Ce matin-là ressemblait à tant d'autres, depuis qu'Eloween avait rejoint sa cité natale, elle ne pouvait s'empêcher de penser qu'elle regrettait amèrement ces longues soirées au coin du feu avec son père adoptif. Thingol lui manquait cruellement, plus que tout, les voyages en sa compagnie, qui avaient été si formateurs lui manquaient. Sam manquait encore plus cruellement à la petite fille elle qui vivait ici dans un Autel voué à sa splendeur en l'absence de tout animal ou encore, de tout ami. Loin de Jelenna et d'Aerin, loin du rôdeur louche, la petite Elfe se languissait de ses journées. Encore trop jeune pour vouloir accepter son destin, elle n'en comprenait cependant que trop bien les enjeux.
Grande Prêtresse, ce mot sonnait à ses oreilles comme une insulte.
Elle aurait du en être honorée ? Elle l'était quelque part. Elle aurait du apprécier ce titre et défendre sa cité du mieux qu'elle le pouvait ? Elle s'y efforçait mais au fond de son cœur, Eloween n'aspirait qu'à une seule et unique chose, la liberté. L'oubli. Elle voulait vivre à l'image d'Aerin, libre comme l'air, à l'image de son ancien mentor, par monts et par vaux, à l'image de Jelenna, dans sa cité natale certes, mais avec splendeur. Car la petite princesse avait toutes les qualités qu'Arwen aurait aimé voir en elle. Patiente, douce, calme, l'Amazone était destinée à régner, elle était une déesse digne de ce nom si l'on pouvait parler ainsi alors qu'elle … Quelque part, Eloween se demandait pourquoi les dieux l'avaient choisi. Il y avait tant de jeunes femmes plus brillantes, plus douées qu'elle ! Sans parler de Nalween, la belle Elfe avait tout donné pour sa cité et elle n'en était remercié que par le mépris. Etait-ce le sort qu'on lui réservait ?

Eloween se leva morose ce matin-là mais pourtant, comme chaque matin, elle afficha un sourire timide à sa Tutrice lorsque celle-ci vint prendre de ses nouvelles. Plus encore, elle la laissa choisir les vêtements qu'elle porterait bien que son pantalon de toile et ses hauts trop moulants lui manquent cruellement. Sans savoir pourquoi, l'été lui rappelait toujours le début de son périple aux côtés de Thingol. En réalité, la petite fille ne savait que cruellement pourquoi elle pensait toujours à lui en ce début de la période estivale, tout simplement parce qu'il lui manquait. Parce que leur voyages lui manquait.
Parce que la solitude lui manquait.
Dans cette cité où tous la voyaient comme une enfant bénie des dieux, comme la réincarnation de leur très chère déesse qu'elle même avait aimé dans sa tendre jeunesse, la petite Elfe se sentait prisonnière. Si cette impression s'estompait dès qu'elle posait un pied dehors, dès qu'elle voyait les gens, elle avait néanmoins l'impression que quelque chose lui manquait. Comme si une part d'elle s'était envolée.

« Eloween, tu m'écoutes ? »

La voix d'Arwen la ramena à la raison. La petite Prêtresse s'excusa et l'écouta lui donner son emploi du temps de la journée. La matinée était déjà bien entamée, sans doutes ne devait-il rester qu'une ou deux heures avant que le soleil n'atteigne son zénith mais peu importait, le matin était réservé de toute façon à l'apprentissage des langues. Alors comme toujours, elle se rendrait dans la bibliothèque. Sa Tutrice lui indiqua qu'elle devait être rentrée pour le déjeuner de sorte qu'elle ai le temps de l'aider à parfaire son Esprit avant de se changer pour aller prier à la Cascade des Anciens comme la petite le lui avait demandé pour ensuite se rendre à l'Autel où elle dînerait avec les visiteurs qui étaient arrivés la veille. Si le programme n'enchantait guère Eloween, la perspective de se rendre à la Cascade lui tira un faible sourire. Elle assura poliment sa Tutrice qu'elle serait là à l'heure et cette dernière quitta les lieux non sans quelques recommandations supplémentaires. La petite aimait la jeune femme et malgré son caractère autoritaire et sa tendance maladive à toujours s'inquiéter pour un rien, Eloween n'aurait pour rien au monde voulu être séparée d'Arwen.

Sans plus attendre de peur de prendre trop de retard dans ses études, elle se dirigea vers la sortie de l'Autel. Voilà quelques semaines, la réincarnation avait obtenu de ses paires l'autorisation d'apprendre les langues seule dans la grande bibliothèque. Maintenant qu'elle avait les bases, ayant voyagé aux quatre coins d'Azthia pendant près de trois longues années, elle se sentait capable d'apprendre seule le reste et, quand le besoin s'en faisait sentir, elle quémandait l'aide d'un apprenti ou de toute personne susceptible de lui répondre. Avide de connaissance, elle n'hésitait jamais à demander de l'aide pour les parfaire, c'était d'ailleurs là une de ses rares qualités. Et tout le monde l'appréciait pour cela, pour ce qu'ils voyaient comme une incroyable dévotion. L'enfant entama donc le chemin de la sortie d'un pas léger, tandis que la robe choisie par sa gardienne volait sous ses pas. De couleur bleu pâle, elle mettait essentiellement en valeur ses yeux et sa chevelure qui retombait en cascade sur ses épaules. Peu importait, Eloween ne tenait pas à être jolie, bien loin d'elle cette idée ! Ce ne fut qu'en passant à côté d'elle que la petite demoiselle ressentit sa présence par l'Esprit. Si Arwen l'apprenait, sans doutes qu'elle lui passerait un savon pour être aussi négligente avec ce talent inné ! Peu importait pour l'heure, seul comptait le résultat.

L'enfant hésita un instant, les fidèles allaient et venaient dans l'Autel sans qu'elle n'en soit jamais inquiétée pour autant, cette personne qu'elle sentait dans son Esprit l'intriguait. Ses émotions, contradictoires envers elle, auraient sans doutes du la pousser à sortir sans demander son reste mais c'était sans compter sur son extrême curiosité. Bien qu'elle soit peu sociable et qu'elle ai beaucoup de mal à parler aux gens, la petite se força à s'arrêter et demanda simplement mais timidement à la jeune femme en Elfique :

« Je peux vous aider ? »

Sa couleur de peau, son physique tout entier jurait qu'elle n'était pas Elfe mais la petite demoiselle, si elle avait compris ce détail, n'avait pas songé ne fut-ce qu'un seul instant qu'elle ne puisse pas parler sa langue. Elle était simplement curieuse en réalité de savoir pourquoi une ... Cydienne sans doutes vu la couleur de ses cheveux et de sa peau, se rendait dans son Autel. Inconsciente d'un éventuel danger, Eloween se contenta de rester à bonne distance d'elle, comme si une once des conseils prodigués par Arwen parvenait enfin à faire surface automatiquement dans son cerveau après tout ce temps à le lui répéter.

Eloween gardait de bonnes distances, curieusement, si sa bonne foi ne l'avait pas mise en garde, elle semblait cependant écouter les conseils de sa préceptrice bien que ce ne fut que de manière inconsciente. La frustration, le doutes s'installa dans sa tête, brouillant ses propres émotions si bien qu'elle comprit rapidement que cela ne provenait pas d'elle mais de la jeune femme. Ce fut cette fois instinctivement qu'elle recula d'un pas supplémentaire tandis que, sous l'impulsion de la belle, les feux du hall s'allumaient et s'éteignaient. Du moins c'est ce que la petite Elfe en déduisit en observant le fil des sentiments de la Cydienne se mariant avec les manifestation magiques. Pour autant, la petite n'appela pas à l'aide. Non qu'elle se sente particulièrement en sécurité, elle ne tenait pas non plus à ce que les choses se gâtent.

Elle aurait peut-être du appeler à l'aide. La jeune femme dégaina son épée, dont la lame, plus sombre que la nuit, brilla sous l'éclat des feux alentours. Si le cœur de la petite manqua un battement, si la peur l'envahissait, elle ne se trahit pas et garda un semblant de calme face à l'inconnue. Si elle devait mourir, si les dieux en avaient décidé de la sorte, rien de ce qu'elle ferait n'y changerait. Le cycle n'en serait pas brisé pour autant, le monde choisirait la nouvelle Grande Prêtresse et l'âme de Silmaria serait sauve. Rien ne changerait si ce n'était qu'elle mourait. Si l'enfant était apeurée par cette idée voilà quelques semaines encore, aujourd'hui, elle ne craignait plus de perdre la vie. Tel était le destin des Grande Prêtresse, offrir leur vie pour le salut de leur peuple, tel serait donc son destin si les dieux le voulaient ainsi.

Elle n'éleva pas la voix, n'appela pas à l'aide, ne bougea pas. Le pèle mêle des sentiments de la jeune femme la poussèrent à ne rien faire et à attendre car petit à petit, elle sentait que des émotions plus pacifiques animaient la jeune femme. Lui enjoindre de rengainer son arme ne mènerait à rien sauf à sa perte et à celle de la Cydienne. Une vie pour une vie, si la belle décidait de lui voler la sienne, elle se verrait privée de la sienne à son tour car telle était la loi de ce monde.

Les feux s'éteignirent, plongeant la scène dans une semi-pénombre, la pièce n'étant alimentée que par la lumière du jour désormais. Elle la laissa s'avancer, épée au poignet, prête à agir si elle se décidait à l'utiliser. L'enfant n'avait que peu de choses pour l'aider, mais elle avait une arme suffisamment forte pour s'en sortir. La foi certes, mais avec un petit coup de pouce.

La jeune femme se nommait Scarlett, cela n'avança pas plus la petite Elfe sur le fondement de sa présence en ces lieux sacrés. Elle voulait savoir ? Quoi ? Tout le monde voulait connaître la vérité, qu'attendait-elle d'elle en particulier ? N'avait-elle pas d'autres dieux vers qui se tourner dans sa cité ?

Azael, ce nom revenait encore. La dernière fois qu'elle l'avait entendu, c'était sur ce champs de bataille, où la paix de ce bas monde avait reposé sur ses frêles épaules. Azael, le dieu des dieux, le suprême que tous craignaient et que Silmaria, d'après la légende, avait fui. Ce dieu dont elle n'avait aucun souvenir, n'ayant vécu cette scène que comme une étrangère, son propre corps ayant agi sous une impulsion dont elle ignorait tout. Alors calmement, la petite s'assit, invitant d'un geste de la main à en faire de même en face d'elle. N'attendant pas qu'elle réagisse, l'enfant se mit à réfléchir au sujet des questions qu'elle lui avait posé.

Pourquoi le dieu des morts n'avait jamais eut la grâce de Silmaria ? La question la laissait perplexe. Il lui fallut quelques secondes pour chasser la peur qui tordait ses entrailles et réfléchir sérieusement à la réponse à lui apporter. Alors l'enfant se mit à parler, racontant ce qui, à ses yeux, n'était qu'une histoire lointaine, perdue dans les méandres du passé. Elle parlait d'un ton calme, posé, qui ne semblait pas vraiment lui appartenir, comme si l'espace d'une seconde, bien que ce fut totalement impossible, Silmaria en personne avait pris possession de son corps.

« Lorsque ce monde était encore dominé par la haine et la peur, Azael tomba amoureux de Silmaria et voulu lui offrir le monde. Il fit disparaître plusieurs peuples pour se faire et engendra connaissances et avidité chez les Erathiens. Erathia ne tarda pas à dominer le continent, supprimant leur véritables ennemis, les Almers. Le Bénu alla quérir Silmaria pour la sommer de faire taire cette folie. Elle seule pouvait arrêter telle folie, elle qu'Azael aimait tant mais lorsque la belle se rendit auprès de l'amant maudit, elle ne put le convaincre d'arrêter sa folie meurtrière et ne put se résoudre à accepter ce titre d'Impératrice qu'il lui offrait. », Eloween semblait reprendre conscience une seconde, puis se replongea dans son récit, « Pour sauver le monde en perdition, Silmaria se sacrifia, divisant son pouvoir sur le Monde et enferma son âme dans le corps nouveau né de la première Grande Prêtresse, Haneen. »

Sans savoir pourquoi, Eloween se sentait mal à conter cette histoire, songeant au sacrifice que sa déesse avait du faire mais elle poursuivit toutefois, sur le même ton, « Azael, fou de rage en apprenant la disparition de son aimée, ordonna à l'empereur d'Erathia de supprimer tous les Sensibles ayant hérité du précieux don de la déesse et ce, afin de rendre sa divinité à Silmaria. Il espérait ainsi la revoir parmi les êtres suprêmes. » à nouveau de vague à l'âme, « Au lieu de ça, les dieux s'allièrent pour libérer les peuples de l'asservissement et enfermèrent Azael dans l'Outre Monde avec son peuple pour l'éternité. »

L'enfant marqua une pause avant d'ajouter, fixant Scarlett dans les yeux :

« Azael n'aurait su trouver grâce aux yeux des innocents qu'il a sacrifié sur l'autel de la folie. S'il s'était montré plus humain, s'il avait protégé au lieu de sacrifier, Silmaria aurait alors pu l'aimer. »

La voix de l'enfant s'était faite menaçante. Azael n'était rien qu'un opportuniste qui avait tenté de prendre par le sang ce que l'amour véritable lui avait offert. Si elle lui avait accordé son pardon, elle ne comprenait pas pourquoi le dieu avait agi de la sorte.

« Pensez-vous qu'il eut aimé Silmaria d'un amour sincère en lui offrant un bain de sang, à elle, la déesse de la paix ? »

La question était personnelle, peu importait.

La petite laissa s'écouler quelques minutes avant de reprendre, répondant à nouveau aux interrogations de son interlocutrice avant de la questionner sur tout autre chose. Car Azael suscitait des questions à lui tout seul, même pour les plus doués de ce monde.

« Jamais je n'ai souhaité sa perte, de tout temps, nous avons tenté de le sauver. Il a sombré seul, entrainé par sa folie et sa rage. Le sang appelle le sang, la mort appelle la vie. Azael a tout perdu pour satisfaire son égo, non par amour. Il n'a que trop souillé cette terre de sang, la vie se devait de reprendre ses droits et c'est au nom de la vie que Silmaria l'a fui, pensant que la disparition de son âme et de son corps pousserait Azael à l'oublier. »

Elle n'était pas provocante, loin de là. Pour Eloween, la question était réglée depuis longtemps, seule la folie avait conduit Azael à sa perte, par deux fois.

« Je lui ai offert le pardon éternel et non la mort, car en ce monde, les dieux ne peuvent mourir. »

L'enfant se tut. Elle avait tout dit.

La jeune prêtresse avait tout pour être effrayée, une folle fervente du dieu qui avait causé la perte de Silmaria, la déesse tant aimée des elfes... Et donc de la prêtresse qui plus est en était la réincarnation. Mais ce qui étonna Scarlett fut le calme stérile dans lequel était plongé Eloween, on l'aurait crut possédé par un esprit utilisant son corps pour transmettre ses paroles, ce qui n'était peut être pas si étonnant que ça d'ailleurs puisqu'elle était une réincarnation divine. Elle conta sans cesse l'histoire qui suscitait tant de question pour la cydienne, répondant à chaque question avec des réponses claires et précises ce qui montrait une once de vérité dans ses propos... Au grand désarroi de l'élémentaire qui n'avait pas l'air d'être réjouie de ce qu'elle venait d'apprendre...

Le vide accapara la jeune femme, elle était perdue. Sa chute restait amoureuse, mais de qui était il amoureux.... De lui ou de Silmaria ? Plus elle en savait, et plus cela tournait au ridicule... Mieux valait surement s'en arrêter là. Un sentiment de déception envahit Scarlett, une légère tristesse s'y mêla également... Le dieu qui représentait tant pour elle n'était peut être pas celui qu'elle croyait. Enfin bon maintenant qu'elle en savait un peu plus, elle n'avait plus vraiment de raison de rester là, à parler à cette enfant.

Le retour d'une femme, une militaire surement chargé de surveiller Eloween, encouragea l'élémentaire à prendre la poudre d'escampette... Mais il était malheureusement trop tard pour passer inaperçue auprés de l'elfe. Il fallait trouver un moyen de partir le plus vite possible avant que la garde arrive... En effet, la gardienne d'Azael n'était pas en très bonne posture avec son arme à la main... La protectrice de la prêtresse l'interpella...

"Halte là ! Qui êtes vous donc ?"

La jeune cydienne ne prit pas le temps de lui répondre et fit jaillir une braise destinée à repousser son opposante et ainsi sortir du temple et par la suite de la Cité et rejoindre Cydonia... Mais le chemin n'allait pas être simple, gardes et patrouilles elfes pouvaient être avertis de sa présence à tout moment ! Il valait mieux pour elle qu'elle se dépêche de se sortir de là avant que les ennuis ne la rattrape...

[Désengagée ! Merci Elo ]

Avec calme, l'enfant racontait l'histoire de ses aïeux, cette histoire enfouit en elle comme si elle l'avait vécu de sa petite personne bien qu'au fond, elle n'ait été que l'instrument d'un destin dont elle ignorait encore tout. Silmaria avait sans doutes aimé, ne serait-ce qu'une seconde, Azael, sinon, pourquoi lui avoir pardonné ces horreurs et ces trahisons ? Elle l'avait pardonné non par amour certes, mais par nécessité, pour apaiser l'âme tourmenté d'un dieu dément. Le dieu s'en était-il allé pour autant définitivement ? Non. Car les dieux jamais ne mouraient, aussi, Azael devait-il se trouver quelque part, attendant l'heure de son retour, patiemment. En serait-il apaisé ? Eloween l'espérait bien qu'elle en douta.

Lorsque le récit fut terminé, l'enfant plongea son regard dans celui de la jeune Cydienne qui l'avait interrogée. Troublée, passablement énervée par ce qu'elle venait de lui narrer, la petite Elfe comprit bien vite qu'elle était surement en danger. En silence, elle appela Arwen, peut-être pour rien si la jeune femme ne bougeait pas, peut-être pour se sauver d'une mort imminente si elle agissait. Troublée, ce qui semblait être une élémentaire envoyait des ondes émotionnelles fortes, extrêmement fortes pour être plus précise si bien que l'enfant préféra s'en préserver en fermant son Esprit. De la haine, de la colère, de l'incompréhension se mêlaient, tels la recette parfaite d'un crime quasi-consommé. De quoi faire frémir les plus grands, comme les plus petits. Son éducation, inculquée par sa tutrice comme par le monde lui-même, avait vite fait comprendre à Eloween que montrer ses émotions et ses faiblesses la conduirait bien vite dans la tombe aussi se focalisa-t-elle sur un point à l'horizon, et, respirant avec calme, elle chassa toutes les pensées morbides qui traversaient son esprit. Elle n'avait rien en main, comme souvent d'ailleurs, elle n'était que l'instrument d'un destin tantôt cruel tantôt juste mais aussi inexplicable que soit ce sentiment, la Grande Prêtresse était persuadée que cette jeune femme ne la toucherait pas. Pas aujourd'hui du moins. Les réincarnations de Silmaria sentaient-elles la mort frapper à leur porte ? Certainement que non mais son intuition lui soufflait que ce n'était pas pour aujourd'hui …

Cette jeune femme avait-elle vraiment cru que son dieu était le plus sage et le meilleur ? Visiblement, vu ses expressions, elle tombait de haut si bien que l'enfant eut presque pitié d'elle. Comment pouvait-on croire en la bonté d'Azael ? L'idée même qu'on ne croit qu'en son noir destin lui échappait totalement, elle pour qui la paix et la sincérité étaient mères de survie. Il lui semblait totalement impossible que l'on puisse croire en un dieu si destructeur pour le simple goût des pouvoirs du même type qu'il offrirait, non, c'était totalement impensable pour une enfant aussi jeune et innocente.
Arwen ne mit guère longtemps à revenir à l'Autel. Peu importe ce qu'elle faisait jusque là, elle n'avait pas hésité à se munir de son arme, qui, si elle ne l'avait pas encore dégainée, suffisait à dissuader les personnes mal intentionnée de lui chercher des noises. La tutrice ne fit pas de sommation, elle se plaça à la gauche d'Eloween, légèrement avancée par rapport à elle, et, sans plus attendre, elle demanda qui était l'interlocutrice de l'enfant, chose que la petite fille n'avait même pas pensé à faire. Elle en aurait certainement rit si la situation n'exigeait pas autant de calme !

Il était évident qu'elle ne répondrait pas, peu importait, Arwen n'avait agit que pour la dissuader d'attaquer Eloween et l'inviter à quitter les lieux au plus vite. Ce que l'inconnue ne se fit pas prier pour faire. La jeune femme éclipsée, la demoiselle ne prit même pas la peine de la suivre, tant qu'elle partait, l'histoire s'arrêtait là mais l'Elfe savait que pour elle, l'histoire allait continuer, ne serait-ce qu'un chapitre, celui où sa tutrice lui demanderait si elle avait perdue la tête à parler à des gens aussi dangereux. Et la première page ne tarda pas à s'écrire :

« Qui était-ce ? »
« Aucune idée » répondit l'enfant du tac au tac malgré elle, vexée par le ton plein de reproches de la jeune femme.

« Tu parles aux gens sans savoir qui ils sont ? N'as-tu donc rien appris ? »

Cela sentait mauvais, Arwen s'agaçait et ce n'était vraiment pas bon pour la petite d'attiser sa colère si bien qu'elle se contenta de répondre d'un ton absent.

« Elle m'a demandé de lui conter l'histoire de Silmaria et d'Azael. Elle venait poser des questions, je lui ai apporté les réponses, n'est-ce-pas le rôle d'une Grande Prêtresse ? »

Arwen soupira mais n'ajouta rien car la petite, si jeune soit-elle, venait de marquer un point crucial. Oui, Silmaria était mère de survie pour les Elfes, la déesse incarnée, la plus parfaite de toutes, celle qui les sauverait et celle qui leur avait transmis toute sa connaissance, en jouant sur ce point, Eloween venait de prouver qu'elle savait parfaitement ce qu'elle faisait. Elle était Grande Prêtresse et acceptait enfin ce rôle.

[ Désengagée ]