoin. Lors d'un bal, par exemple.

*A quoi bon ? Je n'ai rien à fêter ni personne à qui rendre hommage.* Pensa-t-il, amer.

Et c'était vrai, mais de toute façon, les danses n'avaient pas encore commencé. Pour l'instant, une musique triste et funèbre emplissait l'air, laissant à tout le monde le soin de faire son deuil aux personnes emportées par la guerre. Cet instant solennel dura de longue minute, laissant place au calme parmi tous les convives. Le rythme de la musique accéléra, prenant des sonorités plus gaie, plus entrainante. L'ambiance changea, laissant place à la joie et des couples se formèrent pour prendre place sur la piste de danse. C'est à ce moment que Talphan décida de s'écarter un peu de la foule. Il prit une coupe de vin et traversa cet océan de personne. Sans raison apparente, il passa à travers les danseurs à proprement parler, virevoltant, évitant un écart d'un cavalier ne suivant pas le rythme. Lui trouvait cela enfantin, sa souplesse et son sens de la musique aidant, il ne renversa même pas une goutte de son breuvage et arriva sans encombre de l'autre côté de la piste. Encore quelque mètre et il serait plus tranquille, dans la fraicheur de la nuit. Il but une gorgée de vin et continua d'avancer.

Une jeune femme était adossée contre un arbre, assez prêt pour pouvoir observer la scène et la foule, assez loin pour ne pas être pris dans une marée d'inconnu. La compagnie d'une personne lui convenait mieux que d'une centaine, ainsi se dirigea-t-il vers elle. En l'observant un instant, il se dit qu'il en avait peut-être trop fait dans le choix de sa tenue. Il portait une chemise en lin blanc, ainsi qu'un pantalon en soie noire qu'il affectionnait tout particulièrement. La soie était un tissu très élégant, mais surtout très léger permettant de ne pas entraver ses mouvements en cas de... disons en cas de problème. Là où il y avait vraiment eu de l'excès, c'était dans le chapeau qu'il avait volé juste avant de venir ici. Un tricorne peu encombrant, noir, surmonté d'une longue plume blanche. Devant cette astorg à la chevelure blonde vêtue d'une robe bleue simple qui lui sied à ravir, il trouvait vraiment superflue ce stupide couvre-chef. Aussi décida-t-il de s'en débarrasser d'une manière peu orthodoxe. Une fois à sa hauteur, il s'inclina, enleva son chapeau de sa main droite, veillant à ne pas renverser sa coupe de la main gauche et dit :

« Bonsoir mademoiselle. »

En se relevant, il fit un écart avec son poignet et envoya le chapeau voler un peu plus loin sans même lui accorder un regard et sourit à Keziah.

« Il semblerait que je ne sois pas le seul à ne pas apprécier la foule ce soir, puis-je me joindre à vous un moment ? »

Talphan ne s'attendait pas plus que ça à ce qu'elle accepte, sachant qu'elle préférait surement la solitude en cette nuit nuit de Soufflefleur, cependant, cela valait le coup d'essayer.

Talphan aime à penser qu'il arrivait assez bien à cerner les gens, bien qu'il ne s'en vante pas. La jeune fille qu'il venait d'aborder n'étais pas très réceptive à sa venue, non plus habitué à de tel cérémonie. Keziah n'était pas issu d'une famille de haute noblesse, on comprenait aussi qu'elle était un peu taciturne. Elle ne se trouvait pas être de bonne compagnie, sans doute n'avait-elle pas l'habitude de ce genre de rassemblement. Sa rapière qu'elle portait, même malgré sa robe bleue, laissait pré-sentir que cette jeune demoiselle tenait plus du garçon manqué que de la princesse en mal de romantisme. Sa manière loin d'être chaleureuse de lui faire comprendre son désir d'être seule se voyait comme le nez au milieu de la figure. C'est pour vous dire.

« Si c'était la compagnie que je recherche, dit-il en pointant la foule du pouce, je serais resté là-bas avec les politiciens véreux et les soldats prêts à déballer tous leurs exploits. »

C'était vraisemblable après tout, pourquoi s'éloigner de tout le monde si l'on recherchait quelqu'un à qui parler. La seule chose que lui voulait, c'était sortir de cette ambiance qu'il trouvait trop joyeuse en de telle circonstance. L'hypocrisie le rendait malade. Allez savoir pourquoi, notre ami voleur sentait que cette Keziah n'était pas du tout hypocrite. Le genre de fille à donner son avis sans se soucier des conséquences. Talphan n'avait rien pour en être sûr, mais son pressentiment lui suffisait pour qu'il se décide d'essayer de continuer la discussion entamée avec Keziah. L'almer but une autre gorgée de vin, son interlocutrice lui fit remarquer qu'il devrait mieux récupérer son chapeau, qu'on pourrait le trouver par terre et lui voler. Cette phrase le fit rire. En temps normal, il aurait retint son hilarité et aurait menti. Cette nuit, il se refusait de mentir. Au diable les masques et les déguisements, il en avait assez de ce stupide carnaval. Il but une gorgée acre de vin, et répondit simplement :

« Cela n'a aucune importance, ce n'était pas le mien. Vous avez goûté leur vin ? Pas mauvais, même si ce n'est pas mon truc. »

Suite à quoi, il fini son verre. Il n'avait jamais été vin, ne trouvant pas son goût très agréable. Celui-ci était tout de même acceptable, mais il n'en reprendrait pas. Dernièrement, Talphan avait trop abusé d'alcool pour vouloir tenter le diable en pareil en droit. Même si Keziah l'imaginait déjà bien imbibé, ce n'était pas du tout le cas et cela ne le serait pas. Il posa son verre vide à ses pieds, enfin il le laissa tombé sans s'inquiéter de son sort, n'ayant aucune envie de se trimballer avec un verre vide à la main. Il le ramasserait plus tard, pour le moment, il se concentrait sur la jeune femme. Talphan avait du mal à savoir comment appréhender l'astorg, doutant toujours de son envie de discuter un peu avec lui. Même si ses manières semblaient froides, elle ne lui avait pas simplement dit d'aller voir ailleurs. Il se décida finalement à tout simplement se présenter. La politesse, une notion simple que nous oublions bien vite parfois...

« Je m'appelle Talphan, dit-il en s'inclinant brièvement une nouvelle fois, à qui ai-je l'honneur ? »

L'almer se releva, une fois de plus en souriant. Il essayait de faire son possible pour décrisper son interlocutrice en espérant qu'elle ne se méprenne pas sur ses intentions. C'était en général cette partie la qui était dure à exécuter... Allez savoir pourquoi.

Les manières de Talphan n'était pas vraiment du goût pour Keziah, la guerrière astorg. Il n'y était pas vraiment allé de main morte il faut dire. S'il fuyait la foule, ce n'était parce qu'elle était composée de soldat, juste à cause de cette hypocrisie ambiante. L'almer ne pouvait pas lui en vouloir de mal interpréter ses paroles. Lui-même comprenait l'amalgame fait par la jeune femme, cependant il ne voulait pas s'éterniser sur un détail aussi insignifiant. Malgré le fait qu'elle trouve la situation ironique, l'astorg semblait être vexé. Autre chose la troublait, mais Talphan n'arriva pas à saisir ce que ce visage emplit de mélancolie signifiait exactement. Bien sûr, après une courte réflexion, c'était évident. Elle avait perdu un proche dans cette guerre, un parent, un amant ou un ami. Plusieurs d'un coup sans doute. Voilà pourquoi elle expliqua sérieusement ce que représentait pour elle ce bal. Le bal de la victoire, fait pour glorifier les combattants ayant donné la victoire à tous les peuples d'Azthia. Talphan se sentait un peu embarrassé, à aucun moment il n'avait voulu piquer à vif la jeune femme, aussi s'excusa-t-il :

« Veuillez me pardonner. Je ne voulais pas vous paraître aussi amer. J'ai tout perdu avant même que cette guerre ne commence, je n'avais rien à sauver à pars ma propre vie , il rajouta d'une voix à peine audible, pour ce qu'elle vaut... »

Ce qui était sans doute vrai. D'une certaine manière il enviait tous ceux qui étaient ici. Certes, la guerre avaient amené la mort et la douleur, mais c'était une menace tangible. Il y avait un ennemi à haïr, un ennemi à tuer. Même si la guerre apporte la souffrance, la victoire offre la joie éphémère avant de reconstruire tout. Qui pouvait-il bien haïr, lui ? La maladie n'est pas un ennemi que l'on peut vaincre. Elle frappe et tue, ni plus ni moins. On ne peut fêter sa défaite, on ne peut rien éprouver face à ça à pars la peine de la perte des êtres chers. Talphan n'avait donc rien à haïr, rien à détruire. Il devait vivre avec ça sur la conscience. Il n'avait pas le choix de toute façon.

La jeune femme, qui malgré tout ne l'avait toujours pas envoyé voir ailleurs si elle y était, continuait malgré toutt la conversation en le questionnant sur la raison de sa présence ici. Lui-même se posait la question quelque minute auparavant. Il n'était pas là pour travailler, comme elle pouvait le penser. Certes, cette réflexion était plus pour le taquiner qu'un reproche, cependant cela le fit hésité un instant. Donnait-il une si mauvaise image de lui au premier regard ? Allez savoir.

« Non je ne suis pas ici pour travailler, répondit-il en laissant courir ses yeux sur la foule bruyante, même si cela m'aurait surement rapporté. J'avais en tête de me changer les idées en venant ici, de m'imprégner de la bonne humeur ambiante. Cela n'a pas été une réussite, du moins jusqu'à maintenant. »

Talphan reposa son regard sur Keziah, Au loin, la musique changea de nouveau. Prenant un rythme un peu plus calme, mais entrainant tout de même. Il l'aurait reconnu entre mille, c'était une valse et pas n'importe laquelle. La Valse Cydonienne. Sa mère adorait la danser, ce qui fit que Talphan apprit cette danse dès son plus jeune âge. En grandissant, il se perfectionna et était en mesure de conduire une partenaire, même néophyte, tant qu'elle savait se servir de ses deux pieds. Une idée lui traversa l'esprit. Peut être qu'avec de la chance...

« Il y a peu de choses pour lesquelles je puisse dire avoir du talent, cependant la danse en fait partie. M'accorderiez-vous cette danse, Dame Keziah ? »

Il gratifia cette demande par un sourire, ainsi qu'une nouvelle courbette. On disait que la chance souriait aux audacieux, c'était le moment de le vérifier.

« Veuillez me pardonner. Je ne voulais pas vous paraître aussi amer. J'ai tout perdu avant même que cette guerre ne commence, je n'avais rien à sauver à pars ma propre vie , il rajouta d'une voix à peine audible, pour ce qu'elle vaut... »

Le regard de la jeune femme s'apaisa. Pas par compassion, ou pour les quelques mots qui semblaient avoir échappés au jeune homme. mais parce qu'il se montrait respectueux en quelques sortes. Il aurait pu répondre aussi cyniquement qu'elle -après tout il avait peut-être des raisons personnelles de ne pas apprécier ces soldats et elle même s'était montré assez dure avec lui- mais au lieu de ça, il s'était excusé, même si d'après ce qu'il disait il avait tout perdu depuis un moment. Peut-être le jugeait-elle trop sévèrement. La suite plaida en ce sens. Il répondait sincèrement à ses questions, sans chercher à dissimuler ni sa profession ni son sentiment vis à vis de la fête. Aussi étrange que cela puisse paraître , il semblait honnête pour un voleur. Keziah lui céda ce point: au moins il ne la prenait pas pour une idiote et ne cherchait pas à la mener en bâteau. Cependant, s'il délaissa le bateau, il lui proposa la valse. En effet, le morceau si entraînant tantôt s'était éteint laissant place à une mélodie douce et mélancolique. La jeune femme fut sincèrement surprise de l'invitation. Les seuls vrais pas de danses qu'elle avait effectué dans sa vie, devait remonter à l'époque de ses sept ans, sur le chant mélodieux de son frère. Depuis, tant de choses s'était passé, et sa nouvelle vie entre deux feux avait repousser au loin ce genre d'activité. Elle eut un sourire désolé pour son compagnon de soirée.

« S'il y a bien une chose pour laquelle je n'ai aucun talent c'est bien la danse, rétorqua-t-elle. Pour tout vous dire je ne sais pas danser...excepté avec une rapière à la main, mais je doute que ce type de danse vous intéresse ce soir... »

Face à lui, elle s'appuya derechef sur le tronc d'arbre, et, avec un sourire entendu ajouta:

« Je vous avais bien dit que je n'étais pas de bonne compagnie...»


Une douce brise souleva ses cheveux blonds.Son regard posait sur son interlocuteur, elle se demandait comment il allait réagir...Allait continuer la conversation? Ou tout simplement partir?Après tout s'il voulait vraiment danser, il y avait une multitude de jeune femme qui n'attendait que de se faire inviter. Surtout pour une valse qui plus est.


[Bon désolée c'est court mais je ferai mieux la prochaine fois >< ]

La conversation était moins tendue, les excuses de Talphan avait été accepté silencieusement. Keziah ne sembla pas enchanté par la proposition d'aller danser. Elle s'estimait ne pas être doué pour la danse, à pars une danse de lame. Elles n'étaient pas si éloigner l'une de l'autre, elles requerraient chacune une certaine grâce et souplesse. Cependant, une danse de mort n'était pas vraiment du goût de notre ami voleur ce soir, ni les autres jours d'ailleurs. L'astorg se tint contre l'arbre et ajouta qu'elle n'était pas de bonne compagnie. Ce à qui Talphan répondit sans même y réfléchir :

« Il n'y a pas de mauvaise compagnie à qui sait pleinement l'apprécier à sa juste valeur. »

Après un sourire amusé, il s'avança d'un pas vers elle. L'almer savait danser et le plus gros du travail, c'était au cavalier de le faire. La partenaire n'avait qu'à suivre le mouvement, ce qui était clairement dans les cordes de son interlocutrice. Il le sentait. La discipline militaire n'avait aucun secret pour la jeune femme, pourtant elle ne savait pas danser. Certains auraient trouvé cela risible pour une femme, Talphan trouvait juste cela dommage. C'était l'heure de donner un cours accéléré. Il lui proposa donc de partager son savoir :

« Je pourrais vous apprendre à danser, si vous le souhaitez. Qu'en pensez vous ?  »

Il n'attendait pas vraiment à ce qu'elle refuse. Son intuition ne le trompa pas puisque l'astorg accepta. Il se mis donc à la distance voulut par la valse cydienne. Ils n'étaient qu'à cinquante centimètres l'un de l'autre. Il leva sa main gauche à hauteur d'épaule entre eux et lui indiqua :

« Prenez ma main et mettez la main gauche sur mon épaule. Je vais placer ma main juste en dessous de votre omoplate. Il faut toujours fixer son partenaire dans les yeux. »

Il mêla le geste à la parole et posa doucement sa main dans le dos de Keziah sans la quitter un instant des yeux. En y regardant de plus près, on pouvait remarquer qu'elle avait de très jolis yeux bleu typiquement nordique. Il put remarquer aussi que, vu d'aussi près, elle était plus grande que lui. Cela ne le gênait pas, sa taille n'était pas un complexe chez lui, il était même habitué à danser avec une partenaire plus grande. Il avait appris enfant avec sa mère, cela aurait presque pu faire remonter quelque souvenir à la surface de son esprit. Keziah n'avait rien en commun avec sa génitrice, ce qui était tout aussi préférable. Talphan avait assez ressassé le passé comme ça.

« Maintenant, nous allons tourner de gauche à droite, sur un rythme à trois temps... Attention à bien garder votre pied droit entre les miens. Prête ? A trois. Un, deux... »

Trois. Le balais pouvait dès lors commencer. A cet instant, la musique, la foule, plus rien n'avait d'importance. Seule la danse comptait à présent, la différence entre eux deux ne lui semblait plus un obstacle, au contraire. Ils étaient le feu et la glace, l'ombre et la lumière. Si l'on y réfléchissait, on pouvait se demander comment ils en étaient arrivés là. Keziah était aux antipodes de Talphan. C'était une femme forte, courageuse qui savait se battre et avec un tempérament d'acier. C'était aussi un soldat honorable. Lui n'était qu'un voleur, qui fuyait toujours le combat et aussi docile qu'un agneau. C'était sans doute ce décalage qui rendait avait conduit cette rencontre anodine en un moment hors du commun. Le destin à parfois ses caprices qui lui son propre...

Le rire de Keziah résonna dans la fraicheur de cette soirée comme le plus doux des sons aux oreilles de Talphan. C'était la première fois qu'il l'entendait rire. Un rire symbolise la joie et la gaieté, il transmet d'ailleurs ses deux émotions à la personne qui le reçoit. Et l'almer les reçu sans rechigner, il faut dire que cela faisait longtemps que lui n'avait pas ri de manière sincère. Du moins sans un coup de pousse de notre ami des soirées entre ami, la star des sorties en boite de nuit, j'ai nommé l'alcool. Mais revenons à nos montons, enfin, notre astorg. Cette dernière n'était en vérité pas convaincu de la véracité du compliment reçu. Elle n'en dit rien et plaisanta sur le fait qu'il ne doive pas raconter ce qui s'était passé. En tant que soldat, elle ne pouvait pas se permettre qu'on apprenne ses penchants pour la danse, de peur que l'on se moque d'elle. Cette réaction eut le mérite de surprendre Talphan, il ne s'imaginait pas qu'elle puisse avoir tant d'importance pour sa réputation. Cela dit, étant donné la réputation de l'humour très pointu des soldats, on pouvait s'y attendre. De toute façon, ce n'est pas comme s'il avait grand monde à qui raconter ce qui s'était passé cette soirée. Son secret était bien gardé, ce qu'il lui fit comprendre en faisant mine de fermer la bouche à double tour et en jetant la clé par-dessus son épaule. Le voleur rendit son sourire à la jeune femme, l'atmosphère était beaucoup moins dérangeante, plus de gêne, plus de nœud dans la gorge ni de poids sur l'estomac. Juste lui et elle, discutant et s'amusant comme de bons amis.

Keziah reprit son sérieux, le complimentant sur ses talents de professeur de danse. Elle dit aussi qu'il pourrait utiliser ce talent. Lâcher sa vie de voleur, s'installer quelque part ou le domaine artistique a une certaine importance, comme Cydonia et avoir une vie meilleur par le biais d'un travail légal. Oui, le tableau se peignait déjà devant ses yeux...

« En effet, j'aurais surement une vie plus confortable, commeça-t-il, cependant, je ne peux pas partir. Pas encore. Il me reste des choses à accomplir, je porte un fardeau qu'un simple professeur de danse ne peut soutenir seul. »

Soudain, il se dit que cette franchise n'était pas forcément judicieuse dans ce cas. C'était déjà étonnant qu'elle accepte de discuter avec lui malgré sa profession, si elle apprenait qu'en plus il était à la recherche de son père, grand assassin en son temps... Sa réaction n'était pas du tout prévisible. Aussi changea-t-il avec un sourire amusé :

« Et puis, je suis près à parier que si quelqu'un vous dit que vous pourriez exercer un métier moins dangereux, vous ne l'écouterez pas n'est-ce pas ? »

Après avoir observé la foule, l'astorg remarqua certains de ses camarades. Il faut dire que Talphan ne peina pas à les distinguer non plus... L'un d'entre eux, astorg de pure souche à en juger par sa chevelure blonde, ses yeux bleus azurs et son teint pâle, mesure deux têtes de plus que l'almer. Ce détail le perturba un instant, il s'imagina devoir discuter avec un homme aussi grand... Il devrait lever la tête comme un enfant le fait pour parler à un adulte. Cette pensée stupide, le voleur la chassa vite et loin. Keziah émit l'idée qu'elle devrait sans doute aller rejoindre ses compagnons. Elle le dit, mais ne fit rien. Elle se contenta de le regarder, sans bouger, sans rien dire. Lui aurait voulu la retenir un peu plus longtemps. Rien ne lui vient à l'esprit. La jeune femme devait bien le quitter un moment ou un autre.

« Je comprend, je ne peux vous retenir indéfiniment ici après tout... Vos compagnons ne seraient sans doute pas d'accord avec ça et je doute faire le poids face à ces soldats. »

Il émit un petit rire, après tout, il ne faisait pas le poids face à un seul de ces soldats en combat. Cependant, aucun d'entre eux ne serait en mesure de l'attraper si l'un d'entre eux le prenait en chasse. C'est ce qu'on peut appeler l'équilibre des forces. Même si l'idée de devoir quitter Keziah le peinait profondément, il ne put s'empêcher de poser une question, qu'il qualifiera plus tard d'idiote.

« Pensez-vous que nous nous reverrons un jours ? »

Le voleur ne s'attendait pas vraiment à une réponse positive, mais comme le dit si bien le proverbe, l'espoir fait vivre. Tout ce que désirait Talphan en ce moment, c'était de se sentir vivant. Peut être pouvait-il y arriver après tout.

Plus le temps passait plus elle appréciait Talphan. Une certaine complicité s'était tissée entre eux tout au long de la soirée. Bien sûr on ne pouvait pas dire qu'ils se connaissaient réellement, chacun gardant soigneusement ses petits secrets sur les conseils de mère Prudence. Ainsi, lorsque Talphan évoqua son fardeau Keziah, ne chercha pas plus loin. Cela ne la regardait tout simplement pas. Mais elle l'avait gratifié d'un sourire entendu lorsqu'il avait supposé qu'elle aussi, pour rien au monde, ne changerait son métier pour un métier moins dangereux. Il avait été évidemment dans le vrai: être compagnon de la Reine était un tel honneur, qu'il semblait à Keziah que la Mort elle-même ne pourrait l'en détourner.

La réflexion de Talphan sur les compagnons, fit apparaître un joli sourire amusé sur les lèvres de Keziah. Elle imaginait la scène sans peine, qui, renforcé par le contraste entre Erik et Talphan, ressemblait plus à un énorme sketch qu'à une sérieuse confrontation. Oui il ne valait mieux pas qu'il tombe sur ses collègues.Mais son sourire s'éteignit lorsqu'il lui posa la question fatidique: se reverraient-ils un jour?

La forgeronne ne répondit pas tout de suite. Certes la question n'était pas idiote-surprenante la qualifiait mieux aux yeux de Kez- mais la réponse qu'elle y trouvait était loin d'être positive : ils n'étaient apparemment pas de la même cité et la voie qu'il avait choisie était à l'opposé de la sienne. A supposer que leurs chemins se croisent à nouveau, la trêve que leur offrait cette soirée ne serait plus et il se pouvait très bien que leurs objectifs finissent par les opposer. En réalité, il ne devrait même pas espérer la revoir, songeait-elle...

« Je l'ignore, répondit-elle simplement. Peut-être ne vaudrait-il mieux pas....»

C'était une réponse un peu froide, presque cruelle, elle le savait; mais elle n'était pas du genre à fignoler la réalité pour la rendre plus douce à entendre,même à ses propres oreilles. Les faits étaient là et cette rencontre n'était sans doute qu'une parenthèse qui allait bientôt se briser.

« Et même si cela devait arriver, ajouta-t-elle d'un ton qu'elle voulait taquin,vous aurez fait danser bien d'autre demoiselle entre temps, assez pour oublier cette soirée.»

Elle eut un fin sourire, complice quoiqu'un peu douloureux. C'était logique et plus que probable, chacun allait retourner à sa place: elle retournerait à ses armes, lui à ses vols et cette soirée ne serait plus qu'un vague souvenir. La jeune femme dévisagea l'almer de nouveau: les lignes de son visage, la couleur de sa peau, de ses yeux... et son regard qui refusait de la lâcher. Elle détourna le sien, sentant une douleur s'animer dans sa poitrine, tandis qu'un feu discret gagnait ses joues. C'était idiot de réagir ainsi, la jeune femme avait côtoyer plus d'homme dans sa vie que la plupart des femmes de Storghein. Ils ne se connaissaient même pas avant cette soirée et ne se reverraient sûrement plus... alors pourquoi faire tant de manières? Pourquoi cela prenait-il une tournure si dramatique?Elle chassa la question de sa tête, mieux valait ne pas trop chercher et aller à l'essentiel. Elle força son regard à revenir sur lui une dernière fois, et lutta visiblement pour retrouver son air impassible. Elle sembla chercher ses mots, mais renonça d'un geste de la tête.

« ...merci pour cette soirée......, dit-elle simplement d'un ton plus doux qu'elle ne l'aurait voulu. Et...faites attention à vous...»

Elle n'était pas très sûre de ces derniers mots. Elle n'avait jamais très douée pour les adieux, et ce n'était pas ce soir alors que, quelque part, la situation lui échapper, que ça allait s'améliorer. Enfin elle détourna ses yeux de lui pour se tourner vers la foule. Les Compagnons n'avaient pas bouger, aussi se décida-t-elle à entamer les premiers pas pour les rejoindre.

[Désoulée c'est vraiment pas un bon post mais j'arrive pas à faire mieux u_u''][ Désengagée ]