Epanouie grâce à l'alcool ! [Libre]

Quel bien-être. Quel bonheur. Oui, Annabeth se sentait bien. Depuis longtemps elle n'avait ressenti une telle plénitude. Tout était désert, dans une plaine inconnue, elle ne voyait aucune vie, aucune personne, même Cristal et Flink (qui pourtant ne la quittait jamais). Mais pourtant, elle se sentait bien. Le cerveau vide de toutes pensées. L'Elfe n'était pas du genre à se prendre la tête pour un rien, mais elle avait toujours des idées plein la tête. Et là, rien. Aussi vide que la plaine sur laquelle elle marchait.
Et elle vit soudain un petit lapin. L'animal bondit joyeusement vers elle. L'Elfe n'en fut pas étonnée le prit dans ses bras, caressa sa fourrure chaude et douce, avant de le relâcher. Le rongeur disparut aussi soudainement qu'il était apparu. Annabeth se baissa et promena sa main sur l'herbe verte et tendre qui poussait ses tiges vers le ciel. Une pinte de bière apparut juste devant la demoiselle, qui la saisit avec reconnaissance. Elle porta la boisson à ses lèvres et en but une gorgées. Jamais bu un truc aussi bon. Un subtil mélange de bière, de bière, et surtout de bière. Avec une touche bonheur. Oui, c'est saugrenu, mais là, l'Elfe n'avait même pas envie de chercher d'où lui venait cette idée bizarre. Elle vida sa pinte d'un trait. Puis, elle en vit réapparaître une autre. Toujours aussi bonne. Puis une autre...
Au bout de la dixième, Annabeth ne s'était toujours pas lassée. Et elle n'avait pas mal à la tête, pas de pensée absurde (toujours pas de pensée du tout en fait). Pas saoule. Comme c'était bon de boire toutes ces excellentes boissons sans en recevoir l'effet. ET GRATUIT EN PLUS ! Pas de devoir, rien à faire. Radieuse, elle se coucha dans l'herbe et fixa le ciel avec intensité. On a tous un jour (quand on a rien à faire d'autres) levé la tête vers le ciel et vu des formes impossibles avec les nuages. Sauf que là ou l'un verra un mammouth à chapeau, un autre verra un lapin avec un smoking. C'est vraiment ça le problème.
Mais là, no soucy ! Annabeth voyait les choses tellement nette qu'on pouvait les confondre avec la réalité. Un éléphant aux intéressantes couleurs roses et rouge, une pinte de bière (trop loin pour l'Elfe cette fois), un lapin... N'importe qui aurait traité la jeune femme de gamine (et ça n'aurait pas été la première fois). Mais elle s'en fichait. Puis, elle était seule.
Une nouvelle pinte de bière à la main, elle allait boire quand elle vit une silhouette approcher. Frustrée de voir ce calme apaisant partir en fumée, la jeune femme grommela la seule chose intelligente qui lui vint à l'esprit :

Touche pas à mes bières.

Tranquillement suspendu dans le ciel, Illusio voyait de là haut les étendues sans fin d'une plaine sans colline. Tout semblait désert, à part une petite chose, au centre même de sa vision.

Illusio se laissa très lentement porter un peu plus près du sol pour mieux percevoir qu'était cette chose. Ce n'était pas une almer, une astorg ni même une cydienne. Il décida donc de se référer aux créatures imaginaires dont on entend parler dans les tavernes enivrées.
C'était petit, avec des oreilles pointues. Et un être petit et des oreilles pointues, c'est un farfadet! Sauf que tout farfadet de bonne famille se doit d'être répugnant et hideux, et ce n'était pas le cas de ce farfadet là. Alors c'était un nain. Mais problème était que la petite chose était splendide, de long cheveux dorés, un visage rayonnant et fin, un soleil de la plaine pour un corps élancé. Et un nain, à défaut d'être répugnant, n'est jamais réellement beau. C'était donc une fée. Sauf que cette fée là n'avait d'ailes. Et une fée sans aile, on appelle ça une ondine des fleuves. Hors, les fleuves s'étaient envolés depuis longtemps dans cette contrée. Alors, et citons toujours la sagesse des ivrognes nocturnes, une ondine sans fleuve est une dryade des arbres. Or les arbres même se cachaient dans ce lacunaire paysage. Il restait alors la possibilité d'une sorcière. Mais elle n'avait pas de bâton magique, ou de chapeau ridicule. Et une sorcière sans accoutrement de sorcière n'en est pas une. Et si même l'imagination dangereuse et sans limite des grisés et autres acolytes de la chopine ne permettaient de savoir ce qu'elle était, alors elle n'était rien. Un petit songe de rien.

Ainsi, ce resplendissant petit songe de rien, sans aile, ni fleuve ou bâton, se prélassait dans l'herbe, après avoir engorgée un déversement fluvial d'une boisson ocre et mousseuse. Et elle tourna son regard vers le ciel. Elle tourna son regard vers Illusio.
Car oui, et je suis désolé si cela ne vous convient pas, mais Illusio était bel et bien un nuage. Et l'acrobate s'en réjouissait, car de nos jours, la situation d'un cumulus fractus est très confortable et sans raison de se plaindre. Léger comme le vide, il planait sereinement, s'appuyant sur le néant.
Il décida de charmer son petit songe de rien, et de profiter de sa métamorphose pour s'adonner au jeu sacré des nuages: imiter quelques créatures du monde à faire deviner aux curieux nez-en-l'air. Il essaya de reproduire la silhouette de petit songe de rien, mais il n'était pas très doué. Et à vrai dire il était si grossier dans son ouvrage que ses milliers de petites gouttelettes d'eau délicates formèrent un énorme éléphant rose et rouge. Mais lui ne s'en doutait pas, et paradait fièrement dans l'azur.

Mais soudain, approcha un importun visiteur. Qui osait donc déranger petit songe? Illusio aux aguets, n'attendait que le signal de l'assaut de son petit rien, prêt à attaquer le ravisseur.

Touche pas à mes bières.

C'était le retentissement du cor, le signal de guerre, le cri du guerrier. Illusio descendit brusquement, aveuglé par une fureur sans nom, chargeant sa cible d'une lenteur pesante et affligeante. Puis quand il fut au dessus de cette dernière, il lâcha toutes ses gouttelettes, laissant jaillir une source torrentielle de pluies diluviennes, une inondation du ciel, un tsunami des cieux. Mais au fur et à mesure qu'il déversait son eau, en réalité plus à la manière d'une cruche que d'une tempête furieuse, le nuage perdait de son cotonneux pelage, et montrait un bout de pantalon, un coude, un grelot. Illusio comprit alors trop tard qu'il n'était pas un nuage mais juste caché dedans, et quand la dernière gouttelette d'eau qui le portait encore en l'air de toutes ses forces tomba, il l'accompagna dans sa chute.

Boum

Annabeth vit son précieux nuage virer soudain de bord, et, d'une lenteur incroyablement lente, il s'éloigna pour attaquer la silhouette à coups d'eau, de petites gouttelettes tombant de son ventre en une pluie doucement torrentielle.
Peu à peu, le nuage perdit de sa consistance, de son épais pelage cotonneux, jusqu'à ce que son ventre transparent laisse deviner une forme ni animale, ni... Une seconde. C'était une forme humaine. Mince alors, son divin nuage n'était même pas un nuage. Et, tout comme bon humain qui se respecte, il... Chuta. Purement et simplement, dans un fracas étourdissant.
Oubliant ses bières et le bonheur que lui produisait leur nectar, la belle se leva et courut à la rencontre de celui qui était tombé du ciel.
C'était bien un homme, un ange peut-être, vu qu'il descendait des cieux. Mais un ange pas vraiment blanc, ressemblant fichtrement à un Almer. Peut-être la trentaine, peut-être moins. Son visage, masqué, était-il aussi gracieux que celui d'un ange ? Annabeth ne savait même pas ça. Pas étonnant, elle n'en n'avait jamais vu. Juste entendu parler. Ces êtres blancs comme neige, ailés de nuages blancs et purs, couronnés d'une lumière éclatante, plus resplendissante que le plus beau des ors. Seulement, cet homme ne ressemblait en rien à ces descriptions fantasques. Mais si les bières étaient gratuites, si les éléphants étaient roses, alors un ange pouvait avoir le physique d'un Almer.
La blonde s'agenouilla à ses côtés et murmura :

« Ça va, petit ange ? »

Serait-il blessé ? Un ange pouvait-il avoir des blessures, d'ailleurs ? Annabeth n'avait jamais vu une représentation d'un de ces messagers ailés avec des tâches de sang. Impossible à imaginer, d'ailleurs, ces bestioles n'étaient pas censées être pacifiques ? Des machins blancs pleins de sang, on pourra dire ce qu'on voudra, ça fait pas pacifique du tout.
La belle proposa d'une petite voix :

« Au fait, tu veux de l'eau ? »

Les anges buvaient-ils de la bière ? Non, sûrement pas, tout comme ils ne pouvaient se blesser. Qui avait déjà vu un tableau avec des anges, une pinte à la main ?! Sûrement pas elle. Puis, même si elle se montrait gentille en essayant de parler au machin-sans-aile-mais-qui-pourtant-volait, lui donner ses bières, c'était un peu trop pousser la gentillesse. Même si elles étaient gratuites et illimitées.

« Comment tu as fait pour être dans un nuage ?Tu as mal ? »

Physiquement, voler dans un nuage était normalement impossible. Le corps était trop lourd, et les nuages trop... Pas assez solides. Peut-être était-ce un prestidigitateur angelesque ? Non, peu probable. Les anges devaient sûrement pouvoir faire ça avec facilité. Même les anges qui ressemblaient à un Almer.

« Peux-tu marcher ? »

Elle se sentait ridicule, là, à discuter avec un Almer/ange tombé du ciel. Mais au fait, pourquoi avait-il chuté déjà ? Ah oui il avait attaqué une silhouette. D'ailleurs, où elle était celle-là ? Annabeth était sûre d'avoir vu quelqu'un ! La belle jeta un regard circulaire autour d'elle analysant chaque détail de ce paysage trop calme et parfait pour être vrai. Non, aucune forme de vie, à part la végétation, ne venait troubler ce calme apaisant. Sauf elle, et l'ange-qui-ressemblait-à-un-Almer. Mais ils ne faisaient pas de mal, si ?
Que faisait-elle ici au fait ? Elle était certaine de ne jamais être venue dans cette plaine inconnue et paradisiaque. Ce genre de paradis ne s'oublie pas facilement. Qui a déjà vu un endroit où la bière est gratuite et où les hommes peuvent voler dans un nuage ? Personne ne lui en avait parlé en tous cas, même les plus ivres des hommes des tavernes. Etait-ce une autre dimension, un monde parallèle ? Ou mieux, était-elle arrivée sans même se souvenir d'être partie chez les Jinmens, un des rares endroits dont elle ne connaissait rien ?
Non, bizarrement, elle n'y croyait pas. Elle se souvenait vaguement, comme si son esprit était embrumé et plus vraiment actif qu'une femme lui avait parlé de ce territoire, et qu'elle ne le décrivait pas comme cela. Mais qui était cette femme ? Une Cydienne ? Une Almer ? Une Nùa peut-être ? Pourquoi ne se souvenait-elle pas ? Comme une pensée qu'elle voudrait saisir, mais qui chaque fois, s'échapperait. Comme l'air, plus libre et impétueux qu'un torrent, qu'on ne pourra jamais enfermer.
Finalement, elle n'était plus sûre de se sentir bien ici. Annabeth perdait la mémoire, et ça ne lui plaisait pas du tout. Pourquoi n'arrivait-elle pas à se souvenir ? Pourquoi ce lieu était si étrange, si irréel ?
Si elle ne s'était pas rendue compte qu'elle ne parvenait pas à se souvenir, peut-être aurait-elle pu continuer à penser avec insouciance....

« Euh... Tu sais où on est ? »

Comment repartir de cet endroit ? Elle n'était pas pressée, mais elle aurait au moins voulu savoir où elle se trouvait. A quoi bon découvrir un lieu super pour ne pas savoir lequel c'était, et ne pouvoir s'en vanter après ?

[Dreamer's Ball - Queen]

Le plus beau saut de sa carrière.
Il s'était élancé tel un félin, le corps souple, jambes et bras pendants, tête fière et crinière sombre flottant dans l'air derrière son masque. Bien que la retombée était à mettre entre parenthèses, et comparable à un dégoulinant gâteau s'éclaboussant sur le sol, Illusio n'oublierait pas ce magistral bond d'aussitôt.
Toutefois il restait pragmatique, et continuait sa traque. Mais où était la proie? Toujours allongé sur le ventre, il regardait d'un air vif autour de lui, mais à part l'herbe rase et des petits petons de songe de rien, néant. Le lâche avait fuit. Toutefois l'almer sentait au fond de lui que quoi qu'était cette chose, elle reviendrait un moment ou un autre, et cette fois le combat serait fatal.

« Ça va, petit ange ? »

Cette voix mielleuse rappela le grand chasseur à l'ordre, qui s'assit et dégagea du revers de la main les bouts d'herbes collés à son costume, afin d'être plus présentable. Le petit songe de rien s'était agenouillé auprès de lui, et le regardait d'une paire d'yeux saphirs. D'aussi près, elle était encore plus jolie, et son jeune âge augmenta l'affection protectrice que l'acrobate lui portait, le genre d'affection qu'a un vieux bonhomme pour son petit chaton.

Tant de charmes et de tendresses tirèrent du visage d'Illusio un petit sourire discret. Lui, l'assassin au visage impassible et aux sentiments renfermés, laissa apparaître sur son être une marque d'allégresse, heureusement pudiquement voilée par son masque. Lorsqu'Illusio se rendit compte de l'horreur de la chose, il tua aussitôt cet odieux rictus, honteux de ce manquement professionnel. Etre dans un nuage, rencontrer un petit songe de rien, traquer un être invisible, et bien soit, il s'y adaptait. Mais lui, sourire? Dans quel monde vivons-nous!
Ce flot de pensées et de sensations qui le traversait fit sans doute impatienter le petit chaton qui n'attendit point réponse, et enchaîna:

« Au fait, tu veux de l'eau ? »
De l'eau en ce lieu où rivières s'étaient envolées? Quelle étrange proposition...
« Et bien... »

« Comment tu as fait pour être dans un nuage ?Tu as mal ? »
Bonne question, il ne savait plus lui même comment il s'était introduit dans le nuage. Quant à la douleur, elle était bien présente, mais il en avait l'habitude.
« Pour tout dire ... »

« Peux-tu marcher ? »
Comment diable voulait-elle réponse si elle lui coupait la parole à chaque instant!
« Je pense que ... »

« Euh... Tu sais où on est ? »

Illusio ne répondit pas tout de suite et la regarda avec un air contrarié, toujours caché par le visage factice. Lorsqu'il vit que la petite machine à paroles avait posé sa dernière question pour de bon, il se mit enfin à formuler une réponse complète, en essayant d'effacer son accent si particulier, et en prenant un ton didactique

« Vous êtes bien curieuse, mais n'écoutez pas ceux qui disent que cela est mal. Ils sont frustrés de ne pas en avoir ou de ne point pouvoir l'assouvir, et envieux des autres.
Pour répondre à vos flots de questions, je commencerai par la dernière: je ne sais pas où nous sommes, aussi je vous propose d'explorer le lieu pour en savoir plus, et nous profiterons de cette ballade pour mieux nous connaître. »

Il se releva aussitôt, et tendit sa main en direction du petit songe pour prendre la sienne amicalement.
Quoi? Qu'est ce? Comment? Un deuxième geste de bonté! Décidément, ce chaton avait mauvaise influence sur lui, bien plus néfaste que ces alcooliques et bandits vagabonds qu'il rencontrait souvent. Il se rendit compte du sacrilège, et fit alors mine de compléter son geste en se grattant l'arrière de la tête. Puis il marcha aussitôt au devant pour oublier cet incident.
Devant, derrière, à droite ou à gauche, toute direction était la même dans ce lieu sans repère... Tant mieux, c'était des soucis en moins quant au choix du chemin et le risque de se perdre.

Illusio avait décidé de s'amuser avec le petit songe de rien. Elle l'avait détendu et l'acrobate ne voyait aucun mal à se distraire un peu. Après tout, il semblait si loin de tout, qu'il ne verrait sans doute plus jamais cet être, et qu'il ne compromettait pas son identité en jouant avec elle. Et cela lui permettrait même de fausser piste quant à qui il était réellement.

«Tout d'abord, je ne suis pas un ange, et je n'étais pas dans un nuage. Je suis un nuage. »

Son imagination toujours muselée aboya alors des milliers d'idées qui jaillissaient dans son esprit dans un acte libérateur. Toutefois, il essayait de rester le plus logique et intelligible dans sa bêtise.

« En effet, et c'est là que vous, chers mortels, avez tort, les nuages ne sont pas de simples blanches formes sans contours à regarder dans le ciel, mais des êtres à part entière avec une âme . En réalité, nous somme des sorciers, et nous aimons nous métamorphoser, comme je viens de le faire en prenant cette forme d'almer. Nous ne savons plus même si nous sommes nuages ou êtres humanoïdes, quoi qu'il en soit lorsque l'envie nous prend de guetter du haut de ce couvercle bleu, nous y montons, et lorsque nous voulons inspecter le socle du bas monde, nous y descendons. Car nous sommes les gardiens de ce monde, envoyés pour surveiller du plus bas sous terrain à la frontière sans limite des cieux. »
Mais un terrible jour, tandis que je guettais les toits de la citée d'Erathia, le souffle d'un vent terrible m'emporta d'une force invisible à laquelle les lèges nuages ne peuvent échapper. Le vent, unique compagnon de voyage, apprécie la vitesse en omettant la précision. Il m'emmena si loin que je perdis connaissance, et lorsque sa brise brutale cessa de m'accrocher à ses serres, je me retrouvais en ces plaines, inconnues pour moi et mes confrères. J'essayai de communiquer avec les autres nuages, mais eux semblaient n'être que des vulgaires gouttelettes d'eaux, car il ne me répondirent point. D'où mon idée que ce lieu est un autre monde, différent de mon originel zénith. A la vue du seul être qui semblait pouvoir communiquer, à savoir vous, je descendis à votre rencontre, et me voici. »

Il était assez fier de ce conte, malgré les couches d'idées qui se superposaient progressivement et alourdissaient la narration. Il avait parlé d'Erathia, car il pensait que cet être ne venait pas de là et ne pouvait vérifier ces informations frauduleuses. Mais aussi et surtout parce qu'elle était le seul lieu qu'il connaissait vraiment. Il avait par contre laissé dans le silence la traque de l'invisible, de peur d'être pris pour un fou huluberluesque, si ce n'était pas déjà le cas.

Alors qu'il avait finit son histoire, un étrange amas d'herbe irrégulier formé d'une cavité centrale était planté devant eux. Appliqué et absorbé par sa diction, Illusio n'avait pas remarqué cette bosse trouée. Il se rapprocha d'elle, et à son grand étonnement, ce joli tas était une grotte d'un minéral rocheux couleur verte plus tendre que l'herbe grasse écrasée par les deux compagnons. Malgré la teinte comparable à la verdure, les reliefs bruts et étranges et la rigidité concentrée ne trompaient pas quant à la nature de l'élément. Ils faisaient ainsi face à une grotte de pierre verte qui donnait sur un espace circulaire traversé par trois galeries. Les murs fissurés à certains endroits laissaient traverser des faisceaux lumineux qui s'alliaient au pigment du bloc, pour former des nuances et dégradés dont la précision apportait la beauté géniale détenue par les peintres perfectionnistes. Ainsi, ce relief cabossé cachait un trésor de dédales précieuses, et colorées avec clarté et tempérance.

« Et bien ma chère, je vous propose désormais d'entrer dans cette boîte à bijoux de lacis et d'émeraudes, tandis que j'écouterai à mon tour le récit de votre être. » acheva poétiquement le bateleur dans son élan de fantaisie.

Annabeth analysa de plus près le visage de l'inconnu, scrutant le masque, essayant d'y voir à travers. Mais peine perdue, elle n'y parvint pas, ce qui la déçut grandement. Elle aimait détailler les expressions des gens, surtout les inconnus. Par une simple grimace, ou par un regard évocateur, on pouvait deviner les intentions de quelqu'un, savoir si il représentait une menace, ou si au contraire, il n'était pas dangereux. Elle-même était plutôt dans le genre expressif. Et heureusement, sinon, ses amis ne pourraient pas suivre ses changements d'humeurs constants !
Bizarrement, elle préférait ceux qui était constamment impassible, masquant leurs émotions, à ceux qui portait bel et bien un masque, un tissu ou autre chose qui cacherait non pas ce que qu'ils éprouvent mais une partie de leur physique. Qu'y avait-il de honteux à avoir un visage ?! Ou peut-être, comme dans des romans, que cet homme avait été défiguré à la suite... Hum... D'une bataille, et que sa blessure était si odieusement horrible qu'il n'osait la montrer ? Oui, mais en même temps, un ange masqué défiguré, ça ne tenait pas la route comme hypothèse. Peut-être n'était-il pas un ange, même si elle était dans ce nuage ? Mais alors, (toujours la même question depuis qu'elle l'avait vu tomber) c'était quoi ?! Un Almer, tout simplement (ça lui paraissait plausible, elle n'étant qu'une Elfe, après tout) ? Hum, ça gâchait un peu le sentiment d'excitation qui s'était emparé de la belle à l'idée de rencontrer un être extraordinaire.
Annabeth sourit, amusée, tandis qu'une autre idée germait dans son esprit : peut-être était-il l'ange masqué, le défenseur des innocents, l'ange-dont-on-ne-doit-pas-voir-le-visage ? La belle décida de garder cette jolie hypothèse, en tous cas, jusqu'à ce que le Défenseur des Innocents ne lui donne une information plus précise. Puis, peut-être était-ce mieux, qu'il ne révèle pas son vrai visage. Ça lui laissait un côté mystérieux et irréaliste. Annabeth ne savait pas où elle se trouvait, mais dans cet endroit, tout était visiblement possible...

Non, en fait, la belle changea vite d'avis (comme d'habitude). Quand elle eut fini avec ses questions, elle se rendit vaguement compte que son interlocuteur avait essayé de répondre, mais qu'elle l'interrompait. Et, après sa dernière question, la plus importante à ses yeux (où ils se trouvaient ?), elle comprit que c'était un peu mal poli. Mais tant pis, dans ce lieu, rien n'avait l'air d'avoir d'importance – la preuve, cet ange était tombé d'un nuage, et ne semblait pas mort ! - mais au moins aurait-elle voulu savoir si son interlocuteur était agacé, ou si au contraire, il souriait. C'était frustrant, de ne pas connaître les sentiments de son interlocuteur. Annabeth en vint presque à se dire que Meliant, qu'elle détestait de haine pure, était plus humain que cet ange. Au moins, savait-elle que l'ancien consort ne l'appréciait pas du tout, (et vu que c'était réciproque, ça ne la dérangeait pas) et c'était fini. Discuter avec lui n'en devenait pas agréable grâce à cette certitude – la belle avait déjà essayé, sur la plage de Storghein, et ça ne s'était pas vraiment bien fini – mais au moins savait-elle qu'elle ne pouvait lui faire confiance, de part à cause de sa haine envers les Compagnons, mais aussi et surtout car son expression arrogante n'était pas vraiment engageante.
Là, elle ne savait pas si cet ange était en train de détailler ses formes (comme un ivrogne des tavernes), si il se demandait comment la tuer rapidement (comme un assassin qui n'aimait pas être gêné) ou si il paraissait agacé et voulait qu'elle le laisse tranquille. Ce qui n'était pas vraiment pratique, ni rassurant, il fallait le dire !
Mais en même temps, un ange Défenseur des Innocents pouvait-il être une menace ? Et si il était le Défenseur des Coupables après tout ? Ou peut-être était-il un Ange Défenseur des Coupables déguisé en Ange Défenseur des Innocents ?
Aïe, toutes ces suppositions étaient plus incongrues les unes que les autres. Mais les bières qui apparaissaient toutes seules, ça ne l'était pas après tout ?

« Vous êtes bien curieuse, mais n'écoutez pas ceux qui disent que cela est mal. Ils sont frustrés de ne pas en avoir ou de ne point pouvoir l'assouvir, et envieux des autres.
Pour répondre à vos flots de questions, je commencerai par la dernière: je ne sais pas où nous sommes, aussi je vous propose d'explorer le lieu pour en savoir plus, et nous profiterons de cette ballade pour mieux nous connaître. »

Hum, il parlait bien, et ne se montrait pas trop direct. Annabeth se mordit la lèvre inférieure, et repensa à Eybor, qui parlait aussi comme un poète. Elle n'avait rencontré le druide qu'une seule fois, il y avait longtemps à présent, mais sa façon de parler l'avait marquée (ainsi que sa capacité à apprivoiser Cristal, surtout après lui avoir marché sur la queue !). Elle essaya de placer le visage du druide sur celui de l'ange. Si elle pouvait avoir une expression en face d'elle, elle se sentirait moins gênée... Mais ça ne collait vraiment pas.
Néanmoins, malgré sa gêne – elle commençait à regretter d'être venu à la rencontre de cet inconnu – elle essaya de la masquer dans sa réponse (pas vraiment réussi, d'ailleurs...) :

« Oui, je le suis, et vous ne savez pas à quel point. D'ailleurs, vous êtes le premier à me dire que c'est une qualité ! »

Elle rit pour se donner une contenance, et se laisser le temps de réfléchir avant de reprendre. Une balade ? Etait-ce une bonne idée de promener avec un ange possiblement diabolique alors qu'elle ne savait rien de lui ?
Mais en même temps, elle tenait vraiment à découvrir cet endroit. Et si même l'ange ne le connaissait, c'était qu'il devait être extraordinaire et terriblement mystérieux. Et, bien sûr, un tel endroit ne pouvait que piquer la curiosité insatiable de la belle. Etaient-ils seulement en Azthia ? Ou avaient-ils découvert un nouveau monde ?
Cette pensée l'excita tellement, que, sans plus réfléchir, elle répondit, soudain enthousiaste :

« Avec plaisir ! Je suis sûre que cet endroit a pleine de choses à cacher... »

Etrange, qu'une jeune femme puisse passer de la curiosité à la gêne, avant de finir avec l'excitation à l'idée de découvrir des mystères insoupçonnés... Enfin, étrange pour ceux qui ne la connaissait pas.
L'ange possiblement diabolique se leva et tendit la main devant lui, comme pour l'inviter à la saisir. Annabeth ne sut pas vraiment si ce geste était amical, ou juste poli, ou même si il lui était destiné. Et bien évidemment, le visage masqué de son interlocuteur n'arrangeait pas vraiment ses affaires, ne pouvant toujours pas voir ses expressions. Elle hésita un instant, et décida de la saisir quand il la retira brusquement et se gratta les cheveux, comme si c'était bien ce geste qu'il comptait faire. Annabeth ne sut pas si c'était une blague, juste pour l'humilier, ou si il était gêné, ou même si ce geste était pour elle. Et encore une fois, ne le sut pas à cause de cette saleté de masque ! L'Elfe lui jeta un regard mi agacé mi étonné. A lui de l'interpréter comme il le voulait.
D'ailleurs, peut-être ne l'avait-il même pas vu car il se détourna et commença à marcher. Annabeth n'eut d'autre choix que de le suivre, cet ange dont elle ignorait les sentiments.

«Tout d'abord, je ne suis pas un ange, et je n'étais pas dans un nuage. Je suis un nuage. »

Il avait lancé alors qu'ils marchaient côte à côté, comme si elle lui avait posé la question à l'instant même.
L'Elfe lui jeta un regard en coin, un regard ironique. Elle ne savait pas si il mentait ou pas, toujours à cause du fameux masque, mais elle avait peine à le croire. Après tout, elle aimait bien l'idée qu'il soit un ange Défenseur des Innocents (ou Défenseur des Coupables), elle trouvait amusant de discuter avec un être censé être pur et lumineux, mais qui paraissait plus... Bizarre que pur. Un nuage ? Qu'était-ce, à part un machin vaporeux et blancs ? D'ailleurs, comment un être masqué pouvait-il être un nuage ?

« En effet, et c'est là que vous, chers mortels, avez tort, les nuages ne sont pas de simples blanches formes sans contours à regarder dans le ciel, mais des êtres à part entière avec une âme . En réalité, nous somme des sorciers, et nous aimons nous métamorphoser, comme je viens de le faire en prenant cette forme d'almer. Nous ne savons plus même si nous sommes nuages ou êtres humanoïdes, quoi qu'il en soit lorsque l'envie nous prend de guetter du haut de ce couvercle bleu, nous y montons, et lorsque nous voulons inspecter le socle du bas monde, nous y descendons. Car nous sommes les gardiens de ce monde, envoyés pour surveiller du plus bas sous terrain à la frontière sans limite des cieux. »
Mais un terrible jour, tandis que je guettais les toits de la citée d'Erathia, le souffle d'un vent terrible m'emporta d'une force invisible à laquelle les lèges nuages ne peuvent échapper. Le vent, unique compagnon de voyage, apprécie la vitesse en omettant la précision. Il m'emmena si loin que je perdis connaissance, et lorsque sa brise brutale cessa de m'accrocher à ses serres, je me retrouvais en ces plaines, inconnues pour moi et mes confrères. J'essayai de communiquer avec les autres nuages, mais eux semblaient n'être que des vulgaires gouttelettes d'eaux, car il ne me répondirent point. D'où mon idée que ce lieu est un autre monde, différent de mon originel zénith. A la vue du seul être qui semblait pouvoir communiquer, à savoir vous, je descendis à votre rencontre, et me voici. »

C'était une jolie histoire, plutôt convaincante. Mais Annabeth n'arrivait pas à se dire que cet inconnu sur lequel elle avait déjà inventé toute une histoire n'était pas ce qu'elle imaginait. En même temps, les anges ne se masquent pas pour descendre sur terre. Les nuages non plus, remarque...
Puis, ajoutant à son malaise, plusieurs détails clochaient dans le récit de son interlocuteur. Et elle ne se gêna pas :

« Et comment avez-vous su que nous pouvions communiquer ? Les nuages n'ont-ils pas un langage qui leur ai propre ? »

Cet inconnu était convaincant quand il parlait, mais pouvait-elle faire confiance à un type masqué ? Peut-être se foutait-il bien de sa gueule et souriait devant sa stupidité, caché sous son masque. Mais, pouvait-elle exclure qu'un nuage ne puisse prendre la forme d'un Almer dans un endroit où les bières peuvent apparaître et disparaître à volonté ?

« Vous avez dû en voir du pays, si vous volez au gré du vent... Peut-être avez-vous des histoires à raconter ? »

Alors qu'elle posait cette question, juste après qu'il ait fini son histoire, elle remarqua qu'il fixait un point devant eux. Elle tourna la tête pour voir de quoi était-il question : une drôle de forme, un tas d'herbes avec un gros trou. Soudain captivé (enfin, ce qu'elle pensait, vu qu'elle ne pouvait pas vraiment savoir !), le nuage s'approcha du... Truc. Annabeth fronça les sourcils. Elle ne comprenait pas bien pourquoi cette chose intéressait la nuage. Après tout, ce n'était que de l'herbe. Oui, il n'y avait que cela autour d'eux. Mais il ne marchait pas depuis longtemps, alors si ils commençaient à s'arrêter sur des détails pareils, ils n'avanceraient pas !
Néanmoins, par curiosité, elle le suivit, et découvrit ce qu'était le truc bizarre : une grotte ! Et une grotte dans le genre... Pas normale. Annabeth n'avait jamais vu un tel genre de monument naturel. Une espèce de salle en cercle s'ouvrant sur trois galeries. La lumière traversaient les fissures dans la roche, se reflétant sur des pierres colorés (des pierres précieuses ?). Incroyable. Comment un simple tas d'herbe et de roches pouvait cacher un trésor pareil ? C'était absolument incroyable, les dégradés, bien que composés d'autres couleurs, étaient dignes des plus beaux couchers de soleil de Cydonia (ou l'Elfe était allée avant de découvrir Storghein). Un simple trou... Et une beauté irréelle.
Malgré elle, Annabeth tourna son visage vers l'inconnu. Et lui, que cachait-il derrière son masque ?

« Et bien ma chère, je vous propose désormais d'entrer dans cette boîte à bijoux de lacis et d'émeraudes, tandis que j'écouterai à mon tour le récit de votre être. »

L'Elfe soupira. Elle adorait la poésie, sauf quand elle était parlée. Les gens qui parlaient ainsi, elle avait tendance à ne pas trop les écouter. Comme Eybor par exemple. Il avait fait un monologue pour dire simplement qu'il était druide. C'était pas un peu exagéré ?!
D'ailleurs, où l'avait-elle rencontré, déjà ? A Cydonia ? Non... peut-être à Storghein ? Pourquoi avait-elle ainsi des trous de mémoire ?!
Néanmoins, elle préféré se taire (qu'aurait-elle pu dire de toutes façons ?) et s'engagea dans la grotte, avant d'emprunter la galerie du centre sans aucune hésitation. De toutes façons, inutile de tergiverser, elles étaient toutes ressemblantes à ses yeux. Puis, si le type qui l'accompagnait était un nuage, il pouvait bien se repérer dans une grotte non ? C 'est pas censé être... Spécial, ces choses-là ? Il devait avoir un bon sens de l'orientation, au moins !
Sans même vérifier qu'il la suivait, elle fit quelques pas, avant de s'arrêter pour admirer les murs tapissés de pierreries toutes plus belles et polies les unes que les autres. Elles étaient toutes différentes, et pourtant, elles s'assemblaient parfaitement. Un lieu si magique qu'Annabeth se demanda pour la première fois si elle n'était pas devenue folle. Il faut spécialement givré pour inventer un décor pareil ?

« Je me nomme Annabeth. Et je suis une Elfe, bien mortelle. »

Elle avait murmuré ces mots, et si le nuage ne la suivait pas de très près, il n'aurait pu l'entendre.

« Une magicienne, une femme étrange que personne ne comprend, et qui peut parfois discerner les mensonges... »

Annabeth essaya d'avoir l'air sérieux et mystérieux en disant cela. Mais elle n'arrivait pas à s'imaginer telle une sage demoiselle enveloppée d'un voile de brume... Son truc à elle, c'était le direct.
Elle éclata de rire.

« Oubliez cette dernière phrase ! Et au fait, vous, que cachez-vous derrière votre masque ? »

Et son autre truc, c'était le changement brutal de sujet et d'humeur !

« Excusez-moi, mais je trouve injuste que vous puissiez voir mon visage, et moi pas, monsieur Nuage. »fit-elle, légèrement moqueuse.

Ce mélange des arts, tableau en relief dynamique et poétique, absorbait un Illusio absent de tout. Seule la nature, origine avérée de l'unité totale, pouvait créer une chose aussi parfaite, dont les oeuvres des descendants en seront influencées et proposeront une pâle copie au plagiat plus ou moins bien exécuté.
L'état second de pensées très subjectives de l'almer ne le fit entendre que le murmure de petit songe de rien, sans en saisir les mots, syllabes, ou sons. Il ne crut percevoir qu'un « Je suis », puis un souffle de voyelles et consonnes entremêlées. Ce n'était pas la première fois qu'il ignorait par distraction le petit être. Mais quand l'avait-il déjà fait?
Il se rendit alors compte qu'à l'arrivée à la grotte, elle lui avait posé des questions qui portaient sur son état de nuage. Il était incapable d'avoir des souvenirs plus affermis et de se remémorer les dîtes questions. Mais tout de même, une partie de son inconscient avait pris à l'arraché les interrogations de petit songe, sans pouvoir attraper leur sens, et l'avait précieusement gardé pour le ressortir quand l'esprit d'Illusio serait de nouveau présent. Et se fut à cet instant même, aussi étrange que cela puisse paraitre, que tous ces faits ne remontèrent à son cerveau. Il fut à la fois désolé pour petit songe, mais satisfait d'avoir pu ainsi changer de sujet involontairement. Toutefois, ce souvenir faisait ressortir quelque chose de plus intriguant.
Petit songe était si curieux qu'elle avait dépassé le stade de la découverte pour celui du doute...

Mais il cessa toute autre activité que l'écoute du petit songe, dont il venait sans doute de laisser s'envoler le nom. Et cela lui convenait, car il voulait qu'elle reste pour lui un petit songe de rien, sans autre nom ni identité. Lorsque la réalité brise notre imagination, elle nous semble toujours moins attrayante et nous déçoit.

« Une magicienne, une femme étrange que personne ne comprend, et qui peut parfois discerner les mensonges... »

Un silence mal à l'aise suivit. Illusio avait été surpris par ces dernières paroles. Où était passée le petit songe s'enivrant d'orge dorée et mousseuse dans l'herbe douce? Il faisait face à une femme qui se disait avoir des pouvoirs, et il se méfiait de plus en plus de ces gens là, qui en abusaient souvent. Elle se revendiquait d'ailleurs comme étrange, mais dans ce monde, toute personne considère un autre comme fou. Et la dernière phrase. Elle était clairement un appel. Elle avait compris qu'Illusio se moquait d'elle, et l'amusement n'était pas réciproque.

Et puis un rire brisa l'enveloppe statuaire de la femme pour laisser sortir de nouveau petit songe.

« Oubliez cette dernière phrase ! Et au fait, vous, que cachez-vous derrière votre masque ? »

Illusio fut perturbé qu'un personnage puisse être aussi contradictoire, alors qu'elle paraissait aussi simple aux premiers abords. Tout semblait cogiter dans son petit esprit, à la manière de celui d'Illusio, qui se perdait souvent dans ses pensées qui se confrontaient toujours. Une similitude forte.
Mais quelque chose de nouveau, et de plus alertant, eut lieu. La curiosité avait franchit le doute pour l'indiscrétion.

« Excusez-moi, mais je trouve injuste que vous puissiez voir mon visage, et moi pas, monsieur Nuage. »

Dans des circonstances habituelles, Illusio aurait été furieux. Jamais personne n'avait fait une requête aussi idiote et osée. Mais là, c'était petit songe. Il resta donc le plus flegmatique possible.

« Rien ne vous empêche de voiler le votre. Mais quelle drôle vision de la justice, magicienne, que celle d'un égo référent comme seule constitution.
Et vous comprenez bien que si je cache mon visage, c'est que je ne puis le montrer. Aussi, je ne vous dévoilerais point le bout de mon nez, mais la raison pour laquelle je le cache, et considérez la chose à son juste titre.
Comme vous semblez l'avoir perçu ma jeune amie, je vous ai menti tout à l'heure quant à mon histoire. Je ne suis pas un nuage, et je pense que les nuages resteront toujours des gouttelettes d'eau. Pourquoi ce mensonge? Tout d'abord voir si vous étiez aussi naïve que votre jeunesse le veut. Mais ce n'est pas le cas, et je ne suis pas étonné de votre part.
Si j'ai fait aussi cela, c'est pour cacher mon identité que je ne peux dévoiler à personne. Peut être qu'au fond de vous, dans votre esprit coquasse, avez vous quelques idées? Mais si mon identité était sue, elle perdrait tout son intérêt, et sa révélation avec. Je vous demanderai donc de vous contenter de ce masque blanc et de son joli sourire ».

Sa pensée de tout à l'heure lui avait inspiré la réponse. Peut être que l'elfe avait-elle, comme lui pour elle, usée de son imagination quant à son identité, et avait pris ses paroles pour mensonge à cause de cela. Si il laissait entendre, où au moins s'il ne contredisait pas, qu'il était la personne pensée par la jeune fille, il pouvait gagner son estime.

La tête se purgea soudainement. Illusio perdit son équilibre et manqua de chuter. Il dut s'appuyer sur un rebord. Vision d'horreur..

La grotte merveilleuse avait été l'apogée des évènements, et lorsque la frontière du paroxysme est atteinte, on ne peut que redescendre. Ainsi tout allait en descrescendo et le point d'orgue final était à la hauteur de son rôle.

La silhouette se trouvait là, dans la salle centrale que l'on pouvait encore voir de la galerie.
Il savait qu'elle le fixait, lui. Elle lui fit un signe narquois de la main, et laissa échapper une moquerie muette. Puis elle caressa le mur, et d'un coup exerca une pression brutale sur ce dernier. Alors toute la rugosité des pierre s'envola, toutes se strièrent, et toutes devinrent de l'herbe d'un vert bien morne comparé à ces trésors disparus. Et contaminant les autres pierres, les tiges continuaient leur folle charge, s'enfonçant dans la galerie en direction d'Illusio et d'Annabeth. Aussitôt que la roche devenait plante, elle s'écroulait, et se confondait dans la multitude de pointes vertes qui ornaient le sol. Ainsi la galerie s'effondrait progressivement, comme une machoire qui se refermait lentement sur eux.
Illusio se mit à courir en poussant un cri d'alerte au petit songe.
« Attention ! »

Et il suivit l'unique direction du tunnel, espérant que petit songe annoncerait enfin la débouchée de ce tuyau où se déroulait une course contre sa sépulture.

Annabeth jeta un regard curieux vers son interlocuteur quand il ne répondit pas à ses questions sur les nuages. L'Elfe ne lui en voulut pas vraiment. Elle aussi n'aurait pas répondu à toutes ses questions à sa place. Elle était parfaitement consciente qu'elle parlait beaucoup trop. Non, elle ne s'en était pas rendue compte toute seule, on lui avait juste souvent dit. Les nuages pouvaient-ils éprouver de l'agacement ? Etait-il exaspéré sous son masque ? Peut-être même se préparait-il à prendre la fuite. Ou juste avait-il décidé de l'ignorer, parce qu'elle était trop gonflante. Oui, probablement.
Néanmoins, bien qu'elle le comprenne, elle fut déçue qu'il se lasse si vite. Elle l'aurait pensé plus résistant. Et elle aurait tellement aimé qu'il lui en dise plus sur les nuages. Elle n'avait jamais papoté avec un être immatériel...

Annabeth jeta un regard en coin vers son interlocuteur, quêtant une réaction quand elle se fit passer pour une magicienne avant de démentir ses propres propos. Mais évidemment, ce fichu masque lui compliquant encore plus la tâche, elle ne put discerner ni un sourire naturel, ni une expression incrédule. Rien de tout cela, juste une expression figée qui lui faisait froid dans le dos. Cet homme portait un autre visage peut-être pour cacher ses émotions, et Annabeth comprit que c'était très efficace. Elle ne pouvait rien savoir de ce qu'il ressentait et ça l'angoissait presque. Elle ne savait même pas si cet remarque l'avait déstabilisé ! Enfin, ce devait sûrement être le cas. Ses réactions désarmantes et changeantes n'avaient jamais été faciles à cerner pour personne, et ce n'était pas un inconnu qui se disait nuage (l'était-il pour autant ?) qui allait faire exception à la règle... Si ?

« Rien ne vous empêche de voiler le votre. Mais quelle drôle vision de la justice, magicienne, que celle d'un égo référent comme seule constitution. Et vous comprenez bien que si je cache mon visage, c'est que je ne puis le montrer. Aussi, je ne vous dévoilerais point le bout de mon nez, mais la raison pour laquelle je le cache, et considérez la chose à son juste titre. Comme vous semblez l'avoir perçu ma jeune amie, je vous ai menti tout à l'heure quant à mon histoire. Je ne suis pas un nuage, et je pense que les nuages resteront toujours des gouttelettes d'eau. Pourquoi ce mensonge? Tout d'abord voir si vous étiez aussi naïve que votre jeunesse le veut. Mais ce n'est pas le cas, et je ne suis pas étonné de votre part. Si j'ai fait aussi cela, c'est pour cacher mon identité que je ne peux dévoiler à personne. Peut être qu'au fond de vous, dans votre esprit coquasse, avez vous quelques idées? Mais si mon identité était sue, elle perdrait tout son intérêt, et sa révélation avec. Je vous demanderai donc de vous contenter de ce masque blanc et de son joli sourire ».

Magicienne ? Elle venait de lui avouer qu'elle n'avait aucun pouvoir magique ! Il ne devait vraiment écouter que d'une oreille distraite. D'ailleurs, peut-être n'avait-il même pas entendu le nom sous lequel la demoiselle s'était présentée. Et s'il la traitait de sorcière, alors ne savait-il pas non plus qu'elle était Elfe. Tant pis, qu'il croie ce qu'il voulait. Plusieurs fois elle s'était efforcée de se présenter et de dire ce qu'elle représentait, et chaque fois il ne semblait pas avoir entendu. Son interlocuteur était décidément bien étrange, et lors d'un instant, elle fut presque heureuse qu'il n'ait pas l'air d'avoir entendu son nom. Elle ne connaissait pas le sien, peut-être était-ce de bonne guerre. Ou alors, l'inconnu avait parfaitement entendu mais avait choisi de l'ignorer.
Pas un nuage ? Ah, Annabeth avait fort bien fait de se méfier. Un sourire triompha illumina son doux visage. Elle l'avait percé à jour sans même vraiment le faire exprès. Mais elle en était fort heureuse. Curieuse, elle aimait tout comprendre et tout analyser et elle se sentait heureuse d'avoir suivi son intuition, qui s'était avérée exacte. Mais ça la ramenait à sa question de départ : qu'est-ce qu'il était ? Peut-être pouvait-elle revenir sur son idée de départ, qui se montrait loin d'être déplaisante ? Ou s'imaginer autre chose ?... Non, elle avait décidément du mal à voir en son mystérieux interlocuteur autre chose qu'un ange guerrier masqué.

« Je considère la chose comme un choix personnel, mais surtout curieux, si je puis vous donner mon avis. Et, je suis sûre que vous vous en doutez, vous m'obligez à me poser des questions sur votre identité et vos intentions. Une personne dont on ne peut lire les expressions est forcément dangereuse, même si je me doute que vous m'auriez assassinée depuis belle lurette si tel était votre souhait.
Ensuite, si vous pensez que la sagesse et la lucidité ne peut s'acquérir qu'avec l'âge, je me dois de vous annoncer que je ne suis pas de cet avis. Je connais de nombreuses personnes plutôt jeunes qui ont pourtant des qualités admirables. Et si vous n'êtes pas étonné, pourquoi m'avoir testée ? »

Annabeth se tut un instant, avant de reprendre avec un sourire :

« On ne peut pas dire que j'aie des idées, plutôt des hypothèses abracadabrantes. Et pour être honnête, je ne vous comprends pas. Dans cette contrée déserte, il m'est impossible de révéler quelque chose sur vous ! Sachez également que je ne pense pas que l'ignorance est plus excitante que le savoir. Comme vous l'avez fait remarquer, je suis une fille plutôt curieuse et j'aime comprendre ce qui m'entoure. Mais, j'imagine que je ne peux pas vous forcer, et je ne compte pas le faire.
Quant à votre sourire, sans vouloir vous vexer, il n'a rien de ravissant ou de naturel ! »ajouta-t-elle en riant.

Annabeth lança un sourire à son interlocuteur. Qui s'évanouit aussitôt, quand celui-ci faillit trébucher et n'éviter de tomber qu'en se retenant à la paroi. L'Elfe lui jeta un regard interrogateur, mais comme son attention était fixée vers l'entrée de la galerie, elle porta ses propres yeux dans la même direction.
Une silhouette semblait les observer. Un ami de son interlocuteur ? Tiens, comme s'il n'y avait pas assez de mystères. La belle allait interpeller l'inconnu quand celui-ci passa une main douce et légère sur la paroi, comme s'il la caressait. Mais soudain, sa main s'appuya sur le mur avec un bruit sinistre et des herbes parcoururent soudain la paroi, comme si elles désiraient faire une course sur un terrain dangereux et accidenté. La plante recouvrait les joyeux lumineux avec facilité et l'Elfe s'attrista de voir toutes ces merveilles disparaître sous une herbe grasse et drue. Comment cette silhouette pouvait-elle avoir le courage et la méchanceté de détruire quelque chose de si majestueux ? Ces joyaux devaient être là depuis des milliards d'années, parsemant les parois de la grotte de leurs joyeux reflets depuis toujours, illuminant l'atmosphère de couleurs chatoyantes. Il n'avait fallu qu'une minute pour détruire tout cela à la créature.
Mais Annabeth changea d'avis quand elle se rendit compte que lorsque l'herbe recouvrait ces merveilles, les murs s'écroulaient. Et elle et son compagnon risquaient d'être ensevelis s'ils ne bougeaient pas.
Enterrée sous des pierres précieuses... était-ce une fin enviable ?
Son compagnon la tira de ses pensées en s'élançant brusquement dans la direction et hurlant un : ''Attention !'' strident.
Oui, peut-être n'était-ce pas le moment d'admirer l'horrible spectacle. Elle pourrait reporter cela. La belle avait bien trop peur de finir sa vie de façon imbécile qu'elle ne se soucia plus de la silhouette et s'élança à la suite de l'Ange Masqué.
Ils coururent pendant un temps indéfini et Annabeth n'aurait jamais imaginé être aussi endurante. Elle courait à présent à l'aveuglette, se dirigeant comme elle le pouvait à travers le dédale sombre. La belle n'osait même pas se retourner pour vérifier qu'ils n'étaient pas suivis ou que l'herbe ne gagnait pas trop de terrain. La peur engouffrait son coeur comme un puits sans fond et pour la première fois de sa vie, son insouciance et sa manie de prendre les choses au mieux ne lui furent d'aucun secours.
Une lumière, soudain. Aveuglante. L'espoir la submergea et elle accéléra l'allure.

« Nous y sommes presque ! »

Mais cette lumière était-elle la sortie ?
Ou...
Autre chose ?
La vive luminosité s'empara soudain de la belle et de l'Ange Masqué, les enveloppa dans un cocon douloureux, réchauffant un peu leur peau...
Annabeth tourna la tête, cherchant quelque chose de concret dans ce monde soudain devenu blanc et lumineux...
Un lac.
Le nuage blanc se dissipa, comme soufflé par un air invisible et doux. Un délicat parfum l'enveloppa soudain, un mélange entre les fleurs et la pûreté des montagnes.
Un lac.
Devant elle, une immensité bleue, plus large, plus énorme que tout ce qu'elle n'avait jamais vu.
Comme transportée, elle marcha lentement vers les eaux limpides, ignorant tout du lieu où se trouvaient la silhouette inconnue et son Ange. Elle ne vérifia même pas qu'ils soient à ses côtés. Rien n'importait. A part cette lueur fantomatique miroitant à la suface de l'eau.
Si bleue...

[Voilà, j'ai pas trop avancé, je ne savais pas trop dans quel chemin tu voulais nous conduire. Si tu veux que je modifie, je le ferais, évidemment ^^]

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