Ashelia n'avait pas attendu longtemps avant de voir débarquer une légère escorte de compagnons accompagnant l'Oblat à l'une de ces parties de chasse comme pouvait l'apprécier de nombreux astorgs en cette saison. Kriisten était toujours aussi magnifique, même la sueur et la crasse de ce genre de ballade n'arrivaient à ternir sa légendaire beauté. C'était une femme remplie de savoir vivre, mais également de savoir faire. Elle maniait l'épée aussi bien que ses compagnons, aimait la présence de son peuple et n'était pas le genre de reine à passer des heures à se regarder dans le miroir. C'était sans doute cela qui faisait sa séduisante réputation, une beauté naturel tel un diamant brut.

Il devait être à peine une ou deux heures de l’après midi, la Reine des Neiges était à peine descendue de son étalon qu'elle s'avança pour monter les marches du palais, mais sa rapide ascension fut vite interrompu par un garde qui l'informa d'une mystérieuse visite. Un petit sourire se dessinait sur le coin de ses lèvres avant de se retourner en direction d'Ashelia. L'Oblat n'avait pas le temps de tergiverser si bien qu'elle se hâta d'atteindre la salle du trône. Sa garde d'élite prenait soin d'entourer les deux femmes, mais la reine exténuait de sa journée n'hésita pas à proposer une coupe de vin à la jeune femme. Il était rare de voir une femme telle que Kriisten être aussi naturelle dans sa façon d'être et d'agir, la grâce et l'éloquence d'une reine en toute simplicité. La dirigeante de Storghein s'impatientait face au mutisme de son invitée, sûrement trop absorbée à contempler la maîtresse de maison mais elle ne tarda pas à répondre à celle ci lorsqu'elle reprit parole.

"Une coupe de vin pour moi et pour l'Ambassadrice si elle le désire. Alors, que me vaut le plaisir de votre visite ?"

"Merci de votre accueil votre majesté. Je tenais tout d'abord à m'entretenir avec vous pour me présenter à vous désormais en tant que sujet et non en tant qu'ambassadrice. J'ai pris la décision de revenir au sein de votre cité pour reprendre la place de mon défunt père, le comte Armstrong. C'est la moindre des choses que de venir vous informer d'un tel changement !"

Les deux femmes prirent le temps de discuter de quelques broutilles d'usages à la noblesse astorg. Ashelia appréciait la présence de Kriisten qui savait extrêmement bien mettre à l'aise ses invités, c'était une reine accomplie. Elle avait la prestance d'une reine mais elle se savait avant tout astorg, et elle aimait mettre en avant ce détail pour pouvoir se rapprocher d'avantage de son peuple. Après quelques gorgées de vins, la jeune femme reprit la parole.

"Comme vous le savez, j'exerçais à Muria le poste d'ambassadrice et j'aurai aimé savoir si une place au sein de votre gouvernement avait un siège vacant. Le métier de politicienne me tient à coeur et j'aimerai pouvoir mettre mes talents au service de ma cité. Je vous laisse le soin de juger de la qualité et de l'utilité de mes capacités votre majesté, mais sachez que je puisse me montrer à la hauteur de vos exigences."

Le sourcil de l’Oblat s’éleva mine de rien pendant l’exposé de la jolie ambassadrice et pour être tout à fait honnête Kriisten eu du mal à comprendre la tirade de la jeune femme. Tout du moins, Ashelia vivait à Storghein en sa qualité d’ambassadrice bien qu’elle représentait Muria et avait juré allégeance non pas à elle mais à la Reine Amazone mais comme l’ambassadrice continua sur la mort de son père l’Oblat ne s’appesantit pas plus que de raison sur le sujet. Reprendre la place du Comte ? Pourquoi pas en tout honnêteté la noblesse n’était pas ce qu’y préoccupait le plus l’Oblat mais elle laissa le sujet dériver à la guise de l’ambassadrice afin de tester ses connaissances sur les familles l’air de rien. Ainsi Kriisten évoqua-t-elle les tensions entre les Marsh et les Corbois sans parler la vieille amitié qui unissait deux autres familles et ainsi de suite. Si Ashelia n’était pas incollable sur le sujet Kriisten trouva les réponses tout à fait correctes pour une Dame qui avait plus traité des affaires de sa patrie que de celle de Storghein et avec un sourire elle apporta sa bénédiction pour cette passation de pouvoir entre la fille et le Comte. Et ce n’est qu’à ce moment qu’elle comprit, trop préoccupée par ses bandits de grand chemin qu’elle était qu’il était impossible qu’une amazone devienne Comtesse Astorg, quand bien même le titre lui revenait de droit puisqu’elle y avait renoncé en rejoignant Muria.

La suite la fit tomber des nues et elle décroisa et recroisa ses longues jambes finement musclées en posant la coupe sur un accoudoir de son trône. Ashelia avait donc quitté Muria. Comme çà, comme Meliant avait quitté Storghein. Kriisten papillonna des yeux un instant. Les lois de Muria avaient-elles dès lors changé ? De ce qu’elle savait –et cela avait toujours été ainsi- Muria était une cité « martiale » et par la même, quitter Muria était qualifié de désertion et punissable par… bref. C’était bien évidement dur, moins pour celle qui y avait trouvé refuge suite à des agressions mais bien pour celles qui y étaient nées les plus à même d’être tentées de partir mais nécessaire pour la survie d’une Cité qui il n’y avait pas une décennie était menacée par les forces conjuguées de Cydonia et des Almers. Aujourd’hui ce cher peuple du sud ne représentait pas une grande menace et Cydonia avait malheureusement revu ses espérances à la baisse ce qui s’était soldé par la non prise d’Erathia par les forces conjuguées de Storghein et de Muria cette dernière ne voulant pas s’impliquer dans le conflit.

Inutile de dire que laisser passer cette chance de menacer directement Cydonia l’avait fortement contrariée néanmoins elle comprenait les craintes de Philéa de perdre ses précieuses amazones… peu importe ce n’était pas le sujet du moment. Revenant à la jeune ambassadrice Kriisten s’employa à prendre une visage neutre, espérant qu’Ashelia avait omis de lui présenter une information pourtant capitale.

«Votre démarche est-elle approuvée par la Reine Amazone ? »

Un lourd silence tomba sur la salle alors que l’Oblat dardait sur la jeune astorg ses iris de glace. Elle allait ajouter quelque chose quand elle s’aperçut qu’un page se tortillait dans un coin de la salle. Avisant ce dernier, elle lui fit signe d’approcher et de prendre la parole ce qui fit que ce dernier se plongea dans la contemplation de ses orteils.

« Un corbeau ma Reine, arrivée pendant votre chasse de Muria… J’ai pensé qu’il n’était pas urgent de vous en inf… »
« Va me chercher ce message. »

Malgré elle le ton s’était fait cassant. Le page se détourna en troisième vitesse et courut à toute jambe en quête du message. Si la réponse était négative, Ashelia devenait dès lors une déserteuse et comme tel une prisonnière dont la tête tomberait sans doute de retour à Muria. Par les Dieux, les amazones étaient au courant des lois de Muria était-ce trop dur de s’y tenir ? Ses ongles tapaient le bois tout en considérant la jeunette quand le message lui parvint enfin. Encore scellé, Kriisten fit sauter ce dernier sans plus de cérémonie et s’attaqua à la lecture du message rédigé de la plume même de Philéa. Lorsqu’elle eut fini, Kriisten rejeta une mèche platine dans le reste de sa crinière alors qu’un sourire de soulagement s’étirait sur ses pulpeuses lèvres.

«Et bien Comtesse voilà qui est sans précèdent. Philéa vous recommande à mon service »,le soulagement se lisait dans ses yeux et elle ajouta alors que ses lèvres pulpeuses s’étiraient en un sourire, « Et moi qui vous voyez déjà au bout d’une corde ! »

[i]De toute évidence, la saillie ne fit sourire qu’elle, ainsi reprit-elle d'un air grave à moitié sérieux.

« Bref ! Ayant toute confiance en l’avis de mon amie Philéa, je vais me fier à son jugement. En espérant que vous soyez avisée en tant que Conseillère, Comtesse.»

[Désengagées n_n !]