[D-E] Comme quoi, les hommes arrivent souvent quand on ne s'y attend pas (terminé)

Danaë se hissa avec difficulté, en essayant de garder une certaine grâce sur son cheval, avant de pousser un soupir. Sa monture était pratique, docile et robuste, adéquate pour tirer son chariot. Le nombre de fois qu'elle avait utilisé son chariot avec ce cheval pour le tirer, pour livrer des plantes ou autres. Mais pour de simples trajets, le chariot était de trop. Sauf qu'avec les robes, difficiles de grimper élégamment sur un cheval ! Surtout un animal aussi haut sur patte ! Et dire que la belle avait mis autant de temps à mettre sa splendide robe. Elle allait la froisser. Heureusement pour elle, elle allait dans la campagne, où les jeunes hommes charmants et musclés ne poussaient pas comme de la mauvaise herbe. Ou de la bonne herbe. Selon le point de vue. Enfin, elle espérait.
Danaë essaya de lisser sa robe du mieux qu'elle put. Peine perdue. Les épaisseurs se superposaient, et s'amassaient sur le pommeau de la selle de sa monture, ainsi que sur sa crinière, et le cheval commençait déjà à secouer la tête d'un air mécontent. A contrecœur, elle remit sa jambe droite du même côté que l'autre, décidant de grimper en amazone (après avoir mis tous ses froufrous en situation adéquate). Elle avait horreur de monter de cette façon. Elle était gracieuse, certes, mais bien peu pratique, surtout si elle voulait aller vite. Pourquoi ne parvenait-elle pas à s'habiller en garçon manqué ? En réalité, si elle savait. Elle était coquète. Non. Narcissique. Une fille comme elle ne pouvait porter de pantalons. Sauf en cas exceptionnel. Et encore.
Danaë fit avancer sa monture au petit trot, saluant d'un immense sourire tous les beaux hommes qui passaient à portée d'yeux. Tous le lui rendaient, et beaucoup se retournaient sur son passage, en lui lançant des regards amusés. D'autres encore, moins discrets, avaient une lueur de convoitise qui brillaient dans leurs sourires. Loin de s'en offusquer, la belle leur adressait souvent un clin d'oeil presque coquin. Pour une fois qu'elle pouvait quitter un peu son rôle !
L'Elfe sortit bien vite de Cydonia, laissant derrière elles beaucoup de jeunes hommes la bouche grande ouverte, est un soleil qui pointait timidement son museau pour se lever. Même montée en amazone, elle était magnifique. Tout simplement. Ou de façon très compliquée. Les deux convenaient. Et elle, était tout simplement heureuse de plaire.
La belle fit soutenir l'allure à sa monture jusqu'à ce qu'elle se fut suffisamment éloignée pour ne plus voir la cité Cydienne derrière elle. Enfin, voyant les perles de sueur qui perlaient sur la robe de son cheval, Danaë la remit au pas. Elle aimait bien monter à cheval de temps en temps. Même si elle était loin de proies potentielles, ça lui changeait de sa boutique. Elle n'était là que depuis l'hiver, et commençait déjà à se faire connaître. Comme quoi les quelques heures qu'elle passait devant le miroir chaque matin avait rendu ses fruits. Elle avait déjà mis le grappins sur plusieurs proies, et en était assez fière. Mais parfois, elle avait de nombreux clients, et les journées lui paraissaient souvent longues. Aussi, elle n'était pas contente d'aller cueillir des fleurs. C'était un bon alibi.

La belle arrêta sa monture et l'attacha à un des rares arbres qui jonchaient la campagne. Puis, elle descendit de sa monture et sourit en apercevant une pousse de lys qui poussait juste au pied de l'arbre. En faisant attention de ne pas froisser sa superbe tenue violette, elle se baissa et arracha délicatement les racines. Cela fait, elle attrapa la besace qu'elle avait accroché à la selle de son cheval et posa les lys dedans, avant de lisser sa superbe robe ornée de diverses pierreries, rubans, dentelles et autres...

Le Capitaine avait une fois encore obtenu un accord un peu spécial mais dont on le gratifiait régulièrement : celui de quitter son poste pour une dizaine de jour. Si ses supérieurs toléraient ses multiples escapades, c’était pour plusieurs raisons bien précises. En effet, ils savaient qu’Ylliis ne partait pas s’allonger au soleil ou planter des navets, ce dernier profitait de ses courts voyages pour revisiter les terres du continents que sa très bonne mémoire visuelle lui permettait de retenir, il dessinait donc de nombreuses cartes et surtout, connaissait beaucoup de terrains différents, fait très utile pour quelqu’un amené à diriger des hommes pendant une bataille. Il fallait aussi admettre qu’un lion tourne vite en rond en cage et que le géant avait un besoin régulier et important d’espace et d’air frais. Le fait de le laisser faire quelques tours permettait de le canaliser et ainsi, il gardait l’esprit clair, le rendant bien plus efficace dans tous les domaines.

Cette fois ci, Ylliis avait jeté son dévolu sur les plaines ceignant Cydonia, celles des ennemis héréditaires de son peuple. Son but était avant tout de ne pas faire de frasques, Storghein n’était plus en guerre avec sa voisine de Sud, il ne pouvait pas se permettre, en tant que capitaine, de créer un conflit. Il s’était pour ça débarrassé de tout ce qui pouvait le relier à son poste de militaire et n’avait emmené avec lui que sa fidèle hache, suffisamment d’or pour vivre une semaine et un peu de provisions. Vêtu d’un pantalon en toile noir et de botte de la même couleur, il ne portait rien pour cacher son torse, profitant de la chaleur des terres du Sud, trottant pour son exercice journalier. Ylliis avait laissé son cheval et le reste de ses affaires dans l’auberge où il logeait, un lieu sain et frais qu’il avait déjà fréquenté à plusieurs reprises et où il était plutôt apprécié, aussi, il ne craignait pas trop pour ses affaires. Au possible, il évitait les patrouilles Cydiennes, malgré sa tenue neutre, son style physique ne trompait pas sur ses origines nordiques.

Hache accrochée à la hanche, il avalait les mètres, maitrisant sa respiration avec attention. Le Capitaine ne s'attendait pas à croiser quelqu'un dans un coin aussi tranquille, aussi fut il intrigué quand il aperçut une jeune femme penchée près d’un arbre. Se dirigeant sans perdre le rythme vers l’étrangère, il cessa sa course quand il fut assez près pour qu’elle l’entende et se tourne vers lui, surement aussi surprise que lui de le voir à une dizaine de mètres d’elle. Levant une main pour la saluer, il prit le temps de détailler un peu plus la demoiselle. Pour lui, c’était une puce, du haut de ses deux mètres dix, il la dépassait largement. Ce fait était devenu commun pour le géant et ce fut surtout la grande beauté de l’étrangère qui le frappa. Ylliis fréquentait régulièrement des elfes dans sa cité, aussi il sut reconnaitre dans les traits de la jeune femme sa race d’origine. Il avait de la chance, elle parlait surement elfique, la seconde langue que lui-même parlait couramment. La dame, on le devinait à sa tenue, devait aimer prendre soin d’elle et surtout, ne devait pas manquer de grand-chose dans sa vie. Rien qu’à voir les ornements sur la robe, le Capitaine s’imagina que cette dernière devait couter autant que sa solde d’un mois, si ce n’était plus. Utilisant la langue elfique, il salua l’étrangère en inclinant légèrement le buste :

« Belle dame, c’est une plaisir de faire une rencontre aussi singulière dans un lieu aussi reculé. Serais-je impoli si je vous demandais ce qui amène une femme raffinée en pleine campagne ?»

Le langage d’Ylliis tranchait avec son apparence de colosse qui lui coutait souvent d’être prit pour un simple d’esprit au premier abord. Souriant, il attendit la réponse de la jeune femme, espérant qu’elle parle la langue de son peuple.

Danaë entendit derrière elle un bruit de course, une respiration rapide, bien que maîtrisée, ainsi que des pas lourds...Etonnée, la belle se retourna...

« Belle dame, c’est un plaisir de faire une rencontre aussi singulière dans un lieu aussi reculé. Serais-je impoli si je vous demandais ce qui amène une femme raffinée en pleine campagne ?»

Danaë sourit aimablement, avant de détailler l'homme en face d'elle, discrètement. Un bel homme, indéniablement. Un colosse. Un Astorg immense, bien plus grand que Danaë. Un des plus grands d'ailleurs qu'elle ait vu dans sa vie ! Et si musclé en plus de ça ! La belle admira une fraction de secondes son torse nu et puissant, luisant de sueur, ses épaules fortes, ses larges mains... Elle était tombée sur un morceau de choix. Et le fait qu'il soit Astorg ne la gênait nullement, après tout elle n'était pas Cydienne, et n'avait pas vécu assez longtemps dans leur cité pour apprendre à détester les habitants de la Cité des Neiges.
Le sourire de l'Elfe s'élargit. Belle dame ? Femme raffinée ? Cet homme était lui-même moins bourrin que ne le laissait penser son physique et la hache de guerrier qu'il arborait, accrochée à la hanche. Il lui plaisait tiens. Un tel homme pourrait bien servir... Danaë imagina avec délice la surprise de sa soeur quand elle verrait que l'Elfe avait ramené un tel homme... Et il parlait Elfique en plus ! Que de bonus... La belle lui répondit donc, dans la même langue :

« En effet, moi-même, je n'aurais jamais pensé que je rencontrerais quelqu'un ici ! Surtout un Astorg ! Ne voyez rien d'agressif dans mes propos, mais je crois que c'est la première fois que je vois quelqu'un de cette race ici. »

Danaë papillonna des yeux avec un air réellement angélique. Enfin, réel, pour quiconque ne la connaissait pas ! Qui savait en réalité ce qu'elle pouvait penser ? Seule Elena la comprenait. Et encore, sa soeur lui reprochait souvent de ne pas être directe comme elle, de jouer la comédie continuellement, de se mettre deux tonnes de maquillage par jours. La Nùa avait presque toutes les nuits de nouvelles conquêtes dans son lit, et elle servait plus leurs projets que Danaë, qui certes, avaient plusieurs amoureux qu'elle berçait d'illusion, mais bien moins qu'Elena ! Comme Ardeth ! Ah, quel homme ! Tant dévoué envers la Nùa, corps et âme, lui obéissant au doigt et à l'oeil. Danaë ne savait toujours pas comment sa soeur avait fait pour l'envoûter aussi complétement. Alors qu'elle-même ramait ! Mais l'Elfe ne savait pas être directe. Elle était une actrice, et l'avait toujours été, personne ne l'avait percé à jour... Enfin, personne de vivant, évidemment. Les morts, de toutes façons, avaient du mal à parler. Et une très mauvaise mémoire...

« Raffinée ? Jugez-vous donc toujours une femme sur ses habits ? Et non sur ce qu'il y a dessous ? »

La belle accompagna sa tirade d'un sourire (faussement) innocent, et d'un regard lumineux. Le terme qu'elle avait choisie était volontairement ambigu. De quoi l'inconnu était-il fait ? Se pensait-il séducteur ? Etait-il un coureur de jupons ? Un homme honnête et droit, nullement intéressé par les belles et « jeunes » femmes ? Elle voulait le découvrir. Encore une fois, elle pensa aux méthodes de sa soeur. Elle, n'y serait pas aller par quatre chemins, et n'aurait jamais caché sa remarque avec un air angélique. Elle l'aurait sûrement accompagné d'un clin d'oeil aiguicheur... Mais Danaë ne voulait pas effrayer l'Astorg.

« Certaines femmes ne sont pas ce qu'elles laissent croire, vous savez. Mais parce que je suis une femme raffinée, vous pensez que je n'aime pas les balades à cheval, en solitaire ? Cydonia est une magnifique cité, mais m'échapper m'est parfois indispensable. »

Une manière comme une autre de le mettre en garde. Mais vu son ton, personne n'aurait pu croire qu'elle parlait d'elle-même en déclarant que les apparences sont trompeuses. Personne. Sauf Elena. Son interlocuteur penserait sûrement que ce n'était qu'une mise en garde contre d'autres.
Quant au reste de sa tirade, c'était comme si elle n'avait absolument rien dit auparavant.

« Quelle imbécile je fais ! Une femme raffinée, comme vous dîtes, telle que moi aurait dû penser à ne pas manquer aux devoirs de la politesse », fit-elle, un brin moqueuse. « Je suis Danaë Candel. Heureuse de faire votre connaissance. »

EDIT : j'ai vu que tu avais dit qu'il ne parle que lorsqu'elle se retourne et non le contraire, j'ai donc édité en conséquence.

Malgré les efforts de la jeune femme pour être discrète et brève, le fait qu’il fut analysé n’échappa pas à Ylliis mais n’ayant rien d’un télépathe, il ne put deviner si le ressentiment de la belle était plutôt à son avantage ou à l’inverse, parfaitement péjoratif. A première vue, il fallait admettre qu’il ressemblait beaucoup à une brute épaisse, rien que par sa carrure mais ceux qui prenait le temps de détailler son visage pouvait y lire la sagesse que ses années de vie lui avait conférés. Au moins, elle n’avait pas peur de lui, nota-t-il, c’était déjà un bon début. Le sourire qui illuminait le visage de l’elfe ne pouvait qu’encourager les lèvres du géant à s’étirer de plus belle, il ne pouvait le nier, plus il regardait l’étrangère, plus il la trouvait magnifique.

*Presque trop parfaite…* nota il pour lui-même.

En effet, qu’importe où il la regardait, elle n’avait aucun défaut, pas de petite cicatrice, pas de marques sur la peau, pas de formes trop fines et ou trop généreuses. Mentalement, il se redemanda ce qu’une femme aussi jolie pouvait bien faire toute seule ici, jusqu’à ce qu’il avise une besace où trônait une unique fleur. La remarque de la demoiselle elfe ne le dérangea pas du tout, bien qu’elle semblait craindre d’avoir été agressive, aussi il lui répondit :

« Ne vous inquiétez pas je comprends parfaitement. Même si Storghein et Cydonia ne sont plus en guerre, il n’y a pas beaucoup de combattants Astorgs qui profite du soleil du Sud comme je le fais. »

Le petit manège de l’étrangère ne laissait pas le géant de marbre mais il était trop rusé et avait connu trop d’aventures pour se laisser berner comme le premier crétin venu, cependant il ne pouvait nier qu’elle dégageait quelque chose de terriblement attirant. Comme tout homme, Ylliis releva tout de suite le sous-entendu mais fut incapable de savoir si la belle l’avait fait exprès, ou non. Le Capitaine se savait plutôt bel homme mais jamais encore une femme qui semblait aussi fortuné et bien élevée ne s’était montré intéressée sans même apprendre à le connaitre, il décida donc que la perche tendu l’était involontairement. Il ne put s’empêcher de sourire à la remarque suivante, il savait très bien que les femmes usaient de nombreux faux semblants, il en avait connus beaucoup… Craignant d’avoir offensé l’étrangère, il répondit :

« Passer un peu de temps seul permet de se perfectionner et de réfléchir plus calmement, c’est la raison de mes voyages, j’imagine que n’importe qui peut s’offrir ce plaisir. Ce que je voulais dire, c’est que même si la région n’est pas très dangereuse, se promener avec d’aussi beaux atours sans escorte pourrait être risqué, à moins que vous n’ayez beaucoup de talents cachés. »

A son tour à présent de laisser planer un léger sous-entendu. Il enchaina, répondant à la suite de la réplique de la jeune elfe qui avait à présent un prénom : Danaë.

« Ylliis Asbjörn, c’est un plaisir. »

Saisissant doucement la main de miss Candel pour ne pas la surprendre ou l’effrayer, il l’effleura des lèvres avant de la relâcher. Durant sa manœuvre, il avait dû s’approcher un peu, mettant sans le vouloir en avant l’immense différence de carrure qu’il y avait entre eux. Esquissant un nouveau sourire, il regarda à nouveau Danaë, admirant du haut de son poste d’observation la longue cascade blonde qui dégringolait sur les épaules de la belle, lui donnant un petit air nordique qui ne déplaisait pas au géant.

L'inconnu répondait à son sourire. C'était un bon signe.

L'Astorg ne releva son petit sous-entendu. Etrange. Soit il était gêné (il ne le paraissait pas), soit il pensait que ce n'était pas un fait exprès. Dans l'un ou l'autre des cas, il ne broncha pas. La belle aurait bien aimé savoir ce qu'il pensait à cet instant. Son regard semblait calme et sympathique. Il la trouvait belle, ça se voyait à la façon dont il la regardait. Mais aucune lueur intéressée de brillait dans ses grands yeux bleus aciers. Il n'était pas si jeune, mais il semblait encore robuste et plutôt charmant. Un tel homme devait être un combattant fort expérimenté, et il devait manier sa hache avec dextérité. Ses muscles puissants devaient faire un succès fou auprès des femmes. Danaë n'aurait pas été étonnée qu'il brandisse sa hache, d'un poids qui n'avait pas l'air insignifiant, d'une seule main. Sa peau tannée luisait sous le soleil, son sourire illuminait son visage. La belle eut un sourire intérieur en pensant que cet Astorg pouvait devenir son Ardeth. Elena avait réussi en peu de temps à dresser un « chien » de compagnie. Un toutou qui lui obéissait, qui la vénérait. La Nùa serait-elle jalouse que sa soeur ait son propre chien, surtout un chien aussi puissant ?
L'Elfe ne doutait pas de réussir à le charmer, et à l'amener lentement dans leur manoir à Cydonia (même si pour cette partie, il allait falloir s'arranger, puisque les Astorgs n'étaient que moyennement appréciés dans la Cité des Arts). Même si en une seule rencontre, ça serait pas vraiment facile. Danaë préférait mettre du temps à attraper une proie et ainsi s'assurer de sa fidélité et de son dévouement, que de faire dans la rapidité. C'était plutôt le truc d'Elena. La Nùa ne devait plus souvenir de tous les noms des hommes avec lesquels elle avait partagé son lit, que se soit à Silmarie ou à Cydonia. Certains revenaient la voir, d'autres étaient partis sans qu'elle ne les revoie. Même si, le plus souvent, elle s'arrangeait pour les retenir. Danaë avaient maintenant quelques soupirants, moins que sa soeur, mais tous étaient fous d'amour (ou de désir, selon un autre angle). Parviendrait-elle à mettre ce cher Astorg dans le lot ? Il allait falloir booster si c'était son objectif. Mais le direct n'était jamais son point fort...

« Passer un peu de temps seul permet de se perfectionner et de réfléchir plus calmement, c’est la raison de mes voyages, j’imagine que n’importe qui peut s’offrir ce plaisir. Ce que je voulais dire, c’est que même si la région n’est pas très dangereuse, se promener avec d’aussi beaux atours sans escorte pourrait être risqué, à moins que vous n’ayez beaucoup de talents cachés. »

Intérieurement, l'Elfe riait. Si il savait à quel point se faire violer était le cadet de ses soucis... Elle avait appris à se défendre, la donzelle ! Que se soit avec les mots (doux ou pas), ou avec les armes, elle savait se débrouiller. De plus, elle ne quittait jamais son poignard, qu'elle cachait sous ses robes. Même dans sa boutique. Même dans un lieu aussi désolé et solitaire que cette campagne, où elle cueillait des fleurs.
Elle n'avait jamais pensé à avoir peur des hommes, pensant toujours que c'était à eux d'avoir peur d'elle ! Même la rose peut se défendre. Les épines, c'est pas pour faire joli. Danaë, c'était un peu pareil. Elle avait de nombreuses épines, toutes invisibles, mais qu'elle pouvait ressortir si besoin était. Et si qui que se soit se risquait à s'approcher d'elle d'un peu trop près, sans son autorisation, ou de tenter quoique que se soit qu'elle ne veuille pas, il serait mort bien avant d'avoir mené ses projets à terme. Elle commençait à s'y connaître en meurtre...
Ne laissant rien paraître de ses sentiments, elle eut un sourire rassurant :

« Oh, ne vous inquiétez pas pour moi. Je sais me défendre. Si je mets « d'aussi beaux atours » comme vous dîtes, c'est que je sais les dangers qu'ils incombent. Je ne suis pas aussi fragile que j'en ai l'air. »

Si il savait... Si il savait à quel point il ne fallait pas se fier à son physique... Il partirait en courant. Mais cette remarque était tout à fait anodine. Il n'avait aucun moyen de savoir, sauf si elle faisait un faux pas. Mais elle n'en faisait jamais. Son caractère doux, son sourire, sa jeunesse... Tout n'était que comédie. Aucune de ses proies ne s'en était rendu compte. Enfin, jusqu'à ce qu'un poignard s'enfonce dans leur chair. Et encore, la plupart du temps, ils mourraient avant de comprendre !
L'étranger la considérait comme peu apte à se défendre. Et pourtant, il faisait face à une meurtrière. Une idée fort plaisante, aux yeux de Danaë. Ce n'était pas des guerriers armés qu'il fallait se méfier. Enfin, pas tout le temps.

« Ylliis Asbjörn, c’est un plaisir. »

Bien sûr, ce nom ne disait rien à l'Elfe.
Le dénommé Ylliis attrapa doucement la main de son interlocutrice, pour lui faire une baise-main, ce qui lui valut un regard véritablement étonné de la belle. Peu d'hommes lui avaient fait un baise-main de cette façon, lors de leur première rencontre. C'était une première. Mais cela ne lui déplaisait pas... Elle ne retira sa main que lorsque l'Astorg l'eut lâché.
Danaë avait bien remarqué qu'il s'était approché un peu. Elle ne savait pas si c'était volontaire ou pas, mais le regard qu'il lançait à ses cheveux était lui, bien volontaire. Pour une fois, elle portait ses cheveux lâchés, mais elle y avait mis une rose pour soutenir ses cheveux derrière l'oreille (d'un seul côté) et d'autres fleurs, si bien qu'on pouvait pas dire que sa coiffure était simple.
La belle lui adressa un sourire et fit, un brin moqueuse :

« Dîtes-moi, que fait un aussi bel homme, armé et torse nu de surcroît, en ce lieu ? Vous avez dit venir ici pour réfléchir calmement. Avez-vous besoin de venir au Sud pour faire cela ? »

Le temps passe et jamais ne s'arrête.

Le changement de saison s'annonce et bientôt, le doux soleil qui réchauffait ce monde laissera place aux brunes couleurs de l'automne. La vie flétrira et s'endormira petit à petit et doucement, la nature entamera son répit, bien lovée dans son cocon de sommeil. Dans ce décor que le temps semble vouloir figer, le moment est venu de s'éclipser, de laisser la nature reprendre ses droits et le cours des choses se faire.

[Désengagés : Yillis, Danaë ]

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