[151][FA] La naissance du feu sacré (end)

Le temps des négociations avait été ouvert. Chaque cité tentait de se remettre sur pied, assurant ici ou là ses positions, tentant d'étendre ses zones d'influence ou encore, de convaincre ceux-ci ou ceux-là qu'une alliance serait nécessaire. Philéa était une reine excellente dans ce domaine et pour ma part, je me contentais d'écouter sagement, de prendre de la graine et d'ouvrir ma bouche de temps à autres lorsqu'on m'invitait à le faire ou que mon avis avait un quelconque intérêt. Je n'étais qu'une princesse en formation, bien loin de la superbe de ma mère. En ce huitième mois de grossesse, j'avais du quitter le Temple à regret pour rentrer à Muria. Jelenna avait suivi le mouvement de peur que les choses ne se passent mal mais mon père avait quant à lui décidé de rester dans la cité neutre renaissante. Pour ma part, son choix était un soulagement, si nos relations allaient vers le mieux, je ne tenais pas à l'avoir dans mes pattes le moment venu.
Je regrettais.
Je regrattais beaucoup de choses, avais tenté d'en changer certaines. Mais ce qui me perturbait le plus était qu'au delà du regret du choix du père de cet enfant, j'étais heureuse de le porter. Ces quelques mois passés ensemble avaient été étranges, non pas que j'appréciais le fait de voir mon corps changer, se muer au point de voir ma peau se tendre au niveau du ventre, mais je trouvais appréciable la douce chaleur qui émanait de cette vie en moi. Jamais je n'aurais cru cela possible par le passé, j'avais même été dégoutée de voir Philéa enceinte de Jelenna ou des triplés. Je me demandais d'ailleurs si je serais capable d'élever cet enfant moi qui avait vécu dans une tour d'argent loin de toute figure paternelle. Sans parler que justement, je n'aurais aucune figure de père à lui offrir et je craignais quelque part que ce petit être ne finisse comme moi.

* Salopard de Fay, me laisser toute seule avec son gamin ! * songeais-je avec colère.

Feanaro m'avait abandonnée. Il m'avait séduite par jeu, s'était servi de moi et m'avait ensuite rejetée. J'avais une grande part de responsabilité dans ce choix mais tout de même … Il avait eut tord de penser que j'étais en mesure de laisser le trône derrière moi pour lui. Muria avait besoin de moi pas dans l'instant présent, mais, je l'espérais, lorsque Philéa fermerait les yeux. L'ancien Capitaine avait perdu sa foi, il avait perdu sa raison de vivre à cause de cette salope de Nessa et je n'avais pas su l'aider. Il avait tenté de se raccrocher à moi, mais je l'avais laissé de côté, incapable que j'étais de sauver qui que ce soit, pas même moi … Et il m'en avait voulu, il m'avait fait regretté chacun de mes choix jusqu'au moment où j'avais compris une chose : nous n'étions pas fait pour vivre ensemble. Nos caractères, nos convictions ou encore nos vies étaient trop éloignées pour être heureux ensemble. Si j'avais espéré le voir disparaître pour ne plus souffrir, jamais je n'avais souhaité sa mort. Je voulais qu'il s'éloigne de moi, que toute cette supercherie cesse et non qu'il perde la vie dans un stupide combat.
Feanaro était mort et seule subsistait de lui la petite vie qui se développait en moi.
Je le détestais de m'avoir trahi, abandonnée et poussée à faire des choix qui n'étaient pas miens. Mais j'aimais cette petite chose qui me donnait chaleur et réconfort les soirs d'automne comme celui-là …

Au Temple, j'avais eut l'occasion de canaliser ma colère, et si j'étais encore incapable de pardon envers le père de mon enfant, j'étais néanmoins capable de percevoir mes erreurs ainsi que mes responsabilités. Jamais je ne le dénigrerai en présence de son enfant, jamais non plus je ne mentirai à ce dernier lorsqu'il me posera des questions. Pour aller plus loin, j'espérais honorer sa mémoire en lui donnant un fils, car je savais que l'ancien Capitaine de la Garde elfique avait fondé comme rêve de donner un nom particulier à son fils. « Aedan », le feu sacré. Evenor avait été un soutient au Temple, son humour décalé et sa façon particulière de toujours me chercher et me trouver m'aidait à sortir de ma torpeur et m'avait fait plaisir. Loin de Jiven et de son élève, je me sentais comme dépaysée. Loin du Tribunat, je me sentais inutile.
Muria était devenue un prison malgré elle.
Je ne pouvais sortir sans être exténuée et Philéa ne tenait pas à ce que je montre une telle image de moi. Dans quelques jours, l'enfant serait né de toute façon et, disait-elle, j'aurais besoin de toutes mes forces pour veiller sur lui. Elle n'avait sans doutes pas tord. Pour le moment, le bébé ne tenait pas tant que ça à sortir.

La délégation était arrivée dans la journée, sans que je n'y fasse vraiment attention. Depuis que Jelenna était revenue, je passais le plus clair de mon temps avec elle ou avec les triplés. J'aimais le calme relatif qui naissait autour d'un nourrisson endormi. Au creux de leurs mains n'existaient ni bien ni mal, simplement la vie qui coulait à flots. Quant à Jelenna, elle aimait simplement leur présence, peut-être parce que cette dernière lui rappelait combien elle se sentait vivante. Pour ma part, je profitais de ces instants de calme avec la petite pour m'assurer que tout allait bien, que les séquelles de sa captivité disparaissaient doucement mais surement. Sa remarque ne manqua pas de me faire sursauter tant je ne m'y attendais pas.

« Ca se passe bien avec North ? » me demanda-t-elle, un sourire léger sur son visage.

Surprise, j'ignorais comment réagir.
Et puis d'abord, comment elle avait pu savoir ça ?

« Ca se lit sur ton visage comme sur le sien d'ailleurs. » conclut-elle.

Ah, d'accord.
Elle marquait un point. Ce que c'était con l'amour quand même. Je devais avouer que j'avais été attirée par son aura dès la première fois mais qu'étant engagée et sentimentalement instable et peu sure de moi, je m'étais contentée de le pousser dans ses retranchements pour obtenir ce que je voulais sans céder à ses avances. Depuis, j'avais eut l'occasion de le revoir et s'il n'avait rien tenté par respect envers mon défunt fiancé, j'avais senti qu'il en crevait d'envie. Je n'étais pas sure de partager l'idée mais au fil des visites, j'avais été obligée de constater qu'il m'attirait.
J'aurais du être lesbienne !
Mouais, l'idée pouvait faire sourire mais ça me saoulait très sérieusement quand même. Quoi qu'il en soit, si j'avais accepté de « sortir » avec lui pour la convenance, jamais je n'avais fini dans son lit et jamais il n'avait posé ses mains sur moi. Ou quoi que ce soit d'autre ! J'appréciais nos discussions comme sa simple présence mais je n'étais pas capable d'aller plus loin et il respectait ce choix, comme s'il attendait que je saute le pas de moi-même.

« Je n'en sais rien. » avouais-je.

Le rire cristallin et si pétillant de vie de Jelenna s'éleva dans les airs. Il m'avait tant manqué qu'il n'aurait pas manqué grand chose pour me faire pleurer de choix. Foutues hormones ! La gamine me regarda d'un air taquin avant d'ajouter :

« C'est que tout va bien alors ! »

Je lui rendais son sourire, ébouriffant ses boucles blondes d'un revers de main.

[ … ]

La délégation était celle de Vinyll, comme par hasard. N'ayant que peu envie de participer aux débats, j'avais fait acte de présence lors de la première rencontre, ne manquant pas de constater les regards persistants que m'envoyait mon petit ami, et dieux que le mot était moche et inadapté ! Il semblait hésiter, sans doutes du fait de ma grossesse, et ouais, avoir une copine en cloque alors que le gamin n'était pas de soi c'était pas la joie !
Tant pis.
Je l'avais foudroyé du regard, avais attendu la fin et étais partie sans demander mon reste. Philéa ne m'avait pas demandé de revenir et ce n'était pas plus mal. Si elle acceptait que je le fréquente et m'encourageais à aller plus loin pour mon propre bien comme elle le disait si bien, elle savait également que me pousser à faire quelque chose dont je n'avais cure ne menait à rien. Pour une fois, ma mère me laissait gérer ma vie à ma guise et ce n'était pas un mal … du moins à mes yeux.

Le soir tomba rapidement et la fraicheur de cette fin du mois d'automne me fit petit à petit sombrer dans un sommeil profond. Jusqu'au moment fatidique. Une douleur sans nom me déchira le bas ventre tandis que je me relevais en sursaut de sur les oreillers de satin. Si on m'avait dit que ça faisait aussi mal, je n'aurais pas signé ! Je tentais d'appeler à l'aide mais rien ne sortit de ma bouche en dehors de gémissements. Ce satané gamin allait me transpercer !!

** Jelenna !! ** appelais-je sans m'en rendre vraiment compte.

J'avais perdu le contrôle de mon don de l'Esprit et sans doutes était-ce un cacophonie pour tous les Sensibles de Muria mais je m'en foutais complètement.

** JELENNA !!! ** hurlais-je.

Aucune réponse mais un mouvement dans le couloir et le contact si léger mais chaleureux de ma cadette dans mon esprit qui m'assurait être en train d'aller chercher les sages femmes et me suppliait de ne plus la harceler de la sorte. Les minutes me semblèrent des siècles et personne ne venait. En réalité, tout n'avait surement duré que très peu de temps depuis que Jel' m'avait parlé. La porte s'ouvrit enfin mais ce ne fut pas les médecins tant espérés, seulement North qui se pointait, son air détaché à la noix sur le visage.

« Dégage ! » hurlais-je en le fusillant du regard.

Tandis que les sages femmes arrivaient à sa suite, l'homme soutint mon regard et se plaça à ma droite. Il prit ma main dans la sienne et resta impassible, le visage dénué d'émotions, ses yeux plongeant dans les miens comme s'il cherchait à me calmer. Rien à faire, la douleur était telle que j'avais l'impression qu'on me charcutait le ventre avec une rapière aiguisée.

« Mais tu vas sortir oui ?!? »hurlais-je à qui voulait l'entendre dans la chambre bondée à présent de médecins, de sages femmes sans parler de Jelenna, de ma mère ou encore, de North.

Cool, un spectacle gratuit !
Non mais dégagez bon sang ! Arg !

[ … ]

La petite chose rose était finalement sortie et l'une des sages femmes la posa sur mon ventre avant de me féliciter. Sans doutes un petit moment venait de se passer depuis que j'avais expulsé cette vie de mon corps puisque le nourrisson était déjà enveloppé surement dans un linge propre et que je me sentais quelque peu refaite. L'énergie coulait à nouveau en moi comme un flot continu tandis que l'Amazone m'annonçait « C'est une petite fille » … je murmurais en silence que je voulais être seule et Philéa fit sortir tout le monde non sans les remercier. Jelenna sortit en déposant avant un baiser sur ma joue et Philéa en fit de même sur mon front. Elle toisa d'un regard assassin North avant de finalement se résoudre à quitter la pièce.

« Ca vaut pour toi aussi, je veux être seule. »

L'homme m'ignora superbement en ajoutant, tandis que je prenais l'enfant dans mes bras pour contempler son petit minois.

« Comment va-t-elle se nommer ? » demanda-t-il alors que sa main s'était posée sur mon épaule.

« Aedan » avais-je répondu d'instinct, sans vraiment réfléchir.

C'était le désir de son père de la nommer ainsi et bien qu'elle ne soit pas née homme, elle aurait ce prénom, car tel avait été le dernier souhait de Feanaro sur cette terre.

« Feu sacré, c'est joli. »conclut-il en retirant sa main de mon épaule.

Le flux d'énergie cessa aussitôt. La fatigue reprit le dessus presque instantanément tandis que l'homme me demandait, d'un calme absolu, faisait fi de mes demandes qu'il quitte la pièce.

« Si cette enfant a besoin d'un soutient, je serais là si tel est ton désir. »

Je le regardais, incrédule et m'endormais avant de pouvoir lui offrir une réponse.
Pendant que je dormais, North saisit la petite fille, la posa dans son berceau et revint à mes côtés. A nouveau, il posa sa main sur la mienne et le flux de son énergie se déposa en moi, me soignant doucement mais surement, ôtant tout signe de fatigue et toute douleur post-natale. Sa proposition était sérieuse, je n'en avais jamais douté. Je le connaissais suffisamment maintenant pour savoir qu'il était homme de parole mais j'étais encore incapable de savoir ce que je voulais. Aedan émit un petit bâillement avant de s'endormir.

[ Désengagée ]

» [Fini][152][D-H] Cette épée dorée comme symbole sacré (PV Kyle + Forgeron)

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