[DA 155] [PV Kaenie] Journée d'Automne et Mal de tête

La Saison automnale avait cela de particulier qu'elle se situait entre la chaleur parfois impétueuse de l’Été et la fraîcheur glaçante de l'Hiver. Vous allez me dire que le Printemps, mais ce dernier semblait annoncer sa poésie de manière bien différente. Alors qu'il portait en lui les germes du renouveau de la vie, il laissait peu de place à l'Hiver, pourtant de trois mois son aîné, qui venait de s'achever dans un dernier flocon. Le Printemps, sans hommage, prenait place dans l'espace qui lui était alors comme dû et plaçait ça et là ses affaires et son mouvement, qu'il jugeait déjà comme naturel et inexorable.

Pourquoi se poser ce genre de questions, me direz-vous? Pour éviter d'en poser d'autres, probablement.

Julian chassa cette dernière idée de ses pensées en secouant la tête. Il se tira par là-même de la torpeur dans laquelle l'avait plongée l'intérêt qu'il avait pour la cascade de Silmarie, quoique c'eut plutôt été de l'admiration. Il reprit pied dans le réel et par extension, la douleur qu'il avait dans la tête y reprit ses aises. L'homme n'eut pour seul réflexe que de plisser les yeux et de mettre le visage entre les mains, en espérant sans raison pour la centième fois que ce mal de tête s'en aille définitivement, en vain.

Autour du banc où il était assis, il y avait plusieurs choses, plus ou moins bruyantes, qui attiraient son attention. Tout près, il y avait un oiseau, qui piaillait à s'en faire péter les cordes vocales, à supposer qu'un oiseau en ait, et qui semblait hurler à la ménagère transportant des caisses de vaisselle peu loin de là d'arrêter d'entrechoquer les couverts. A quelques pas, un groupe d'enfants chantaient dans une chorale pour amuser les passants, ce qui avait réussi à attirer les vielles femmes du coin et les autres enfants, intrigués. Leurs voix donnaient un ensemble plutôt harmonieux, mais le Chaman aux cheveux gras n'en avait cure, tant son cerveau semblait se cogner contre les parois de son crâne dans une danse endiablée.

Il allait mal depuis un moment, mais tout était pire depuis qu'il était de retour à Silmarie. Il y voyait une cause possible, mais il n'avait pas envie d'y songer maintenant, et encore moins de réfléchir à tout ce que cela impliquait.

Pour éviter d'avoir à le faire, il se frotta les yeux et les leva au ciel, en penchant tout son dos en arrière afin de prendre appui sur ses mains. Là, le visage face aux brumes des altitudes, il laissa la brise fraîche lui lécher la figure, et s'engouffrer dans les pores de sa chemise... Il ne se mit pas à sourire pour autant, mais profita d'un léger moment de répit.

Mais l'Automne, quand on y pense, n'est pas un traître à l’Été, il en reprend le flambeau tout en préparant le terrain pour l'Hiver. Il en conserve les couleurs, dont il rappelle la chaleur dans les feuilles qu'il fait tomber au sol. Il en garde les longues promenades à l'extérieur même si elles sont accompagnées bien trop souvent par des feuilles et de la pluie à perte de vue.

Julian prit une décision: il allait arrêter de réfléchir sous l'emprise de maux de tête. Ça aurait l'avantage d'éviter de penser de telles absurdités.

Pris dans ses pensées, il ne vit pas approcher la Pluie et ouvrit de grands yeux surpris en se réveillant tout à coup sous l'effet d'une goutte sur son visage. Cette dernière fut très vite suivie de beaucoup d'autres et, prenant son courage à deux, mains, Julian se leva et partit les deux mains sur la tête. Alors qu'il avançait dans les rues, il remarqua que beaucoup de regards interrogatifs et un peu contrariés se dirigeaient vers lui, et il sentait bien les reproches que les gens lui lançaient. En même temps, pourquoi cet olibrius était si dérangeant?

L'olibrius en question réalisa en une fraction de seconde que s'il attirait autant l'attention, c'est que son Esprit était probablement en train de bourdonner tout autour de lui, comme la première fois qu'il avait découvert son pouvoir. Il se sentit complètement ridicule de se retrouver là, à refaire la même crise que celle qu'il avait faite à ses 19 ans, comme un adolescent attardé. Sans meilleure solution, il baissa le regard et commença à courir, en serrant les mains sur sa tête.

Il s’arrêta brusquement au milieu de la rue, et fit un grand volte-face pour repartir en sens inverse à vive allure: il allait avoir besoin du livre qu'il avait laissé sur le banc.

En arrivant sur la place de la Fontaine, Julian trouva une femme en robe dont il ne put voir le visage, à cause de sa capuche, assise sur le banc qu'il convoitait. D'un rapide coup d'oeil, il remarqua que son livre n'était plus là. A partir de cela, deux suppositions étaient envisageables: ou bien cette gente damoiselle avait jugé intéressante la couverture du livre et, personne ne semblant le réclamer, avait décidé de le prendre, ou bien un impoli et grossier personnage sans scrupules avait décidé sans légitimité aucune de s'emparer de l'ouvrage et ce en dépit de toutes les conventions sociales, auquel cas le livre était perdu à jamais...

Bon, les clichés sexistes ont la vie dure...

Sur ce, Julian décida malgré tout de dépasser son habituelle envie de ne parler à personne pour tapoter sur l'épaule de la jeune femme. En espérant que son Esprit s'était calmé, il demanda:

"Pardonnez-moi, auriez-vous trouvé par hasard un ouvrage intitulé "Les 12 Bénédictions de Shéogorath?"

Au même instant, son Esprit lançait un tonitruant:

"Bigre, le p'tit brin d'femme!"

Accroupit dans son canapé, Kaenie regardait par la fenêtre du salon. L’automne avançait doucement vers un hiver profond, elle le sentait d’autant mieux depuis qu’elle était entouré par la forêt. Les arbres gardaient bien plus la fraicheur que la chaleur et l’humidité y était constante. Elle se leva tranquillement, et avisa Akaï sur le bord du fauteuil non loin de là. Elle s’avança jusque lui pour lui caresser les écailles. Cette petite bête lui rappelait tellement de souvenir qu’elle n’arrivait pas à se séparer d’elle plus de plusieurs minutes. Elle se dirigea par la suite dans la salle de bain, le calvaire du matin.

Un visage se refléta dans le miroir en fac d’elle, un visage qu’elle ne reconnaissait pas vraiment. Qu’était-il advenu de la petite fille avec tellement d’énergie débordante qu’elle en était communicatif ? Aujourd’hui, elle ne voyait qu’une femme assaillit par la haine et le chagrin. De ses yeux vert pétillant ne restait qu’un émeraude terne. De sa longue chevelure brune ne restait que des cheveux rouges de sang. Elle avait tant changé que même si ses parents et son frère revenait, il ne pourrait la reconnaitre et pourtant elle ne faisait que se cacher encore et encore, jour après jour. Son caractère s’était raffermit au point qu’elle n’adressait la parole que rarement et seulement pour des choses utiles, le reste du temps elle évitait tout le monde.

Elle s’attacha lentement les cheveux en une queue de cheval et repassa dans le salon. Son regard se posa négligemment à travers la fenêtre. Les arbres perdaient leur superbe parure pour se retrouver rapidement à nu. Elle ne voulait pas que l’automne s’arrête, elle ne voulait pas que l’hiver arrive. Elle détestait l’hiver, oh oui elle le détestait plus que tous en réalité et elle ne voulait qu’une chose qu’il passe et ne s’arrête pas. Tout s’était passé en hiver, elle avait tout perdu un jour d’hiver alors qu’elle pensait que tout pourrait s’arranger. *Ike* Des larmes commencèrent à couler le long de ses joues, elle détestait cette saison qui lui avait tellement prit.

Une petite boule d’écaille arrive sur son épaule et se lova autour de son cou la faisant sortir de ses pensées. Elle ne devait pas se laisser aller, elle devait trouver tout ce qu’elle pouvait pour se venger et ensuite, ensuite… Elle tenterait de se reconstruire. Elle prit la cape que sa mère lui avait confectionné et comme à son habitude la passa en oublia pas de mettre la capuche. Hors de question qu’elle sorte sans cela, on ne savait jamais.

« Allons faire un tour Akaï »

Le petite serpent siffla à son oreille ce qui la fit sourire, il n’y avait que lui ces derniers temps qui parvenait à faire cela, elle s’était tellement détourné de tout le monde qu’elle ne rencontrait que peu de personne, la dernière en date était un jeune Almer, sympathique et un peu perdu semblait-il. Tout en repensant à cette rencontre pour le moins cocasse, ses pas la dirigèrent vers Silmarie. Elle aimait cette ville. Son regard ne cessait jamais de trouver des petites choses ça et là, qu’on ne remarquait jamais au premier passage. Elle recelait tellement de mystères que chaque visite était en réalité une nouvelle visite. Elle s’arrêta un instant, humant l’air autour d’elle, ici elle se sentait bien, un peu comme chez elle, ce qui n’était plus le cas de Cydonia. En prononçant ce nom, un frisson parcourut son échine et le froid fit irruption à travers ses vêtements ou était ce peut être à cause de la pluie qui commençait à tomber et qui allait en s’aggravant ? La jeune femme n’en savait rien.

Elle se dirigeât vers un banc qui n’était pas épargné par la pluie, mais elle voulait s’assoir près de cette fontaine qui lui apaisait l’esprit. Elle s’assit tranquillement et avisa un livre non loin de là. Qui était l’idiot qui avait laissé un livre sur un banc alors qu’il pleuvait. Elle le ramassa et regarda s’il y avait un nom ou quoi que ce soit qui pourrait lui permettre de le rendre à son propriétaire, mais il n’y avait rien. Tant pis, elle irait le donner a l’aubergiste, lui au moins il pourrait le rendre, s’il y avait quelque chose de perdu, on pouvait toujours le lui donner, ici tout le monde savait que c’est lui qui récupérait les objets perdus.

La pluie ne semblait pas vouloir s’arrêter, pourtant la jeune druidesse ne voulait pas bouger de ce banc. Elle sentait partir les effluves de sa tristesse et de sa monotonie, elle se sentait plus légère et tellement plus sereine et ce n’était certes pas la pluie qui allait l’arrêter. Elle était une nouvelle fois perdue dans ses pensées lorsqu’elle sentit qu’on lui tapotait l’épaule. Sur la défensive, une main se promena vers les lames à sa ceinture, puis elle entendit quelqu’un parler.

"Pardonnez-moi, auriez-vous trouvé par hasard un ouvrage intitulé "Les 12 Bénédictions de Shéogorath?"

Kae se leva tranquillement, lâcha ses lames et fit face à l’homme. Elle leva la tête pour découvrir un jeune homme d’une trentaine d’année peut être un peu plus, très grand. Il avait une peau peu bronzé et des cheveux brun, longs. Un Cydien de toute évidence. Son regard vert émeraude croisa alors le regard bleu-blanc du jeune homme, étrange comme combinaison, mais pourquoi pas. Après tout à Cydonia elle connaissait bien une elfe qui avait les yeux gris comme de l’acier. Elle lui tendit alors le livre.

« Pardonnez moi, je n’avais pas l’intention de le garder, j’allais le ramener à l’auberge pour que celui qui l’avait perdu puisse le récupéré. »

Elle s’arrêta un instant, la pluie continuant toujours de battre la mesure sur eux.

« Vous devriez peut être vous mettre à l’abri non ? »

Elle voyait les cheveux et le visage de l’homme devant elle dégouliner d’eau. Il « tait au moins trempé jusqu’au os. Ce qu’il y avait de bien avec Silmarie c’était que si on voulait de l’eau, on était réellement servit. Elle regarda l’homme impassible, elle ne ressentait pas les effets de la pluie aussi pouvait-elle rester ainsi pendant très longtemps, c’était l’avantage de sortir couvert à tout moment.

« Pardonnez moi, je n’avais pas l’intention de le garder, j’allais le ramener à l’auberge pour que celui qui l’avait perdu puisse le récupéré. »

Julian sourit en tendant la main, et glissa l'ouvrage dans sa ceinture, reliure en haut pour éviter d'en mouiller les pages. Il releva les yeux pour regarder la jeune femme qu'il avait face à lui. Elle était jeune, avait une peau d'une pâleur surprenante, même à Silmarie. Ses cheveux rouges foncés ressortaient avec un fort contraste, bien qu'ils furent en grande partie cachés sous une capuche ample.

« Vous devriez peut être vous mettre à l’abri non ? »

La phrase tira Julian de son observation. Il leva la tête en plissant les yeux, pour se rendre compte que les nuages gris étaient bien trop imposants pour que l'espoir de les voir disparaître vite ne naisse. Il baissa le regard avec un sourire:

"C'est gentil de faire attention à moi, mais je ne vais pas rentrer et vous laisser geler là-dehors, ça ne serait pas correct."

Cela faisait quelques jours que Julian était resté cloîtré chez lui, à dormir la plupart du temps, pour ne pas penser à la douleur que lui faisait endurer son crâne, et le simple fait d'avoir un peu de contact social lui faisait le plus grand bien.

La pluie qui lui tombait dessus ne le décourageait d'ailleurs pas assez pour lui donner envie de partir, malgré le froid pénétrant qu'elle insufflait dans tous ses os. Pour tout dire, elle avait même un petit effet d'anti-douleur, le contact du froid apaisant un minimum l'encéphale du chaman. Et le fait de penser à un autre sujet arrangeait encore un peu les choses.

"Est-ce que je peux vous offrir un grog?" se surprit à proposer Julian, qui mine de rien, mourrait d'envie d'aller se réfugier dans un intérieur chaud, malgré le confort qu'il affichait. "Je suis sûr qu'il y a des auberges qui servent des boissons chaudes dans les parages. Ce serait un gâchis que de laisser une belle femme comme vous prendre l'eau." dit-il , un large sourire sur le visage.

Lui-même était surpris d'être aussi entreprenant, mais parfois, il fallait savoir prendre les rênes pour aller se réchauffer les miches dans une taverne.

[HRP] La couleur que j'utilise c'est du lightseagreen si tu veux ^^[/HRP]

Kaenie le regarda. Elle ne ressentait pas le froid, mais il n’était pas censé le savoir, et puis la pluie ne la dérangeait pas le moins du monde, elle semblait apaisé son humeur maussade du jour. Pourtant, lorsqu’il proposa d’aller boire quelque chose, elle se rendit compte qu’en réalité elle était complètement assoiffée. Depuis combien de temps errait-elle ainsi. Elle était sortit pour son entrainement matinal, cependant elle était ressortit directement après sa douche et marchait ainsi depuis plusieurs heures. Ce jour ci n’était pas un bon jour, il lui rappelait trop de chose et toujours plus déprimante les unes que les autres. Il allait falloir qu’elle arrête. Ressasser le passé n’aidait en rien et cela ne la ferait surement pas avancer dans sa vengeance présente.

Elle se ressaisit lorsqu’elle sentit Akaï bougé sur son épaule et sortir la tête de sa capuche. Elle sourit doucement, heureusement qu’il était là ce petit curieux, sinon elle aurait encore passé pour une folle. Certes ce n’était pas ça qui la dérangeait après tout, mais bon il y avait bien assez de fou comme cela pour ne pas qu’elle s’y mette aussi. Elle sortit complètement de ses pensées et s’intéressa à l’homme en face d’elle. Il fallait qu’elle lui réponde, ce qu’elle fit sans attendre.

« Oui, bien sur. Je ne serais pas contre un bon chocolat chaud, je suis fan de cette boisson. »

Elle lui sourit doucement, elle laissa les dernières bribes de sa tristesse s’envoler doucement. Il n’était pas temps de pleurer les morts, lorsqu’ils seraient vengés, elle pourra les pleurer en paix. Elle fixa donc ses yeux émeraude dans ceux du jeune homme en face d’elle.

« Je connais le tavernier là bas, il offre des boissons succulente et d’une grande richesse, cela vous permettra de vous réchauffez et lorsqu’il y a besoin, il offre aussi une serviette pour se sécher, je crois que ce ne sera pas de trop dans votre cas. »

Elle partit d’un petit rire. Elle ne se moquait pas de lui, ce n’était réellement pas son genre, juste qu’il ressemblait à une serpillère détrempé ainsi et un bon séchage ne serait visiblement pas de trop. Elle se lança alors vers la taverne et entraina le jeune homme avec elle. Le tavernier qui la vit entré poussa un soupir et lorsqu’il vit le jeune homme, il s’avança avec une grande serviette.

« Kae, combien de fois je t’ai dis de ne pas te promener dehors s’il pleut à torrent et surtout si tu emmène des gens avec toi. »

« Enfaite, on s’est rencontré au banc, il avait perdu son livre que j’avais ramassé et voilà, il s’est retrouvé trempé comme une soupe. »

« Tenez, jeune homme, prenez cette serviette et Kae, installer vous à ta table habituel. »

La jeune femme lui fit un signe de la tête et alla s’installer à sa table laissant le soin au jeune homme de se sécher. Elle-même une fois arrivé à la table avait enlevé son manteau. On voyait nettement mieux sa chevelure longue et rouge attaché en queue de cheval ainsi que cette robe que sa mère lui avait faite. Rare était les fois ou elle enlever ce manteau. Lorsque le jeune homme vint s’assoir en face d’elle, le tavernier arriva avec une carte et repartit aussitôt en lançant un je vous laisse choisir. Kae regarda celui qu’elle avait en face d’elle, il semblait un peu moins trempé que précédemment.

« J’espère que vous ne tomberez pas malade. Au faite, je me nomme Kaenie, ravie de vous rencontrer. »

Elle reporta ensuite son attention sur la carte. Elle avait une faim de loup et ici il servait aussi de délicieuse patisserie.

Julian emboîta le pas à la jeune femme, en retenant du bras la porte de la taverne où elle l'emmenait. L'endroit était charmant et, dieux merci, chaleureux dans tous les sens du terme. Il y avait là tout ce qui pouvait contenter un homme gelé: à boire, à manger, et du feu. Sans se faire prier, Julian ferma la porte derrière lui en vérifiant bien que pas la moindre bribe d'air froid ne pénétrerait le bâtiment. Ceci fait, il rejoint son accompagnatrice en pleine discussion avec le gérant du lieu.

Ce dernier, apparemment contrarié, tendit au Chaman une serviette pour s'essuyer de toute l'eau qui lui était tombée dessus à l'extérieur. N'étant pas habitué à dire merci, Julian lui rendit un sourire et chuchota presque un remerciement en s'inclinant légèrement. Ceci fait, il alla s'installer avec sa rencontre de la journée, tout en se frottant les cheveux avec le tissu. Il s'assit face à la toujours-inconnue, et tendit la main pour saisir la carte de la taverne.

Il douta un instant, se demandant si il valait mieux engager la conversation avant ou après avoir choisi sa commande. Ce fut "Cheveux-de-feu" qui lui apporta la réponse en le regardant, serviette sur les épaules. Elle lança simplement :

« J’espère que vous ne tomberez pas malade. Au fait, je me nomme Kaenie, ravie de vous rencontrer. »

Julian sourit. Cela faisait un moment qu'il n'avait pas discuté avec quelqu'un en étant sobre et il avait quelque peu oublié les convenances sociales.

"Ravi de même." dit-il en tentant un regard vers son interlocutrice, en pleine lecture. "Je m'appelle Julian." précisa-t-il simplement.

Une fois les présentations faites, il baissa les yeux sur la carte. Il décida alors qu'à la place d'un grog, il prendrait un thé. Oui, c'était très important et méritait qu'on le souligne. Une fois qu'il avait fait son choix, il reposa la carte dur la table et regarda "Crinière d'enfer".

Il était amusant de voir chez elle le contraste entre un visage si clair, frais, et presque froid, et une chevelure sombre au rougeoiement si profond. Il y avait presque quelque chose de mystique dans cette alliance intrigante. Pensant cela, Julian détourna vite le regard, pour ne pas mettre mal à l'aise celle qui s'était présentée sous le nom de Kaenie. Et dévisager quelqu'un est un très bon moyen de le mettre mal à l'aise.

En promenant son regard au hasard, le prêtre de Shéogorath croisa celui de plusieurs autres clients à peine moins dégoulinants que lui, et probablement tout aussi dépités par la pluie de l'extérieur. Cette dernière s'acharnait sur les fenêtres du lieu, ne réussissant même pas à concurrencer la chaleur du feu de la cheminée. Cela n'était pas pour déplaire à Julian qui cachait tant bien que mal le grelottement qui l'agitait.

« Vous êtes à Silmarie depuis longtemps ? » se surprit-il pour lancer la conversation. Il avait quelque peu oublié ses habitudes de beau parleur, aussi préférait-il commencer gentiment. « C'est une ville magnifique, je trouve. Elle ne m'a pas déçu depuis le temps que je suis là. »

Julian, ce nom ne lui disait rien. Le tavernier la renseignait sur beaucoup de chose, s’il ne l’avait pas fait sur ce jeune homme, c’était qu’il n’avait rien fait de suspect. Elle décida d’attendre avant d’entamer une quelconque conversation. Pour le moment, elle avait soif et faim, il valait donc mieux pour elle qu’elle se rassasie et ensuite viendrait le moment de la parlotte. Alors qu’elle était toujours le nez dans la carte, elle l’entendit lui poser une question. Elle releva doucement la tête et braqua son regard vert émeraude dans ces yeux bleu. Elle ne savait que dire. Devait-elle lui dire qu’elle avait atterit ici pour se cacher ou alors qu’elle s’entraîner pour pouvoir exercer plus facilement sa vengeance. Ses réflexions lui firent venir le sourire. Ce qu’elle pouvait être stupide quand elle s’y mettait. Elle décida de lui répondre honnêtement finalement, après tout pourquoi mentir, cela ne servait strictement à rien.

« Je suis ici depuis deux ans. Un incident m’a fait immigrer ici, mais je dois dire que je ne m’en plains pas. Cette ville est réellement magnifique et chaque fois que j’y viens, je ne peux m’empêcher d’admirer ses merveilles. Même lorsqu’il pleut je trouve qu’elle est belle. C’est peut être un peu bête me direz vous, quand il pleut, on ne voit pas grand-chose. »

Elle s’arrêta un instant, se demandant s’il la prenait pour une folle. Aimer une ville alors qu’il fait beau peut se comprendre, mais aimer regarder cette même ville sous la pluie, cela devenait réellement ridicule. Elle sourit doucement et se décida à continuer.

« J’ai trouvé ici, une paix et une harmonie qui ne règne nulle part ailleurs. Enfin c’est mon point de vue et je trouve cela réellement troublant et magnifique en même temps. J’ai toujours l’impression de voir la ville d’une façon différente, comme si chaque jour apportait elle changeait de parure comme une femme ou un homme qui change de vêtement constamment. On ne se rend jamais compte des petits changements lorsqu’on est constamment à l’intérieur de la ville, mais lorsqu’on est à l’extérieur et qu’on ne vient qu’une fois toutes les deux semaines, on se rend compte des différents changements qui se sont opérés depuis la fois on était venus. C’est cela que je trouve magnifique dans cette ville. Et puis, elle a le don d’apaiser les douleurs, vous ne trouvez pas ? »

Elle s’arrêta un instant, contemplant le jeune homme en face d’elle. Elle ne savait pas pourquoi leur chemin s’était croisé, mais cela faisait beaucoup de bien de pouvoir parler à quelqu’un et qu’il ne vous réponde pas par un sifflement à l’oreille. Elle replongea un instant son nez sur la carte et lorsque le tavernier arriva, elle passa sa commande.

« Un chocolat bien chaud avec quelques mignardises s’il te plait. »

Elle attendit alors que Julian ait commandé, et finalement elle reporta son attention sur lui.

« Alors, vous que cette ville n’a pas déçu, que faites vous comme métier ? »

Elle le regarda avec un sourire. Son visage semblait empreint de douceur et à ce moment là, c’était le cas. La pluie avait effacé les dernières bribes de tristesse et de rancœur qui pesait encore sur son cœur pour le moment. Boire un chocolat allait lui permettre de se remettre de ses émotions et surtout de ses sentiments si peu agréables qu’elle ruminait ces derniers temps.

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