Comme toutes les nuits ou presque depuis quelques temps maintenant, un Soumis m'attendait surement dans mon lit, bien sagement, se demandant sans doutes si j'allais l'y déloger ou non. Ma mère avait de ces idées ... mais bon, comme la plupart des nuits, je ne rentrais pas, pas encore. Dans quelques heures, il se serait lassé et serait retourné à ses occupations. Point final. Pour l'heure, je me baladais donc, profitant de la nuit tombée et du ciel partiellement éclairé par les nombreuses astres pour voir Muria sous un autre angle. Au moins, il était clair que je ne risquais pas ma vie à chaque coin de rue ici, j'étais en sécurité, seule, ombre de la nuit parmi les ombres, dans l'enceinte de la ville Amazone. Ma ville.
Vêtue de mon éternelle accoutrement noir, je passais inaperçue ... tant mieux ! Ce n'était pas que je ne tenais pas à être vue mais presque. J'aimais la tranquillité.

Aucune mission en vue, aucune tentative stupide d'invasion, et si je profitais un tant soit peu de ma nuit pour aller m'entrainer ? Je parcourais donc les rues en direction du camp militaire, là où la journée, nos célèbres sentinelles se démenaient pour être toujours meilleure, toujours plus forte, toujours plus ... précises. Alors qu'enfin j'entrevoyais le camp, une silhouette semblait se détacher du fond sombre de la nuit, non loin de la fontaine. Un Soumis un peu trop inconscient ou une soeur égarée ? Quoi qu'il en soit, il fallait que j'en ai le coeur net. Je m'approchais donc, ni trop vite, ni trop lentement, ne cherchant pas non plus à me cacher. Il n'était pas dans mon intérêt de me faire poignarder ou percer d'une flèche juste parce que j'aurais fait peur à l'inconnu. Et puis ... personne n'aurait pu entrer dans Muria sans que nous ne l'ayons vu.
En m'approchant, je distinguais mieux la personne ainsi debout. Elle semblait perdue dans ses pensées et, malgré le bruit de mes pas sur le sol, tout indiquait et laissait croire qu'elle ne m'avait toujours pas entendu arriver. Ma main parcourut par réflexe ma cuisse, cherchant le contact rassurant de la rapière qui y pendait. Ceci fait, rassurée, j'arrêtais de marcher, à quelques pas à peine, tout au plus trois mètres, de l'inconnue.

C'était une femme, sa silhouette trahissait trop de forme pour être un Soumis. Bon point, elle était donc forcément Amazone. Bien que je connaisse la plupart de mes soeurs de mon âge et celle vivant pour protéger ma mère et la citée, à comprendre les sentinelles, celle-ci ne me disait rien. Ni son visage ni le reste ... une nouvelle ? Mhm ... il me semblait pourtant que je l'avais déjà vu auparavant. Histoire d'en avoir le cœur net, je décidais de briser le silence pesant de la nuit pour satisfaire ma curiosité. Ma voix s'éleva donc, douce et calme :

" Bonsoir, que fais-tu là ... mhm d'abord qui es-tu serait plus judicieux comme question. "

Et voilà, deux questions pour le prix d'une ! Quelle chance.
Je l'observais, adoptant une posture tout ce qu'il y avait de plus innofensif, attendant juste ses précisions et m'attendant à d'éventuelles questions. Il était clair qu'elle semblait perdue ... non pas au sens qu'elle cherchait son chemin, mais perdue au sens qu'elle ne semblait pas savoir qu'elle décision prendre ou quelle pensée privilégier.

Liyana, bien que son visage ne me dise rien, je savais maintenant d'où me venait l'impression de déjà-vu. Elle était la jeune femme que les Sentinelles avaient trouvés dans la forêt quelques lunes auparavant et qu'elles avaient amenés à ma mère, le soir-même. Des soins importants lui avaient été donné avant qu'elle ne puisse ouvrir les yeux une nouvelle fois, sans se douter ce jour-là que ce serait pour une résurrection, une vie nouvelle. Liyana, cette jeune femme violée et battue qui avait perdu la mémoire ... voilà pourquoi je me souvenais de ce visage sans savoir y remettre un nom dessus.
En effet, j'avais entendu ma mère discuter de son avenir, tenter même de retrouver les bribes de son passé, mais ce qui m'avait le plus marqué ce soir-là était la cruauté dont les hommes étaient capables. Je savais pertinnement qu'ils n'étaient que pourriture mais une fois encore, on me prouvait par A + B qu'ils se révélaient pire parfois.
Tout ceci pour dire que je compatissais à la situation de cette jeune femme.

Son affirmation et la sincérité de sa voix me firent l'effet d'un courant d'air assez violent pour me réveiller de mes pensées. Toutes les Amazones connaissaient mon identité même si certaines n'avaient encore jamais eu l'occasion de me voir du haut de mes 16 ans. Je n'étais donc pas étonnée qu'elle sache qui j'étais, non, le plus intriguant était cette sorte de ferveur dans sa voix, la fierté qu'elle disait éprouver n'était pas feinte.

" C'est également un honneur pour moi que de rencontrer le célèbre assassin que tu es. "

Je l'observais attentivement, malgré son masque, elle semblait jolie mais son air perdu ne me disait rien qui vaille. Ainsi son manque de passé la chagrinait donc à ce point ? Et que faisait-elle en pleine nuit dans le camp miliataire de la cité ? Etait-ce une habitude pour elle également ? Trop de questions tue les questions.

" Je suis bien Eléa, et je m'étonnes qu'on t'ai parlé de moi plus que de ma mère. "

Un petit sourire se dessina sur mes lèvres tandis que je taquinais la jeune femme pour la mettre à l'aise. Je ne comptais pas l'embêter, mais c'était une solution efficace pour qu'elle ne se sente pas obliger de me faire honneur plus que je ne le méritais. Elle était ma soeur, rien de plus, rien de moins. Je repris donc, sur un ton doux et léger :

" Que faisais-tu ici en pleine nuit ? As-tu donc tant de questions en tête que tu ne puisses pas en dormir ? "

J'étais plus sérieuse quant à la deuxième question, persuadée que l'assassin Amazone se sentait plus seule qu'elle ne le laissait paraitre. Sans attendre, je m'adossais au mur le plus proche histoire de lui laisser le temps soit de me dire la vérité, soit d'inventer un mensonge. Dans tous les cas, j'étais intéressée par ce qu'elle me dirait, quoi qu'il se passe ...

Ses réponses me plaisaient, je ne pouvais pas le nier. Ce qui me "choquait" en revanche était la douceur dont elle faisait preuve à mon égard, entre sa voix et son regard, rien ne m'aurait permis de me douter qu'elle était la meilleure des assassins de Muria si je n'avais eu vent de son histoire auparavant ... Quoi qu'il en soit, je ne pouvais que me demander si elle agissait de la sorte avec ses victimes, auquel cas, elle était vraiment douée car, pour ma part, je n'arrivais pas à ressentir la moindre crainte ou le moindre doute quant à elle. Peut-être était-ce parce que je me trouvais dans l'enceinte de ma citée, persuadée que j'étais que rien ne pourrait m'arriver ici, et encore moins de la part de l'une de mes soeurs ! C'était sans doutes idiot et inconscient de ma part, mais tant pis. Depuis toute petite, j'avais plus ou moins décidé que rien ne pourrait jamais m'atteindre en ces lieux, ni quelqu'un ni quoi que ce soit d'autre.

Pour en revenir à nos moutons, Liyana m'intriguait. Elle avait beau être d'une extrême douceur envers moi, du fait de mon statut de princesse ?, peut-être, il n'en était pas moins qu'elle cultivait l'art du mystère. N'aimait-elle pas la compagnie ? Ou était-ce seulement qu'elle détestait parler d'elle puisqu'elle avait oublié son passé ? Peu importait, elle m'avait posé une question, il fallait répondre sans attendre.

" Si tu estimes juste de me montrer ton visage, j'accepte, si c'est par traitement de faveur parce que je suis ta princesse, je refuse. "

Je ne tenais pas à profiter de cette "position de supériorité" pour qu'elle me montre ce que, normalement, elle avait de plus secret. Dissimuler son visage n'était-il pas le plus important pour un assassin de sa trempe ? Je l'observais, même dans l'ombre de la nuit, elle semblait perdue dans ses pensées, pourtant, la douceur qui peignait ses traits me montrait tout autre chose que ce que j'aurais normalement du voir chez un membre de son rang.

" Tu repenses à ton passé n'est-ce-pas ? Je veux dire, la nuit. "

La question m'avait échappé, je m'empourpais aussitôt. Encore heureux que la pénombre offerte par la nuit me permettait de cacher ceci. Je répliquais tout de suite, avant même qu'elle ne puisse répondre :

" Excuse-moi. Tu n'es pas obligée de répondre, c'est juste que je comprends la douleur de ne pas avoir de passé. "

Le passé. Oui, je comprenais sans doutes mieux que quiconque ce que c'était que de vivre sans une partie de son histoire. On dit que le passé permet l'avenir, qu'en était-il donc pour elle qui n'en avait aucun. Des bribes, des lambeaux d'histoire ... pour moi à qui il ne manquais qu'un petit morceau de ma vie, moi qui trouvais ça dur ... pour moi qui me plaignais en silence. Qu'en était-il d'elle ? Je l'observais en silence, attendant soit qu'elle réponde, soit qu'elle agisse ou qu'elle esquive mes questions. Dans tout les cas, j'attendais.

La Princesse pensait réellement que sa mère n'avais pas connaissance de son manège ? Toutes les nuits elle sortait, de sorte d'éviter les Soumis que Philéa plaçait sur son chemin, inutile d'être un génie pour savoir ça, il suffisait d'être observateur et d'avoir des renseignements, ou à ce niveau-là des indic' bien placés. Eléa était-elle assez bête pour croire que les Soumis ne parlaient pas ? Bref, ce soir, la reine des Amazones avait décidé de suivre les mouvements de sa fille ainée, histoire de voir ce qui occupait les nuits de la demoiselle. Enfant déjà, elle profitait de la pénombre pour se glisser hors de son lit et rejoindre sa meilleure amie de l'époque dont Philéa avait sciemment oublié le prénom. Elle ne tenait pas à répéter la même sentence pour la personne qui rencontrait Eléa toutes les nuits, s'il s'agissait d'une personne bien évidemment. Une erreur et une vie suffise ...

Le chemin de Philéa la conduisit au camps militaire ... elle savait que la princesse s'entrainait souvent mais de là à y passer ses nuits, c'était quand même exagéré non ? Philéa allait intervenir lorsqu'une ombre se profila non loin de sa fille. Visiblement, ce n'était pas prévu à entendre le ton de la conversation. La reine allait quitter les lieux, convaincue que ce soir encore Eléa n'en ferait qu'à sa tête lorsque la conversation entre les deux protagonistes l'en dissuada.
Elle se souvenait de cette femme, Liyana, que les Sentinelles avaient trouvés en forêt un matin. Blessée, les femmes avaient préféré la conduire dans l'enceinte protectrice de la cité et c'est ainsi, après beaucoup de soins, que la jeune femme était devenue la meilleure assassin amazone que Muria avait connu, d'aussi loin que Philéa ne s'en souvienne. Si elle avait accepté la gamine dans sa cité bien-aimée, c'était uniquement pour éviter qu'elle ne révèle celle-ci au monde, sans parler de la pitié qu'elle avait éprouvé à son égard. Ce soir encore, à la voir errer ainsi dans la cité, la jeune femme ne pouvait qu'éprouver de la pitié ... que ressentait-on lorsqu'aucun souvenir ne pouvait venir nous réconforter en plein milieu de la nuit ? Que ressentait-on quand on était vide de passé ... comment bâtir un avenir sans passé ? En voyant l'enfant apeurée qu'était Liyana à leur première rencontre, elle ne pouvait que reconnaitre aujourd'hui qu'elle était devenue une autre femme.

" Comment va-tu Liyana ? "

La voix de la femme semblait sortir d'outre tombe, surprenant les deux protagonistes tandis qu'elle sortait de sa cachette pour apparaitre sous l'ombre favorable de la lune. L'astre lunaire éclaira sa tunique claire, à l'origine beige et ouverte sur le côté pour lui permettre de courir sans risquer de trébucher ou tomber. Des bracelets en forme de serpents s'enroulaient autour de chacun de ses bras et elle arborait un magnifique sourire.

" Que faites-vous ici en pleine nuit ? "

Sans le savoir, Philéa avait détourné la conversation que sa fille tentait de mettre en place depuis un moment avec la jeune assassin.

[ Incruste totale ]

Pourquoi à chaque fois que je faisais quelque chose d'un peu hors du commun - pour mon rang je parle - fallait-il que ma mère me tombe dessus ? L'éternelle question sans réponse, Philéa avait le chic pour apparaître là où il ne fallait pas ... quand il ne fallait pas. Sa présence me gênait, non pas que je déteste ma mère, loin de là cette idée, toutefois, je savais qu'elle n'était là que parce qu'elle m'avait suivi. Échapper au Soumis qu'elle avait placé sur ma route n'avait pas du lui plaire et je le savais pertinemment ... mais ce que je redoutais le plus était sans doutes la remontrance au sujet de mon escapade en forêt avec Jelenna ... remontrance qui n'avait toujours pas eu lieu et je connaissais assez bien ma mère pour savoir qu'elle n'allait pas en rester là ... Super. Une nuit qui avait pourtant si bien commencé ...

Tout en faisant semblant de ne pas avoir vu Philéa, ou plutôt, en évitant avec soin de ne pas croiser son regard réprobateur ou son regard tout court, je reportais toute mon attention sur la jeune femme qui répondait succinctement à nos questions. Ainsi elle s'entrainait à cette heure tardive ? Autant dire qu'elle ne pouvait être qu'un excellent élément pour Muria si tel était réellement le cas ! J'étais presque jalouse de sa liberté car, personnellement, m'entrainer la nuit plutôt que de perdre mon temps à dormir et éviter ces ch...hommes dans mon lit me serait totalement convenu.
Liyana m'intriguait, je ne pouvais pas le nier, néanmoins, la présence de ma mère m'empêchait de poursuivre la discussion que je tentais vainement de mettre en place entre l'assassin et moi depuis maintenant près de quinze minutes. Las, j'annonçais donc :

" Si vous me le permettez, je vais me retirer. La journée n'a pas été de tout repos et, même si l'idée d'un entrainement avec toi Liyana m'aurait plus, je crains de ne pas pouvoir te le proposer. "

Je lançais un regard lourd de sens à ma mère et m'apprêtais à partir lorsqu'une idée me vint à l'esprit. Gamine, j'en étais certes une, mais juste ce qu'il faut quand il le fallait. Je proposais donc, revenant sur les quelques pas que j'avais déjà fait :

" Mère, pourquoi ne pas entrainer votre assassin le plus fidèle ? Ainsi, elle n'aurait pas perdu son temps en discussion cette nuit inutilement, qu'en pensez-vous ? "

Je savais que Philéa accepterait, parce qu'elle tenait toujours à connaitre le niveau de ses troupes, de ses bras armés et parce qu'elle même n'avait pas le temps de s'entrainer le jour. Ou si peu. La politique prenait le plus clair de son temps même si j'avais pour mission de la délester un peu de ce genre de tâches, mon rôle ne suffisait pas. Un sourire simple sur les lèvres, je n'attendais pas la réponse et poursuivais :

" Je vous laisse. Liyana, j'espère avoir l'occasion un jour de me mesurer à toi. Bonsoir. "

Sur ce, je quittais les lieux.
Ma mère déciderait-elle d'accepter la proposition que j'avais lancé, et qu'en serait-il alors de Liyana ? Porter la main sur sa reine ne lui ferait-il pas peur ? J'avais peut-être eu tord de proposer cet entrainement, mais au fond de moi, je savais que la mère des Amazones était assez subtile et douée pour se sortir de toutes les entourloupes, quelles qu'elles soient. Mes pas me menèrent à ma chambre où, pour une fois, mon lit était vide ou presque. Une petite tête blonde dépassait des draps, tête que je reconnus pour être celle de Jelenna qui attendait mon retour ... Ah la la la ... je me glissais dans les draps de soie frais et entourait la petite de mes bras pour finalement m'endormir. Ce que la nuit réserverait à Philéa et Liyana était bien loin dans mon esprit.

[ Vala, bon Rp toutes les deux moi je file =D
Attention au nombre de lignes dans le RP. ]

Liyana lui assura d'aller bien et lui expliqua ce qu'elle faisait si tard dans le camps militaire. Philéa ne pouvait qu'être admirative devant le dévouement de son meilleur assassin et devant son sérieux. Quant à sa fille, elle ne pouvait qu'admettre qu'elle était bornée et têtue, sans parler de son insatisfaisante curiosité ... quoi qu'elle avait de qui tenir.
D'ailleurs en parlant de fille, pourquoi donc Eléa agissait-elle ainsi ? Un entrainement avec un assassin, ne voyait donc elle pas qu'il y avait quelque chose qui clochait dans sa phrase ? Enfin celle-ci venait de prendre congés des deux femmes, les laissant quoi avec une proposition en l'air et de belles paroles, elle ne payait rien pour attendre ...

En attendant, la reine des Amazones observa sa sœur avec patience, cherchant à voir si oui ou non, elle allait réellement bien. Le teint, du moins ce qu'elle pouvait en voir, clair, l'air plutôt "enjouée", la jeune demoiselle ne semblait pas au plus mal, bien loin de là. Philéa s'en sentit soulagée, la première fois qu'elle l'avait vu, Liyana était dans un tel état qu'elle n'aurait jamais cru possible sa guérison. Si on pouvait parler de guérison dans son cas ... Quoi qu'il en soit, elle décida de rompre le silence la première et rétorqua donc :

" Pour répondre à l'offre téméraire de ma fille, que dirais-tu d'un entrainement avec moi ? "

L'offre était réelle, cela faisait longtemps que la reine Amazone n'avait pas eu l'occasion de voir l'assassin de Muria à l'œuvre et donc d'en évaluer les capacités, bien qu'elle n'en doutes pas. De plus, ça faisait également un bout de temps qu'elle n'avait pas eu le temps elle-même de s'entrainer, autant dire qu'au final, Eléa n'avait pas eu une si mauvaise idée.
En même temps, Philéa se doutait que la jeune femme en face d'elle allait peut-être trouver la proposition douteuse, voir même l'avait-elle offensée, aussi s'empressa-t-elle d'ajouter :

" Tu n'es pas obligée de dire oui. En revanche si tu acceptes, considères-moi comme une simple Amazone, je suppose que l'idée de blesser ta reine ne t'est pas agréable. "

En réalité, il valait mieux qu'elle n'ai pas l'intention de la blesser ... La femme observa l'assassin, se demandant ce qui pouvait bien lui passer par la tête à ce moment précis. Accepterait-elle ? Ou non. Quoi qu'il en soit, Philéa attendait, ni plus, ni moins.

La jeune femme en face d'elle ne semblait pas vraiment perturbée par son rang ou sa proposition, bien au contraire puisqu'elle la taquinait à présent, lui demandant si elle était sure de vouloir se battre contre elle. Cet état d'esprit perturbait la reine Amazone plus que de mesure ... normalement habituée à l'éternel respect de ses Sentinelles, Philéa ne savait pas comment prendre le ton moqueur de sa compagne en cette nuit. Pour autant, elle n'en laissa rien paraitre et se tut, préférant attendre de voir ce qu'il adviendrait de la suite.
Liyana acceptait ce combat amical, parfait, ce serait instructif pour les deux femmes et à vrai dire, ça faisais près d'une semaine que la reine Amazone n'avait pas eu le temps et la patience de s'entrainer, perturbée qu'elle était par les affaires politiques et familiales, il fallait bien le dire.

" Et bien, je suis flattée que le meilleur assassin de Muria accepte cet entrainement. J'espère juste ne pas me tromper en lui faisant confiance. "

Elle avait un rang à tenir, ainsi qu'une réputation et de plus, elle devait réaffirmer les choses. Ici, à Muria, la cité Amazone récemment construite, elle était les lois et la justice. Autant mettre les choses au clair dès le début avec la demoiselle, quoi qu'il arrive, même si pour le moment elles étaient égales, une fois la nuit passée, elles seraient à nouveau différentes.

" Dans ce cas, commençons. "

Philéa se mit en garde, non pas une garde agressive, loin de là, mais bien au contraire, défensive. Depuis le temps qu'elle pratiquait l'art du combat, elle avait préféré opter pour la défense plus que l'attaque, d'autant plus que son don naturel lui permettait les deux. C'était simplement peut-être une preuve de 'bonté' de sa part, même si en combat réel, elle n'hésitait jamais à se battre à fond et attaquer de front. Pour l'heure, elle sortit son fouet de son écrain et le saisit à deux mains, faisant passer une partie de celui-ci dans son dos. Un pied en arrière, une main plus en avant que l'autre, elle esquissa un sourire et précisa :

" Bien, je t'attends jeune fille. "

Gagner ou perdre comptait peu. Elle ne jouait ni sa vie, ni celle de ses soeurs ou encore son trône et sa réputation. Non, la jeune femme jouait simplement, tout court. Se dégourdir un peu les jambes lui ferait le plus grand bien et bien loin d'elle l'envie d'attaquer en premier. Elle attendit donc, à la fois la réaction de son "adversaire d'un soir" et son attaque. Oui, Philéa était curieuse de voir comment celle-ci se battait, elle, l'assassin la plus célèbre de sa cité bien-aimée.

La jeune reine Amazone attendit patiemment que le jeu du chat et de la souris débute. Ce soir, contrairement aux apparences, elle ne serait rien d'autre que le chat et non la pauvre proie. Liyana pensait avoir percé sa défense, en était-elle certaine ? Le fouet n'était là que pour l'attaque, la véritable défense de la femme résidait en ce fait qu'elle manipulait les mots, lorsqu'il s'agissait d'un combat politique et qu'elle contrôlait au vent en cas de combat corporel. Sa défense résidait dans l'élément inssaisissable qu'étaient le vent, les courants d'air, l'air tout court. La pirouette de son "adversaire" ?
Oui, il fallait l'avouer, si elle ne l'avait pas du tout vu passer dans son dos, heureusement qu'elle avait senti les vibrations de l'air. Certes elle n'aurait pas été capable de situer précisément la jeune demoiselle, mais tout au moins était-elle capable de savoir qu'elle se situait derrière elle. D'ailleurs, à peine sa phrase terminée, la reine se retourna d'un geste souple et rétorqua :

" Ne me crois pas plus faible qu'il n'y parait. "

Philéa était toujours sérieuse, que ce soit dans la vie de tous les jours, l'éducation de ses filles ou encore dans ses entrainements. La vie n'était pas un jeu, la politique, la stratégie peut-être, mais en aucun cas la vie. Elle ne pouvait donc pas se contenter de se détendre en prenant en compte la nature subalterne de son "ennemi" de ce soir. Rester sur ses gardes était primordial pour une femme de son rang.
Maintenant qu'elle avait pivoté, elle observait l'assassin la plus célèbre de Muria avec cet air sérieux qui lui était propre. Analyser la situation lui permis de constater que celle-ci n'avait pas encore sorti d'arme ... se battait-elle à mains nues ? Peu probable, aussi lui demanda-t-elle :

" Est-ce de peur de me blesser que tu n'as pas d'arme ? Comme tu le vois, je ne partage pas ta peur, alors n'hésite pas, même si le but n'est pas que l'une de nous soit blessée. "

Etre sérieux, encore et toujours. Telle était la loi de Philéa et telle serait la loi qui régirait ce combat. Elle en avait décidé ainsi, point final. En fermant quelques secondes les yeux, la jeune femme qu'elle était pu sentir la brise légère, en l'amplifiant, et pour se faire en se concentrant quelques secondes encore, ne serait-ce qu'un peu, Philéa était sure d'elle et du fait qu'elle "entendrait chanter" le vent pour la protéger. Bien décidée à ne pas bouger et à observer les techniques d'approche comme d'attaque de la jeune fille qu'elle avait sauvé il n'y avait pas si longtemps, Philéa se contentait d'attendre, patiente. La défense est la meilleure attaque, bien évidement, le vrai diction disait l'inverse, mais la reine Amazone ne serait pas ce qu'elle est si elle suivait à la lettre les dictons d'antan.

La jeune fille croyait-elle que la reine se laissait approcher aussi facilement ? Elle se trompait bien alors et était loin du compte. Car pendant qu'elle touchait une mèche de ses cheveux, Philéa se concentrait pour se défendre. Il fallait avouer qu'elle n'avait pas prévu certes que la jeune assassin arrive à ce point là à l'approcher sans qu'elle ne puisse rien faire, mais elle était plus douée pour la défense que l'attaque. Tandis que le chant du sabre de Liyana se faisait entendre, le fouet de Philéa reprenait sa danse et son spectacle. Dans quelques secondes, l'impact serait inévitable.
Un pas, allez encore un dernier. La reine amazone entra dans le jeu. Le fouet claqua à quelques pas de la jeune demoiselle qui fonçait vers elle et à ce moment là, elle était entrée dans son piège. Une première rafale de vent fila vers Liyana, propulsée par le fouet et son claquement. C'était les techniques de Philéa, augmenter la force du vent qu'elle manipulait, déjà puissante, avec la vitesse et la portée de son fouet. Ce soir, elle n'usait pas de son don entièrement, loin de là, elle ne montrait son vrai visage qu'à peu de guerriers. Elle en avait vaincu des hommes prétentieux et des soeurs, inutile de préciser qu'elle ne comptait pas perdre, même en entrainement.

" M'impatienter n'est pas le mot. "

Elle n'était pas en colère, tout comme elle n'était pas non plus impatiente, juste qu'elle estimait qu'il fallait être deux pour réaliser un combat, même quand il s'agissait d'un simple entrainement. Hors jusque là, elle avait été la seule à se battre sérieusement, tout en retenant tout de même ses coups.
Pour l'heure, elle gardait Liyana à distance en usant de son arme et en l'alliant avec le vent. Le fouet tournoyait autour de la jeune femme, ne laissant aucune faille visible. Et si tant est que l'assassin de Muria puisse passer cette défense, Philéa avait toujours son épée au cas où. Honnêtement, elle doutait d'avoir à s'en servir contre elle mais bon, les choses ne se passent pas toujours comme on le souhaite.

La défense parfaite.
N'en était pas une, loin de là, et depuis qu'elle avait appris à manipuler le vent, Philéa le savait pertinemment. Sa défense était efficace en combat, où, dans la folie de l'action, on ne réfléchit pas aux conséquences mais on cherche juste à sauver sa vie. En entrainement toutefois, le but étant de progresser, on analyse la situation et on cherche les failles de l'adversaire. Oui, la reine amazone savait parfaitement que sa défense avait quelques lacunes et, petit à petit, elle parvenait à les combler. Mais il en restait toujours et parfois même, de nouvelles prenaient place. C'était ainsi, il fallait donc s'entrainer pour combler les manques, et c'est exactement ce qu'elle faisait.

Philéa était tout de même satisfaite, à voir comment réagissait la jeune femme en face d'elle, il était clair qu'elle avait du mal à percer ses attaques et à l'approcher. C'était un bon point, peut-être que si elle ajoutait plus de force encore au vent, cela permettrait de laisser apparaitre moins de défauts. Il fallait qu'elle y réfléchisse ou qu'elle essaye. Mais Liyana ne lui en laissa pas l'occasion car, déjà, elle envoyait une dague vers la reine. La jeune assassin de Muria venait de percer sa défense en trouvant un point creux comme on disait. Un point où l'air ne circule pas, et il y en avait autour de Philéa. Heureusement pour elle, le serpent fit le reste. Si le vent, qu'elle n'avait même pas essayé de renforcer pour faire dévier l'arme de jet, ne pouvait pas empêcher l'impact, le docile animal le pouvait lui. D'un geste du poignet, il entra dans sa danse et frappa. Souple, fort, la dague tomba au sol comme inanimée.
C'était un joli coup, elle devait le reconnaitre et c'est pour cela qu'elle le dit à la jeune fille. Quand on affrontait un adversaire valeureux, il fallait le lui dire, d'autant qu'elle faisait preuve d'adaptation et de force. Elle était douée, et ce soir, Philéa comprenait à quel point cette demoiselle pouvait être forte. Elle comprenait qu'elle soit la meilleure dans son art. Pourtant, il était clair qu'elle n'arriverait pas à percer la défense de la reine. Se défendre n'avançait pas les choses, il fallait attaquer, mais Philéa n'avait pas l'intention de la blesser ou autre.

Le vent cessa d'un coup, comme par magie. Aussi vite venu, aussi vite reparti. La reine observa sa sœur. Dans la vie, elle avait appris que s'adapter était mère de survie. Ne jamais rester immobile face au danger ou autre permettait de préserver ce qu'on avait de plus précieux : sa vie. Mais pour un manipulateur d'élément comme elle, il lui avait fallu également comprendre que jouer de son élément n'était pas mère de survie. Qu'il fallait aussi savoir se défendre ou attaquer avec ses propres moyens. Voilà pourquoi elle demanda à Liyana :

" Veux-tu continuer ? Si tel est le cas, je ne me défendrais plus à l'aide du vent, mais je t'attaquerais pour de bon. "

Elle n'était pas sure que la jeune fille accepte et, de toute façon, l'entrainement ne pourrait pas s'éterniser indéfiniement. Elle devrait reprendre son poste de souveraine et Liyana, d'assassin.

Le combat était terminé.
Philéa s'en serait douté et à vrai dire, il lui fallait de toute façon rejoindre ses éternelles obligations et ce, au plus vite. Beaucoup de choses occupaient son esprit et méritaient son attention quotidienne, demain encore, ou plutôt, dans quelques heures, elle devrait être éveillée et en pleine possession de ses capacités pour accomplir sa tâche de gouvernante. Comme toujours. Et même si dormir peu ne lui faisait pas peur, elle avait encore des éléments à régler avant de pouvoir fermer les yeux pour un réconfort et un sommeil mérités. Telle était sa vie.
La reine amazone observa la jeune femme qu'était Liyana avec un sourire, tout en rangeant tranquillement son fouet à sa ceinture. Aussitôt, le vent cessa, comme si le serpent s'était éteint. Le ballet continuerait un autre jour, ou un autre soir, pour l'heure, il était temps de reprendre chacune sa place et ses occupations.

" Merci. C'est un honneur de t'avoir dans notre cité jeune fille. "

Sur ce, Philéa s'inclina avec respect et douceur devant l'assassin la plus réputée de sa noble citée et fit à son tour demi-tour dans le sens opposé à celui de la jeune fille. Non, il n'était pas question de lui proposer de continuer, même si, elle en était persuadée, Liyana aurait sans doutes accepté, ne serait-ce que par respect vis-à-vis d'elle et de son rang. Mais elle n'avait pas envie de gaspiller le peu d'heures de repos et de réflexion solitaire qu'il lui restait avant le lendemain. Ses pas la menèrent bien loin du terrain d'entrainement, vers sa demeure. Elle avait tourné le dos à l'assassin sans même s'en faire, lui faisant totalement confiance. Assez du moins pour savoir qu'elle n'attenterait pas à sa vie.
Lorsqu'elle fut de retour, Philéa ne put s'empêcher d'aller voir si son stratagème avait fonctionné pour sa fille ainée. Une fois le nez dans la chambre de cette dernière, elle ne put que remarquer ses deux filles dormant l'une à côté d el'autre. Pas vraiment ce qu'elle avait espéré mais ce spectacle, contrairement à celui qu'elle avait joué précédement avec Liyana, était d'une douceur attendrissante. Malheureusement, elle n'aurait pas le temps d'en profiter, dans l'ombre, Kiera attendait une audition.

[ Désengagée n_n ]