Le paysage était changeant telle l'humeur des dieux qui l'avaient un jour créé. Le lac aux reflets irisés rejetaient sur le monde ses vagues paisibles dans un va et vient permanent. Des oiseaux quelque part, nichés dans les arbres du pourtour, gazouillaient paisiblement tandis que le monde semblait s'éveiller doucement, à moins que ce ne soit l'inverse et qu'il ne se contente de s'endormir pour mieux renaitre le lendemain. Y aurait-il seulement un lendemain ? Les âmes humaines avaient leur raison d'être, muée de peurs et de secrets, mais qu'en était-il des dieux ? Les prières étaient leur seule source de pouvoirs et si les humaines les oubliés, l'éternité posait sur eux les ailes froides de la mort. Du plus puissant au plus infime d'entre eux, les dieux craignaient tout autant la Mort que leur adeptes. Alors pour ne pas traverser le voile, ils obligeaient les âmes à prier pour leur salut, au nom de la foi, ils s'enorgueillissaient de guerre qu'ils avaient déclenché et gagné par le biais de leurs petites marionnettes et quand le jeu les laissaient, quand enfin l'heure de la déraison avait sonné, ils délaissaient leur fidèles pour enfin connaître le repos éternel …
Le jour se levait, à moins que la nuit n'ai décidé de prendre ses droits, nul n'aurait su dire qui, du soleil ou de la lune, remporterait cette étrange bataille vide de sens. Les deux qui furent jadis des dieux aujourd'hui oubliés, se toisaient d'un regard froid tandis que sous ses pas, la terre tremblait de la voir avancer sur elle. Elle, la déesse assassin, reine des cadavres et déesse de l'ombre. Tous craignait tant son courroux que ses rares adeptes à qui elle accordait force et discrétion. L'animal observait les étoiles plonger dans l'eau du lac pour s'y noyer dans un dernier cri d'un air absent. Ce fut à cet instant qu'elle vint. De toutes les déesses priées par les âmes, Esra était sans doutes la plus guerrière, la plus proche d'elle avait dans un premier temps songé le félin. C'était avant de se rendre compte de sa vraie nature.
Fragile, l'enfant avançait dans l'eau dans un dernier requiem, vêtue d'une robe immaculée, tel le sacrifice voué à sauver la vie des âmes priant pour son salut. En la voyant s'amuser du vent dans ses cheveux, la chatte couleur de nuit cracha à part terre et il lui sembla un instant que cette dernière prenait peur, comme retenant son souffle. Des poissons jouaient autour de la petite fille tandis que le vent chahutait ses cheveux bruns … Ce fut à cet instant que l'ombre avança, féline, macabre, vers celle à cause de qui tout était arrivé.
« Satisfaite ? » lança-t-elle à l'enfant sur un ton lourd de reproches.
Le corps félin avait cédé sa place en un instant à celui d'une femme tandis qu'autour d'elle se faisait le silence. A peine avait-elle esquissé un pas pour sortir de sa cachette que les oiseaux s'étaient envolés de peur, les chants s'étaient tut et le monde entier semblait retenir son souffle. D'une allure tout aussi féline que si elle eut encore été un chat, Ilith s'avançait vers sa lointaine cousine, son visage dénué de toute expression tandis que le rire cristallin de la gamine semblait redonner vie au lieu. Vêtue d'une robe noir de geai, ses cheveux bruns laissés eux aussi au vent comme pour répondre à ceux de la guerrière, la peau assombrie par le soleil, la déesse Almer semblait couler ses pas en direction de la petite Elfe pour finalement s'arrêter aux abords de l'eau. Ilith n'avait jamais aimé l'eau tout comme elle n'avait jamais apprécié l'Elfe, peu important sa race d'ailleurs. Les dieux faibles faisaient le malheur de son monde et Esra faisait partie de cette catégorie, protégeant ses petites souris avec tant de passion que cela en devenait écœurant. Sa réponse était pitoyable, à la hauteur de la forme qu'elle avait pris pour se présenter à elle.
« Tout ceci n'est que le commencement » lâcha-t-elle à nouveau, coulant vers son interlocutrice un regard où se lisait la haine.
Ses pupilles ne furent plus qu'un fin firmament noir perdu dans le bleu de ses yeux tandis qu'elle reprenait :
« Tes petites souris ont osé défier les dieux en s'en prenant à l'un d'entre eux. Qui sait si demain elles ne décideront pas de notre sort à tous ? Tâche de les protéger Esra, car bientôt, elles tomberont entre mes crocs »
Comme pour étayer ses paroles, un sourire dévoilant une canine blanche étira son visage tandis qu'elle concluait :
« Nous verrons bien qui gagnera cette guerre »
Un coup de vent balaya la silhouette de l'Almer et il ne flotta plus dans les airs qu'un doux parfois de sable chaud et un rire sarcastique. Lorsque le silence se fit de nouveau, seule demeurait au milieu des flots paisibles une petite fille dont le poids du monde ferait bientôt ployer ses frêles épaules.