Les gonds fraîchement huilés ne crissèrent pas lorsque la porte fut ouverte. Aveuglé par le soleil de midi, le garçon plissa les yeux afin d'y voir un minimum. Il finit par se les frotter de la main droite, les garder ainsi ouvert était impossible. La seconde suivante, il était déjà accoutumé à la clarté et il parvint à poser son regard sur le mystérieux visiteur.
Son cœur eût un raté quand il reconnut la personne qui venait de le tirer de son lit. Il eût l'impression que ce qui battait dans sa poitrine pesait soudain des tonnes et que chaque pulsation était irrégulière et douloureuse. Ce visage, ces yeux, ces joues, cette bouche, ... il ne voulait pas y croire mais il n'y avait plus de doute sur son identité. Que faisait-elle ici, après tout ce temps ?

Sa simple vue rouvrit de vieilles blessures que le jeune homme pensait à tort cicatrisées, des lésions purulentes qui ne s'étaient jamais vraiment refermées mais qu'il avait fini par enfuir au fond de son esprit sans jamais pouvoir les effacer. Peu importe ce qu'il avait pu faire, il n'avait pas su oublier totalement ce qu'il avait vécu auprès d'elle. Un monde les séparait elle et lui, pourtant il n'avait jamais vécu d'instants plus heureux que depuis que leur relation avait débuté.

Tout souvenir la concernant était douloureux à présent, de leur rencontre en forêt qui apparemment n'aurait mené à rien à cette triste après-midi où elle avait décidé de le repousser froidement et de mettre un terme à leur histoire en passant par cette soirée chez le jeune homme où tout avait commencé. Rien n'aurait pu unir la meneuse d'une armée, le bras droit d'une Reine, son assassin personnelle à un homme sans droit, condamné à travailler pour les Amazones mais les deux jeunes gens semblaient être l'exception à la règle et c'est sans doute grâce à cette relation née de sentiments et non pas d'argent ou de notoriété que tout avait si bien fonctionné entre eux.
Cela n'avait duré que quelques mois, juste le temps de poser les bases de leur relation et à peine assez pour que les gens considèrent qu'entre eux, c'était du sérieux. Ce que les autres en pensaient, Ashrand s'en fichait royalement : cela ne les concernait en rien, aux dernières nouvelles. Certaines avaient sans doute eu du mal à accepter la vue de leur Capitaine au bras d'un homme et celles-ci mêmes avaient jubilé quand tout s'était fini. Pourtant, dans sa grande naïveté, le garçon avait dès les premiers jours pensé qu'elle et lui, c'était pour la vie. Cruelle désillusion que lui offrit l'archère en le larguant pour des raisons qui n'en étaient pas. Ils avaient surmonté leur origine et leur statut qui les opposait alors quoi, quelles raisons valables auraient pu la pousser à cette décision ? Les principales barrières franchies, tout le reste n'était que détail à ses yeux. Il ne comprenait pas ...

Peu à peu, le Cydien avait tout fait pour oublier ce qui la concernait, pour l'effacer de son esprit mais c'était un objectif impossible à atteindre. Si l'Amazone l'avait comblé dès le moment où elle était entrée dans sa vie, elle lui laissa une meurtrissures indélébiles lorsqu'elle en sortit. L'oublier, c'était renier tout ce qu'il avait vécu à ses côtés et ce qui en avait découlé. L'oublier, c'était pire que de la tromper malgré ce qu'elle lui avait fait ... L'Ancien Soumis était parvenu après bien des souffrances à enfermer cela dans la cage de son inconscient, puis en avait jeté la clef.
Il avait alors quitté Muria et rejoint Ankdor pour y parfaire sa formation. Tentant de combler le vide inhérent à l'absence de Kiera, il s'était attaché à une autre femme. Tentative puérile pour ne pas souffrir de ses réminiscences, une autre amante ne pouvait remplacer celle qu'il avait aimé de tout son être et il avait été puni pour cela, lorsqu'un matin il se réveilla ... seul. Depuis, il avait repris une vie normale avec son propre foyer et en gagnant sa vie à la sueur de son front, comme tout honnête homme, mais il n'avait plus connu d'aventure sérieuse, de relation durable avec une femme.
Non pas qu'il ne rencontrait que des femmes déplaisantes, loin de là, seulement Ashrand finissait toujours par les comparer à la Capitaine des Sentinelles, observant telle ressemblance ou telle différence sans jamais pouvoir apprécier la personne à sa juste valeur. Kiera ne reviendrait pas, il était inutile de chercher à la retrouver à travers d'autres femmes...

« Kiera ... ? » parvint-il en fin à articuler.

Au moins dix secondes s'étaient écoulées depuis qu'il avait ouvert la porte et il arrivait à peine à réaliser que c'était bien elle. S'il y avait bien une personne qu'il ne s'attendait pas à revoir, c'était Kiera ! L'air semblait lui manquer et la surprise se lisait dans ses yeux. Mais rapidement l'étonnement céda place à un autre sentiment, moins agréable. De façon soudaine, il sentit son cœur se serrer dans sa poitrine, il le cacha cependant derrière un piètre sourire.
Il ferma les yeux une seconde pour s’oxygéner pleinement et reprit la parole quand il les rouvrit, la voix hésitante comme jamais.

« Je ne pensais pas te revoir ... Qu'est-ce qui t'amène par ici ? »

D'une part, il était content de la voir à nouveau mais d'une autre, cela réveillait de douloureux souvenirs au garçons. Elle l'avait laissé tombé et l'avait tant fait souffrir... pourquoi revenait-elle ... ?

[J'espère que ça t'ira ^^]

[ Génial, j'adore ! ]

J'avais un mauvais pressentiment, pire que tout, je me demandais ce que je faisais là. Pourquoi avoir pris la peine de faire tout ce chemin pour ne découvrir finalement que ce que mon cœur avait toujours craint jusque là ? Je maudissais mon corps de me tenir prisonnière face à lui alors que, hébété par un réveil visiblement tardif et ébloui par le soleil, le Cydien ne me reconnaissait pas. Vexée, me sentant totalement stupide dans cette position, incapable de savoir pourquoi j'avais tant tenu à confirmer mes doutes en faisant tout ce chemin, je sentais la colère monter en moi aussi surement qu'un chat bondit sur une souris pour en faire son déjeuner. Une blessure vieille de plusieurs mois ne tarda pas à se rouvrir tandis qu'il se rendait petit à petit compte de qui était venu frapper à sa porte. Je me sentais d'autant plus stupide qu'il n'avait finalement pas l'air si heureux que ça de me revoir. Qu'avais-je cru en venant jusqu'ici après tout ce temps ? Que les erreurs du passé, si elles en étaient, seraient oubliées et pardonnées ?

Il articula péniblement mon prénom et le simple son de sa voix fit ressurgir en moi des souvenirs que j'avais pris soin d'oublier. Notre rencontre dans cette forêt où, alors que je l'avais écouté me raconter sa vie et son périple jusqu'à notre chère cité, jamais je n'aurais pensé que quoi que ce soit puisse se passer entre nous. Les rumeurs étaient bon train par la suite et si je n'y avais guère prêté attention, force était de constater qu'elles avaient eut raison sur nous. Les quelques mois passés en sa compagnie, main dans la main, m'avaient fait oublier la tristesse de mon quotidien, la monotonie de mes matins solitaires. Il avait ouvert une faille béante dans mon cœur sans que je ne fasse rien pour l'en empêcher, au contraire, j'avais été heureuse de me sentir attachée à quelqu'un, de savoir que, quoi qu'il advienne, quelqu'un m'attendrait pour me tendre la main et pour me choyer et que, malgré tout ce qui pouvait arriver, je serais heureuse de le retrouver. Tel avait été le cas tout le temps qu'avait duré notre rencontre et, au fond de moi, j'avais su dès la première seconde qu'il était le bon. Je l'avais espéré plutôt mais si nous avions su passer outre nos origines et nos différences de statut dans ma cité natale, les lois de Muria ne tarderaient pas à nous rattraper … J'avais eut peur, il me fallait sans doutes l'admettre aujourd'hui même si je n'étais pas encore tout à fait prête à le faire.
Peur de quoi me demanderiez-vous ? De le perdre, de m'engager sur une voie que je n'avais que trop prise sans succès. Cette voie que tous appelaient l'amour … si mes flèches et ma main ne craignaient que le vent, mon cœur quant à lui n'avait pour ennemi que ce mot, « amour ». Tant de fois trahie, j'avais agi pour me sauver, me préserver sans songer une seule seconde à l'avenir. Je l'avais regretté, sans doutes pas tout de suite, mais je l'avais regretté et qu'étais-je en train de faire aujourd'hui ? Racheter ma faute ? Pourquoi être venue alors que tout me hurlait de faire demi-tour jusqu'à sa réaction elle-même ?

J'avais la réponse bien entendu, je savais ce qui m'avait poussé à ne venir qu'aujourd'hui, ma fierté m'empêchant de me rendre compte et d'accepter plus tôt que tout ceci n'avait été qu'une erreur. J'avais eut peur de l'avenir comme j'avais eut peur de ne plus être celle pour qui son cœur battrait une fois au dehors de nos murs. Muria était sa prison depuis si longtemps qu'au fond de moi, j'avais tout simplement craint d'en devenir tout autant en le gardant jalousement auprès de moi. Jamais je n'aurais pu imposer cela à son cœur, choisir entre cette liberté qu'il chérissait depuis tant de temps et moi. J'avais eut conscience qu'il aurait été trop cruel de lui imposer un tel choix alors dans une moindre mesure, j'avais estimé que la séparation serait plus facile à aborder. Je me trompais et il m'avait fallu tout ce temps pour m'en rendre compte, voilà ce qui m'avait poussé à venir ici. J'étais venue expier mes fautes comme avouer mes faiblesses. J'étais venue le chercher, l'arracher à cette liberté qu'il avait tant chérie …

Sa voix me fit à nouveau l'effet d'une claque. Ainsi, les choses étaient dites, nous n'étions plus un « nous » mais Kiera et Ashrand. Il n'y avait plus que des souvenirs déplaisants et douloureux qui nous liaient. Le temps n'avait pas fermé la blessure mais nous avait appris à faire sans l'autre, bien que visiblement, il semble plus doué que moi à ce niveau là.

« Je n'en sais rien »

C'était pitoyable comme réponse et je m'en rendis compte au moment même où elle traversa mes lèvres. J'avais beau y réfléchir, je n'avais été que plus égoïste encore que ce jour-là où tout s'était arrêté selon ma volonté en venant dans la cité des brumes aujourd'hui. Mon regard se perdit malgré moi sur son visage. Il avait changé, était-ce le temps passé loin de lui qui me le montrait plus vieux que dans mes souvenirs ? Plus fort aussi. Je l'ignorais, cela faisait si longtemps que je n'étais plus tout à fait sure de moi. Avait-il toujours eut ce sourire triste ?

Bien que ma tête ne me hurle de quitter les lieux, de le laisser à cette liberté tant promise, mon corps refusa à nouveau de m'obéir, obstinément. Consciente que je n'avais pas fait tout ce chemin pour rien, que j'avais le cœur gros et le besoin de me confier bien que tout cela ne soit totalement égoïste, à nouveau, de ma part, je compris que je n'obtiendrais jamais la paix intérieure sans lui avoir demandé pardon. J'étais venue le chercher mais je comprenais à présent que c'était totalement stupide, tant que j'avais presque envie d'en rire en fait si la situation ne se prêtait pas à pleurer. La chef des Sentinelles en personne à genoux devant un homme qu'elle avait choisi elle-même de laisser partir … quel piètre tableau.
Je détournais le regard, gênée, tandis que les minutes passaient, alourdissant le silence entre nous. Ne sachant par où commencer, me sentant totalement prise au dépourvue bien que ce soit totalement étrange, je ne parvenais pas à aligner deux pensées cohérentes. Entre les raisons qui m'avaient poussé à le laisser quitter Muria sans moi et celles qui me poussaient aujourd'hui à revenir vers lui, j'ignorais lesquelles étaient les plus abjectes. Il était bien cruel de ma part que de raviver des souvenirs aussi douloureux … Pour lui comme pour moi.

« Tu ne me fais pas entrer ? » finis-je par demander malgré moi.

Il fallait bien commencer par quelque chose, je ne pouvais décemment par rester là à le regarder en me posant toutes ces questions. Il me fallait faire un choix et si tel était le cas, alors mieux valait s'excuser, enterrer à jamais cette histoire et repartir, libre. Chacun de notre côté certes, mais libres. C'était le principal.

« Suis-je bête, tu es peut-être avec quelqu'un … si c'est le cas, je repasserai, si tu le souhaites », je marquais un arrêt, tentant de calmer la colère et la jalousie qui montaient en moi, tentant de maitriser ma voix, lorsque je fus certaine qu'elle ne me trahirait pas, je continuais « J'étais venue te parler, prendre de tes nouvelles, ni plus ni moins. Jusqu'à ce matin, j'ignorais que tu étais là. »

Ce n'était pas vrai, je savais depuis quelques temps qu'il était dans cette cité, mais peu importait, mieux valait mentir que d'avouer ma faiblesse.

[ J'espère que ça te va, désolée du temps de réponse, c'est difficile de jouer Kiera amoureuse xD ]

Choqué était un mot trop faible pour décrire l'état dans lequel se trouvait le Cydien. Plus que ça, il restait presque ahuri devant l'arrivée de cette nouvelle-venue et cela, malgré le kaléidoscope qui était né dans sa tête depuis que toutes ses émotions s'étaient mises à se mélanger au point que le garçon se sentait soulage en même temps que la tristesse s'emparait de son cœur. La venue de Kiera était, il fallait bien l'avouer, déroutante : depuis qu'elle l'avait jeté comme du linge sale, elle n'avait plus donné signe de vie depuis deux ans et maintenant, elle revenait comme si de rien était et se présentait un beau jour devant sa porte comme s'ils ne s'étaient pas vu depuis la veille. C'était peu de chose que de dire qu'il n'en revenait pas.
Ashrand avait à présent le regard rivé sur le visage de celle qui fut autrefois sa tendre moitié, détaillant ces traits dont il se rappelait parfaitement. Il se remémorait si bien ce visage qu'il aurait pu le dessiner tant il le connaissait pour l'avoir maintes fois parcouru des yeux et du bout des doigts. Se rendre compte d'à quel point tout ce qu'il avait fait pour ne plus penser à elle s'était révélé inutile, que finalement, son souvenir n'était que trop présent dans la tête du gladiateur, c'en était presque douloureux. Triste réalité que voilà, le grand amour était trop parfait pour ne pas avoir à en subir le contrecoup lorsque tout partait de travers...

Un sourcil du garçon se leva haut à la réponse de son interlocutrice, elle prétendait ne pas savoir ce qu'elle faisait ici. Une réponse qui l'aurait amusé en d'autres circonstances mais pas aujourd'hui, il n'avait plus vraiment le cœur à éclater de rire. À la place, il se questionna juste davantage sur les raisons de la présence de l'Amazone car il doutait qu'il n'y ait vraiment aucune raison à sa présence ici, sur le seuil de sa maison. Enfin, peut-être était-elle juste aussi déroutée que lui mais cela n'expliquait toujours pas ce qu'elle faisait ici.
Ce n'était pas totalement déplaisant de la revoir, Ashrand était même d'une certaine façon rassuré de voir qu'elle allait bien. Cependant, la voir revenir ici, chez lui, et d'après elle sans réelle raison était plus qu'intriguant.

La deuxième intervention de la Capitaine des Sentinelles le sortit de ses réflexions, comme elle lui demanda s'il comptait un jour se montrer poli et de l'inviter à entrer. Avec tout ces événements et ces chocs, il oubliait même les rudiments de la civilité. Pas de bonjour ni quoi que ce soit, le garçon s'étonnait lui même de son comportement. Mais alors qu'il s'apprêtait à lui répondre par l'affirmative et à la faire venir à l'intérieur, elle le coupa et poursuivit sa phrase. Elle semblait ... froide, oui, il ne voyait pas d'autres mots pour décrire cela.
Il la connaissait depuis quelques années et pour avoir partagé sa vie plusieurs mois durant, il savait reconnaître à son expression et à ses paroles que l'archère n'était pas spécialement contente. Avait-elle quelque chose à lui reprocher et qui justifierait sa présence ici ? À moins que ce ne soit l'éventualité d'un invité chez le Cydien qui ne lui déplaise, auquel cas il ne voyait pas la raison de cela. Non, il se faisait sûrement des idées mais il restait néanmoins certain que la jeune femme était contrariée par quelque chose, il ne manquait plus qu'à découvrir la source de cela.

« J'ai l'air d'avoir des gens chez moi ? » demanda-t-il, une pointe d'amusement transparaissant malgré tout dans sa voix.

Il suffisait de le regarder pour savoir qu'il sortait du lit : cheveux en pagaille, chemise et pantalon froissé, trace de couverture sur la joue et pieds-nus. C'était somme toute loin d'être un accoutrement convenable à l'accueil d'invité chez lui. Enfin, quand Kiera disait qu'il était peut-être avec quelqu'un, elle ne faisait probablement pas référence au même genre de relation que lui...

« Désolé, j'en oublie les politesses... Je t'en prie, entre »

Il s'écarta pour laisser la blonde passer la porte avant de la refermer derrière elle, les isolant tous deux de l'agitation extérieure. En hôte irréprochable – ou en tentative de rattrapage, allez savoir – il débarrassa Kiera de son manteau et le pendit non loin de là afin qu'elle soit à son aise.
Joli tableau si ce n'était qu'Ashrand pâlit lorsqu'il jeta correctement un œil sur l'état de son habitation. Outre le mobilier sur lequel un coup de chiffon n'aurait pas été de trop, un sac à dos et des vêtements ensanglantés traînaient sur la table. D'accord, il était seulement revenu de voyage la veille mais qu'allait penser l'Amazone de ce manque d'ordre, elle qui n'était pas au courant ? Lui qui portait une attention toute particulière à la propreté de son lieu de vie lorsqu'il était encore à Muria – sa maison d'époque devait encore s'en souvenir – le voilà qui offrait un tel spectacle à son invitée, qui ne devait probablement pas dû avoir une bonne impression.

« Heu ... tu m'excuseras pour le désordre, je suis à peine rentré hier et je n'ai pas eu le temps de faire le ménage » s'empressa-t-il de se défendre avant qu'elle n'émette une remarque à ce sujet, « Installe-toi dans le salon, fais comme chez toi et donne-moi une minute »

Il ramassa le monceau d'affaire qui traînait sur la table, remarquant au passage que la chemise qui s'y trouvait était tout simplement fichue. Puis, il les transporta jusqu'à une pièce voisine où il les déposa sans plus de manière, profitant au passage pour ouvrir les rideaux de sa main libre afin de laisser un peu de clarté entrer. L'arrivée de l'Amazone n'était pas pour lui déplaire, pas totalement, mais il aurait été reconnaissant d'être prévenu un peu avant, histoire qu'il ait le temps de ranger un peu.
Il rejoignit l'archère dans le salon et s'assit à ses côtés dans le fauteuil.

« Tu veux quelque chose ? »

Puis, il planta une nouvelle fois ses yeux dans ceux de son ancienne amante, ressentant l'irrésistible envie de s'y perdre, comme autrefois. Voilà trop longtemps qu'il ne l'avait pas vue et si la surprise commençait à se taire, la tristesse, la mélancolie et la joie se livraient toujours bataille en lui. Il ne pouvait plus la regarder comme cela, cela faisait deux ans qu'ils n'étaient plus ensemble... mais il ne savait pas pour autant comment se comporter avec elle. Autant il savait qu'il ne pouvait plus se montrer trop familier et complice avec elle, autant il savait aussi que lui témoigner le même respect qu'une simple amie, comme s'ils n'avaient jamais rien vécu ensemble, n'était pas le bon comportement à adopter non plus.
C'est rare qu'il retrouvait une personne dont il avait été si proche après tout ce temps et il ne savait pas trop comment réagir face à cela. Oh, sa séparation avec Gabrielle avait été bien plus longue mais ce n'était en rien comparable dans le sens où après huit ans, sa passion pour l'Elfe s'était éteinte et qu'il n'y pensait déjà plus après quelques mois tandis que l'archère, elle, il y pensait encore. Elle n'avait jamais réellement quitté son cœur, elle.

« Qu'est-ce que tu deviens sinon ? Ça fait quand même deux ans que je ne t'ai pas vue. » demanda-t-il enfin, après avoir retrouvé son chemin dans les yeux bleus de l'Amazone.

Il n'avait à vrai dire aucune idée quant à comment engager la conversation et cette tension presque palpable n'était pas sans le gêner...


[Je savais vraiment pas quoi dire pour engager la discussion ><
Rejouer un post pareil avec deux coincés, on tente l'originalité cette fois ? :p]

Si j'avais du refaire les choses, sans doutes n'aurais-je pas pris la peine de venir à Silmarie, sans doutes aurais-je préféré ne plus jamais le revoir de peur de lui faire du mal et sans doutes aurais-je eu raison d'agir de la sorte car son regard en disant long sur ses pensées. Terrorisée à l'idée qu'il ne me mette à la porte, j'avais préféré arborer un sourire timide et attendre qu'il réagisse mais je n'en menais pas large pour autant, bien au contraire. En réalité, je me demandais presque ce que je faisais là, à perturber un quotidien qui semblait pourtant si bien huilé et pire que tout, à faire visiblement resurgir des éléments du passé que peut-être avait-il souhaité oublier.

Tandis qu'il semblait peser le pour et le contre de ma présence sur le pas de sa porte, et bien que je me sois montrée particulièrement cruelle et mal élevée en lui rétorquant de la sorte qu'il pourrait me faire entrer – la jalousie était sans doutes l'un des pires défauts de l'espèce humaine – je me plaisais à le regarder. Ses traits fins qui avaient su me faire succomber il y avait plus de deux ans étaient toujours là, beaux, fins, tels que je les avais chéris et pourtant, il me semblait également qu'il avait perdu cet aspect juvénile qui faisait tant son charme et s'était mué discrètement en homme mur. Etaient-ce ses traits ou plus généralement son comportement qui me rendait cette impression ? Je n'aurais pas su le dire mais cela ne me déplaisait pas, bien au contraire, si je regrettais quelque peu cet air juvénile, j'appréciais encore plus ce côté plus adulte qu'il avait pris. Il était presque étonnant de voir à quel point les gens pouvaient changer en si peu de temps … J'avais sans doutes tord d'agir de la sorte aussi, après l'avoir détaillé rapidement pendant près de deux longues minutes, je m'interdisais un tel comportement et reportais mon attention sur la demeure. Si je ne percevais pas grand chose derrière lui de son habitation, j'y voyais cependant un certain ordre. Sans doutes la femme avec qui il partageait son lit quelques secondes avant de m'ouvrir faisait-elle des merveilles … Voilà que mon esprit divaguait encore !

Le ton semblait dur mais j'y décelais une pointe d'amusement, de ces réflexions qu'il me faisait souvent par le passé lorsque nous vivions ensemble à Muria. De celles qui, bien que je n'ose pas l'avouer, me manquaient tant … Son humour, certes parfois décalé et peu à même de faire rire toute la communauté, avait su me séduire et mieux encore, faire s'envoler les ennuis le soir venu lorsque je me blottissais dans ses bras. Si la jalousie me faisait oublier momentanément ces moments, mon cœur fort heureusement avait bonne mémoire et ne manqua pas de chavirer, juste le temps d'un battement, tandis que je retrouvais l'amant de la veille. Le temps de me reprendre, ce fut froidement cependant que je lui répondis :

« Comment pourrais-je le savoir ? »

Si j'étais affolée à l'idée de l'impact qu'aurait cette entrevue dans le cadre de notre relation, j'étais également extrêmement jalouse à l'idée qu'il ai pu me remplacer. Si vite ? Peut-être pas, cela faisait plus de deux ans que nous avions décidé – que j'avais pris la décision – de nous séparer mais quoi qu'il en soit, même dix ans après, me semblait-il que je lui en aurait voulu de la même façon. Comment avait-il pu tourner la page là où j'étais restée prisonnière de mes propres décisions ?

Il m'invita à entrer et à cet instant précis, j'hésitais. En entrant, je me résolvais nécessairement à faire évoluer notre relation, d'une façon comme d'une autre, je me résolvais également à détruire ces deux années passées loin l'un de l'autre. Et si ce n'était pas sa volonté ? Et si, en entrant, je brisais quelque chose que le temps lui même ne saurait pas réparer ? La question de savoir pourquoi j'étais venue jusqu'ici me remonta aux oreilles et si j'en connaissais parfaitement la réponse, je n'étais peut-être pas encore tout à fait prête à me l'entendre dire. Si ma tête hésitait, force était de constater que mon corps et mon cœur n'en firent pas de même et mes pas, sans que je ne parvienne à les arrêter, m'introduisirent dans sa demeure.

La porte se referma dans un bruit sourd qui me parut être une éternité. Mon cœur battait la chamade et je ne parvenais pas à l'arrêter. Ma tête semblait en proie à de multiples questions, trop pour parvenir à faire le point et trouver la solution du problème. J'étais chez lui, certes, mais j'étais totalement apeurée à l'idée de ce que je venais de faire si bien que je n'osais plus parler ni même bouger. Seul mon regard parcourait la pièce, sans doutes à la rechercher d'une preuve de son infidélité … non, il n'avait plus à être fidèle, il n'était plus mien depuis plus de deux longues années et je devais absolument m'en souvenir. J'étais venue ici pour discuter, pour mettre un point final à notre histoire et pour avancer, n'est-ce-pas ?
Je le laissais prendre mon manteau sans dire un mot, de toute façon, j'aurais bien été incapable de l'en empêcher. Le simple contact de ses mains saisissant ce dernier me fit frémir et fit remonter à la surface toute sorte de souvenirs. La première fois que nous avions décidé de passer à l'acte, lui me déclarant le premier ce qu'il ressentait pour moi en m'embrassant. Ces nombreuses soirées d'hiver où, assis simplement près d'un feu, j'avais profité de sa chaleur à ses côtés. Tant de moments partagés ensemble que j'avais balayé d'un revers de la main …

La demeure était relativement en ordre mais il manquait ici et là un coup de chiffon pour éliminer la poussière. Sans doutes cette réflexion aurait-elle fait sourire beaucoup de monde mais dans mon cas, c'était plutôt l'inquiétude qui primait. Ashrand avait toujours été quelqu'un de très ordonné lorsqu'il vivait à Muria, bien plus que moi même et pourtant, je découvrais une maison qui ne lui ressemblait pas. Tout aussi étrange que cela puisse paraître, j'étais presque soulagée de voir qu'aucune femme – car il était évident qu'aucune n'aurait toléré désordre et saleté – n'avait du fouler les lieux depuis un moment. Mon regard se posa sur un tas de vêtements ensanglantés mais avant que je ne puisse poser la moindre question – qui se serait avérée de toute façon malvenue -, il me demanda de m'installer dans le salon et de lui donner une minute pour tout ranger. Tout cela me rappelait une fois encore cette première soirée où, trempés par la pluie, il m'avait demandé plus ou moins la même chose … Je choisissais le fauteuil le plus près de la sortie, par réflexe plus qu'autre chose et attendait qu'il revienne.

« Non merci » répondis-je un peu plus sereinement que précédemment.

Bien qu'une boisson m'aurait fait du bien, ne serait-ce que pour délier ma langue et rafraîchir un peu mon gosier, je préférais décliner, cherchant encore par là même un moyen de fuir. Etais-je si lâche ?

Sa voix me fit perdre le fil de mes pensées. Je cherchais encore et toujours à peser le pour et le contre, à savoir ce qui, de mes envies et de ma raison, devait prendre le dessus. Aucun des deux ne parvenait pour le moment à prendre le pas sur l'autre à mon grand regret et j'étais totalement prise au dépourvue. Il me fixait, ne manquant pas par là même de me désarçonner une nouvelle fois mais je tenais bon.

« Peu de choses ont changé depuis ton départ, si peu d'ailleurs, que cela ne mérite guère autant d'attention » j'avais répondu d'un ton stressé aussi tentais-je de me reprendre, convaincue que si cela était une erreur, au moins devais-je tenter le coup, « Je t'ai menti, je ne suis pas venue par hasard à Silmarie. »

Voilà que j'hésitais encore une fois entre vérité et mensonge. J'avais moi-même du mal à discerner les deux tant et si bien que j'étais incapable de savoir si je devais tout avouer ou non. Ce n'était pas dans mon caractère que de dévoiler mes sentiments, encore moins quand ils étaient aussi troublés mais peut-être que ce premier pas était nécessaire, peut-être ouvrirait-il la voie vers quelque chose de meilleur ? J'avais peur de sa réaction certes, mais ce que je craignais le plus quelque part, c'était d'être confronté à mes erreurs et à mes décisions. J'avais fait ce choix déraisonnable par le passé, pensant que ce serait le mieux pour moi, égoïstement, je n'avais pas cherché à me prévaloir de ses sentiments et aujourd'hui, c'était tout aussi égoïstement que j'agissais, ne pensait qu'à mes propres sentiments bafoués par mes soins qui ne demandaient plus qu'à s'exprimer, pour peu que je les laisse faire.

« Je suis venue ici pour te voir, et uniquement pour cela »

J'avais du mal à m'exprimer. Je n'avais jamais excellé dans ce domaine, bien loin de là et lorsqu'en plus il s'agissait d'exprimer mes sentiments les plus enfouis, de ceux que j'avais moi même du mal à accepter, l'exercice en devenait d'autant plus complexe. Fuyant son regard, j'achevais simplement mon discours :

« Je craignais que tu n'ai refais ta vie mais remarque, peut-être est-ce le cas, cela fait tout de même plus de deux ans que je t'ai laissé partir … »

Des excuses, cela sonnaient comme des excuses et plus encore, comme une invitation, du moins à mes oreilles. J'étais si maladroite et je ne parvenais tellement pas à décider du pour ou du contre que je préférais m'arrêter là. Piteuse, j'attendais qu'il réagisse mais je savais dors et déjà que ma venue changerait beaucoup de choses entre nous, en bien comme en mal.

[ Je suis vraiment mais vraiment désolée du retard ! ]

Elle était entrée. Un scène certes banale mais qui signifiait bien que d'une façon où d'une autre, il ne souhaitait pas la tenir loin de lui. À la fois réjoui et désorienté de sa présence ici, il aurait pu apaiser son esprit en la laissant dehors, en lui faisant clairement comprendre qu'il n'y avait plus rien entre eux depuis longtemps mais non, il avait à la place décidé de se torturer un peu plus en l'invitant à l'intérieur. Ce moment était peut-être fugace, il n'en souffrirait que davantage lorsqu'elle partirait mais il ne pouvait se résoudre à la laisser partir comme ça. Kiera s'était taillée une place trop importante dans la vie du garçon pour que ce soit lui qui l'en fasse sortir... Peu importe qu'il l'ait laissée entrer ou non, certaines choses changeraient, pour elle comme pour lui. Restait à espérer que ce soit bénéfique...

Quoiqu'il en soit, la révélation de l'archère le gêna un peu, comme elle lui avouait lui avoir menti. Ashrand avait certes toujours été un peu crédule mais il ne l'était pas au point de croire qu'elle était venue ici par pur hasard et sans réelle raison. Qu'elle soit de passage à Silmarie, il pouvait encore y croire mais dans ce cas, elle ne se serait pas présentée chez lui, encore moins deux années après leur séparation. Un peu triste aussi qu'elle lui ait caché la vérité mais dans le fond, ce n'était pas si grave, il savait à quel point elle avait du mal quand cela concernait ses sentiments ou des choses délicates, telle la véritable raison de sa présence.
Ça par contre, il ne s'attendait pas. Lui avouer être là uniquement pour le voir ne l'aidait pas vraiment à mettre de l'ordre dans sa tête, cela lui faisait au contraire se poser davantage de questions, bien qu'il fut un peu soulagé de la voir enfin sincère.

« Je vois... Je... »

Ce fut tout ce qu'il put articuler, noyé dans le chaos de son esprit. Dans ce genre de situation, il avait toujours du mal à faire la part des choses entre ce qu'il voulait et ce qu'il ressentait. Il n'était même pas certain de ce qu'il désirait, à moins qu'il ne craigne juste la suite des événements. Il avait tenté de tourner la page après que la Sentinelle l'ait laissé tomber mais enfermer tout cela aux tréfonds de son cœur s'était avéré vain, aussi avait-il décidé de laisser le temps faire son œuvre. Cela aurait pu marcher si elle s'était tenue loin de lui à jamais, s'il ne revoyait plus jamais ce visage... C'était deux années de tentatives d'oubli infructueuses qui partaient en fumée, tous les souvenirs de leur vie communes avaient refait surface à la seconde même où il avait ouvert la porte et maintenant, c'était à lui de se débrouiller avec ce passé. Plus encore, ces retrouvailles le menaient vers l'inconnu et il en avait peur, peur de ne pas savoir où cela aboutirait, peur de souffrir plus qu'il ne l'avait déjà fait. Cette séparation en avait fait un homme blessé, trahi par l'élue de son cœur et la voir revenir ainsi... il ne savait que penser.
Ne sachant plus quoi dire, il préféra se taire. Cela sonnait malgré lui comme une réponse désintéressée, comme s'il était indifférent à la présence de l'Amazone. C'était faux bien entendu, mais il était trop bouleversé pour arriver à dire clairement ce qu'il ressentait à propos de tout cela. Évidemment qu'il était touché par de telles paroles, il était même loin d'y être insensible ! Il avait juste besoin de mettre de l'ordre dans sa tête. Le gladiateur mit cela de côté lorsqu'elle poursuivit.

« Je te mentirais si je disais ne pas avoir essayé de refaire ma vie. J'ai tenté de t'oublier, de passer à autre chose mais c'est sûrement la chose la plus inutile que j'aie pu faire de ma vie »

Un piètre sourire fut offert à la blonde, davantage crispé que joyeux. Il était vrai que l'oublier avait été vain mais surtout idiot – même s'il ne s'en était pas aperçu tout de suite. Leur séparation avait été un déchirement pour lui mais il ne pouvait nier avoir vécu plus heureux et serein que jamais auprès d'elle. L'Amazone lui avait tant apporté, pouvait-il seulement dire en avoir fait autant ?
Enfin, il ne pouvait pas enterrer ces souvenirs qui constituaient une partie intégrante de son passé. Les choses auraient été toutes différentes pour lui s'il n'avait jamais croisé la route de Kiera et sans doute que sa vie n'aurait pas eu la même saveur.

« Et de ton côté, tu as trouvé un autre Soumis pour me remplacer ? »

Aussi étonnant que cela puisse paraître en sortant de la bouche du brun, sa phrase sonnait en quelque sorte comme un reproche... Deux ans qu'elle l'avait laissé partir, quel bel euphémisme : deux ans qu'elle l'avait jeté, oui ! Pourquoi craignait-elle qu'il ait retrouvé une femme si elle-même était à l'origine de leur rupture ? Lui le craignait vraiment. Le Cydien avait peur de n'avoir été qu'un amant parmi tant d'autre, n'avoir été qu'un caprice là où lui avait donné tout son amour. Non, la douleur les émotions lui faisaient supposer n'importe quoi, il la connaissait suffisamment pour savoir que la Sentinelle n'était pas ce genre de femme, il s'en serait rendu compte depuis un moment.

« Je peux te demander pourquoi... ? Si tu voulais me voir, tu aurais pu venir n'importe quand auparavant » l'interrogea-t-il à demi-voix

Non pas que ça le dérangeait, mais il n'empêchait que la question d'un pourquoi demeurait. Après, la question aurait probablement dû être tue...

J'étais incapable de déchiffrer la moindre expression sur son visage pourtant, par le passé, nous nous comprenions si bien mais j'avais balayé d'un revers de main cette complicité étrange qui résidait entre nous par peur du lendemain. J'avais craint que, si je le laissais partir, je ne l'enchaine à cette cité qui l'avait privé de liberté en devenant l'homme qui partageait ma vie. Les relations à distance, toute aussi idyllique qu'elles puissent être, ne fonctionnaient que dans le cœur des demoiselles, et je ne faisais pas partie de cette catégorie, depuis longtemps déjà. Je savais qu'il était difficile de demander un tel sacrifice à Ashrand et c'était pour cette raison qu'il m'avait fallu rompre brutalement. Je le regrettais chaque jour depuis ou presque sans oser me l'avouer. Sa présence, son état d'esprit, tout me manquait chez lui si bien que je me demandais presque aujourd'hui comment j'avais fait pour attendre si longtemps avant de ne serait-ce que le revoir.

Il reprit la parole, hésitant. En le voyant ainsi si gêné, je me demandais clairement si je n'aurais pas du abandonner ce projet, tout aussi important soit-il pour moi. Il avait bâti une nouvelle vie en dehors des fières murailles de ma cité natale, il était devenu sans doutes quelqu'un de respecté et d'aimé et je venais, de mes gros sabots, détruire le peu de libertés que lui avait accordé le temps. A le voir si hésitant, si peu sur de la manière dont il devait se comporter envers moi, je commençais à comprendre à quel point j'avais peut-être été dans l'erreur. En venant ici, j'ignorais ce que j'espérais réellement. Me remettre avec lui ? L'idée semblait toute aussi saugrenue que folle et pourtant, il me semblait bien que c'était la raison de ma visite à Silmarie. En prenant le chemin de sa maison, j'avais décidé quelque part qu'une toute petite chance, aussi infime soit-elle, nous permettrait de revivre les quelques temps de bonheur partagé à Muria. Et désormais, je me rendais compte face à sa réaction, que j'avais sans doutes eu tord. En venant ici, je n'avais eu peur que d'une chose, de son indifférence, de constater à quel point il était heureux sans moi et à quel point il avait pu refaire sa vie. Certes quand il avait avoué être seul, mon cœur n'avait pas manqué de me rappeler la raison de ma venue mais désormais, je craignais le pire. Incapable de savoir ce qu'il pensait, ce qu'il ressentait, je me demandais sincèrement ce qui se passait dans sa tête et aurais préféré être loin d'ici. Le Cydien évitait mon regard, tout comme j'avais fui le sien ce jour-là, tandis qu'il cherchait des explications, des raisons à notre séparation. Il semblait totalement se désintéressé de la situation si bien qu'il ne me manqua pas grand chose pour me lever et prendre congés. Mais fort heureusement, alors que mon cœur meurtri par son comportement me hurlait de fuir et d'oublier, il reprit la parole.

Ses paroles me glacèrent le sang sans que je ne comprenne réellement pourquoi. Je m'attendais à ce qu'il ai refait sa vie alors pourquoi cet aveu me faisait-il autan de mal et tout à la fois, autant de bien ? De mon côté, je n'avais rien tenté, une fois la séparation consommée, j'avais emmuré mes sentiments solidement au fond de mon esprit et j'avais tenté d'oublier. Pour se faire, j'avais pris le parti de me plonger corps et âme dans le travail, de m'entrainer sans relâche et de m'occuper l'esprit à autre chose si bien que les hommes ne m'avaient guère intéressés. Avant lui, Maximus avait laissé une blessure béante si bien que, au vu de la séparation et du mal que cela pouvait me faire, je n'avais même pas cherché à vivre autre chose. Peut-être un Soumis avait-il partagé ma couche une nuit, je n'en étais même pas certaine et cela n'avait que peu d'importance. De son côté, il était honnête et avouait sans hésiter qu'il avait tenté de refaire sa vie mais si cela me blessa bien que je comprenne ce sentiment profondément humain, la fin de sa phrase me fit énormément plaisir, égoïstement.
Levant les yeux dans sa direction, je croisais un sourire presque timide et crispé mais qui m'encourageait à lui répondre, toute aussi crispée que lui et malhabile. En revanche, sa question ne manqua pas de le faire disparaître aussitôt. Si j'étais touchée qu'il s'intéresse à ma vie sans lui, si je commençais à me demander s'il n'avait pas également envie de retenter l'expérience vu les questions qu'il me posait, je ne pouvais m'empêcher de me sentir mal à l'aise soudainement face à ce genre d'interrogations. Consciente que tout se jouait peut-être là et maladroite de nature, je préférais lui avouer la vérité, qu'avais-je à perdre de plus de toute façon ?

« Personne ne pouvais te remplacer, lorsque tu es … parti. »

C'était un aveu comme la stricte vérité certes mais je lui devais sans doutes plus d'explications, peut-être méritait-il ne serait-ce que la vérité, la vraie, celle que j'avais caché si longtemps pour ne pas saigner plus, pour ne pas, plus longtemps encore, me sentir coupable. Tandis que je cherchais mes mots, tandis que je me demandais comment formuler cet aveu honteux, je l'observais inconsciemment et tout aussi inconsciemment, je me rendais compte à quel point j'avais gâché les choses. Ma voix tremblait presque, peinant sur certaines intonations tandis que je lui avouais :

« Après ton départ, j'ai pris le parti de m'occuper l'esprit aussi ai-je satisfait de plus en plus de missions pour ma cité. J'ai supervisé de plus en plus d'entrainements si bien que l'épuisement total était une source de réconfort. Sans doutes un homme a-t-il partagé ma couche, si tel est le cas, je n'en ai aucun souvenir mais je pense que cette probabilité est nulle étant donné que j'ai passé mon temps à les éviter. J'avais peur de ... »

J'étais incapable de finir ma phrase si bien que je préférais la laisser en suspens. De toute façon, je venais d'en avouer bien plus que ce qu'il ne fallait pour comprendre que j'étais encore et toujours amoureuse de lui. Incapable de refaire ma vie, j'avais même préféré vivre dans le souvenir, quitte à essayer de l'oublier plutôt que de vivre une nouvelle histoire ...Si j'avais perçu le reproche dans la bouche de mon ancien amant, je n'étais pas capable de m'y raccrocher, pas encore du moins.

Je compris en entendant sa dernière question que là résidait mon ultime chance de le convaincre, de m'exprimer et, peut-être de transformer ce qu'il restait de notre relation en ce qu'elle avait pu être par le passé. En avais-je vraiment envie ? N'était-ce pas un caprice de ma part ? Il m'avait fallu deux longues années pour comprendre mes erreurs, pour les ruminer, les regretter et aujourd'hui, pour vouloir les réparer. Je l'aimais encore, je n'avais jamais cessé quelque part même si j'avais tenté d'oublier. Le temps ne ferait jamais son œuvre car je ne souhaitais pas qu'il en soit ainsi. Tout cela n'était pas une passade … j'étais à la croisée des chemins, et je devais choisir, ici, et maintenant. J'avais déjà choisi, en venant jusque dans la cité des brumes, je savais ce que je voulais et pourquoi.

« J'avais peur »

Il était temps de dire la vérité. Qu'il refuse, et je m'en irais, je prendrais le chemin du pardon, de l'oubli et le temps ferait son œuvre … mais je ne pouvais pas demeurer ici sans une réponse à ma question. Je n'avais jamais été douée pour exprimer mes sentiments mais pour la première fois de ma vie, j'étais prête à faire des efforts en ce sens.

« Tout était de ma faute, alors je craignais que tu ne m'en veuilles. Et tu aurais eu toutes les raisons de m'en vouloir. » , je marquais une pause, cherchant par où commencer, « Il était difficile pour moi de venir te voir après ce queje t'avais fait. J'avais rompu, j'avais balayé d'un revers de main ces mois de vie commune par peur de devenir un fardeau pour toi et je me serais permis de venir ici, de gâcher ton ultime chance de vivre libre pour t'enchainer à nouveau en t'avouant que je regrettais ? Je ne voulais pas agir une nouvelle fois égoïstement ... »

Et pourtant, n'était-ce pas ce que je faisais à l'instant même ? N'était-ce pas mon égoïsme qui m'avait poussée à venir ici quitte à détruire ce qu'il avait construit depuis ?

« Je suis venue ici, égoïstement, te demander si tu m'aimais encore car si tel n'était pas le cas, je m'en retournerais, je te laisserais vivre ta liberté sans autres regrets que ceux que j'ai déjà. »

La vérité avait un goût étrange et pour tout avouer, j'étais terrorisée. Je ne tremblais devant aucun ennemi mais j'avais oublié que l'homme en face de moi n'avait rien d'un ennemi.

[ Encore désolée du retard >.< ]

Ashrand peinait à s'exprimer, lui qui trahissait toujours ses émotions involontairement ; par une mimique, un sourire qui lui échappait, on devinait bien souvent ce qu'il ressentait et cela, peu importe l'effort qu'il faisait pour le cacher. Mais aujourd'hui, tant ses gestes que ses paroles n'exprimaient que de l'hésitation. Le retour de Kiera était trop soudain, il n'avait rien vu venir et à présent, il essayait tant bien que mal de se frayer un chemin à travers ses propres doutes. Il savait que les innombrables pauses qu'il faisait avant de lui répondre ainsi que toute autre chose indiquant son hésitation mettaient l'archère mal à l'aise. Ils passaient plus de temps à réfléchir qu'à se parler et à ce rythme, ils allaient vite se trouver dans une impasse.

D'une certaine façon, un immense soulagement s'empara de lui quand elle lui avoua ne pas avoir retrouvé l'amour auprès d'un autre homme. Il n'y avait certes plus rien entre eux depuis longtemps mais le simple fait de l'imaginer dans les bras de quelqu'un d'autre faisait naître en lui un sentiment bien étrange et assez inhabituel pour lui. Jalousie ? Oui, ce devait être cela. Sans doute était-ce pour cela qu'il se sentait apaisé en apprenant que, tout comme lui, elle demeurait seule.
Le gladiateur avait du mal à imaginer comment il aurait réagi si les choses en avait été autrement, en la voyant avoir réussi à refaire sa vie là où lui échouait lamentablement... Non, il trouvait que c'était mieux ainsi, au moins était-il assuré que la Sentinelle ne l'avait pas jeté pour courir vers un autre amant, c'était déjà ça.

Le garçon ne l'interrompit pas quant elle poursuivit et lui livra ses pensées. La connaissant, peu de gens devaient avoir entendu ce qu'elle lui dit à ce moment, peut-être était-il même le seul à qui elle ait confié cela et quelque part, cela avait quelque chose de flatteur. Certes, après tout ce qu'elle lui avait fait, Kiera lui devait au moins la vérité, mais il apprécia tout de même la sincérité dont elle fit preuve. Rien ne l'obligeait à lui raconter cela mais elle le fit et il lui en fut reconnaissant.
En d'autres circonstances, le jeune homme n'aurait pas manqué l'occasion de plaisanter sur le fait qu'elle n'était pas sûre d'avoir passé une nuit avec un homme depuis qu'ils s'étaient séparés. Cela lui paraissait étrange de ne pas pouvoir se rappeler si oui non on avait partagé son lit avec quelqu'un, et dans une situation différente, cela aurait prêté à sourire. Sauf qu'aujourd'hui, il savait que cette plaisanterie, aussi taquine puisse-t-elle être, agacerait l'archère et ne ferait que l'inciter à partir et au fond, c'était bien la dernière chose qu'il souhaitait. Elle n'exprimait pas ses sentiments avec la même spontanéité que lui et la voir faire un tel effort le confortait dans l'idée qu'il n'avait pas le droit de parler avec autant d'insouciance que de coutume. Le moindre mot de travers et tout serait gâché...

Il parvenait peu à peu à démêler ses sentiments les uns des autres mais il était certain d'être profondément heureux de la revoir. Depuis le début, ce qu'il pensait être un mélange d'appréhension, de regret et de gêne quant à leurs retrouvailles n'était en réalité qu'un subtil amalgame de soulagement et de peur.
Il venait à peine de s'en rendre compte. Presque risible de sa part, n'est-ce pas ? Lui qui parvenait à déceler avec une facilité parfois déconcertante les émotions que ressentaient son entourage grâce à son sixième sens n'arrivait même pas à savoir ce que lui-même ressentait et interprétait ses sentiments de la mauvaise manière. C'était seulement de longues minutes après l'avoir fait entrer chez lui qu'il se rendait compte de ce qu'il voulait... et c'était cela qu'il craignait. Quoiqu'il en dise, il savait que la rencontre d'aujourd'hui déboucherait sur quelque chose, que leur relation – ce qu'il en restait – évoluerait dans un sens ou dans l'autre. En bien ou en mal, les choses n'allaient pas en rester au point nul, quelque chose allait changer et, sans qu'il n'y prête attention, Ashrand avait agit afin que tout aille dans bon sens dès que leur regard s'étaient croisés. Le simple fait de la faire entrer chez lui était une façon de montrer que malgré tout ce qu'elle lui avait fait, la Sentinelle tenait encore une place dans sa vie.
Quitte à être blessé à nouveau, il voulait croire qu'un nouveau départ était possible. Pas pour elle, pas pour lui, pour eux. Les paroles de l'Amazone prêtaient à croire que c'était également le cas pour elle. Elle lui avait tendu une perche et lui comptait bien s'y accrocher, comme s'il s'agissait là de la dernière embarcation de secours du navire à la dérive qu'était sa vie sentimentale. Tout allait se jouer maintenant, c'était l'occasion ou jamais de lui faire part de ce qu'il ressentait. Il n'avait de toute façon rien à perdre à lui confier cela...

« Et s'il s'avérait que oui ? » demanda-t-il à mi-voix, « Si je te disais que la raison pour laquelle je n'ai pas su t'oublier, c'est que je n'ai jamais cessé de t'aimer ? »

Il planta son regard azur dans celui de l'archère, à la recherche d'indice quant à ce qu'elle pensait. Les mots les plus durs à prononcer avaient franchis ses lèvres. En disant cela, il mettait son cœur meurtri à la disposition de celle qui elle-même l'avait brisé, elle pouvait en recoller les morceaux tout comme elle pouvait les réduire en miettes... D'aucuns le trouveraient trop naïf, vouloir ainsi s'engager de nouveau dans cette relation quand on savait comment elle avait terminé, mais il avait cependant compris qu'il était vain de s'opposer à ses sentiments. Il ne regretterait pas de ne pas avoir essayé.

« Je t'en ai voulu, c'est vrai. Je ne comprenais pas pourquoi tu avais décidé de tout arrêter... D'accord, nous n'aurions pas pu nous voir tous les jours ni même toutes les semaines mais pour moi ce n'était pas une raison suffisante pour nous séparer. Je pensais qu'il y avait autre chose derrière ta décision mais ta venue d'aujourd'hui me montre le contraire »

Le Cydien aurait bien entendu été plus heureux s'il pouvait la voir tous les jours mais son travail lui demandait beaucoup de temps, tant et si bien qu'il arrivait quelquefois que les deux amants soient séparés plus d'une semaine l'un de l'autre, mais cela ne rendait les moments passés ensemble que plus agréables. Être séparés plus longtemps une fois qu'il aurait quitté la Cité Forestière n'avait, à ses yeux, rien d'insurmontable, même si les longues absences de Kiera lui auraient pesées... mais cela restait possible à endurer. Il suffisait de prendre l'exemple de la Reine de Muria et de son amant pour savoir qu'une telle relation restait possible.
Il glissa doucement ses doigts entre ceux de l'Amazone avant de poursuivre :

« Kiera, nous n'arrivons à rien chacun de notre côté, on vit chacun avec des regrets dont nous ne pouvons nous séparer, tu l'as vu toi-même. Tu es venue pour me demander si je t'aimais encore, je t'ai répondu que oui, maintenant laisse moi te demander tout aussi égoïstement de rester. Je voudrais qu'on reprenne là où l'on s'était arrêté... »

Elle ne l'avait jamais enchaîné quand ils étaient amants, bien au contraire : sa présence le rassurait et lui faisait se sentir pousser des ailes. Jamais il ne s'était senti aussi libre que lorsqu'ils étaient ensemble, qu'il soit Soumis ou Homme Libre n'y changerait jamais rien, il le savait.
Sa main n'ayant toujours pas quitté celle de l'Amazone, il leva vers elle un regard empli d'espoir. Il ne savait pas comment les choses se passeraient ensuite, peut-être serait-ce comme la première fois, une idylle finissant brutalement. Il ignorait la suite mais il voulait la vivre avec elle.

C'était un exercice tout à la fois pénible et salvateur. Au fur et à mesure que j'avais avoué mes faiblesses et mes peurs, sans parler de mes erreurs passés, un poids avait cédé dans mon cœur. Libérée de mes remords, je pouvais enfin le regarder dans les yeux, c'était sans compter bien sur ma timidité et mon manque de confiance en moi dans ce genre de domaines certes mais quoi qu'il en soit, quelque chose s'était libéré, comme si le poids des remords de ces derniers mois venait de s'envoler au fur et à mesure que je lui avouais tout. Si les remords avaient plus ou moins disparus, ils avaient été cependant bien vite remplacés par une pointe de regrets mais surtout, par de nouvelles peurs, plus tenaces sans doutes que les anciennes. Avouer la vérité était salvateur et source de réconfort certes, mais également bien cruel car si je venais de dire ce qui trainait au fond de mes pensées depuis longtemps déjà, le Cydien n'avait nul obligation de le respecter ou encore, de l'accepter.

Jamais je ne lui en aurais voulu je pense de me rejeter, il était tout à fait dans son droit de le faire d'ailleurs … A vrai dire, il était même logique qu'il réagisse ainsi. J'avais mis tellement de temps à me décider, pire que tout, je lui demandais de revenir en arrière là où j'avais tout brisé, tout piétiné sans un regard envers lui, sans une explication. Il était tout à fait en droit de me dire de disparaître de sa vie, je l'aurais très bien compris et, en venant ici, je savais que ce risque était imminent. Je l'avais accepté. Pour apaiser ma conscience et mon coeur, j'étais venue égoïstement détruire le peu de calme qu'il avait pu bâtir dans sa vie depuis son départ de ma cité natale mais en échange, je m'étais préparée à ce qu'il me déteste et me pousse en dehors de sa vie. C'était un rendu pour un donné.

La sincérité m'avait souvent conduite à ma perte par le passé. Sincère envers le seul homme que je pensais digne de confiance, Maximus, je l'avais aidé bien malgré moi à s'enfuir et, lorsque je n'avais compris que trop tard mon erreur, il s'était joué de moi. Si j'avais pour habitude enfantine de garder pour moi mes secrets, mes sentiments et mes hésitations, le Soumis m'avait confortée dans l'idée qu'il valait mieux ne pas trop se dévoiler de peur d'être blessée. C'était sans doutes la raison pour laquelle ma relation avec Ashrand avait commencé si étrangement. J'avais eu peur, peur de cette amitié puis de cet amour naissant mais aujourd'hui, je devais bien admettre que je n'avais jamais connu des temps plus apaisants. Il m'avait fallu apprendre à être sincère et surtout, à exprimer ce que je ressentais et si j'y étais parvenue, je n'avais pas eu le courage de tout lui avouer le jour de mon départ, jusqu'à ce jour. Il était peut-être trop tard mais peu importait, le jeune homme méritait à mon sens des excuses ou tout du moins, des explications. Je n'avais que trop tardé, je n'étais même pas certaine que tout cela servirait à quelque chose mais au moins ma conscience s'en trouverait-elle soulagée. Tandis qu'il réfléchissait, mon angoisse augmentait, je me demandais au fond si j'avais bien fait de venir à sa rencontre si, au final, je n'aurais pas du laisser les choses telles qu'elles sans jamais chercher à les faire évoluer …

Je ne m'attendais pas à ce qu'il me réponde aussi franchement. Je ne m'attendais pas non plus à ce qu'il venait de dire si bien que mon cœur manqua un battement et mon visage se releva instinctivement, comme pour être sure de bien avoir entendu ce que je croyais avoir entendu. Mon regard croisa alors le sien. Perplexe, j'y cherchais quelque chose à quoi me raccrocher mais je ne croisais que son regard, fort, plein de convictions et si déstabilisant pour moi. Je n'osais pas parler, j'avais peur de briser quelque chose, encore une fois.
Il n'y avait jamais rien eu d'autre que la peur, l'angoisse de voir des jours meilleurs, de toujours se demander ce qu'il ferait et surtout, avec qui. La peur terrible de me demander si, un jour, un corbeau ne m'apporterait pas la nouvelle de notre séparation ou pire, de sa mort. Avec toute cette distance entre nous, j'avais craint de devenir un boulet que l'on traîne par habitude jusqu'au jour où l'on s'en débarrasse. Sa marque d'affection me tira un sourire, discret, timide, mais ne manqua pas non plus d'emballer mon palpitant bien malgré moi. Moi, la chef des Sentinelles, j'étais réduite au silence par un ancien Soumis, même si je ne l'avais jamais considéré ainsi, et j'agissais comme une adolescente qui découvre l'amour. La situation en aurait certainement fait sourire plus d'un.
Mes doigts glissés entre les siens, je sentais mon cœur se serrer, plus encore à mesure qu'il me demandait de rester. Des mois durant, j'avais rêvé d'un instant similaire, m'assurant au réveil que tout n'était que folie et que je devais me concentrer sur mes obligations plutôt que rêvasser à un avenir révolu mais cet avenir me tendait désormais les bras et, si je l'avais espéré du plus profond de mon âme, je ne m'y étais pas préparée. J'avais refusé d'admettre que tout cela soit possible si bien que j'étais incapable désormais de savoir quoi faire.

« Pourras-tu me pardonner le mal que je t'ai fait ? » demandais-je d'une voix qui m'étais presque étrangère, comme si je vivais la scène spectatrice.

Je sentais, honteuse, les larmes monter et ne parvenais pas à les retenir. L'une d'entre elle roula sur ma joue et s'écrasa en silence sur mes jambes tandis que je plongeais mon regard dans le sien, y cherchant le pardon. Je n'y trouvais que l'espoir et comprenais enfin. Un sourire naissant sur mes lèvres, sans vraiment hésiter, alors que mon cœur semblait sur le point d'exploser, j'avançais lentement mon visage du sien et déposais sur ses lèvres un baiser.

« Il n'y a jamais eu d'autre que toi dans ma vie » murmurais-je pour toute réponse.

J'étais incapable de réfléchir, incapable de savoir réellement où nous mènerait tout cela mais je savais avoir envie d'une chose : rester avec lui.

[ Je ne suis pas sure d'avoir fait avancer les choses ^^' Tu me le dis si tu n'arrives pas à rebondir ! ]

Depuis leur séparation, le garçon regrettait trop souvent le temps où Kiera et lui étaient encore ensemble. Leur vie à chacun étaient bien remplies et, s'ils n'étaient pas capable de se voir tous les jours, il savourait chaque seconde qu'il pouvait passer à ses côtés à tel point qu'il parvenait aisément à prendre son mal en patience lors des absences de son amante.
Ashrand avait eu beaucoup de mal à réaliser, à se faire à l'idée que tout était alors fini entre eux, juste parce qu'elle avait décidé cela comme ça, sur un coup de tête. Fou amoureux qu'il était, se dire qu'ils étaient à présent étrangers l'un à l'autre et qu'il n'était rien de plus qu'une petite amourette dans la vie de l'archère avait été un cruel déchirement.
Leurs longues discussions, les nuits passées avec elle, sa simple présence,... tout lui avait manqué dès l'annonce de son souhait de séparation. Ne plus avoir droit qu'à un regard lorsqu'il la croisait en journée le blessait et l'avait amené à s'interroger pour savoir si au fond, le problème ne venait pas de lui. Ce fut vain, tant et si bien que le gladiateur préféra l'éviter pour les quelques semaines qu'il savait lui rester avant de quitter Muria et de retrouver sa vie d'homme libre. Il fallait croire qu'en partant de la Cité Amazone, il ne garderait plus aucune attache avec celle-ci, comme s'il tirait un trait sur ces six années de sa vie. Sa dernière rencontre avec Éléa ne s'était pas aussi bien passée qu'il l'aurait voulu, à tel point qu'il ne l'avait jamais revue depuis qu'il l'avait défiée et qu'il ignorait si elle lui en voulait encore ou non, Kiera l'avait quitté sans réelles raisons, les Soumis n'étaient que des compagnons d'infortune et les quelques Amazones qu'il côtoyait s'apparentaient davantage à des connaissances qu'à des amies... Dès lors qu'il ferait un pas en dehors de Muria, il se détacherait à jamais de cette ville qu'il avait d'abord détestée avant de l'apprécier à sa juste valeur. Ce pas, Ashrand le fit non sans un pincement au cœur mais il n'avait plus aucune raisons de rester puisque la seule personne qui aurait pu le convaincre l'avait délaissé.

Revoir Kiera aujourd'hui signifiait renouer avec ce passé et certains souvenirs douloureux s'y rapportant. Le choix de décider s'il voulait vraiment s'en détacher lui avait été offert et force était de reconnaître qu'il ne pouvait faire comme si sa période de Soumission n'avait pas existé tout autant qu'il ne pourrait jamais considérer la Chef des Sentinelles comme une étrangère. Jamais. Le temps lui avait été laissé de se rendre à l'évidence et aujourd'hui, il ne tenait qu'à lui de faire revivre ces souvenirs. Non pas qu'il désirât retourner à Muria – loin de lui cette idée, il tenait trop à sa liberté pour s'enfermer de nouveau – mais retrouver l'amante de la veille lui permettrait de panser nombre de blessures
L'Amazone avait assez explicitement formulé ses vœux quant au devenir de leur relation, à savoir qu'elle voulait recoller ce qu'elle avait brisé, puis Ashrand l'avait rejointe sur ce point, avouant que ses sentiments n'avaient pu aller à d'autres durant les deux dernières années. Des tentatives puériles avaient eu lieu pour retrouver une vie amoureuse mais au final, ces sentiments relevaient plus de l'amitié et du désir que de l'amour, à tel point qu'il finissait par briser des cœurs à son tour.

« T'aurais-je laissée entrer si je n'étais pas prêt à te pardonner ? »

Là était la vérité : quand bien même le jeune homme avait été blessé, il était incapable d'en vouloir très longtemps à quelqu'un, plus encore quand des excuses sincères lui étaient faites. De plus, il ne souhaitait qu'une seule chose : rétablir la relation qu'ils entretenaient tout deux auparavant et pour cela, il ne servirait à rien de se montrer rancunier. Le temps était au pardon et non aux lamentations sur les erreurs passées. Kiera et lui avaient pu être réuni alors que tout les opposait, de leurs origines à leur statut social. Alors qu'ils étaient destinés à se haïr et à ce qu'une relation de dominant à dominé s'installe entre eux, la graine d'un amour improbable avait germé. S'il s avaient pu surmonter tout cela alors le Cydien se devait de passer l'éponge sur les fautes de son amante afin que l'hiver tombé sur cette graine cède place à un printemps lui permettant de pousser de plus belle.

« Promets moi juste de ne plus jamais me faire ça... » lui murmura-t-il tout bas avant qu'elle ne s'approche doucement pour l'embrasser

L'agréable sensation de ses lèvres contre les siennes fit remonter des tas de souvenirs dans la tête du garçon, il avait oublié à quel point cette marque d'affection de sa part pourtant si simple et banale avait pu lui manquer. Les yeux clos, il profita autant que possible de ce baiser, comme s'il s'agissait du dernier.
Il ne répondit pas tout de suite à ce qu'elle dit quand elle recula son visage. Tout d'abord parce qu'il savait ces paroles sincères mais aussi parce qu'il avait peur de ne pas réussir à exprimer correctement ce qu'il souhaitait dire. L'amour ne pouvait s'expliquer sans être abîmé, aussi se contenta-il d'un sourire entendu avant de lui glisser une main dans le dos et de l'attirer à lui pour aller cueillir un baiser sur ses lèvres à son tour, désireux de savourer cet instant qu'il espérait ne jamais voir se terminer. Il ne pouvait expliquer ses sentiment tout en étant parfaitement fidèle à ce qu'il pensait mais il pouvait faire ressentir à Kiera ses propres émotions, ce qu'il d'ailleurs en lui envoyant une puissante vague d'amour à l'aide de l'Esprit ; cela s'approchait bien plus de la réalité que des mots.

Le passé était douloureux, le futur incertain. Ashrand avait souffert comme jamais des décisions de l'Amazone et il ignorait s'il ne serait pas blessé de nouveau à l'avenir mais il avait décidé de lui accorder une seconde chance et lui refaire confiance. Tout n'était qu'incertitude sauf une chose dont il était sûr : en ce moment, il était le plus heureux des hommes.

[Kiera et Ashrand désengagés]

[On a réussi ! Sans blague, j'ai vraiment trop eu du mal à jouer Ashrand sur ce topic xD Ceci dit et comme à chaque fois, c'était un vrai plaisir de RP avec toi et j'espère qu'on remettra ça ! n_n]