La missive était parvenue à Mère dans les derniers jours de l'été, peut-être les premiers de l'automne, aujourd'hui, je ne m'en souvenais plus et au fond, cela n'avait pas grande importance si ? Quoi qu'il en soit, ce fut la colère qui anima les premiers mots de la souveraine, quelque chose comme « comment cette sale petite peste peut croire qu'on viendra à son bal ? ». J'avais adoré, non en fait, c'était même mieux, j'avais trouvé la réaction de ma mère normale pour une fois. Elle qui avait trahi toute sa vie durant, n'hésitant pas à mentir quand bien même c'était pour protéger les siens, savait désormais dans une moindre mesure ce qu'était se faire trahir à son tour. Personne n'avait vu venir le coup d'éclat que cette idiote d'ambassadrice avait eut l'audace de lancer. Tous la prenaient pour ce qu'elle était, une gamine mais au final, elle avait surpris tout le monde en quittant en douce Muria dans notre dos pour aller se réfugier auprès de Kriisten. Quelle ironie du sort n'est-ce-pas ?
Par la suite, il avait fallu calmer les choses, remettre un peu d'ordre là où cette gourde avait manqué de déséquilibrer l'ordre des choses. Elle n'avait même pas du penser en quittant la cité qu'elle serait une déserteuse recherchée de ses anciennes sœurs pour être mise à mort ou encore, elle n'avait même pas du penser que des tensions pourraient naître entre Kriisten et Philéa, entre la cité des neiges et la cité des femmes libres par sa faute. Pire que tout à mes yeux, Ashelia n'avait même pas pensé que sa cité natale ne voudrait peut-être pas d'une traîtresse et n'hésiterait pas l'ombre d'un instant à l'exécuter ou la renvoyer dans sa cité d'adoption. Tout cela ne l'avait pas effleuré mais bien entendu, Mère y avait pensé. En même temps, personne n'avait compris son choix de placer cette môme à ce poste d'ambassadrice …

Philéa avait pris les devants sans l'ombre d'une hésitation. D'une main experte, la Cydienne avait saisi un parchemin et avait commencé à poser ses mots. Elle expliquait dans la lettre à sa chère amie de toujours, l'Oblat, qu'elle lui envoyait son ambassadrice personnelle. Philéa modifia l'histoire, n'hésita pas à rajouter des détails sordides mais peu importait, le tout était de préserver une paix que l'on savait toujours fragile dans les hautes sphères de ce monde. La Dame nota alors le désir de sa protégée de revoir sa cité natale et, ne pouvant lutter contre cela, elle avait préféré la renvoyer chez elle avec l'intime conviction qu'elle serait en sécurité là-bas et vivrait plus heureuse. Comme si ce genre de préoccupations animaient d'habitude ma mère … La bonne blague. Bref, Philéa avait fait son possible pour couvrir la situation de cette conne et pour ma part, si je trouvais ridicule d'agir ainsi, je louais l'intelligence et la patience de ma mère pour avoir pris de telles précautions qui s’avéreraient, à n'en point douter, fort utiles.

« Mère, on ne peut pas la laisser filer ainsi, elle est une déserteuse ! » m'impatientais-je.

Cette ambassadrice allait-elle encore une fois obtenir un traitement de faveur juste de part son ancien titre ? Je rageais, je pestais tout ce que je savais mais ce jour-là, Mère me renvoya me calmer, me précisant que chaque chose devait se faire en son temps et que l'heure de la punition ne saurait tarder.
Elle était là, l'heure de la punition. Dans les mains de ma mère, dans cette missive au nom de notre alliance avec la cité du Nord. Un bal allait se tenir, organisé par celle qui était devenue, à n'en point douter, la cible de toute une cité malgré elle. Ce bal serait le moyen idéal pour … non, comme l'avait dit Mère, il fallait se montrer subtile, il était évident que si on abattait Ashelia en plein milieu d'une réception tant en l'honneur de l'alliance Amazones-Astorgs que de leur Oblat, ces derniers ne seraient pas forcément contents …

« Mère, on ne peut pas laisser son crime impuni, qu'elle exemple vas-tu donner si tu permets à tes meilleurs pions de se rebeller et de quitter Muria au risque d'en révéler nos secrets ? »

Mère le savait, oui, elle en était consciente et elle avait déjà pensé à la manière pour agir. Ce bal était une aubaine, un appel à la paix auquel nous répondrions bien volontiers. Philéa avait insisté sur le fait que je devais éviter toute violence, bah bien sûr, elle envoyait sa fille la plus tête brûlée et espérait qu'il n'y « ai pas de violence superflue » … mais bien sur ! Et puis quoi encore ? Ouais bon forcément, quand on rajoutait Jelenna à l'équation, évidemment que ça aidait déjà à être plus crédible, d'accord, je devais bien l'admettre. Je promis de ne rien faire pour menacer la paix entre nos deux cités mais de marquer tout de même le coup de sorte que cette gourde comprenne son erreur.

Trahir Muria était la pire chose à mes yeux. Les Amazones pouvaient violer, violenter les hommes, je m'en foutais mais quitter la terre qui les avaient protégées et le peuple qui les avait aimée, c'était intolérable pour moi. J'étais et j'avais toujours été fidèle à ma cité et si Jelenna serait sans doutes la seule un jour à pouvoir m'en détourner, rien ni personne ne pouvait se prévaloir de ça. J'aimais cette cité, je la protégeais du mieux que je pouvais mais je ne supportais pas les déserteuses. Comment pouvait-on quitter celles qui jusque là avaient partagées votre vie sans même un regard en arrière ? Sans même un scrupule ? Ashelia regrettait-elle ? Peut-être vu le bal qu'elle organisait pitoyablement pour se racheter. Mais ce n'était pas suffisant. Muria l'avait nourrie, protégée, aidée quand il le fallait, je lui avais appris les rudiments du soin, Mère lui avait offert un poste d'ambassadrice là où d'autres, plus compétentes et largement plus avisées auraient fait l'affaire. Que fallait-il de plus à cette enfant gâtée ?
Je lui avais appris le soin … merde ! Elle croyait qu'elle pouvait se servir des gens et filer ensuite sans dire un mot ? Pour qui se prenait-elle ? Je lui avais fait confiance, sans quoi, jamais elle n'aurait pu poser sa main sur mon loup ! La confiance, elle ne savait pas ce que c'était ou quoi ? Merde à la fin ! Pourquoi tout le monde trahissait sans vergogne, sans même penser aux conséquences pour ceux qui jusque là leur tendaient la main ? En un mot commençant, j'enrageais.

Quelques Amazones se décidèrent à répondre à l'appel de ce bal par curiosité mais aussi par envie de se dégourdir un peu les jambes et de sortir de leur quotidien. Muria n'avait jamais organisé ce genre d'événements et depuis Tamawa, rien de similaire n'avait été fait. Ce n'était pas trop le genre de notre Philéa que de savoir se mettre à la fête même si quelques fêtes spécifiques à notre cité étaient organisées chaque année. Philéa ne souhaitait pas venir, pour elle, il était trop difficile de laisser sa précieuse cité sans surveillance et comme loin des yeux signifiait loin du cœur, elle préféra me faire sa porte parole ainsi que Jelenna. La petite avait insisté pour voir la cité des neiges, cité qu'elle n'avait pas encore eu l'occasion de visiter et bien entendu, Mère avait craqué. D'autant que la présence de la petite réincarnation serait sûrement perçue comme un grand honneur pour Kriisten selon ses dires. Qu'à cela ne tienne dans ce cas …
Le voyage fut peut-être long, je ne m'en souvenais même pas ni même des entretiens rapides avec Kriisten ou des Compagnons ou encore, des deux jours qui suivirent notre arrivée. Tout cela était vague dans ma tête tant j'étais préoccupée. Je ne parvenais pas à comprendre pourquoi Ashelia nous avait trahi, pourquoi au fond, elle avait choisi la cité qui l'avait rejetée enfant au lieu de celle qui lui avait ouvert les bras …

Les dernières heures avant le bal furent les plus dures. Je ne supportais pas l’effervescence autour de l'événement et ne comprenais même pas qu'on puisse s'extasier pour si peu. Jelenna se préparait et comme toujours, elle avait insisté pour que j'enfile une robe. Mère avait participé au complot en glissant une tenue appropriée comme elle disait dans mes bagages si bien que je me voyais déjà en robe au milieu des autres greluches à froufrou … Brefle, je quittais la pièce deux heures avant le spectacle pour m'aérer la tête. Vêtue de mes vêtements ordinaires, pantalon de cuir, haut en cuir ne couvrant que ma poitrine,lanières de cuir parcourant mes bras, rapière au côté, j'avais simplement pris le soin de revêtir une fourrure grisée pour me tenir chaud. Je déambulais dans les couloirs du palais, jetant un coup d’œil rapides aux préparatifs mais cela ne m'intéressait pas. J'avais le cœur en peine, en proie à des doutes que je ne savais pas maîtriser. Je tournais au coin d'un couloir pour rejoindre les appartements qu'on nous avait gentiment attribué, après une heure de marche dans ces froids couloirs du palais des neiges et ce fut à cet instant que tout bascula …

Elle était là, à discuter avec quelqu'un dont je me foutais éperdument. Elle était là, souriante, pimpante, se foutant complètement du mal qu'elle avait pu faire à la cité qui l'avait accueillie sans poser de questions et lui avait tout offert. Elle n'était pas venue nous voir, pas une fois, et elle parlait de paix ? Traîtresse. Sans hésiter, dès que la personne fut partie, j'avançais d'un pas tranquille vers elle, retenant ma colère au plus profond de moi pour éviter qu'elle n'explose et, lorsque je fus enfin à portée de voix, je lui disais d'un ton cassant :

« Tu nous as soigneusement évitées ces deux derniers jours. »

[ Attention, la maîtresse de cérémonie est toujours l'Oblat, tu es dans son palais même si elle te laisse les honneurs ^^' ]

La jeune Astorg était comme toujours, vêtue richement. Dans mes souvenirs, pas une seule fois ne l'avais-je vu en pantalon ou dans une tenue appropriée pour le combat. Je n'avais rien à dire là dessus, chacun était libre de faire ce qu'il voulait mais voilà qui ne manquait pas de m'amuser intérieurement. Si la jeune femme s'était sentie peu à son aise dans notre humble cité, qu'en serait-il dans celle-ci, quand bien même soit-elle sa cité natale, où la guerre était un culte et les batailles, la façon la plus honorable que de mourir. Peu importait c'était sur vu qu'elle n'était plus sous ma protection et honnêtement, si ça lui chantait de bien s'habiller et de se coltiner tous les requins de la création, pourquoi pas, ce n'était juste ni mon affaire, ni l'opinion que je partageais. De toute façon, ce n'était pas comme si j'avais partagé grand chose avec elle. Enfin, pour une fois, elle avait choisi une robe qui certes avantageait ses courbes, mais ne la faisait pas ressembler à une catin, c'était déjà un bon début. Je lui préférais largement les robes aux tons clairs que ces robes aguicheuses rouges et autres couleurs attirantes qui ne la mettaient selon moi nullement en valeur. Et voilà qu'en prime, je me mettais à parler couture … Non mais j'vous jure.

Elle tenta pitoyablement de s'excuser. Quelque chose du genre « je suis désolée », en bégayant par dessus le marché, comme si j'allais la tuer sur place. Ce n'était pas l'envie qui m'en manquait quelques minutes auparavant mais la voir ainsi dans son élément m'avait fait douter. Et puis de toute façon, j'avais interdiction de la toucher entre les murs de Storghein, je devais simplement m'assurer de lui rappeler ses actes et de lui en remémorer les conséquences. C'était n'importe quoi non ? Elle quittait une cité qui n'avait pas hésité à tout lui donner et se contentait d'un « je suis désolée ». Ou pas. Il n'était pas question de la laisser croire qu'elle pouvait impunément trahir Muria sans que cette dernière n'en dise rien. Mère avait insisté sur la nécessité de ne rien faire « physiquement » mais également sur le principe selon lequel Ashelia devait comprendre son erreur et plus que tout, les conséquences qu'aurait pu avoir sa petite trahison. Durant le trajet, j'avais imaginé la tuer, je devais bien l'avouer, mais la voir si pitoyable, si terrorisée par ma simple présence me fit comprendre qu'elle n'avait rien à faire dans ma cité et que je n'aurais pas voulu d'elle pour un sou. Non, j'exagérais, disons que je me sentais particulièrement blessée au fond de moi que cette garce ai prit la poudre d'escampette là où j'avais personnellement engagé de mon temps pour lui apprendre ce que je savais sur le soin. Que croyait-elle ? Que je n'avais que ça à foutre ? Là résidait la vérité, je me sentais trahie personnellement et là naissait ma colère. Je ne supportais pas à la base qu'on puisse quitter Muria sans rien dire mais plus que tout, je détestais accorder ma confiance pour la voir bafouée ensuite.

Je crois que ma réplique avait eu un peu plus que l'effet escompté. La jeune ambassadrice, quoi qu'elle ne l'était plus maintenant, elle était même devenue, grâce à Philéa, conseillère de je-ne-sais-quoi auprès de Kriisten, semblait hésiter, comme si j'étais le dernier des monstres de ses cauchemars apparus trop soudainement dans sa réalité rose. Tant pis. Il fallait y penser avant ma pauvre fille, avant de trahir toute une nation ! Quand elle reprit la parole, je savais presque ce qu'elle me dirait, qu'elle était désolée blablabla. Ouais et bien je m'en foutais. Des excuses n'effaceraient en rien ce qu'elle avait pu nous faire et plus que tout, les risques qu'elle avait osé prendre pour MA cité ! Mais j'avais promis à ma mère d'écouter ses explications avant de la clouer sur la porte du palais, pardon, de lui faire comprendre qu'elle n'aurait pas du agir de la sorte.

Son père était mort, la belle aventure. Qu'est-ce-que ça pouvait me faire ? Chaque Amazone savait qu'en entrant à Muria, elle renonçait à ce genre de débilités en échange d'une liberté totale. Elle n'avait donc rien compris à ce point à notre cité ? Elle était l'unique héritière et alors ? Non, je ne comprenais pas qu'elle puisse trahir la confiance d'une reine pour un titre à la con et qu'en plus, elle me demande de comprendre ! Non, j'étais incapable de comprendre pourquoi elle avait abandonné celles qui comptaient sur elle pour un titre à la con que son simple titre d'ambassadrice suffisait à effacer ! Et non, je ne pouvais pas comprendre qu'on crache sur sa reine pour récupérer un bout de terre ! Une fille exclue d'une grande famille ? Non mais l'autre. Bien sur que je le sais pauvre idiote ! J'ai vécu sans père pendant des années, croyant que ma propre mère avait été abusée par ce dernier, j'ai retrouvé un homme éploré par le temps qui m'avait remplacée par une pétasse blonde, Astorg elle aussi. Cette place qui me revenait de droit, de fille aînée, je n'ai jamais pu l'avoir auprès de lui alors oui ma p'tite, je sais ce que c'est. Je suis princesse figure-toi, ne jamais se sentir à sa place, je pense savoir réellement ce que c'est contrairement à toi qui, visiblement, n'est qu'une pleurnicheuse égoïste ! Mais je me calme, je sais que je ne dois pas craquer, que je dois rester calme et surtout, que je dois me taire. Attendre, ce sera mon tour bientôt et surtout, je pourrais lui faire comprendre à quel point elle est bête.

« Je n'ai pas à comprendre les caprices d'une enfant. » déclarais-je d'un ton neutre avant de planter mon regard sur elle et de poursuivre, « J'ai vécu toute mon enfance en me demandant comment un homme pouvait violer et violenter sa femme pour l'abandonner ensuite, elle et son enfant. J'ai vécu toutes ces années en haïssant l'homme qui m'avait donné la vie pour finalement me rendre compte en le rencontrant que tout n'était que mensonge. J'ai vécu ces cinq dernières années à tenter de retrouver ma place auprès de lui sans succès. Tu penses être exclue de notre cité ? J'en suis la princesse, n'est-ce-pas à moi de me sentir la plus exclue parmi vous qui pouvez choisir votre existence ? Je suis celle qui dirige, vous êtes celles qui vivent, devrais-je moi aussi m'enfuir pour être exclue par mon titre de votre monde ? Pauvre sotte, tu n'es en rien différente de nous, comme nous, tu as souffert et t'es sentie exclu de CE monde, c'est pour ça que nous t'avons tendu la main ! Ne me fais pas rire, tu n'as jamais été exclu de notre cité, tu t'es exclue toute seule avec tes robes et tes envies de noblesse. Tu joues les princesses au même titre qu'ici et tu verras que bientôt, tu seras toute aussi seule mais cette fois-ci, personne ne te tendra la main. Tu n'as fait aucun effort pour comprendre notre cité et personne n'en fera ici pour te comprendre, tu verras bientôt que les somptueuses apparences cachent les plus grandes solitudes. »

Je parlais d'un ton calme, ce qui était plutôt rare de ma part mais cela ne me gênait pas, au contraire. Peut-être qu'au fond, j'avais apprécié cette peste et que maintenant, je regrettais son choix. Non, j'étais blessée par son choix et je la détestais pour cela et pour ce qu'elle s'obstinait à croire. La vie ne serait pas mieux ici ou ailleurs, elle se sentirait toujours seule car c'était elle qui ne voulait pas laisser les autres l'approcher. Ses robes, ses manières, tout cela ne collait pas avec le commun des mortels et Ashelia ne pouvait pas encore l'entendre. Ce n'était pas à moi de lui dire, elle devait s'en rendre compte toute seule. Si elle ne retirait pas l’apparat, alors jamais personne ne pourrait lui être fidèle. Les uns seraient attirés par son argent, les autres repoussées par sa noblesse dégoulinante. Quelque part, cela m'attristait, je pensais en effet qu'elle n'était pas une mauvaise fille et qu'elle devait souffrir de sa différence mais au fond, c'était elle qui la mettait en avant.

« Tu as blessé et meurtri toute une cité pour quoi ? Tu as trahi ta reine, la femme qui t'as tout donné sans l'ombre d'une hésitation pour quoi ? Un titre mille fois inférieur à celui que tu avais à Muria ? Et tu oses me demander de te comprendre ? Je ne suis pas en mesure de comprendre ou de pardonner la trahison, surtout quand elle est consommée avec si peu de regrets. » là encore, le ton était neutre, presque trop doux mais pourtant, on pouvait y sentir la rancœur, « Mère t'as nommée ambassadrice, Muria t'a donné un enfant, je t'ai appris le soin … n'était-ce pas suffisant à tes yeux pour te prouver notre fidélité et notre confiance ? N'était-ce donc rien pour toi qui ne vaille la peine de rester ? Tu n'es qu'une égoïste et tes larmes n'y changeront rien. »

J'aurais voulu que ma voix soit forte, qu'elle la terrorise, mais elle était au contraire pleine de regrets et de rancœur, cette trahison me pesant tout particulièrement que je n'étais pas capable de la concevoir.

« Tu ne te sentais pas à ta place ? Mais Ashelia, tu ne l'es pas ici non plus. Sais-tu pourquoi Kriisten en personne t'as offert ce magnifique poste ? Croyais-tu sincèrement qu'en trahissant sa plus fidèle amie et la cité la plus liée à la sienne, l'Oblat t'aurais accueilli chaleureusement ? Philéa en personne a écrit à Kriisten pour te protéger, pour protéger notre alliance que ta petite mascarade allait ébranler. Non contente de nous trahir, tu as failli détruire une alliance plus vieille que toi abrutie ! Si Kriisten t'as pris à son service, c'est uniquement parce que ma mère t'as protégée en le lui demandant ! Sans elle, tu auras été exécutée pour trahison, ni plus ni moins. Tu penses toujours être plus à ta place dans ce palais ? Tu penses toujours que tu n'étais pas chez toi ? Ne me parles pas d'amour quand tu n'as eu de cesse que de nous trahir, de me trahir moi qui t'avais accordé ma confiance. »

Je m'avançais d'un pas et si la colère tambourinait à mes temps, j'étais incapable de lui en vouloir. Elle avait l'air tellement innocente, tellement naïve que c'était presque risible que de lui apprendre tout cela. Elle n'avait même pas du penser à ce que je venais de lui avouer en nous quittant. Ashelia était quelqu'un de simple, qui ne pouvait vivre dans une cité telle que Muria où tout le monde était l'égale de l'autre. Chaque femme avait un passé douloureux et le passé relativement calme et privilégié de cette dernière avait certes du la ralentir mais à mes yeux, elle n'avait surtout pas fait d'efforts pour s'intégrer.

« Maintenant que tu sais tout cela, penses-tu toujours que je puisse te pardonner, que chaque Amazone présente ce soir puisse te pardonner ? Un bal n'y changera rien, toutes verront en toi celle qui, pour ses propres intérêts, n'a pas hésité à les trahir. Penses-tu toujours que tu n'étais pas à ta place ? Que tu l'es plus ici ? Tu ne pourras jamais être heureuse si tu vis dans le mensonge … Maintenant Ashelia, dis-moi, pourquoi es-tu réellement partie ? »

Je n'avais pas cessé de la regarder, je n'avais pas cessé de parler, mais désormais, c'était son tour. J'avais étalé ma rancœur, qu'elle en fasse de même et j'aviserais. Elle n'était pas partie pour un titre pourri que son père, qu'elle détestait d'après mes souvenirs, lui aurait légué à sa mort. Non, il devait forcément y avoir autre chose pour qu'elle nous ai trahi ! Comment pouvait-elle se sentir « exclue » là où ne serait-ce que ma mère et moi lui avions tendu la main ? C'était impossible, incompréhensible pour moi et je me sentais plus que tout spoliée.

« Comment as-tu pu tourner le dos à la main que Mère et moi te tendions ? Que Jelenna elle-même t'avait tendu ? Pourquoi ? » cette fois, la colère perlait doucement dans mes propos.

[ Je te préviens, c'est du total freestyle, j'avais besoin de jouer Eléa comme ça ^^' ]

De tout temps je crois j'avais détesté ce genre de filles et pourtant, je me retrouvais en face d'elle, à ce stupide bal qu'elle avait organisé au nom du alliance qui la dépassait totalement et qu'elle n'avait pas le moins du monde cherché à protéger en quittant Muria, je me retrouvais là, prête à la défendre comme si elle était encore ma sœur. Foutaise. Conneries. Elle n'était rien de plus qu'une ennemie, une traîtresse et une déserteuse et je me tenais face à elle sans rien lui faire d'autre que la morale. Comme si ça servait à quelque chose … En réalité je crois que si Philéa m'avait choisi pour cette mission, c'était uniquement parce qu'elle savait que je n'hésiterais pas à la tuer si l'occasion s'en présentait, du moins était-ce ce que je pensais mais maintenant que l'Astorg se tenait devant moi j'étais bien incapable de lui faire quoi que ce soit. Etait-ce cela au fond que d'être trahie ? Que de se sentir retournée par quelqu'un en qui on avait jusque là confiance ? Parce que j'avais confiance en elle ? Oui … en fait, c'était totalement stupide de ma part mais j'étais totalement consciente d'avoir eu confiance en elle sinon, jamais cette idiote n'aurait pu approcher mon précieux loup sans qu'il ne la tue sur place. C'était parce que j'avais eu confiance en elle que je lui avais permis de le soigner et uniquement pour cela et voilà pourquoi, à cet instant précis, je n'étais pas capable d'autre chose que d'essayer de la sauver. De quoi ? D'elle même bien entendu. Cette gourde finirait par s'attirer des ennuis si je ne faisais rien et je ne savais pas ce que je détestais le plus, avoir été manipulée une nouvelle fois par ma mère, reconnaître que je voulais la « protéger » ou encore, me sentir totalement paumée dans mes propres émotions. Personne n'avait le droit de pénétrer ce bouclier hermétique que j'avais créé pour me protéger ! J'étais en colère, contre elle, contre moi ? Je l'ignorais mais une chose était sure, j'étais sincèrement en colère.

L'Esprit était une source inépuisable d'informations quand le corps ne suffisait pas. J'aurais sans doutes du mal à être aussi douée que ma jeune sœur pouvait l'être car son don était bien plus puissant et inné que le mien cependant, j'étais suffisamment douée pour me rendre compte de l'état de mon interlocutrice. Ah elle se sentait mal ? Et bien tant mieux ! Goûte ma chère Ashelia, goûte l'amer trahison ! Si ça te fait mal ? Tant mieux, tu partageras ainsi ma souffrance. Muria ouvre ses portes aux femmes meurtries et leur offre protection, paix et liberté et pour quoi as-tu voulu renier tout cela ? Pour le titre d'un père qui ne te voulait rien de plus que du mal ? Cracherais-tu sur une main tendue uniquement pour le pouvoir et la noblesse ?
J'étais en colère, suffisamment en tout cas pour devoir me remémorer les exercices de maître Jiven, suffisamment également pour sentir l'Esprit de ma cadette voguer vers le mien pour m'aider dans cette œuvre. Jelenna avait toujours eu le don de me calmer et si je parvenais à rester calme et maîtresse de moi-même, c'était uniquement grâce à la petite, j'en étais pleinement consciente. Le malaise de ma jeune interlocutrice déferla en moi comme un baume. Se rendait-elle compte du mal qu'elle avait pu nous faire ? Commençait-elle à comprendre ?

Le silence se fit, me permettant de recouvrer totalement mon calme et de faire le point sur mes propres émotions. Je décidais de fermer mon Esprit malgré les suppliques de la princesse bis qui, comme toujours, s'inquiétait pour moi. Les rôles ne devraient-ils pas être inversés ? Elle vivant une vie de candeur et moi, grande sœur, censée la protéger ? Je crois qu'au fond, elle ne m'avait jamais laissé ce rôle et peu importait, les mots et les sentiments étaient son domaine, l'arme et le sang étaient les miennes. Une chance quelque part que Jelenna n'eut pas hérité de ce rôle, avoir une arme entre les mains était un autre jeu que celui de prêcher la paix par les mots. Le sang avait depuis bien longtemps coulé, maculant tant mon arme que mon âme et si Jelenna irait certainement dans l'au-delà, je croupirais dans l'Outre monde, embrassant Azael. Ouais ou pas, je cramerais ce crétin ad vitam eternam surtout ! Le silence me permit dans tous les cas de me calmer et de reprendre le dessus sur cette éternelle colère qui bouffait mes entrailles. Quand serais-je assez forte pour me pardonner mes erreurs et la chasser ? Sûrement pas demain la veille … Lorsqu'elle reprit la parole, j'avais eu le temps de faire le point de la situation. Au fond, si j'étais aussi remontée contre elle, ce n'était pas tant qu'elle avait déserté MA cité mais surtout qu'elle avait trahi MA confiance.

Plus elle parlait, plus je me rendais compte à quel point mon jugement était fondé. Incapable de quoi que ce soit seule, elle avait agi impulsivement, cherchant ce qu'elle espérait être la lumière mais la pauvre se fourvoyait … si elle avait ce poste aujourd'hui, ce n'était que grâce à la bienveillance – c'est marrant, sur le moment, j'avais plus pensé à la folie ou d'autres trucs du genre – de ma mère. Philéa était prête à tout pour préserver une alliance qu'elle avait plus ou moins mise en place ou tout du moins fait perdurer avec la cité des neiges. A mon grand étonnement, Ashelia semblait sincèrement se remettre en question, allant même jusqu'à s'excuser.

« C'est justement ce que je te reproche. Tu agis sans prêter attention aux conséquences de tes actes, combien de vies crois-tu que nous aurions du sacrifier si ton petit coup d'éclat avait mis en péril notre alliance avec Storghein ? »

Zen, calme. Je ne devais surtout pas partir sur cette voie sans quoi, j'allais littéralement péter un câble et la tuer. Là. Sur place. Ca ferait sans doutes tâche dans le palais … De toute façon, Kriisten aurait certainement et sans doutes nul doutes choisi de protéger sa précieuse alliance avec Philéa de peur que cette dernière n'offre ses services à Cydonia -même si c'était peu probable-. Pour sûr, il valait mieux choisir l'armée qu'elle.

« Tu as mis en péril deux peuples pour tes intérêts personnels … »

Ouais ok, j'exagérais un peu, beaucoup, mais je voulais qu'elle comprenne. Pourquoi au juste ? Qu'est-ce-que j'en avais à faire qu'elle comprenne ou non ce que j'étais venue lui dire ? Et puis qu'est-ce-que ça pouvait me faire au fond sa vie ? Pourquoi je m'obstinais à lui faire comprendre les choses quand ma tâche était de lui faire peur et de lui faire comprendre que si elle sortait du palais un jour, chaque Amazone serait prête à la tuer ?

« Les mots n'effacent rien, seuls les actes comptent. »

Elle reprit la parole juste après moi et franchement, ce qu'elle me dit me laissa « sur le cul » si je puis me permettre l'expression bien entendu. Elle voulait que je la tue ? Elle quoi ? QUOI ? M'admirer ? Moi ? Elle est sérieuse là ?

« Je n'ai rien de celle que tu décris. J'ai fait couler le sang d'innocentes victimes au nom de la vie de ma sœur, je n'ai pas hésité à cracher sur la tombe de l'homme qui m'avait sauvé la vie, pire que tout, j'ai renié le père qui m'avait cherchée en vain des années durant. L'image que tu as de moi n'est pas ce que je suis. Tu m'admires ? Qu'admires-tu au fond ? Une princesse ? Un pouvoir ? Je n'ai rien de tout cela, je ne suis certainement pas sage, comment pourrais-je l'être quand ma sœur de onze ans l'est plus que moi ? Je ne suis pas aimée, je suis crains pour mes colères et pour mon ascendance. Ne vois pas en moi la femme que tu voudrais être, mon destin n'a rien à être envié. »

Pourquoi ? Pourquoi ? Il se passait quoi là ? Pourquoi je …

« Nous sommes toujours seuls. », lâchais-je avec rancœur, « Il ne tient qu'à nous te saisir la main que l'on nous tend. »

J'avais compris. Je la détestais, elle me sortait par les yeux avec ses manières d'enfant gâtée. Elle était aimée, adulée par les hommes comme par les femmes, c'était certain, même si elle ne s'en rendait pas compte. La jalousie n'est rien de plus qu'un moyen d'admirer quelqu'un mais cela, elle ne le savait pas encore. Je ne la jalousais pas, non, mais je voyais en elle une part de moi. Cette part paumée et totalement perdue qui ne demandait qu'à être aidée.

« Tu n'es pas seule, tu ne l'as jamais été. Je t'ai tendu la main une fois, Mère t'offre désormais une vie sûre, à toi de saisir cette opportunité. » je marquais une pause avant de reprendre, « Sache que cependant que chaque Amazone sera en droit de prendre ta vie si tu quittes ces murs. », une nouvelle pause, « Moi y compris »

J'avais parlé non pas avec de la rancœur mais avec une pointe de tristesse.

[ Un dernier tour ou tu préfères te désengager ? J'espère que le post te plaira, j'ai fait en sorte de jouer Eléa plutôt gentille ^^' ]

L'astorg écoutait la princesse amazone dire tout ce qu'elle pouvait avoir sur le coeur. Elle n'était pas la même que d'habitude, sa distance et sa froideur laissaient place à de l'amertume et de la tristesse qui visiblement touchaient Ashelia. Grâce à l'Esprit, elle pouvait ressentir de nombreuses choses sur les émotions d'Eléa, la colère et la haine mêlait à la jalousie et la tristesse mais également un sentiment de trahison. Elle semblait perdue dans ce flot de sentiments ce qui mettait la conseillère plutôt mal à l'aise, elle avait l'habitude d'une princesse amazone forte, solide et froide mais là elle n'était plus ce qu'elle avait connu. C'était elle trompée sur le compte d'Eléa ? Elle avait toujours cru que cette dernière la détestait et s'en fichait totalement d'elle mais apparemment ça n'avait pas l'air d'être totalement le cas.

Ashelia regardait son interlocutrice qui avait l'air tout autant blessée de par les mots qu'elle car oui les mots ont parfois une force qui peut surpasser le pire des assauts, leur discussion n'en était qu'un exemple. La politicienne comprenait enfin sa faute et ses défauts, Eléa quand à elle avait l'air de découvrir certaines émotions qui lui étaient encore inconnues mais la jeune femme était elle si nulle que ça ? N'était elle rien d'autre qu'une simple gamine pourrie gâtée qui ne servait que ses propres intérêts et qui n'avait jamais penser à autrui ? Elle ne voulait pas le croire mais les faits étaient là. Elle s'était toujours cru seule au monde, sans personne pour la soutenir et l'aider mais elle oubliait les nombreuses fois où Philéa en personne l'avait aidé, cette fois ci encore elle n'avait pas hésité à la soutenir même si ce n'était pas directement pour la protéger. Ashelia à l'écoute des sages paroles de l'amazone ne put retenir ses larmes.

"Je ne sais que dire à vos sages paroles Eléa. Je ne suis qu'une bonne à rien qui finira seule pour le restant de ses jours, qui sait si Kriisten ne m'enverra pas croupir dans ses donjons d'ici quelques temps ! J'essaye toujours de faire de mon mieux mais tout ce dont je suis capable d'accomplir c'est d'apporter des problèmes. Mon rêve a toujours été d'être quelqu'un dans ce monde, accomplir des exploits et être reconnue comme quelqu'un de bien ! Mais comme vous le dites, je suis pourrie par l'égoïsme et la noblesse. Je n'ai rien d'une héroïne telle que vous ou encore telle que l'Oblat en personne ! Je ne suis qu'une incapable..."

Ses paroles résonnèrent un long moment dans sa tête, tout ce qu'elle avait accompli jusqu'ici était donc vain ? Etait elle vraiment ce qu'elle décrivait ? Elle n'avait jamais voulu ouvrir les yeux, préférant se terrer derrière son monde fait de féeries et de bijoux mais ce n'était pas la vie que de fuir la réalité. Elle allait maintenant en payer les conséquences et perdre les amies qui l'avaient soutenu malgré son impression de solitude qui n'était que calomnie. Elle aurait aimé avoir l'amitié de la princesse amazone mais elle n'était pas prête de si tôt de l'avoir.

"Eléa c'est peut-être culotté de ma part de vous proposer cela mais écoutez moi. Je m'entraînerai jour et nuit à l'épée et le jour venu, je vous affronterai en duel. Les enjeux de ce duel ? Si vous gagnez vous aurez possession de ma vie, si je gagne ce qui est beaucoup moins sûr, j'aimerai votre amitié ou tout du moins repartir sur de bonne base avec vous..."

"Mademoiselle Armstrong ! Sa majesté l'Oblat vous attend pour l'ouverture des festivités !"

A peine eut elle le temps de finir sa proposition qu'une jeune domestique la prit par le bras pour l'emmener en direction de la grande salle de bal du Palais. Ashelia était attendue au côté de Kriisten pour lancer les festivités et elle n'avait pas le droit d'être en retard pour une si grande occasion.

**J'aurai toujours apprécié le fait d'avoir votre amitié mais désormais c'est de votre pardon que je dois m'acquitter. Je ne veux plus être celle que j'ai été et je m'efforcerai de changer. Merci encore Eléa, merci pour tout...**

[Désengagée !]

[ Eléa n'a utilisé l'Esprit que pour lire tes sentiments, elle l'a ensuite fermé, tu ne peux donc pas lire ses émotions ^^ De plus, j'ai bien précisé que Eléa ne jalousais pas du tout Ashelia, mais qu'elle voyait en elle une part d'elle-même. ]

Oui, chaque Amazone était désormais en droit de prendre sa vie, plus que tout, de la priver de ce qui lui était cher. En trahissant sa propre cité, chacune de ses habitantes avait le droit de la capturer et de la juger, ou en tout cas, de la mener à la Reine de la cité des femmes libres pour que cette dernière la juge. Et le jugement n'était autre que la mort, ni plus ni moins. Philéa lui avait offert la possibilité de vivre en paix, en sécurité mais si la jeune femme quittait le palais, sa vie tenait entre les mains de chaque Sentinelle qui croiseraient sa route. Pourquoi cela me rendait-il triste ? Aucune idée, en fait, je crois que je n'avais pas envie de savoir. Pas du tout même … Je savais la vérité, je connaissais la réponse au fond de moi, d'accord, mais toute vérité n'était peut-être pas bonne à entendre … Ou à dire. Je savais que si elle me sortait par les yeux, au fond, sa personne m'attirait, pourquoi ? Aucune idée. Peut-être parce qu'au delà de la princesse Ashelia voyait autre chose ? Peut-être parce que, même si je ne voulais pas l'avouer, il était agréable d'être adulée au point de s'en sentir gênée ? Je ne savais pas, je ne comptais pas creuser plus loin. Mon beau discours était un beau discours, si je ne voulais pas m'avouer que j'en pensais tous les mots, je préférais éluder tout cela et attendre sa réponse.

J'avais tendue la main une dernière fois, je ne le referais plus, il ne lui fallait qu'un mot pour obtenir ma « protection ». N'allez pas me demander pourquoi, peu importait de toute façon ! Cette main tendue verbalement, j'espérais étrangement qu'elle la saisirait tout comme au fond, j'espérais aussi qu'elle cracherait dessus. Dans le premier cas, il était évident que nos relations évolueraient et dans l'autre, il me serait tellement plus facile de la haïr … Je crois que c'était plus facile la deuxième solution. Je n'avais jamais voulu d'amies, la seule et unique fois que j'avais ouvert mon cœur a une femme, cela avait mal fini et quant aux hommes … n'en parlons même pas ! Feanaro m'avait trahi et si j'avais su faire confiance petit à petit à Evenor, c'était bien parce que je ne le considérais pas comme un homme. Il était autre chose, c'était trop étrange à expliquer en quelques lignes de toute façon. Quoi qu'il en soit, il me serait bien difficile de l'apprécier et d'apprendre à en faire une amie. Ouais, ben forcément, j'aurais du y penser AVANT de tendre la main !

Ashelia mettait du temps à répondre, très clairement, je finissais par me demander si cette discussion avait seulement un intérêt, ne serait-ce que le moindre intérêt parce qu'au fond, je m'en foutais non ? Il était plus simple de toute façon de laisser tomber et de la laisser se débrouiller toute seule. Mère m'avait encore bien eu, j'étais sure et certaine qu'elle savait comment cela se passerait si je m'en chargeais et j'étais sure qu'elle m'avait envoyé à l'assaut pour cette même raison. Raaaah, elle exagérait ! Quoi qu'au fond, je supposais qu'elle m'utilisait aujourd'hui pour me former à demain. Si j'étais capable de ne pas tuer cette traîtresse immédiatement, il y avait peut-être une chance que je sois capable à l'avenir de savoir gérer des gens en détresse, ou encore, de savoir gérer calmement ce genre de situation. Je l'espérais. Il était difficile d'être la fille de la grande Philéa, même à mes yeux, Mère incarnait le meilleur chez une femme et le pire tout à la fois. Elle était pour moi la plus grande reine que notre cité eu connu et ne connaîtrait jamais. Forte, fidèle, prête à tout, elle faisait de Muria son premier enfant, elle faisait des Amazones ses propres filles … elle était prête à tout. Elle était douée, forte, fine politicienne, je ne lui arrivais finalement même pas à la cheville et ce, malgré mes efforts, notamment au Tribunat ! Je n'étais pas jalouse de ma mère, au contraire, je la trouvais tellement merveilleuse et douée que j'espérais un jour avoir son talent et sa dévotion ! Il était évident que Philéa était la femme la plus connue d'Azthia et la plus redoutée, plus sans doutes que l'Oblat en personne car contrairement à elle, la Reine Amazone dirigeait totalement seule sa cité, parvenait à la garder secrète et pour finir, était une force essentielle à l'hégémonie de ce monde. Sans Muria, ni Cydonia, ni Storghein n'aurait jamais le monde à leur pied. Seules, ces deux cités n'étaient rien, la cité Amazone faisant la différence de force, et voilà pourquoi elle était tant crainte. Un simple mot de Philéa et l'un remportait le combat sur l'autre, la guerre d'Erathia l'avait prouvé. Sans parler du talent tacticien de Mère … Là encore, la grande guerre l'avait prouvé. A elle seule, Philéa avait réussi à convaincre le monde entier à s'allier, y compris ceux qui avaient été meurtri, ceux qui étaient les ennemis de toujours … Philéa était la femme parfaite, politicienne sans oublier d'être une épouse et une mère même si sa maladresse dans ces domaines était parfois risible vu son talent inné pour le premier point ! Oui, ce n'était pas difficile à comprendre même si jamais je ne le lui avouerais, ma mère était mon modèle.

Mère avait prouvé sa valeur et son intelligence en protégeant cette idiote. Certes Kriisten aurait vite fait le choix entre une simple Astorg qu'elle ne connaissait pas spécialement, traîtresse de surcroît, et une cité toute entière ainsi qu'une amitié vieille comme le monde, d'accord, mais Philéa avait eu raison de ne pas faire couler le sang. Elle s'assurait ainsi de la bienveillance de l'ancienne ambassadrice et se donnait une image clémente auprès d'elle. Elle assurait également que les Amazones – parce que ouais, j'avais peut-être exagéré – ne pensent pas à trahir en suivant son exemple, ces dernières croyant que Philéa avait donné son accord. Seules les plus hautes gradés seraient sans doutes mises au parfum. Enfin, Mère s'assurer que rien ne filtre de chez Ashelia. Brefle, il y avait une liste impressionnante encore de ce que la décision de Philéa avait engendré. Je n'aurais jamais pensé à ça ! J'aurais foncé tête baissée et c'était ça la différence entre elle et moi, ma mère avait toujours un coup d'avance.

La voix de mon interlocutrice me sortit de ma torpeur. Elle se plaignait … encore. Quand comprendrait-elle que les mots n'étaient rien mais qu'il fallait des actions ? Elle voulait faire partie de ce monde ? C'était bien ok, ben qu'elle commence déjà par se bouger un peu et par prendre les choses en main ! Elle voulait changer, qu'elle le fasse bon sang !

« Tu ne seras jamais rien tant que tu réagiras comme ça. » répondis-je avec détachement sans pour autant la quitter des yeux.

Ce n'était pas méchant, juste réaliste. Si elle se rabaissait sans cesse, jamais ce monde ne lui laisserait une place ! Kriisten et Philéa avaient eu leur place uniquement en jouant des coudes, en prenant les bonnes personnes, en ayant les bonnes relations, rien de plus. Elles étaient les grandes de ce monde uniquement grâce à leur génie et leurs actes.

« Si tu veux faire partie de ce monde, cesse de te plaindre. Si tu as conscience d'être encore incomplète, fais ce qu'il faut pour devenir celle que tu aimerais être. »

Bah voilà, une fois encore, je lui donnais des conseils. Bon, ce n'était pas bien grave, mieux valait ça que de la frapper non ? Oui d'accord, je n'avais pas envie de la frapper oui certes, mais c'était un exemple ! Sa proposition me fit sourire, elle ? Me battre en duel ? Comment pourrait-elle rattraper 16 ans d'entraînement quotidien ? Boaurf, si ça lui chantait. Elle avait une drôle de façon de saisir ma main tendue mais peu importait, mieux valait cela que de devenir copine avec elle. Comme si je pouvais tout lui pardonner ! Au moins avait-elle le bon sens de ne pas le croire et de me proposer un marché plutôt étrange mais presque honnête. Bref, je me comprenais.

« Ce n'est pas un duel qui t’offrira mon pardon d'autant que ta vie m'appartiens déjà » répondis-je du tac au tac, « Je ne tends la main qu'une fois. » ajoutais-je aussitôt durement, « Cependant, ce duel me paraît amusant, si tu le remportes, j'envisagerais de te pardonner. »

Un domestique du palais vint mettre fin à notre discussion. Le destin jouait en sa faveur visiblement, peu m'importait. Tout cela m'avait un peu chamboulée, je devais discuter avec ma cadette qui justement, m'attendait au coin du couloir. Ashelia était une enfant égoïste et gâtée, pour ma part, j'étais une piètre aînée trop protégée par sa cadette. Jelenna me protégeait de ses mots, et moi, de mon épée.
L'entretien était terminé n'est-ce-pas ? Pas tellement au final. Ce duel, je l'attendais et si vraiment elle gagnais, alors, je tiendrais parole, elle aurait mon pardon. En attendant, qu'elle quitte le palais, et chaque lame de Muria n'hésiterait pas à la tuer. Pour ma part, cette discussion me laissait un goût amer, indescriptible. Je n'en étais pas sortie indemne en somme et je le sentais déjà, j'allais me poser encore beaucoup de questions. Le relationnel n'était vraiment pas mon fort, ni le méli-mélo de mes sentiments !

[ Désengagée ^^ ]