L'oiseau semblait furieux mais oublia bien vite sa mésaventure. Quelques secondes à peine passées, ce dernier se mit à pépier sur sa branche, toisant de toute sa petite taille la jeune élémentaire. Sonja le regarda, amusée et quelque peu fatiguée par l'effort fourni. Naly disait souvent que les efforts finissaient par payer mais depuis quelque temps, la petite fille commençait à en douter. Plus le temps passait, plus ses efforts ne menaient à rien. Sonja demeurait elle même, elle n'avançait pas d'un pouce. Son entraînement ne parvenait pas à aboutir et elle commençait à se demander si un jour, elle serait à la hauteur de la lignée Caelan. La demoiselle soupira, repensant avec mélancolie au « bon vieux temps », celui où sa mère, ou plutôt sans grande sœur, lui apprenait à jouer avec son élément de prédilection. Ce temps n'avait que très peu duré mais peu importait, la cadette avait aimé sincèrement son aînée.

La petite fille sursauta en entendant la voix dans son dos. Elle mit une seconde à comprendre qu'il s'agissait d'une femme et attendit que son cœur se calme pour oser l'observer. Sonja souleva la tête d'un air calme, comme pour affirmer qu'elle n'avait pas peur même si cela était totalement inutile. Elle regarda alors la jeune femme qui lui faisait face, à quelques pas de là. De longs cheveux noirs roulaient le long de son visage et Sonja avait l'impression étrange qu'elle ne lui voulait aucun mal même si elle aurait été bien en peine de dire pourquoi elle pensait cela.

« Je crois qu'il s'en remettra » répondit l'enfant d'un air absent, absorbée par ses pensées.

Elle regarda l'oiseau en question qui chantait toujours sur sa branche d'arbre et ne put s'empêcher de sourire. Naly aurait dit la même chose, pour sûr, Hécate aurait certainement cafter et peut être même qu'elle se serait fait punir par l'une des deux autres aînées de la famille. Ce n'était pas très drôle d'être une enfant mais encore moins d'être la dernière d'une si grande famille …

« Je m'appelle Sonja » répondit-elle avec une certaine crainte retenue.

Elle détailla un peu plus son interlocutrice, se permettant de l'observer de biais sans parvenir pour autant à savoir qui elle était pourtant, elle avait la fâcheuse impression qu'elle ne devait pas avoir peur d'elle. « Lunielle », elle ne connaissait pas ce prénom mais le trouvait joli. Avait-elle le droit de le lui dire ? Elle hésitait. Mais après tout, que risquait-elle n'est-ce-pas ? Dans ce jardin que sa sœur avait protégé toute sa vie durant, Sonja était persuadée que jamais rien ne pourrait lui arriver. Telles les belles histoires des contes pour enfant, elle était sure et certaine que la magie opérait, que « l'amour » la protégerait, c'était sûrement pour ça qu'elle n'avait pas peur de la jeune femme et avait presque envie de lui parler.

« Vous aimez ce jardin ? Ma sœur l'adorait, j'aime venir ici pour penser à elle et puis, c'est à moi de m'en occuper maintenant. Et vous, pourquoi vous êtes là ? »

La curiosité était certainement un vilain défaut, mais pas dans la bouche d'un enfant.

Sonja était et avait toujours été d'un naturel curieux et les récents événements n'avaient en rien altérés sa capacité à se montrer curieuse et à poser des questions parfois malvenues. Malgré son âge avancé qui la ferait bientôt entrer dans le monde adolescent, la jeune fille restait totalement inconsciente de l'impact de ses mots ou alors, elle préférait l'ignorer et faire fi de tout. Peu importait, elle n'en demeurait pas moins curieuse et potentiellement incapable de retenir ses questions lorsqu'elles lui brûlaient les lèvres. Elle rappelait en cela bien des enfants, plus jeunes comme de son âge. D'un regard en coin, elle détallait avec patience son interlocutrice, incapable de se sentir proche d'elle, dressant un mur invisible entre elles. La jeune Caelan avait toujours eu du mal à faire confiance aux adultes, encore plus aujourd'hui. Les vérités dérangeantes qu'ils pouvaient vous offrir l'avait poussée à croire qu'il fallait les éviter et au mieux, faire en sorte de ne jamais leur accorder la moindre confiance. Aux yeux de la demoiselle, ils étaient ceux qui trahissaient le plus leurs amis, leurs confidents, leurs familles et leurs amants.

Sur la défensive, la petite apprentie le cachait pourtant. Elle avait toujours eu tendance à se révéler douée pour cela, pour les faux semblants. Un sourire cachait si bien la triste vérité qu'elle avait fini par en arborer un à longueur de journée. Parfois même souriait-elle sans vraiment s'en rendre compte, par habitude plus qu'autre chose. C'était une barrière invisible mais solide qu'elle avait établie entre le reste du monde et elle-même, pour se protéger mais pas seulement. Elle avait en réalité peur d'être blessée à nouveau, d'être à nouveau seule. « Mieux vaut être seule que mal accompagnée » avait un jour dit Naly, bien des années après la mort de Lymion. Son sourire était aussi faux que celui qu'arborait Sonja désormais et ses yeux avaient alors trahi la tristesse de la perte de son amant. Au moins était-elle avec lui maintenant. C'était tout ce que pouvait lui souhaiter sa cadette.

L'enfant attendait manifestement une réponse, curieuse, impatiente car sur la défensive, elle voulait savoir pourquoi on avait dérangé la tranquillité de son havre de paix. Non que la présence de Lunielle ne la dérange, bien au contraire en réalité, mais elle ne pouvait pas s'empêcher d'être sur le qui vive, d'avoir peur qu'on la trahisse encore. Malgré sa bonne volonté, cette constante peur d'être à nouveau seule la taraudait. Plus encore, elle se demandait si elle pourrait un jour encore ouvrir son cœur d'enfant à quelqu'un en toute sincérité. Certes avait-elle des amis mais elle ne parvenait pas à se confier et pour l'heure, ses sœurs étaient encore sous le choc … quant elles n'étaient pas tout simplement absentes.

« Tu maîtrises le feu ? » ne put s'empêcher de répondre la demoiselle, se mordant presque la langue au passage de se montrer si curieuse.

Elle ne pouvait pas s'en empêcher, les éléments l'avaient toujours passionnées et elle avait toujours adoré jouer avec, les étudier, les comprendre et les manier. C'était un peu une seconde nature chez les Caelan puisque les cinq sœurs avaient le don, quel qu'il soit, de maîtriser un voire plusieurs éléments. Sonja avait d'ailleurs eu peur de ne pas en être pourvue mais fort heureusement, Dame Nature faisait bien les choses.
Elle repensa à ce que venait de lui dire la jeune femme. Elle maîtrisait le feu, livrait une armure au directeur, -Bélial machin chose donc ? - …

« Vous êtes forgeronne ? » demanda-t-elle avec une curiosité à nouveau réveillée, « Tu connaissais Lymion ? Ou alors tu veux parler du nouveau ... »

Pas que Sonja n'aimait pas le nouveau directeur mais il prenait inconsciemment une place qui lui était chère, non pour la place en elle même, mais pour la personne qui l'avait jadis tenue. Par étourderie, par gaminerie, peu importe par quoi, Sonja lui en tenait rancœur et ne souhaitait pas le voir, pas plus que le soutenir. Les temps changeraient, c'était évident, car l'homme était loin d'être méchant et ne ressemblait que trop à Naly dans sa façon de penser, mais il faudrait attendre que le temps fasse son œuvre pour qu'elle l'accepte.

La petite fille sentit malgré les vêtements une onde de chaleur se propager le long de son dos. Si elle se raidit de prime abord, apeurée par le contact que l'inconnue lui imposait, elle finit par se détendre inconsciemment et par apprécier la chaleur.

« Merci » murmura-t-elle.

Elle ne savait pas qu'on pouvait faire cela avec un tel don et elle trouvait cela encore plus incroyable. Mais le plus inimaginable certainement fut son silence. Bien que beaucoup de questions fourmillent dans son esprit, elle les tut, perplexe. Elle rit à la remarque de la jeune femme mais ne répondit pas. De toute façon, elle était mal placée pour critiquer ce comportement, le pratiquant elle-même à longueur de journée, sa curiosité maladive la poussant parfois à des extrêmes.

De la mélancolie et de la tristesse ? Comment pouvait-elle savoir ?

« Comment vous avez senti ça ? » demanda-t-elle, à nouveau perplexe.

Sonja observa à nouveau la jeune femme qui se tenait à ses côtés, ne bougeant pas de sa position mais relevant la tête tout de même. Seuls ses genoux étaient remontés contre son torse, ses mains les entourant toujours. Comment avait-elle pu deviner ? La question suivante la laissa perturbée. Comment pouvait-elle voir aussi facilement en elle ? Et comment pouvait-elle savoir qu'elle était triste ?

La réponse à sa question, Sonja ne la connaissait que trop bien. Si elle tentait de l'oublier, si elle tentait d'enfermer ses souvenirs heureux comme malheureux dans une boîte, cette dernière finissait toujours par se rouvrir. Elle finissait toujours par éclater au grand jour et par revenir à la surface. Quoi qu'elle fasse, la petite Caelan était incapable d'échapper à son sort.

« Je ne peux pas oublier. » fut d'abord sa première réponse, « J'ai beau essayer, elle revient toujours, je pense toujours à elle. Quoi que je fasse, quoi que je dise, il y a toujours quelque chose qui me rappelle à elle. » à présent, elle sentait les larmes remonter, de cela, elle n'en avait jamais rien dit à personne depuis la mort de Naly, pas même à ses sœurs et pourtant, elle se confiait à une parfaite inconnue.

Elle détourna le regard, comme pour fuir ou pour échapper en tout cas aux émotions avec lesquelles elle était en proie. Comme on le lui avait appris pour se concentrer, elle inspira profondément, plusieurs fois et enfin, fini par avouer d'une toute petite voix brisée :

« Je l'ai senti disparaître dans ma tête ce jour-là et quand je me suis réveillée, ils m'ont dit que Naly était … morte »

Elle n'ajouta plus rien, comme si énoncer cette vérité lui donnait un sens et la rendait réelle. Sonja ne doutait pas un seul instant que Naly fusse morte, son absence journalière était suffisante pour le lui rappeler mais elle doutait de pouvoir retrouver le sourire et avancer de nouveau un jour et ça, ça lui faisait peur. De plus, elle craignait ce qu'elle ressentait, ce qu'elle percevait et qu'elle ne comprenait pas car si elle était incapable de se confier à ses sœurs, c'était bien parce qu'elle ressentait leur tristesse et leur désarroi.

[ Arf désolée, je ne maîtrises pas encore le personnage du coup j'ai l'impression que c'est très contrasté ce que je raconte et pas très joyeux >.< ]

Depuis la disparition de sa sœur aînée, il fallait bien avouer que le sourire de la cadette des Caelan était devenu quelque peu faux, quelque peu éteint. Les malheurs semblaient être attirés par sa présence et elle regrettait tellement de choses du haut de son jeune âge qu'elle ne parvenait pas toujours à trouver le chemin de la raison. Quelque part, cette rencontre, aussi inattendue soit-elle, lui faisait du bien, lui changeait les idées et lui permettait d'assouvir son éternelle curiosité infantile. Elle avait posé ses questions à la suite sans vraiment y réfléchir, cherchant uniquement à avoir des réponses à toutes ces choses qui lui échappaient. Plus elle parlait avec son interlocutrice, plus elle avait envie de lui poser des questions et d'en savoir plus sur elle ! C'était ce qu'on appelait la curiosité maladive des Caelan … La demoiselle mit un certain temps à reprendre la parole si bien que Sonja crut un moment qu'elle avait vexée cette dernière. Il n'était pas rare qu'elle parle trop et que, curieuse comme pas deux, elle ne se rende pas compte des réflexions qu'elle faisait. Parfois, elle posait les mauvaises questions au mauvais moment et cela lui valait quelques rejets de la part des grandes personnes. En conséquence et particulièrement depuis les récents événements, la jeunette avait tendance à éviter les adultes de peur de se faire rembarrer.

Elle fut soulagée de voir que Lunielle n'était pas comme les autres adultes et qu'elle n'allait pas la repousser ou lui expliquer bien gentiment qu'il ne fallait pas se montrer aussi indiscrète. Non, au contraire, elle prenait le temps de la réflexion entre chacune de ses réponses et lui répondait calmement et patiemment. Sans savoir pourquoi, la Cydienne se mit à apprécier grandement cette discussion et plus encore, elle se prêta au jeu d'en apprendre encore plus sur son interlocutrice ! Quelle chance de rencontrer une forgeronne ! Elle n'avait jamais eu l'occasion de voir quelqu'un manipuler le feu d'aussi prêt et elle était sincèrement intéressée par ce don qu'elle ne possédait pas, se demandant ce que ça faisait de le maîtriser.

« Quelle chance ! Ton père, il est à Cydonia aussi ? » poursuivit-elle avant de reprendre plus timidement, « Ah tu parlais de Bélial mach... euh de notre directeur ! »

Elle avait manqué de commettre un impair à force de ne pas prêter attention au nom de famille du nouveau directeur remplaçant Naly. Quelque part, la petite aurait préféré que ce soit Clari qui prenne la place de sa grande sœur parce qu'elle avait confiance en elle. Certes elle ne lui avait jamais parlé mais durant ses cours, Sonja avait cru se sentir proche d'elle, ou en tout cas, elle avait senti la chaleur humaine qui émanait d'elle et avait eu envie de s'en rapprocher. Thémis Clari n'était pas quelqu'un de farouche et beaucoup disaient qu'elle était douce et gentille et c'était d'ailleurs ce qui transparaissait durant ses enseignements. Belial quant à lui était plus froid, plus distant si bien que la demoiselle avait tendance à ne pas vouloir lui faire confiance. Sans doutes aussi que comme il avait pris la place de la jeune élémentaire, sa sœur n'était pas prête à l'accepter dans son cœur.
Sonja plongea son regard dans le jardin qui s'éveillait tranquillement et timidement. L'oiseau était toujours là et avait débuté sa toilette tandis que deux écureuils se disputaient, allant de branches en branches, une noisette bien ronde. Les arbres avaient pris une couleur rosée, orangée et rougeoyantes qui donnait l'impression de se trouver dans un tableau. La voix de la jeune femme la rappela à la réalité et elle posa un regard lointain sur elle, comme encore emprise par ses souvenirs.
Elle entendit ce que Lunielle lui disait certes, mais elle ne put retenir ses larmes. Elle était lasse et fatiguée d'être forte … car au fond, elle n'était qu'une petite fille. En silence, l'apprentie laissa rouler les larmes sur ses joues en s'arrêtant sur chacun des mots de la jeune femme. Elle était amnésique, elle avait été adoptée et craignait la mort de son père. Quelque part, elles se ressemblaient …

« Je ne savais pas que ça ferait aussi mal tu sais … » se contenta-t-elle de répondre avant de se rendre compte qu'elle se sentait étrangement calme, « Ce … ce doit être dur de perdre la mémoire … Tu ne te rappelles vraiment de rien ? »

Sonja trouvait la situation de la forgeronne tellement triste qu'elle en oublia sa peine l'espace d'un instant. Pour elle, sa famille, ses amis, tout ce qui faisait sa vie, y compris ses joies et ses peines étaient le plus important à ses yeux, l'oublier serait pour elle la pire des prisons. Elle n'osait pas imaginer ce que ça pouvait faire … La suite intéressa grandement la petite adolescente qui ne put s'empêcher d'écouter son interlocutrice. Elle se sentit d'autant plus proche de son interlocutrice qu'elles semblaient partager bien plus qu'elle ne le pensait de prime abord.

« Tu ressens les sentiments des autres ? Et ça t'arrive d'entendre des voix dans ta tête ? Ou de sentir que quelqu'un que tu aimes bien est triste ? »

La Cydienne était tellement excitée de savoir que quelqu'un partageait les mêmes angoisses et les mêmes choses qu'elle. Sonja n'avait pas osé en parler à ses sœurs, plus encore, elle n'osait pas en parler à ses professeurs. Cet étrange don qui naissait en elle depuis la mort de Naly lui faisait peur, elle ne le comprenait pas mais une chose était sure, elle le partageait avec Lunielle. Ce qu'elle lui décrivait était totalement ce qu'elle ressentait !

« Comment tu fais pour le maîtriser ? On peut se protéger ? C'est quoi ? »

Alors qu'elle avait encore énormément de questions en tête la petite se prêta au jeu proposé par la forgeronne. La petite dernière des Caelan adorait le feu et aurait rêvé de maîtriser ce dernier alors la proposition que venait de lui faire Lunielle était une aubaine.

« Je ne suis pas encore très douée tu sais … » mais pourtant, elle avait envie de se laisser tenter !

Très curieuse à l'idée de voir quelqu'un manipuler son art devant elle, elle décida de se concentrer au maximum pour faire plaisir à son interlocutrice. C'était sans doutes idiot, finalement, elle ne la connaissait pas vraiment mais peu importait, elle avait envie de faire plaisir et elle avait envie peut être aussi quelque part de montrer de quoi elle était capable. Depuis le début, la petite adolescente avait remarqué que la jeune femme regardait le parterre de fleurs droit devant elle. Fermant les yeux, Sonja se concentra de son mieux pour réaliser son œuvre. Dans les premiers temps, rien ne suivit mais au fur et à mesure de petites fleurs timides se mirent à pousser. Trois très exactement, d'abord dénuées de couleurs puis, à force de concentration et de persévérance, l'une devint bleutée, l'autre rosée et la dernière pris des teintes orangées jusqu'à devenir pourpre. Trois jolies roses. Elles poussèrent d'environ vingt centimètres au dessus du sol mais la fatigue surprit la demoiselle et elle préféra garder ses forces pour achever leur croissance. Leurs feuilles s'enroulèrent autour de la tige et quelques épines s'éveillèrent sur cette dernière. Il lui était difficile de finaliser son œuvre mais Sonja y mit tout son cœur, cela faisait longtemps qu'elle n'avait pas eu l'occasion de s'essayer à son art. Elle prit quelques minutes encore pour faire pousser entièrement les plantes. Elle accorda les teintes, pris la peine d'arrêter la croissance des épines lorsqu'elle les jugea suffisamment longues et finit par arrêter la croissance générale des fleurs elles-mêmes.
Satisfaite, l'apprentie se tourna vers la forgeronne avec un léger sourire sur les lèvres. Elle n'ajouta pas un mot, espérant que le spectacle avait plu à la jeune femme. Cela ne faisait pas longtemps qu'elle avait débuté son entraînement pratique mais elle espérait que ça lui plaise !

S'il fallait décrire la jeune fille, il aurait été sûrement plus simple de dire qu'elle était curieuse, trop sans doutes mais on pardonnait en général aux enfants leurs vilains défauts, beaucoup plus qu'aux adultes. Sonja n'avait jamais vraiment profité de qui que ce soit à cause de sa curiosité mais on sentait cependant qu'elle aimait apprendre. C'était sa volonté de toujours s'améliorer et de briller aux yeux des siens qui motivaient la petite demoiselle et sans doutes que c'était cette même raison qui poussait les adultes à toujours lui répondre, et ce, même quand ça ne les arrangeaient pas spécialement. La demoiselle était plutôt attendrissante avec ses grands yeux pleins d'espoir et personne ou presque ne semblait en mesure de lui résister. Même la bibliothécaire de l'école élémentaire n'osait jamais rien lui dire lorsqu'elle la faisait attendre dix bonnes minutes, plongée dans sa lecture, pour fermer les lieux. Depuis sa plus tendre jeunesse, la jeune Caelan s'était toujours montrée curieuse et passionnée et cela plaisait beaucoup en général.

Sans doutes tout ceci expliquait-il son engouement pour en savoir un peu plus sur la jeune forgeronne, sur son passé, et sur ses pouvoirs. Visiblement, Lunielle partageait avec elle ce que les autres appelaient l'Esprit et plus encore, car ce don ne l'intéressait pas spécialement, elle partageait avec la gamine la passion des éléments. Le feu était quelque chose de tellement tentant pour la demoiselle qui n'avait pas la chance de pouvoir le maîtriser qu'elle trépignait presque sur place pour avoir l'occasion d'en voir une démonstration ! Enfant déjà, elle aurait pu passer des heures à regarder sa sœur aînée jouer avec cet élément dans la petite cour qui jouxtait la demeure familiale tout comme elle s'émerveillait de voir Naly si bonne élémentaire de l'eau ! Sonja avait tellement attendu elle-même pour avoir la chance de maîtriser un élément qu'elle s'estimait chanceuse !

Toutes les questions que la petite pouvait poser l'éloignaient de ses sombres pensées et, en compagnie de son interlocutrice, la gamine avait tendance à ne plus penser à sa sœur aînée. Un peu à l'image d'un baume, Lunielle réchauffait son cœur plus que son être sans même sans rendre compte. La petite souriait, calmement attendant avec une certaine impatience les réponses de la forgeronne tandis que plus les minutes passaient, plus elle en oubliait le reste. Peu à peu, le jardin semblait se remplir d'ondes positives, pas encore totalement joyeuses, mais en tout cas, beaucoup plus apaisées qu'auparavant. Quelque chose était en train de changer, d'évoluer doucement autour de l'apprentie.

La petite essaya d'imaginer la maison en question et les parents de la jeune femme. Elle imaginait sa mère plutôt belle, à son image, et son père, quelqu'un de robuste et de calme bien qu'elle eut plus de mal à imaginer un homme. En tout cas, elle se demandait pourquoi Lunielle n'avait pas de maman, puisqu'elle parlait d'une mère adoptive mais pour une fois, la petite fille ne posa pas la question, une petite voix lui soufflant dans un coin de sa tête que ce n'était pas très correct de le faire.

« J'aimerai bien aller à Silmarie un jour ! » lança-t-elle pour toute réponse.

Sonja n'avait jamais réellement voyagé et si c'était le cas, son jeune âge ne lui avait pas permis d'en garder des souvenirs concrets. Elle rêvait d'aventures, comme toutes les gamines de son âge, mais surtout, elle rêvait de quitter le Joyau parfois, pour y revenir ensuite certes, mais pour voir le monde. Lara avait de la chance de pouvoir voyager autant sur les mers bordant la cité Cydienne ! La demoiselle se promit que lorsqu'elle serait plus grande, elle ferait pareil et voyagerait jusqu'à en perdre haleine !

« Peut-être qu'un jour, je pourrais te rendre visite là-bas ? » répondit-elle ensuite, plus timidement.

Il lui était difficile de se lier avec quelqu'un, encore plus avec une adulte car elle craignait en général les adultes et n'aimait pas spécialement leur faire confiance mais la forgeronne était différente, sans savoir comment se l'expliquer, Sonja la trouvait gentille, attentive et désintéressée. Peut-être était-ce ce dernier point qui faisait mouche, à moins que ce ne soit l'ensemble. Peu importait, elle n'avait pas envie de se poser la question cent sept ans et se contentait de profiter du moment, sa proposition étant sincère. Peut-être qu'un jour, elle aurait l'occasion de lui rendre visite !

Sonja se tut ensuite, écoutant avec attention ce que son interlocutrice avait à lui dire, à lui révéler sur son passé. Les enfants s'émerveillaient de tout mais avaient toujours tendance également à chercher la petite bête, à vouloir en savoir toujours plus comme s'ils puisaient leurs propres histoires dans celles de leurs parents ou de leurs aînés en général. La petite Caelan ne faisait pas exception et vu le caractère de ses sœurs aînées, ce n'était pas si étonnant. Rhéa, Lara ou Hécate avaient toujours tendance à se montrer curieuses, même à leurs âges respectifs. Ce n'était donc pas étonnant que la plus jeune soit dans la même lignée !

« C'est triste d'oublier … Tu ne te souviens pas de cette personne qui te parle dans ton rêve ? C'est peut-être quelqu'un de ton passé. » insista Sonja malgré elle, sa langue dépassant sa pensée une fois encore.

Elle baissa les yeux timidement, se rendant compte que le sujet était trop personnel, trop important pour se permettre d'aller plus en profondeur. Sans doutes que la Cydienne avait déjà cherché à savoir qui était cette personne, sans doutes également qu'elle préférait ne pas savoir, qu'elle préférait sa vie d'aujourd'hui ! Sonja avait du mal à comprendre ou plutôt à concevoir que l'on puisse vivre sans se rappeler de son passé. Ses souvenirs étaient à ses yeux ce qu'elle avait de plus précieux et elle aurait tuer père et mère pour les conserver … Alors bien entendu, elle avait du mal à concevoir la vie de Lunielle, pleine de doutes et d'incertitudes. Pourtant, elle comprenait également que le sujet était sensible et délicat et en ce sens, elle sentait qu'il était beaucoup plus logique de ne pas trop creuser la question …

« Alors tu es comme moi ... » murmura Sonja, « Je ressens leur peine, je n'arrive plus à savoir si c'est la mienne ou la leur des fois. Parfois, j'entends des voix … Tu crois que quelqu'un pourrait m'aider ? »

Comme pour répondre à cette nouvelle question qu'elle avait déjà anticipé visiblement, Lunielle tenta de lui donner quelques conseils sur ce « don » étrange … Sonja se demandait si elle pouvait vraiment le voir comme un don vu le trouble que cela lui causait ou encore, les maux de tête qu'elle en retirait. La petite se concentra pour essayer de comprendre ce que la forgeronne essayait de lui expliquer. Elle essaya de visualiser au mieux ce qu'elle disait pour apprendre à le faire. Il lui était étrange de devoir s'ouvrir aux autres pour ne plus les entendre, elle avait jusque là essayait de se fermer au contraire et si elle trouvait cela contradictoire, la sœur Caelan se dit que cela valait le coup d'essayer.

« Ah ! Je t'entends dans ma tête ! » répondit-elle avec enthousiasme sans pour autant s'en formaliser, « Je ne savais pas, personne ne sait que j'ai ce pouvoir à la maison … Je ne sais pas faire ça, mais je vais apprendre, me concentrer, je sais faire ! »

Persuadée qu'avec de l'entraînement, elle pourrait en faire de même, la jeune apprentie élémentaire était motivée plus que jamais à apprendre ce nouveau don. Bientôt, elle le maîtriserait et n'aurait plus à entendre ces voix étranges dans sa tête !

L'enfant espérait beaucoup de son petit spectacle. Il était vrai qu'elle n'était encore qu'une apprentie et pas parmi les plus douées certes mais parmi les plus persévérantes en tout cas. Elle avait eu du mal à faire son tour de passe passe mais au moins, elle espérait que ça plairait à son interlocutrice et visiblement, c'était le cas. Le compliment l'emplit de fierté et dessina sur ses lèvres un sourire. Elle ne sut pas quoi répondre mais le sourire exprimait le mieux ce qu'elle ressentait sans doutes. Sonja attendit ensuite la fameuse démonstration ! Elle n'avait pas peur.

« Je n'ai pas peur, j'ai l'habitude ! » annonça-t-elle, soudain sérieuse ce qui tranchait un petit peu.

En réalité, elle se concentrait pour ne rien louper, pour ne manquer aucune seconde du spectacle ! Elle trouvait le feu envoûtant, presque captivant. Une première flamme apparue au creux de sa main et, sous la volonté de la jeune femme, elle se métamorphosa en cheval d'abord et ensuite en serpent ailé puis en faucon. Émerveillée, la petite regardait cela comme si c'était la plus belle chose qu'elle ai pu contempler. Les flammes changèrent ensuite de couleur. Intriguée par la confession de la forgeronne, Sonja attendit, impatiente, de voir de quoi il s'agissait. Le mur de feu la surprit et elle eut un petit mouvement de recul qui fut bien vite remplacé par un soupir de joie. C'était magnifique, magique même !

« C'est super ! Tu as de la chance de pouvoir le manipuler ! C'était tellement beau, tellement … vrai ! » la petite ne trouvait pas ses mots mais son excitation était palpable, « J'ai adoré ! J'espère qu'un jour, je deviendrais aussi douée que toi ! »

C'était très sincère, cela se sentait et sans doutes même que cela se voyait, tout simplement. Un large sourire barrait son visage et des étoiles semblaient briller dans ses yeux d'enfant. L'adolescente réfléchir à la question suivante, amusée et répondit :

« Je sais que c'est un peu bizarre, mais je sais me transformer en animal ! Depuis toute petite, je peux me transformer en corbeau, j'adore voler dans les airs et je peux aussi devenir une loutre. Comme j'avais envie de changer un peu, j'ai essayé un jour de me transformer en loup et j'ai réussi ! J'arrive même à changer de couleur de pelage quand je me concentre vraiment mais après, je suis fatiguée … J'ai encore du mal à comprendre toutes les sensations quand je suis un animal mais j'adore, c'est tellement bien de pouvoir se sentir libre ! » elle se tut, se rendant compte qu'elle avait beaucoup parlé et que cela pouvait être étrange, « Je … je sais que c'est bizarre, mais je t'assure que c'est vrai, si tu veux … je peux te montrer. » proposa-t-elle, se demandant si son interlocutrice n'allait pas la prendre pour une folle.

Étrangement, Sonja avait peur de la décevoir ou encore pire, que Lunielle la prenne pour une menteuse. D'habitude, ce genre de sentiments ne l’effleuraient même pas, surtout avec des quasi-inconnus mais là, quelque chose passait entre elles, comme un courant invisible qu'elle trouvait apaisant et agréable …

L'enfant avait toujours été un peu réservée mais d'ordinaire pas autant. Sans doutes la récente disparition de sa sœur aînée l'avait-elle poussée dans ses derniers retranchements au point qu'une simple discussion avec une inconnue la rendait mal à l'aise. Finalement, elle n'était peut-être pas tout à fait prête à se mêler aux gens, encore moins aux adultes et pourtant, Sonja n'avait qu'une envie, faire plaisir à la forgeronne qu'elle appréciait vraiment malgré le peu de temps qu'elles se connaissaient. La jeune femme avait quelque chose de fascinant aux yeux de la demoiselle, elle maîtrisait un élément que la demoiselle rêvait d'avoir l'occasion de manipuler à son tour un jour et plus encore, elle lui ressemblait beaucoup, partageant le même secret qu'elle. Il était évident également qu'elle partageait une souffrance similaire à celle de la petite Cydienne si bien qu'elle se sentait nécessairement proche de la jeune femme. C'était sans doutes la raison pour laquelle elle ne voulait surtout pas la décevoir, à l'image de la sœur qu'elle avait perdue, Sonja ne voulait pas que Lunielle la déteste ou encore, qu'elle ne l'apprécie plus et pourtant, c'était quelque peu étrange d'avoir de telles pensées alors qu'elle venait tout juste de la rencontrer.

Son interlocutrice avait su apaiser sa tristesse et c'était sans aucun doutes pour cela qu'elle l'appréciait autant en si peu de temps. Cela faisait bien longtemps finalement qu'elle n'avait pas eu l'occasion de parler aussi simplement avec quelqu'un et encore plus avec un adulte, personne à qui elle ne faisait jamais confiance de peur d'être blessée. Depuis la disparition de Naly, les adultes n'avaient eu de cesse que de vouloir la consoler ou encore, de l'éviter lorsque sa tristesse se faisait trop oppressante mais aucun d'entre eux n'avait souhaité creuser le problème pour en comprendre la source. Sonja n'était pas une enfant qui se confiait facilement, c'était pour cela qu'elle ne parvenait pas à se confier aussi facilement à ses sœurs, et pourtant, Lunielle avait réussi à briser quelque chose en elle, cette carapace si épaisse qu'elle même ne parvenait plus à s'en défaire quand elle avait besoin de pleurer.

La petite fille reprit ses esprits, se rendant compte soudain qu'elle était allée bien loin dans ses pensées et qu'il était sans doutes malpoli de ne pas répondre ou pire, de ne pas l'écouter. Elle se focalisa donc sur ce qu'avait à lui dire la forgeronne et un sourire apparut bien vite sur les traits de l'enfant tandis qu'elle entendait son interlocutrice lui proposer un voyage à Silmarie. Il faudrait attendre quelques temps avant que ses sœurs acceptent mais elle était tellement contente qu'elle ne sut pas quoi dire si ce n'était murmurer « merci ». Elle ne savait pas trop comment remercier la jeune femme et espérait que son sourire suffirait.

« J'ai hâte ! » murmura-t-elle également avec un sourire, impatiente que l'on puisse lui permettre de quitter l'école pour quelques jours et pour connaître enfant la cité brumeuse.

La petite fille n'était jamais sortie de chez elle, elle n'avait jamais quitté Cydonia et n'y avait pas spécialement pensé avant que l'une de ses sœurs ne parte dans la marine de la cité. A ce moment là, elle avait eu envie à son tour de quitter la cité et de découvrir le monde mais son jeune âge l'avait poussée à abandonner l'idée. Elle ne découvrirait le monde qu'en rêve, sauf si de telles opportunités s'offraient à elle.

« J'aimerai pouvoir t'aider mais je ne sais pas quoi faire » avoua-t-elle.

Sonja ne savait pas vraiment comment elle pourrait l'aider cependant, elle avait envie de faire quelque chose pour elle et se creusait la cervelle pour y parvenir. Pour l'heure, la petite fille n'était pas encore capable de savoir en quoi elle pourrait être utile à son interlocutrice pour lui permettre de recouvrer la mémoire mais elle se promit de chercher dans les livres de l'école élémentaire pour voir si elle trouvait quelque chose !
Elle se tut durant la suite de la conversation, incapable de répondre. Pour elle, l'Esprit était quelque chose de tabou, de secret, qu'elle ne parvenait même pas à partager avec ses sœurs. Elle ne répondit pas à la proposition de Lunielle mais la garda toutefois bien en tête. Les marques d'affection de la forgeronne lui faisait du bien, elle avait l'impression de recouvrir la relation avec sa défunte sœur même si cela était étrange. Elle appréciait la jeune femme pour ce qu'elle était mais aussi pour ce qu'elle représentait, c'était évident. Un mince sourire se dessina sur les lèvres de l'apprentie, d'abord timide puis ensuite, beaucoup plus sûr. Son cœur se sentait beaucoup plus apaisé et l'adolescente sentit également une bouffée de chaleur la traverser suite aux compliments qu'elle avait reçu.

Le cœur serré, la jeune fille se demandait si Lunielle ne la prendrait pas pour une folle en l'entendant dire qu'elle pouvait se transformer en animal. Elle appréhendait la réaction de la jeune femme mais cette dernière ne sembla pas une seconde la prendre pour une folle ou une menteuse et ce qu'elle lui apprit la laissa sans voix. Elle aussi se transformait ? La jeune femme se moquait-elle de la petite ? Sans lui laisser le temps de la réflexion, la silhouette de l'Elfe laissa place à celle d'une louve au pelage de nuit. Sans hésiter, la petite fille se mit à rire, trouvant la scène drôle. Elle se concentra pour retrouver son calme et pris le temps de la réflexion. Quelques minutes s'écoulèrent tandis que la silhouette de l'enfant cédait petit à petit sa place à celle d'un canidé. Une jeune louvarde prit la place de Sonja. Son pelage grisé était tacheté de noir au niveau de la gueule, comme les tâches de rousseur d'un enfant. Sa patte avant droite était totalement noire jusqu'à dix centimètres environ avant l'épaule. L'animal fixait la louve noire d'un air satisfait et amusé.

[ Désolée de l'attente, j'ai hésité à avancer le RP mais sans trop savoir jusqu'où aller. ]

[Fallait pas hésiter à te lâcher ^^. Je t'en laisse l'occasion là]

Dans ce corps pourtant étranger au sien, Sonja profitait pleinement des sensations qui s'offraient à elle. Devenir louve n'était pas donné à tout le monde mais plus encore, elle avait l'impression de ressentir les choses différemment sous cette forme, comme si elle pouvait profiter pleinement du monde qui l'entourait sous forme animale. Des centaines de détails qui échappaient encore à l’œil ou à l'oreille humaine lui parvenaient sous la forme canine et elle adorait ces sensations. Pour rien au monde au fond la jeune fille n'aurait échangé sa place avec quelqu'un d'autre. Elle aimait ce don précieux de la nature et aimait la liberté que lui offrait ce corps. Dans un coin de sa tête, l'adolescente était persuadée que si elle le voulait, elle parviendrait à s'enfuir sans aucun regret, juste elle, ses pattes, la nature et le monde qui l'entourait. Seule sa conscience humaine faisait qu'elle se refusait encore à partir et la peur de perdre les siens la tenait. Au travers de ce corps, la Cydienne se sentait totalement libre, libérée des préjugés humains, du monde et de ses contraintes. La cadette des Caelan était tellement heureuse loin de tout cela, loin de toutes ces pensées qui assombrissaient son humeur à longueur de journée. Le silence également était quelque chose d'agréable car, sous cette forme, la petite fille ne sentait rien, n'entendait personne. Elle était enfin seule avec elle-même et ce n'était pas pour lui déplaire.

L'Esprit lui faisait peur. Elle savait que ce don était très mal vu dans sa famille et plus encore dans sa cité. Naly prônait de son vivant la tolérance mais pour autant, aurait-elle accepté que sa cadette ai un tel don ? Sans doutes que oui, du moins, c'était ce que la petite pensait. La directrice avait toujours été quelqu'un de bien et elle avait toujours accepté les différences des autres sans mal. L'enfant s'ébroua pour chasser ces pensées de sa tête. C'était tellement simple sous forme animale ! Il suffisait de chasser les pensées noires pour qu'elles disparaissent. Le regard de la petite se posa sur celui de la louve couleur de nuit. Elle semblait lui sourire même si cette idée était étrange et amusante. A son tour, l'apprentie tenta de lui sourire et cela se traduisit par une démonstration de crocs. Blancs, luisants, ils étaient pourtant moins impressionnants que ceux de la forgeronne. Elle avait malgré sa volonté encore toutes les caractéristiques d'une enfant, même sous forme animale et pourtant, elle s'était concentrée pour essayer de faire mieux …

La petite lécha de sa langue râpeuse sa compagne entre les deux oreilles pour lui montrer son affection comme sa bonne humeur. Il était tellement simple de s'exprimer sous forme animale que la petite fille regrettait parfois de ne pas être capable d'en faire de même sous forme humaine. En l'occurrence, elle était persuadée que l'Elfe comprendrait très bien ce qu'elle tentait d'exprimer par ce geste. Les mots étaient dérisoires sous forme animale et on se rendait compte à quel point les sentiments étaient purs !

La petite louve regarda la louve noire d'un air intrigué avant de comprendre ce qu'elle voulait faire. L'appel de la liberté fut plus fort que tout, elle se mit à courir à la suite de sa compagne de jeu sans se poser plus de questions. A pleine allure, elle tenta de rattraper l'animal sans réellement y parvenir, ses plus longues pattes lui donnaient une allonge dont elle se serait plaint que c'était de la triche si elle avait pu parler. Elle rejoignit la louve en quelques foulées encore, profitant, humant les odeurs qui titillaient son museau. Le bruissement des feuilles, le chant des oiseaux, différentes odeurs, différentes couleurs, des sensations plus étranges les unes que les autres. Elle arriva à la portée de sa comparse et n'hésita pas une seule seconde. Sonja ramassa ses épaules, rentra sa tête et bondit sur Lunielle d'un air amusé. Elle tomba sur elle, la langue pendouillante, signe qu'elle s'amusait enfin. Comme une jeune louvarde, elle attrapa délicatement l'oreille gauche de la louve noire et la mâchouilla par jeu comme en signe d'affection. Elle avait alors les pattes avant et le torse sur le dos de l'animal.

[ Je t'ai manipulé un chouya sur la fin, s'il y a un soucis, n'hésite pas à me le dire, j'éditerais ! En tout cas, je me suis bien amusée à écrire ce post ! ]

[HRP]T'inquiète pas, ça ne se voit même pas et j'avoue que c'est vachement sympa ce que tu as pondu ^^[/HRP]

Le monde avait une toute autre saveur dans la peau d'une jeune louvarde et la jeune élémentaire aurait sans doutes souhaité s'y abandonner si tant de personnes autour d'elle ne lui aurait pas manqué dans de telles circonstances. Tout semblait plus facile, plus à sa portée, comme si la force que conféraient ces muscles suffisait à abattre toutes les murailles, à faire tomber tous les interdits. Son corps d'enfant était encore trop faible, son âme encore trop jeune pour parvenir à faire la moitié de ce que pouvait espérer un loup au même stade de sa vie. La vie sauvage avait quelque chose d'excitant, d'irrémédiablement attirant. Sous sa forme animale, la petite demoiselle ne ressentait pas la tristesse ni même la peur, elle se sentait invincible, comme libérée de tout complexe, de toute crainte et de tout poids. Le monde semblait s'offrir à elle et Sonja aimait cette sensation de puissance et de liberté. Elle aurait sans doutes voulu s'y abandonner une fois encore si sa famille n'avait pas compté autant à ses yeux. Loin de toute pensée négative, loin de cette tristesse qui faisait prisonnier son cœur d'enfant, la jeune Cydienne observait désormais sa compagne de jeu. Elle qui craignait le monde des adultes et leur fausseté avait si facilement fait confiance à Lunielle que c'était certainement risible quand on connaissait la nature profonde de la petite. Sonja n'était pas spécialement du genre à faire confiance facilement aux adultes et pourtant, la forgeronne avait tout de suite trouver une faille pour s'insérer dans son petit cœur. A cheval sur le dos de la louve au pelage de nuit, la jeune louvarde profitait de la journée et du jeu entre elles. C'était tellement libérateur que la jeune fille ne voyait pas le temps passer, sans doutes que lorsqu'elle rentrerait chez elle, elle se ferait gronder fortement pour avoir manqué l'école ou encore, pour manquer de respect continuellement au directeur qui avait remplacé Naly mais pour l'heure, tout ceci était loin dans sa conscience.

Sonja ressentait le besoin impérieux de liberté, de puissance et d'assurance. Dans la peau d'un canidé de la force d'un loup, elle se sentait reine avec un cœur d'enfant. La louve noire lui attrapa l'oreille à son tour et lui mordilla ensuite la peau du cou. La métamorphe tenta de se défaire sans y parvenir, il était difficile de repousser quelqu'un de presque deux fois plus lourd que soit et si son corps lui offrait une possibilité de mouvement inattendue, elle n'était pas encore tout à fait prête à s'en servir à sa juste valeur. Sonja se rendit compte qu'elle appréciait énormément Lunielle lorsqu'elle étudia sa façon d'agir avec elle. Même sous forme animale, c'était elle au commande, elle qui décidait de tout et rien ne pouvait expliquer à son sens la confiance absolue qu'elle avait en elle. Du regard, la canidé suivit le museau de son amie pour observer le ciel. Elle ne comprit pas tout de suite ce que la jeune femme tentait de lui faire passer comme message du moins pas avant de voir les nuages annonciateurs d'orage. Déçue, Sonja se rendit compte que cette petite bulle de bonheur venait de prendre fin et ce ne fut pas la course, aussi amusante soit-elle, qui la fit changer d'idée.

La transformation était toujours désagréable pour revenir un être humain. Les os et les muscles devaient retrouver leur place, leur taille normale. La peau devait également reprendre ses droits et recouvrir le tout. Ce n'était pas forcément douloureux mais la sensation était vraiment étrange. Sonja chercha du regard ses vêtements et s'habilla en vitesse. Il faisait plus frais qu'en début d'après midi et elle frissonna quelque peu en enfilant son manteau et ses bottes pour ensuite chercher la forgeronne des yeux. L'enfant vit le sourire sur les lèvres de la jeune femme et ne put s'empêcher d'y répondre timidement à son tour.

« Merci » murmura-t-elle soudainement gênée.

Elle ne savait pas vraiment quoi ajouter et tanguait d'un pied sur l'autre, se demandant quoi faire. Elle se demandait également comment allait évoluer tout cela. En réalité, elle se doutait que leur amitié, si on pouvait appeler ça « amitié », allait prendre fin maintenant, tandis que le temps allait les forcer à se séparer.

« Il va bientôt pleuvoir, on devrait peut-être rentrer … tu crois qu'on se reverra ? »

La question était sans doutes stupide mais Sonja s'inquiétait réellement de savoir si elle aurait l'occasion de la revoir un jour. Après tout, elle avait passé un si long moment ensemble sans que la gamine ne se sente mal ou autre …

[ Arf désolée, je voulais recommencer à RP en te répondant mais la réponse n'est pas tip top je crois. >.<'' ]

Le temps passait cruellement vite lorsqu'on s'amusait et cela faisait bien longtemps que la jeune Cydienne n'avait pas pris le temps de s'amuser ainsi. Pour ainsi dire, elle n'était pas spécialement une enfant très joueuse par nature, sans être reclus sur elle-même, Sonja aimait la lecture et satisfaire sa curiosité maladive plus qu'autre chose mais depuis les récents événements, la jeune fille avait d'autant plus de mal à se sentir comme « une enfant comme les autres ». Ces instants de liberté sonnaient à ses oreilles comme de lointains souvenirs oubliés, des moments heureux qui n'avaient plus lieu d'être. Cela faisait pour ainsi dire tellement longtemps qu'elle n'avait pas ressenti cette soif de liberté qu'elle aurait eu envie d'y replonger tout de suite, telle une droguée dans les rues sombres de la basse ville du Joyau. Le bonheur laissait parfois un goût bien amer … La petite fille aurait préféré que le temps s'arrête, qu'il stoppe sa course effrénée quelques heures encore mais le temps était capricieux, tout autant qu'un enfant en bas âge qui réclame monts et merveilles à ses parents ou qu'une princesse indécise sur le choix de son prétendant. Le temps n'avait pas d'emprise, il s'écoulait sans que personne ne puisse y changer quoi que ce soit et c'est ainsi que les choses devaient être. A regret, la gamine commençait à comprendre qu'elle allait devoir rentrer et expliquer sa disparition ou même encore plus désagréable, expliquer pourquoi, à nouveau, elle avait séché un cours du Directeur.

Bientôt, il faudrait se séparer et le ciel grondant au dessus de leurs têtes ne tarderait pas à laisser exploser sa colère si bien que les minutes qui s'écoulaient lentement seraient les dernières de ce bref instant de bonheur. Qu'en serait-il lorsqu'elle rentrerait chez elle ? Sonja préférait l'ignorer, après tout, il y avait tellement longtemps qu'elle se sentait prisonnière de ce chagrin qu'elle commençait à croire qu'il y avait une lueur d'espoir. Ses sœurs parlaient souvent de la nécessité de « continuer à vivre » et ce n'était qu'aujourd'hui que la Caelan avait compris l'ampleur de ce choix. Elle les avaient trouvé futiles et méchantes de parler ainsi mais désormais, elle comprenait le sens réel et la portée de ces quelques mots. On ne continuait pas à vivre pour oublier le passé, on devait continuer à vivre pour avancer vers la liberté promise, vers le bonheur. C'était un chemin difficile, semé d’embûches mais un chemin de vie. Sonja n'avait jamais eu l'intention d'attenter à sa vie, loin d'elle cette idée mais néanmoins, elle stagnait dans cet état de torpeur où la tristesse se mêle au chagrin, à la mélancolie. A présent, elle se sentait presque prête à reprendre sa vie d'avant, le poids du passé en plus.

Lunielle avait su ouvrir une porte dans le cœur de l'enfant, une porte qui jusque là se faisait hésitante et ne parvenait qu'à s'entre-ouvrir sur un avenir incertain. Désormais, l'ouverture était béante et Sonja se sentait prête à avancer, à mettre un pied devant l'autre dans la direction qu'on venait de lui ouvrir et surtout, surtout, de lui offrir. Le coeur battant, l'enfant se demandait encore ce qui l'attendait mais tout cela relevait de son appréhension interne et elle espérait que la forgeronne ne lirait pas ses pensées ou ne ressentirait pas son trouble nouveau. Il était étrange de se lier si facilement et si rapidement à quelqu'un mais pour l'apprentie, la jeune femme était devenue en l'espace de quelques heures une amie, quelqu'un de précieux à ses yeux. Aussi étrange cela puisse-t-il être, elle ne voulait pas en conséquence l'inquiéter outre mesure. Cette porte qui venait de s'ouvrir l'inquiétait mais c'était à elle de s'avancer pour aller de l'autre côté, à elle de parcourir le chemin et à personne d'autre.

Sonja espérait que cette rencontre ne serait pas la dernière. Quelque part, Lunielle avait « sauvé » son âme des tourments. Certes l'adolescente se sentait-elle toujours triste, mais elle appréhendait l'avenir avec beaucoup plus de calme qu'auparavant. Naly était partie, c'était un fait que rien ni personne ne pourrait changer mais si sa grande sœur, sa mère de cœur avait quitté ce monde, si son enveloppe charnelle avait disparue, l'élémentaire pouvait la sentir dans chacun de ses mouvements, dans chaque battement de son cœur. Si Naly n'était plus, il fallait néanmoins continuer d'avancer, dans ses pas bien entendu cela allait de soi, mais avancer, sans jamais se retourner, sans jamais s'arrêter. Tel un loup coursant sa proie. Tel un loup, telle la liberté.

La gamine leva le nez pour constater les faits. La pluie allait noyer ce bel après-midi et laverait le sol des traces de leur passage. Cependant, Sonja conserverait des souvenirs de ce jeu longtemps encore. Cela lui avait pour ainsi dire donné envie de se perfectionner dans l'art de devenir animal et pour cause, elle avait vu à quel point Lunielle maîtrisait cet art mieux qu'elle. Plus encore, la Cydienne voulait devenir meilleure en manipulation des éléments, pour ressembler à Naly bien entendu, car cela avait toujours été son but mais également pour ressembler un jour à la forgeronne et avoir la chance de manier le feu aussi bien qu'elle ! Peut-être même lui apprendrait-elle … si les dieux le voulaient, elle saurait un jour manier le feu. En attendant, elle comptait rendre visite à la jeune femme si elle le lui accordait et s'entraîner le plus possible.

En entendant les propos de la jeune femme, son cœur se réchauffa, elle était soulagée de voir que l'amitié qui était née de son côté semblait partagée. Elle se promit en secret d'essayer de la contacter de temps à autre même s'il serait certainement plus simple de chercher sa boutique …

« Je viendrais alors ! » répondit-elle sur un ton qui sonnait comme une promesse, « Et j'essayerais de m'entraîner … pour la télépathie. »

Elle était loin de maîtriser cet art aussi bien que la forgeronne, loin même de le maîtriser tout court mais peu importait, il existait sûrement des gens capables de lui apprendre et il était peut-être temps d'avouer cet étrange don à ses sœurs.

« Oui, oui, oui ! » répondit-elle enthousiaste à ce projet, « Je te présenterais mes grandes sœurs, tu verras, elles sont gentilles ! J'ai tellement hâte de me rendre à Silmarie, il paraît que la ville est magnifique et que la Grande Prêtresse n'est pas plus âgée que moi ! J'aimerai tellement voir ces forêts dont tu parles ! Et ... » elle se tut, se rendant compte qu'il commençait à pleuvoir mais plus encore, qu'elle s'emballait.

Elle réfléchit quelques instants avant de reprendre, plus calmement :

« Je te présenterais mes sœurs et nous irons à Silmarie, en attendant, je dois rentrer, je risque de me faire disputer pour avoir manquer l'école une nouvelle fois et plus encore pour ne pas avoir dit où j'allais. » elle marqua une pause avant de reprendre, « Nous nous reverrons bientôt Lunielle, d'ici là, je réfléchirais à un moyen de te rendre la mémoire ! »

Sur ces étranges paroles, l'enfant sourit une dernière fois et se retira, prenant ses jambes à son cou pour rentrer le plus vite possible, espérant que ses aînées ne seraient pas à la maison avant elle … Si elle avait le temps de se sécher, elle se ferait certainement moins réprimander !

[ Désengagée(s) ]
[ Merci beaucoup pour ce RP, je me suis vraiment bien amusée, j'espère que toi aussi ! ♥ ]

[Désengagée]
[Merci beaucoup, je me suis très bien amusé aussi. C'était réellement très sympathique ^^]