Des évènements récents avaient secoués le Directeur du Temple si bien que, lorsque la fille du Consul en personne était venue lui rapporter son précieux fils après que ce dernier fut victime d'une attaque Zélote clairement fomentée contre lui en tant qu'enfant de Templiers, il en était resté perplexe. Homme tolérant, Jiven était incapable d'en vouloir à ceux qui étaient incapables de pardonner cependant, il se décida à suivre le conseil de la jeune femme et prit le parti de se rendre à Cydonia pour éclaircir la situation. Du peu d'échanges qu'il avait pu avoir avec le Joyau, il avait cependant compris que mieux valait s'entretenir avec Naly aussi avait-il demandé audience à la jeune femme et si cette dernière tenait à présent la lettre qui annonçait le jour de son arrivée, sans doutes hésitait-elle encore à l'attitude à adopter mais trop tard, l'homme, accompagné d'une Templier qu'il avait prit soin de choisir lui-même, attendait déjà derrière la porte. Cette rencontre promettait d'être passionnante !

[ Ceci n'est qu'un petit post d'introduction
Naly, Jiven, si vous le souhaitez, vous pouvez discuter tous les deux en attendant la fin du mois que Iréa ai fini ses examens et puisse intervenir. Si telle est votre décision, je n'interviendrais avec le Mj qu'à la fin de votre échange, lorsque Iréa sera intervenue à son tour ou pour introduire la miss ^^
Naly, tu es la première à commencer ! Si vous avez des questions, n'hésitez pas !
Ps : Jiven, Iréa, n'oubliez pas que vous êtes à Cydonia ! ]

Iréa regarda le directeur du Temple avec des yeux ronds.
Bien sûr, comme tous les Templiers, elle avait étudié l’art de la diplomatie. Et bien sûr, elle avait déjà effectué des missions diplomatiques.
Mais venir avec lui à Cydonia ? Rencontrer la directrice de l’école des Elémentaires ? Discuter de l’agression d’Aerin mais aussi des relations compliquées entre Zélotes et Templiers ?
Il n’était pas sérieux, si ?
Si, évidemment, cela ne lui ressemblait pas de plaisanter de ce genre de choses.
C’est donc ainsi qu’elle prit le chemin du Joyau aux côtés d’un Jiven pensif et peu loquace. Au début, cela ne la dérangea pas : elle aussi était songeuse.
Elle pensa à Aerin, d’abord. Depuis leur première discussion dans la cour du Temple avec Jillian, elle s’était attachée au garçon. Elle ne le voyait pas beaucoup mais appréciait toujours de passer un petit moment avec lui quand l’occasion s’en présentait.
L’Almer n’avait pas de raison personnelle d’en vouloir aux Zélotes, aussi était-elle moins virulente à leur encontre que certains de ses collègues, mais elle ne les appréciait pas pour autant et l’attaque contre Aerin n’avait pas arrangé les choses. S’en prendre à un enfant inoffensif ! Etaient-ils donc si lâches, si barbares ? Et n’avaient-ils aucune intelligence ? Leur ordre avait déjà du mal à regagner la confiance de la population cydienne, ce n’était pas ainsi qu’ils amélioreraient leur image.
C’était inutile. De la méchanceté gratuite, juste au nom d’une querelle vieille de cinquante ans.
Mais il leur appartenait, à eux Templiers, d’être plus fins qu’eux et de ne pas riposter, de ne pas se laisser entraîner dans une lutte stérile. Jamais jusqu’alors Iréa n’avait eu tant de mal à se conformer à l’enseignement du Temple, qu’elle approuvait pourtant, mais elle prit sur elle.
Elle réalisa soudain combien ce devait être dur pour Jiven. C’était son propre fils qu’on avait agressé, mais il devait encore penser aux relations diplomatiques, mettant de côté ce qu’il pouvait éprouver.
Enfin, au moins Aerin n’était pas gravement blessé. Physiquement, il était même presque remis.
Etait-ce pour cela que le directeur avait décidé de l’emmener avec lui ? Parce qu’il était lui-même très impliqué ?
La Templière n’avait aucun moyen de s’en assurer, à moins de poser franchement la question, ce qu’elle n’osa faire.
Finalement, le maître prit la parole alors que Tamawa était déjà loin derrière eux.

« Excuse mon absence, je me demandais ce qu'il me faudrait dire à Naly une fois arrivés. Il est évident que la moindre de mes paroles peut influencer ses décisions et menacer la paix fragile entre nos deux Ordres. Si j'ai confiance en son jugement, je me dois de demeurer prudent et de peser chacune de mes paroles en sa présence. Je dois avouer qu'il y a bien longtemps que je n'ai pas tenu ce rôle. »

La jeune femme ne trouva rien d’autre à dire que :

« Bien sûr, je comprends. »

Puis Jiven changea de sujet, s’enquérant d’Ewan et de Siobhan, et le voyage se poursuivit tranquillement.
Ils furent accueillis froidement mais sans difficultés à Cydonia – selon les conseils du directeur, Iréa ne portait pas son arme non plus, mais cela ne la gênait guère : depuis qu’elle était passée entre les mains de Miki, elle était à même de se débrouiller sans sa lame en cas de problème.
Arrivés devant la porte du bureau de la directrice, alors que Jiven lui demandait de bien vouloir assister à l’entretien, l’Almer sentit une pointe d’anxiété lui vriller le ventre. Ils touchaient au but de leur voyage.
Immédiatement introduits dans son bureau, ils se trouvèrent tous deux face à Naly Caelan, la directrice de l’école des Elémentaires, une grande femme brune aux yeux verts étonnants, gracile mais ne manquant pas d’une certaine prestance. Les présentations rapidement expédiées, ils purent entrer dans le vif du sujet.

« Écoutez Maître Jiven je connais la raison de votre visite et j’en suis profondément désolée mais je crains de vous n’être d’aucune aide. Je suis certes Directrice de l'Ecole mais l’auteur de ce méfait est Zélote et par conséquent sa responsabilité relève du Monastère pas de la mienne.

-Je n'ignore rien de ce fait ma Dame cependant, je crains fort sans le vexer que Liam Clari ne soit pas homme tolérant. Vous êtes, il me semble, celle qui fonda le Monastère aux côtés de Lymion aussi m'a-t-il semblé plus juste de m'entretenir avec vous et, j'ose l'espérer, votre invitation me semble de bonne augure. Je suis venu ici non pour chercher un coupable, mais pour établir une paix, durable et fiable. Mon fils avait un rôle bien lourd pour ses épaules cependant, il a su le remplir et ne souhaitait qu'une chose, demeurer en cette cité. Les évènements en ont décidé autrement mais vous comme moi n'ignorons point qu'il est impossible de contrôler la colère humaine. Je suis venu trouver votre aide, non pas pour réclamer vengeance, mais pour rétablir ce semblant de paix. Vous me semblez, je crois, plus à même de comprendre cela que Liam. Malgré tout le respect que je lui dois. »

Iréa suivait tout cela avec attention, buvant leurs paroles. Si elle n’avait pas déployé ses perceptions – on leur apprenait en effet à faire un usage très mesuré de leur don dans le cadre de la diplomatie – elle n’avait pas non plus complètement fermé son Esprit, aussi sentit-elle que la directrice était très touchée par ce qu’il s’était passé, lorsque celle-ci s’enquit dans un souffle de l’état d’Aerin.
De Jiven, elle ne percevait pour ainsi dire rien, trop bien protégé qu’il était derrière ses barrières mentales.
Il lui assura qu’elle n’avait pas à se sentir coupable, qu’elle n’était en rien responsable et que son fils, bien que blessé, allait mieux.
Irait mieux, lorsqu’un peu de temps serait passé.

« Il y aura toujours des enfants comme Aerin, sacrifiés sur l'autel de la vengeance, sans doutes est-il temps que cela cesse. C'est notre rôle, de directeurs, mais surtout notre rôle d’adultes, ajouta-t-il en se tournant vers elle. »

Restée jusque là en dehors de la discussion, Iréa se permit alors de prendre un peu la parole à son tour.

« C’est une querelle déjà ancienne qui existe entre nos deux ordres, nous en sommes conscients, et sans aucun doute y-a-t-il des reproches à faire des deux côtés. Nous ne nous attendons pas à une réconciliation soudaine, mais si personne ne se décide à faire un pas vers l’autre, nous n’en sortirons jamais. »

Edit : Intervention du Mj en cours !

Il semblerait que certaines blessures soient plus profondes qu'on ne veut bien l'avouer. Il semblerait que le temps ne guérit pas tout et laisse derrière lui les escarres d'un passé trop douloureux à porter seul. La guerre emporte le meilleur de chacun et nul n'y fait exception. Certains y perdent frère, sœur, père ou mère et d'autres y perdent simplement la moitié de ce qui faisait jadis leur être. Meurtrissures et douleurs, peines et solitude, tel est le lot quotidien de ceux qui savent ce que perdre un être cher signifie. Vous ne faites guère exception, derrière vos sourires et vos politesses se cache bien trop souvent un cœur qui saigne. Une faille béante qui vous engloutit … La paix n'était au fond qu'un mythe, une douce balade qu'on chante les soirs d'été en espérant un hiver moins rigoureux et moins rude mais au fond des cœurs, tous savent que jamais elle ne dure. L'être humain est ainsi fait, de guerres et de paix mais l'arme à la main. Les deux Templiers comme l'Elémentaire le savent pertinemment, il n'est de paix que celle qu'ils voudront bien consolider et que d'autres piétineront sans la moindre hésitation. La paix des justes ne parvient pas au cœur des faibles et des puissants de ce monde …

Tandis que la jeune Almer se taisait et que la directrice reprenait la parole, tandis que la paix fragile et vacillante unissant encore les braves Templiers aux fiers Zélotes tenait entre les mains de la jeune Cydienne, le monde brusquement s'éveilla. Le sol se mit à trembler si violemment que les meubles vibrèrent de terreur et que les hommes se retrouvèrent bien vite à genou devant la colère des dieux. Lorsque les secousses se furent calmées, environ cinq minutes après la première, nos trois protagonistes purent voir l'étendue des dégâts. De la fenêtre du bureau de la directrice, qui donnait sur la campagne environnante, se dessinait une faille béante, longues de près d'une vingtaine de mètres et certainement bien plus profonde que ce qu'on pouvait bien en voir de là où ils se trouvaient. La faille lézardait entre les herbes folles, défigurant le paysage mais l'histoire ne s'arrêtait bien entendu pas à ce détail. Un bruit effroyable, une fissure dans le temps et l'espace, quelque chose d'impensable, telles furent certainement leurs pensées à cet instant …

Le calme ne fut que de courte durée car des entrailles de la terre ne manqua pas de sortir le monstre, tout droit issu des pires cauchemars du commun des mortels. Péniblement, lentement mais bruyamment, hurlant à demi, la chose sortie de son trou, grimpant le long des parois de terres, sortant des entrailles de Mère Nature. Environ deux mètres de haut, peut-être plus, le monstre sortit enfin et s'offrit au monde. Plutôt, s'offrit le monde. Son cri, terrifiant et effroyable, hantant les cœurs de longues secondes après qu'il se fut tut. Recouvert d'écorces, les yeux flamboyant de fureur, Tellerius tourna son regard vers le Joyau. Moins d'une seconde après, il faisait un premier pas vers elle, faisant trembler sous ses pieds le sol.

La vie ne tiendrait bientôt plus qu'à un fil, il était temps de la préserver compagnons d'infortune !

[ Notre cher ami est inconnu au bataillon – en gros, il n'y a pas d'informations sur lui qui puissent vous venir à l'esprit – et il se dirige vers Cydonia. De là où vous êtes, vous pouvez le voir avancer. La scène se passe dans la campagne mais j'ai préféré ne pas ouvrir de nouveau sujet ^^ A vous de jouer, si vous avez des questions, n'hésitez pas !
Ps : j'ai fait en sorte que vous puissiez finir votre conversation avant qu'il apparaisse cependant, à la fin de ce tour, vous devrez être à portée de lui (vous pouvez tenter dors et déjà une attaque) ^^ ]

Les relations entre le Monastère et le Temple étaient très sérieusement menacées par les récents événements. Certes ces deux factions ne s'étaient-elles jamais réellement entendu mais aujourd'hui plus que jamais, Liam Clari semblait vouloir mettre un point d'honneur à bafouer les efforts de ses prédécesseurs. Si Jiven louait le caractère obstiné et la fierté d'appartenir à son peuple du jeune homme, il déplorait en revanche sa farouche volonté à faire des Zélotes une armée d'élite prête à tout. L'Almer était tout à fait conscient de l'ampleur que pouvaient prendre ces quelques tensions qui, de prime abord, paraissaient totalement anodines au vu de l'histoire mouvementée entre les deux « camps » aussi avait-il préféré la douce Naly à l'impétueux Zélote et l'avenir seul pourrait lui dire s'il avait eu raison d'agir de la sorte. Il était venu jusqu'à Cydonia sur les conseils avisés de la fille du Consul et, si son propre fils avait été victime de cet affrontement stérile entre les deux Ordres, Jiven n'en tenait pas pour autant responsable le Monastère. Il existait partout des extrémistes prêt à tout pour semer la discorde et ce n'était malheureusement pas en leur pouvoir que de les arrêter. Tout au plus pouvaient-ils espérer les contenir et éviter les débordements … Cependant, l'homme savait qu'il ne trouverait dans le Joyau qu'opposition et s'il espérait grandement que l'élémentaire se joigne à sa cause, il craignait en revanche que le jeu ne soit pas aussi facile avec les autres. Convaincre une femme de raison était une affaire, convaincre des hommes assoiffés de pouvoir en étant une toute autre.

Le pardon était une chose essentielle, peut-être l'une des premières choses que l'Almer avait appris dans sa jeune vie. Après la mort de sa sœur, des années auparavant, et qui plus est, par sa faute, l'homme avait appris à se maîtriser, à canaliser cette peine et cette culpabilité qui le rongeaient indéniablement et, au fil des ans, il était même parvenu à trouver le pardon. Ilith était partie certes par sa faute, mais le plus beau cadeau qu'il pouvait lui offrir était de profiter de l'existence. Il portait en lui sa part de responsabilités mais plutôt que de l'accabler, il la respectait et l'acceptait. C'était sans doutes la raison pour laquelle il comprenait le sentiment de culpabilité de la Cydienne mais pour autant, s'il était certes blessé à l'idée qu'on ai pu attenter à la vie de son fils et s'il s'en sentait particulièrement coupable, il ne voulait pas qu'elle soit accablée par ce fait. Naly n'y était pour rien, au même titre que Liam bien que ce dernier eusse défendu plus ou moins le belligérant. Seul le fou du nom de Silésas était responsable et méritait la colère de Jiven bien que ce dernier soit suffisamment sage pour s'éviter de vains sentiments. La vengeance n'attirait jamais rien de bon, mieux valait essayer de trouver des solutions à long terme !

Naly et Jiven avait beaucoup de choses en commun et notamment la perte d'un être cher. C'était sans doutes l'une des raisons qui avait poussé Jiven à venir à sa rencontre. La jeune femme taisait la perte de son compagnon, Lymion, emporté par Celyween en personne, elle-même victime de la faux du destin. Le monde allait ainsi, dans ses joies et ses peines mais ce point les rapprochaient quoi qu'ils puissent en dire. Jiven ne manqua pas d'observer les changements sur le visage de la Directrice et il y vit tour à tour l'inquiétude, la culpabilité et enfin, la douceur. Les rumeurs étaient donc sincères, la belle Cydienne était un cœur ouvert, douce mais pourtant suffisamment forte pour mener de main de maître sa barque et son école. Au fond de lui, l'Almer avait toujours su que ce genre de caractère étaient ceux qui permettaient le plus souvent de faire avancer les choses. Il sourit en entendant qu'elle était soulagée, rares devaient être les Cydiens, élémentaires de surcroît voire Zélotes, qui devaient être soulagés de savoir un petit Templier en sécurité. Quoi que, Naly n'était pas la seule à faire exception, Thémis Clari avait agi de même et l'homme finissait par croire avec humour que seules les femmes étaient censées dans cette cité !

« Aerin est un enfant courageux, il a toujours su prendre les devants, il est temps désormais qu'il vive son enfance en paix. Il est de mon devoir de père que de le protéger en l'absence de sa mère. »

Ce sacrifice dont parlait la jeune femme n'avait pas été aussi dur pour le père que pour l'enfant. Aerin au final y voyait sans doutes l'opportunité de se rapprocher de ceux que sa mère avait toujours détesté et pour le père, l'acceptation de ce dernier lui avait permis d'assurer une certaine paix avec les Zélotes quelques années durant. Aujourd'hui seulement, Jiven se rendait compte de ce qu'il avait imposé à son rejeton et il était pleinement conscient que jamais Celyween n'aurait pris de tels risques, quand bien même le petit aurait-il été d'accord. Cependant, tout n'était pas mauvais dans cette histoire car l'enfant avait pu se reconstruire auprès d'une famille qui l'avait sincèrement aimé et Jiven savait que lui-même aurait été incapable de l'aider autant qu'avait pu le faire la fille du Consul.

« Je suis certain que mon fils sera ravi de vous revoir » ajouta aimablement Jiven pour toute réponse.

Iréa prit la parole à son tour et, comme l'avait escompté Jiven en lui demandant de l'accompagner, la jeune femme se montrait des plus sages et des plus respectueuses. Elle était tout à fait consciente de l'enjeu de la discussion et des difficultés existants entre les deux ordres, aussi, Jiven était ravi de l'avoir à ses côtés. Sa lucidité comme sa douceur étaient de fabuleux atouts. La Directrice reprit la parole à l'attention de la demoiselle en question.

« Il est fort probable que ces ouvertures nous soient profitables cependant, les Zélotes ne sont dirigés que par un seul homme qu'il faudra convaincre, Liam Clari. »

Car bien entendu, le soucis était là, certes Anatoli avait secouru par le passé Jacen Ryran et sa précieuse fille avait pris sous sa protection Aerin mais les deux ne s'entendaient pas forcément à merveille et le pouvoir de déclencher une guerre entre Zélotes et Templiers ne leur appartenait pas. Liam serait sans doutes plus docile s'il se sentait isolé du moins Jiven l'espérait-il. Au moins la jeune Cydienne était-elle acquise à leur cause, ce qui ne manquerait pas de peser dans la balance !

Alors que la discussion se poursuivait, la terre se mit à trembler, le sol se fit alors instable et un bruit assourdissant empêcha le petit groupe de comprendre ce qu'il se passait. La suite se passa très vite, les secousses se firent plus violentes jusqu'à ce qu'enfin elles cessent. Les cris se firent entendre dans le couloir relativement rapidement. Se relevant de la chaise qu'il avait cramponné autant que faire se peu, Jiven se dirigea lui aussi instinctivement vers la fenêtre pour voir ce qu'il se passait. Une crevasse béante avait entaillé la campagne paisible de Cydonia, elle traversait de part en part la plaine dans laquelle elle était née, telle une affreuse cicatrice. Si cela pouvait paraître étrange, ce qui s'en suivit le fut tout autant. Le cri monstrueux pétrifia sur place le Directeur sans qu'il ne parvienne à réagir. Lorsque la créature sortit de la plaie béante, Jiven n'en cru d'abord par ses yeux. Ce ne fut que lorsque Naly reprit la parole que l'homme comprit qu'il ne rêvait pas. Cette chose qui sortait tout droit des entrailles de la terre fonçait sur eux sans hésiter. La jeune femme les invita à partir s'ils le souhaitaient et rejoignit le couloir sans attendre. Les secondes qui suivirent furent déterminantes. Certes ce combat n'était-il pas le leur cependant, Jiven était un homme de paix et en ce sens, il se devait de la préserver, de toutes les façons qu'il soit. L'homme se tourna vers la jeune Almer et lui dit simplement :

« La paix n'a pas de frontière, nous nous devons de protéger les Cydiens de cette menace cependant, tu demeures libre de tes choix. »

La jeune femme n'avait pas d'obligation de le suivre et en cela, il ne lui en voudrait pas de choisir la sécurité à une mort relativement certaine à voir le monstre qui déambulait vers eux. Sans plus attendre, l'Almer se dirigea vers la sortie et suivit en silence Naly qui donnait des ordres dans le couloir. Arrivé à proximité du monstre d'écorce et de feuilles, Jiven comprit l'ampleur du combat qui les attendaient. L'homme avait sorti son cimeterre par pur réflexe, la pierre runique violacée brillant de milles éclats mais il comprit bien vite que ce dernier ne lui serait pas utile. Il remarqua le travail des élémentaires déjà en action et fut surpris de les voir tous prêt à se sacrifier pour leur cité. Il réfléchit le plus rapidement possible et comprit que le monstre n'avait d'objectif que la cité en elle-même. Son arme ne lui serait d'aucune utilité cependant, il possédait un don bien plus important encore et peut-être pourrait-il profiter des quelques catalyseurs présents sur place pour aider leur confrères pour l'utiliser. Que Bénu lui vienne en aide, voilà tout ce qu'il demandait !
Jiven rangea son arme et, se positionnant non loin de la Directrice, légèrement en retrait, il se concentra du mieux qu'il pouvait dans ce chaos. Il imagina Cydonia, chaque détail de la cité dont il pouvait se souvenir et œuvra le plus rapidement possible. L'effort était pénible certes mais cela permettrait un peu de répit. En effet, Jiven était tout simplement en train de se jouer de la vision du monstre, cherchant à lui offrir une toute autre Cydonia là où il cachait la vrai. C'était complexe car si faire disparaître Cydonia aux yeux du géant était plus ou moins facile, en créer une autre pour l'éloigner de la vraie était une toute autre affaire. Les dieux seuls pourraient leur dire quoi faire !

Edit Eléa :
Iréa > Comme tu as connaissance des langues et de l'histoire, tu es la seule à pouvoir te rappeler – en fin de post – du nom de la bestiole. Soit tu décides de te souvenir comment en venir à bout, soit on fait un tour de plus, envoie-moi un mp pour me donner ta réponse ^^ ]

Tout se passait pourtant bien jusqu’ici.
Certes, Liam Clari leur posait problème puisqu’il demeurait le Maître du Monastère et fermé à toute idée de réconciliation, mais Naly semblait d’accord avec eux, se proposant même de rendre visite à Aerin au Temple, et ils disposaient ainsi d’un appui de plus à Cydonia, ce qui était un bon début.
Leur conversation fut alors interrompue par une violente secousse qui ébranla les murs du bureau, suivie par une deuxième, et une autre encore. Tombée de sa chaise au premier tremblement, Iréa s’agrippa au bureau comme à une bouée de sauvetage, de la même façon que Naly en face d’elle, et attendit avec angoisse que la terre se calme, l’esprit foisonnant de questions.
Lorsqu’enfin les vibrations cessèrent, ils étaient heureusement tous trois indemnes, quoique la pièce ait souffert. Mais ils pressentaient aussi que ce n’était là que le début et se précipitèrent vers la fenêtre.
Au loin, une longue et large faille béait telle une plaie, sa noirceur tranchant sur le vert de la campagne cydienne. Un bras énorme sortit des entrailles de la terre, puis un deuxième, et, prenant appui sur le sol, jaillirent du gouffre deux mètres de muscles noueux recouverts d’écorces, deux yeux rouges flamboyants et une bouche qui s’ouvrit sur un long hurlement inhumain.
Un cauchemar.
Le regard de feu se posa sur la ville, sur eux, et le monstre fit un premier pas lent mais titanesque qui fit à nouveau trembler la terre, en entama un second.
Droit vers Cydonia.

« Je dois rejoindre les forces de Cydonia, les zélotes et les soldats ne vont sans doute pas tarder à effectuer une sortie pour renvoyer ce monstre d’où il vient. Ce combat n’est pas le vôtre, vous êtes bien entendus libre de partir si vous le désirez. »

La voix de la directrice, qui sur ces mots et un dernier salut disparut en toute hâte dans le couloir, sortit la jeune femme de sa torpeur. Elle prit soudain conscience des cris et de l’agitation tout autour d’elle. Jiven lui répéta qu’elle n’avait pas l’obligation de participer à ce combat, avant de quitter la pièce. L’Almer suivit avec un temps de retard ; il était hors de question qu’elle reste en arrière. Elle s’en était assez voulu de son impuissance.
Mais lorsqu’elle arriva devant leur ennemi, elle comprit qu’elle risquait de n’être d’aucune aide.
S’attaquer à ce monstre à mains nues relevait de la folie pure, le faire avec son épée à la main était à plus sensé. L’Esprit ne lui serait guère plus utile, et elle ne possédait aucune autre arme, aucun autre pouvoir.
Finalement contrainte de rester en arrière, elle observa, l’estomac noué, Naly qui tentait de le retenir avec des lianes et de placer des embûches sur son chemin en modifiant le sol, tandis que le directeur du Temple s’acharnait à mettre en place une subtile illusion pour le détourner du Joyau. Soldats et Zélotes étaient sans doute en chemin, mais arriveraient-ils à temps ?
Iréa se creusait les méninges, cherchant avec désespoir un plan pour abattre la créature, la ralentir, l’empêcher de massacrer Cydonia, ou n’importe quelle information à son sujet dont elle aurait pu se souvenir…Aussi rageant que cela pouvait paraître, c’était la seule façon dont elle pouvait leur venir en aide.
Devaient-ils le repousser dans les profondeurs, tenter de le renvoyer d’où il venait ? Essayer de faire brûler les écorces qui recouvraient son corps ? Fallait-il s’attendre à ce que d’autres adversaires sortent de la faille ? Etait-il à l’origine du tremblement de terre ? Pouvait-il à nouveau déchaîner les puissances telluriques ?
Telluriques…
Le mot alluma comme une lumière dans l’esprit de la jeune femme.
Elle savait maintenant, elle l’avait déjà vu !
La page du vieux livre écrit en elfique était intacte dans sa mémoire, un dessin qui le représentait tel quel l’avait sous les yeux, immense et terrifiant, hurlant de colère vers le ciel.
Et, en bas à droite, la légende finement calligraphiée qui disait : Le Titan Tellerius.
Voyons…Il représentait l’élément terre, et il était lié au royaume des morts, lui semblait-il.
Oui, c’était ça ! Il gardait le royaume des morts, le protégeant pour empêcher les vivants d’y descendre ou les morts d’en remonter.
Et si c’était un Titan, ils ne pourraient pas à en venir à bout…Seulement le renvoyer d’où il venait. Si seulement elle arrivait à s’en souvenir !
En attendant, elle pouvait toujours faire circuler l’information…

**Maître ! Dame Caelan ! Je connais ce monstre, j’ai lu sa légende dans un livre. C’est Tellerius, le Titan de la Terre. Il existe un moyen de le renvoyer chez lui…J’essaie juste de me souvenir lequel ! ajouta-t-elle avec une sorte de rage.**

Les laissant faire ce qu’ils pouvaient avec ces informations parcellaires, elle mit toute sa concentration à fouiller sa mémoire avec acharnement. Elle était persuadée de l’avoir lu…L’information qui pouvait les sauver était là quelque part, elle le savait.
Mais elle n’avait pas le temps de chercher…Elle ne pouvait pas se permettre d’attendre que des gens se sacrifient pour essayer de ralentir Tellerius.
Qu’ils se sacrifient…
A nouveau, le mot alluma une étincelle dans l’esprit d’Iréa, étincelle qui devint vite un brasier aveuglant de clarté, la laissant pantelante de stupeur.
D’un pas vacillant, elle vint se placer près de Jiven, légèrement en retrait.

« Maître, je me souviens…Tellerius est aussi le gardien du royaume des morts, il en protège la frontière avec notre monde. Et pour le renvoyer d’où il vient…L’unique moyen…Il faut…un sacrifice. Que quelqu’un se jette dans le gouffre, volontairement. Pour protéger les autres, c’est important. Il faut un acte…désintéressé, pas la recherche d’une gloire personnelle. Il ne faut pas vouloir devenir un héros, il faut vouloir…sauver Cydonia. »

L’Almer avait débité tout cela d’une voix hachée, automatique, comme en transe. Elle pensait leur apporter un espoir, celui que cette menace pouvait être vaincue…Finalement, elle leur annonçait que quelqu’un devait mourir pour qu’ils puissent tous vivre.

Tellerius, le Titan protégeant les entrailles de la Terre …
Nul mort ne pouvait espérer se frayer un chemin pour retrouver la chaleur du soleil et le doux sourire des vivants. Nul vivant ne pouvait espérer se frayer un chemin pour retrouver l'âme perdue, le frère tombé au combat ou le fils mort-né. Il veillait au grain, accomplissant sa tâche avec dévouement, ne s'accordant ni trêve, ni pause. Le monde avait besoin de lui car il était l'équilibre, celui qui permettait la vie comme le trépas. Il était le gardien des portes du monde souterrain et son long silence venait d'être brisé. Les entrailles s'étaient déchirées, les cœurs s'étaient brisés, le monde lui même était sur le point de disparaître et c'était pour cette unique raison que Tellerius, le Titan de la Terre, le gardien du royaume des morts, était monté à la surface. La voie se devait de rester close et il se devait de la garder. Du monde d'en bas provenaient déjà les cris de ceux qui espéraient se frayer un chemin dans les entrailles de la terre. De ceux qui ne voient jamais la lumière des vivants, Tellerius n'était que le gardien et son destin était lié à celui du Maître.

Tandis que certains bravaient l'interdit et remontaient de la faille, les soldats alentour se figèrent pour la plupart. Certains reconnaissaient un frère, d'autre une femme, un enfant mort trop tôt, mais tous savaient la vérité au plus profond d'eux, « les morts ne pouvaient hanter les vivants ». Et pourtant, n'était-ce pas le bleu de ses yeux ? La rousseur de ses cheveux de feu ? Les vivants étaient désormais confrontés au regard vide de ceux qu'ils avaient aimé et chéri la veille. Ces derniers, inexpressifs, comme happé par la lumière de ce monde qu'ils n'avaient que trop longtemps délaissés, se dirigeaient déjà vers le Joyau ce fut bien entendu sans la réaction du Titan. Gardien de l'Outre monde, Tellerius était la dernière porte et elle se devait de rester fermée à tout jamais. D'un geste brusque, le monstre lança sur les êtres une attaque qui les fit reculer. Prêt à tout pour vivre, y compris ce semblant de vie qu'on leur avait promis, voués à tuer la chair de leur chair pour continuer leur propre existence, ces derniers repartirent aussitôt vers la cité, sans prendre peur des attaques du géant.
Son rôle était de garder la porte, de fermer le passage et de protéger l'équilibre des deux mondes, mais aussi d'obéir au Maître, rendant ainsi la tâche compliquée. La porte devait rester close, la porte devait rester à tout jamais fermée au monde … Le titan se tourna dans leur direction, abandonnant la cible première que pouvait être le Joyau, source du mal, celle que lui avait donné le Maître en personne. Sans sentiments, sans émotions, il se contenta de repousser les morts vers la faille afin de protéger les vivants bien que ce ne fusse pas ce qui était attendu de lui aujourd'hui. Ceux dont le cœur battaient encore qui tentaient de l'en empêcher rejoindraient bientôt leurs ancêtres.

« Seul un cœur pur peut fermer la faille, seul un acte désintéressé peut renvoyer le Titan garder la frontière. »

La jeune Templière avait raison, aussi cruelle soit la vérité, aussi froide soit la réalité, seule la mort d'un innocent ramènerait l'ordre et l'équilibre. Plonger dans ce gouffre n'offrait que mort et trépas, sans nul doutes, et tous autour de l'Almer en étaient conscients. Tellerius n'était que le gardien des âmes égarées, celui qui fermait la porte de l'Outre monde à double tour pour la gloire du Maître. La paix se devait d'être préservée pour que la vie puisse à nouveau prospérer. Qu'avait à perdre la Cydienne si ce n'était cette existence ? Ce fut sans hésiter, dans un acte aussi courageux que héroïque, qu'elle prit la direction de la faille béante qui zébrait le paysage, telle une cicatrice sur le corps d'un enfant.

« Seul un cœur pur peut fermer la faille, seul un acte désintéressé peut renvoyer le Titan garder la frontière. »

La phrase résonnait dans le cœur de ceux qui savaient. Tous auraient aimé prendre sa place mais nul n'en eut le courage car seul un cœur pur pouvait aller au sacrifice, seul un acte désintéressé pouvait sauver Cydonia la belle. Le cœur des Templiers n'étaient pas encore prêt à se sacrifier pour cette cité, aussi juste et noble que fusse leur cause, Jiven comme Iréa se sentaient sans doutes incapables de prendre cette décision. Ce n'était pas leur cité, quand bien même œuvraient-ils pour la paix, leur acte en serait-il alors désintéressé ?
La jeune femme jeta sans doutes un dernier regard empli d'amour vers sa cité natale. Cette ville qui l'avait bordée nourrisson, l'avait nourrie enfant et qu'elle avait protégée adulte. C'était son dernier acte, sa dernière parole d'amour envers son Joyau et tous ici bas se souviendraient de son courage. Son sourire comme son visage serein dans la mort resteraient sans doutes à jamais gravés dans le cœur de ceux qui avaient assisté à la funeste scène. Tandis que son corps rejoignait son amant, que son esprit s'éteignait, apaisé, le sol craqua sinistrement.

La voix de Tellerius raisonna quelques minutes encore après que la faille se soit refermée. Lourde de sens, pleine de sentiments indéchiffrables, le Titan était reparti, emportant avec lui ceux qui avaient tenté de briser l'équilibre. Fragile, instable, il paraissait d’autant plus faible désormais bien que la faille se fusse refermée. Des conséquences devraient être tirées, des décisions devraient être prises car le Maître était dangereux. Ce monde tel que nous le connaissons semble fragile et sans doutes Tellerius n'était-il que la première pièce d'un puzzle complexe.

[ Désengagés ]
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