La forme féline se déplaça sur les toits, mouvante comme une part d'obscurité supplémentaire dans la nuit d'été. Chaude, mais cela n'avait pas d'importance car elle ne ressentait pas vraiment la chaleur comme dans sa forme humaine.
Talia s'était toujours liée aux chats depuis qu'elle savait qu'elle était une élue d'Ilith. Elle s'en inspirait beaucoup, dans ses déplacements, dans ses précautions, dans son silence et sa grâce maccabre. Les toits d'Eratia étaient hauts, dallés en pentes, offrant de multiples prises discrète pour une transformation en chat. Elle croisa quelques uns de ses "collègues" (étaient-ils de vrais chats aussi?) qui lui jetèrent des regards haineux pour empiéter sur leur territoire. Certains s'hérissèrent sur son passage, crachèrent, miaulèrent de concert: s'inquiétant du bruit désagréable de tels événements, l'assassin préféra reprendre sa forme humaine.

Sur le toit, Talia les fit fuir par ce simple changement. habillée très légèrement, elle se faufila sur les tuiles d'ardoises avec la discrétion nécessaire à son travail, se substituant à la pâleur de la lune, cachant sa lame pour ne pas réfléchir la lumière. Les maisons et les appartements étaient hauts à Erathia, cela facilitait grandement son infiltration: certainement n'avaient-ils jamais envisagés que quelqu'un tente de pénétrer dans la chambre de Tutnesi ici. Mais Talia n'était pas femme à se borner à ce qui était attendu.

La Almer retrouva la fenêtre de son repérage. Descendant en rappel le long du mur, elle passa le plat de sa dague dans l'interstice des fenêtres, remontant le loquet de fermeture de la pointe de l'arme, poussant doucement les vitres qui grincèrent comme une cri plaintif. Soucieuse de ne pas perdre de temps après avoir fait tant de bruit, elle pénétra dans la pièce obscure puis ouvrit la porte de la chambre.

La pièce était noire mais l'assassin était capable de reconnaitre facilement la disposition dans la pièce. Elle savait, elle sentait, que sa cible était présente dans la chambre. Tout en confiance, elle lança vers le lit:

"Votre protection laisse à désirer maître. Je m'inquiéterai à votre place du peu de crédit que les gens ici accordent à votre protection. A moins que... Vous ne donniez plus à votre vie la moindre valeur?"

　　

L'étonnement se peignit sur les traits de Tutnesi. Le P'yra se demandait visiblement pourquoi son fidèle chien lui répondait avec tant d'aplomb lorsqu'elle était entrée dans la pièce mais désormais, alors qu'elle reprenait la parole, l'Almer commençait surtout à se demander pourquoi son assassin personnel, qu'il avait lui-même élevé, semblait soudain sujette à se moquer ouvertement de lui. Avait-elle oublié qui était le maitre ? L'éventualité que quelqu'un l'ai payée pour le tuer effleura son esprit. Nalween peut-être ? Sa femme n'était là que par bonté d'âme de sa part, sans doutes cherchait-elle désormais à se faire une place dans le monde qu'il lui avait offert. Lui prendre sa place. L'homme laissa échapper un sourire à cette pensée folle, sa femme avait sans doutes des qualités mais pas celle d'être capable de l'assassiner. Quant à Talia, elle devait simplement être dans une mauvaise période mensuelle car après tout, elle n'était rien d'autre que son chien.

« Je ne suis jamais seul c'est bien pour ça que tu es là. » répondit-il du tac au tac d'un ton pourtant calme.

En tant que réincarnation du Bénu et sans doutes aussi parce qu'il était paranoïaque, Tutnesi estimait ne jamais être seul. Il avait son dieu en lui tout comme il se savait sans cesse entouré, son aura hors du commun attirant les foules de fidèles comme les plus détraqués. L'instant suivant, l'Almer toisa la jeune femme avant d'ajouter d'un ton sec :

« Ta place est celle que je te donne. »

Talia était là pour obéir. Elle était née pour le servir. Si beaucoup de choses échappaient encore aujourd'hui à son contrôle, elle, ne pouvait en faire partie. La jeune femme était à lui, corps et âme dévouée à sa charge et cela ne pouvait changer.
Seulement certaines choses lui échappaient visiblement. La jeune femme qui lui faisait face n'était pas la Talia qu'il avait dressé. Elle était un chien errant cherchant un nouveau maitre. Une traitresse de plus parmi les rangs de ceux qui voulaient le tuer. L'Almer la foudroya du regard et se leva du lit où il s'était tenu jusque là. Il s'arrêta en face d'elle. Une longue minute s'écoula durant laquelle il la toisa, cherchant à comprendre ce qu'elle voulait très exactement. Puis, lorsque la situation en fut à un tel point qu'il comprit qu'elle était sérieuse, il la frappa. Le chien doit ployer devant le maitre. La baffe retentit bruyamment dans le silence de la chambre.

« Je n'ai pas d'autres fils que ceux que tu dois protéger ! » hurla-t-il.

Tutnesi n'avait jamais parlé de son fils, Thétis, né d'une première union passagère, qu'à l'assassin, estimant que ce secret, trop lourd pour qu'il le garde, serait mieux gardé par la jeune femme. Une vraie tombe supporterait beaucoup mieux que lui le poids de cette révélation ! D'autant qu'il lui avait demandé de le surveiller et si elle venait aux nouvelles, c'est sans doutes qu'elle avait perdu sa trace. Finalement, si sa cité avait été détruite, cela avait au moins eut l'avantage de lui ôter une épine du pied. A moins que le gamin n'en ai profité pour se faire passer pour mort et qu'il attende désormais tranquillement son tour pour lui succéder.
L'esprit de Tutnesi s'embruma l'espace d'un instant avant qu'il ne se mette à hurler :

« Je suis le P'yra et Erathia ma cité petite garce, personne ne me succédera sinon mes fils ! »

Une deuxième claque vola en direction de la jeune femme.
Le chien devait plier face au maitre ! Tutnesi ne cessait de se le répéter.

[ Désolée, il faut que je rentre dans le personnage et j'ai du mal >.<" J'espère t'avoir laissé suffisamment d'ouvertures ! Et désolée du retard, j'avais totalement zappé ! ]

Le temps passe et jamais ne s'arrête.

Le changement de saison s'annonce et bientôt, le blanc manteau de l'hiver qui recouvrait ce monde laissera place à l'herbe grasse et aux timides rayons du soleil. Le silence cédera sa place au chant des oiseaux et le monde s'éveillera petit à petit, sortant lentement de son cocon de glace. Dans ce décor que le temps semblait avoir figé, le moment est venu de s'éclipser, de laisser la nature reprendre ses droits et le cours des choses se faire.

[Désengagés : Talia, Tutnesi ]