[ Ouh ouh, j'ai galéré xD ]

Je n'avais pas foutu les pieds au Temple depuis quelques temps, à vrai dire, si j'aimais bien y aller, je ne me sentais pas non plus suffisamment à ma place pour y demeurer. Si les relations avec Jacen s'étaient améliorées, et même très nettement il fallait bien l'avouer par rapport à nos débuts, je sentais encore que nous n'étions pas prêt à vivre en harmonie. De plus, j'avais tellement de choses à faire, de responsabilités en tout genre qui me retombaient dessus qu'être au Temple me culpabilisait. Je me disais qu'à perdre mon temps ici, j'aurais été plus utile pour ma cité à Erathia ou au palais maiiiis grâce à mon cher père, je bénéficiais d'un don que personne à Muria ne pouvait m'enseigner suffisamment bien et donc, je n'avais pas le choix. C'était soit je suivais les cours de Maître Jiven, soit je finissais rôties par les pensées de ces autres qui voulaient se frayer un chemin dans ma tête … J'étais venue de bien mauvaises grâces, il fallait l'avouer, et uniquement à la demande de Jelenna, pour changer. Mère disait toujours que Jel' obtiendrait tout de moi et elle n'avait pas tord. Fort heureusement, ma cadette était sage pour deux et ne me demandait que rarement des services et quand elle le faisait, il s'agissait toujours de « quelque chose d'urgent ». Enfin bon, la dernière fois, j'avais du me taper l'apprentissage du soin pour une écervelée qui se prenait pour ma meilleure amie. Merci du cadeau ! Cette fois-ci, je craignais qu'elle ne me réserve une surprise du genre lorsqu'elle m'avait simplement dit vouloir me voir. Bon, pourquoi pas, c'est pas qu'on se voyait au bal dans quelques jours – bal auquel elle m'avait forcé d'assister – mais presque !

Bon, le bal aurait lieu dans une semaine me semblait-il, ce qui me laisser le temps de retourner à Muria avant qu'elle m'y rejoigne et pour ma part, de terminer l'affaire dont j'avais pris la charge. Une histoire de Soumis – pour changer – troublait quelque peu la tranquillité des honnêtes citoyennes de la cité des femmes libres et une toute autre affaire me tenait à cœur. Mère avait eu vent d'une gamine capable de soigner mon frère et si je détestais l'idée de déléguer la tâche à quelqu'un là où j'aurais pu m'en charger, force était de constater que depuis l'accident, je n'étais parvenue à rien. Pour autant, je ne comptais pas confier Lùkhas à n'importe qui, quand bien même s'agissait-il de la fille du Consul en personne ! Elle aurait pu être la fille de Diane que ça n'aurait rien changé pour moi, tant que je n'en saurais pas plus à son sujet, elle ne poserait même pas un regard sur mon cadet et si Mère trouvait mon comportement excessif, je m'en foutais. Personne ne toucherait Lùkhas sans ma permission et ma bénédiction ! Et j'vous parle même pas des filles qui oseraient rôder autour de lui.

Bref, tout ça pour dire que je n'avais pas eu trop le choix et que j'avais décidé de ne passer que la journée au Temple, il y avait trois jours de cela … ouais ok d'accord. Mais une choses était sure, je repartais le soir même, j'attendais juste une dernière entrevue avec Maître Jiven pour fixer la date de ma prochaine visite. Si c'était plus simple par l'Esprit, je rechignais à ouvrir le mien au monde et s'il parvenait bien entendu à briser mes barrières le plus souvent, il préférait s'abstenir de le faire. Au final, je n'avais que peu vu ma sœur, elle s'était empressée de me raconter ses journées et, comme à chaque fois, je l'avais écoutée avec patience. C'était étrange d'ailleurs, j'étais loin d'avoir cette qualité par nature mais avec Jel', ça avait toujours été particulier. Le lendemain, j'avais suivi l'entraînement que m'avait réservé le Directeur et aujourd'hui, je n'avais pu que la croiser.

« Aerin est revenu parmi nous » m'avait-elle annoncé en m'expliquant toute l'histoire. Elle avait insisté sur le fait qu'elle n'avait pas pu réellement le voir, ce qui me rassurait grandement de par ailleurs, et sur le fait qu'il l'accompagnerait sûrement au bal. Jusqu'où allait son pouvoir de persuasion ??

L'histoire du gamin m'attristait, je devais bien l'avouer. Pas que je l'apprécie des masses – forcément, ce crétin tournait autour de ma sœur avec des envies trop visibles – mais je trouvais triste sa situation. Il était difficile de perdre sa mère, encore plus de se sentir rejeté par ceux qui avaient jusque là montré leur soutient. Je plaignais ce pauvre gamin que le monde semblait à tout prix vouloir rejeter et je me revoyais en lui. Bon pas trop non plus, je ne comptais pas devenir sa meilleure amie à lui non plus ! Jelenna était attristée par sa situation et je savais que cela n'était pas uniquement du au seul fait qu'ils soient amis. Elle entrerait bientôt dans un âge où ce genre de relations ne me plairaient pas mais si je ne pouvais pas l'entendre, il me faudrait l'accepter un jour. Un jour lointain, pas touche à ma frangine bordel ! Quoi qu'il en soit, ce fut avec le sourire qu'elle m'annonça qu'il avait enfin trouvé un maître pour le former ici. Je savais que pour elle, cela signifiait qu'Aerin resterait au Temple de façon définitive et que c'était ça qui la rassurait.

« Evenor a été choisi par Maître Jiven pour former Aerin ! »

La nouvelle m'avait fait un choc.
Je ne savais pas pourquoi mais elle m'avait perturbée. Déjà que je n'avais pas apprécié du tout le choix de Jacen et de Maître Jiven concernant Jelenna, ils étaient tombés sur la tête là où quoi ? Le môme était paumé, meurtri et on lui refilait le plus délirant des professeurs de cette école ? Ils étaient tarés ou quoi ? Déjà que la pétasse blonde s'occupait de ma petite princesse bis, maintenant ils refilaient au clown l'estropié ?
Je n'avais rien dit, j'avais laissé la petite repartir suivre ses cours et, pour ma part, j'avais ouvert -enfin- mon Esprit aux autres dans l'unique but de LE chercher. Il ne me fallut pas longtemps pour « entendre » tout un tas de sentiments me pourrir le moral mais je parvenais à le trouver rapidement. Bien, parfait. Je fermais aussitôt mon Esprit, replaçant chaque pierre à son emplacement d'origine puis, sans hésiter, je me dirigeais vers notre futur point de rendez-vous.

Tandis que je le voyais approcher, je m'adossais au mur et posais mon pied gauche sur ce dernier pour me soutenir, la jambe opposée restant bien droite, ancrée dans le sol. Les bras croisés, un sourire léger flottant sur les lèvres, je lui lançais d'un ton ironique mais néanmoins amical :

« Alors en plus de t'avoir fait Templier, on te confie un gamin ? A croire que Maître Jiven ne tient pas à son fils. », je souriais enfin malicieusement avant d'ajouter, « Je dois te féliciter je suppose ? »

J'attendais, adossée au mur du couloir, un sourire sarcastique sur les lèvres, tandis qu'il semblait avoir croisé un fantôme. Ok je ne venais pas souvent, ok je ne le croisais pas non plus souvent quand je venais m'enfin quand même, c'était un peu vexant de voir que je comptais si peu pour lui ! Genre ça faisait si longtemps qu'on ne s'étaient pas vus ? Ah oui, peut-être bien en fait, c'était possible maintenant que j'y réfléchissais un peu plus sérieusement … Bon d'accord, je lui accordais celle-là, juste pour une fois. Il m'avait manqué, lui et son petit air subtile qui adorait mater les filles du coin de l’œil. Son éternelle volonté à mater les filles, piquer leurs sous vêtements et tout le tintouin me faisait plutôt rire, tant qu'il ne s'en prenait pas à moi ou à ma petite cadette. Je pense qu'il était conscient de toute façon qu'il valait mieux éviter de trop s'en prendre à mes affaires, ma sœur y compris parce que de mémoire, je n'avais pas souvenir qu'il ai tenté quoi que ce soit un jour, même la plus infime blague. Non, en général, il s'arrêtait aux vieux sous entendus lubriques et aux petites piques verbales que j'affectionnais tant. C'était comme ça que j'aimais notre relation, amicale, personnelle mais foutrement déjantée.

Je savais qu'il répliquerait à ma pique, parce que ça avait toujours fonctionné comme ça depuis le départ et je soupçonnais même maître Jiven de nous avoir présenté en ce sens. Le Directeur était quelqu'un de pragmatique, qui savait du premier coup d’œil ou presque juger et jauger les autres alors quelque part, je ne pouvais pas m'empêcher de penser qu'il avait fait exprès de nous présenter pour que l'un comme l'autre, nous nous apportions mutuellement. Je ne parvenais juste pas à comprendre ce que ce guignol pouvait m'apporter à part le sourire. Et encore.

« Ma main t'a manquée aussi ? » répliquais-je à sa première pique.

J'avais l'habitude qu'il matte tout ce qui bougeais, moi y compris bien que je ne vois pas vraiment pourquoi. Ne vous méprenez pas, j'étais consciente d'attirer le regard, de toute façon, n'importe quel cul aurait attiré le regard d'un mâle, mais je me demandais juste ce qu'on pouvait trouver à une veuve et mère de surcroît. Si j'avais été un homme, et je préférais ne pas y penser, je crois quand même que j'aurais évité ce genre de femmes … Par principe. Et puis la logique et le prudence voulaient qu'on évite de toute manière une Amazone non ? D'accord, ce n'était pas marqué en gros sur mon visage mais lui le savait. Enfin, il y avaient des fous partout.

« Je vois que tes passes temps ne changent pas, c'est triste à ton âge ... » continuais-je du même ton que le sien, cherchant à le piquer au vif, « Que tu piques les culottes d'Asora passe encore, mais t'es chargé du mioche alors veille à ce qu'il ne s'approche pas trop de ma sœur. J'aime pas qu'il la colle et je ne veux même pas imaginer ce qu'il deviendra avec toi pour maître. »

Je n'aimais pas trop que le gamin soit aussi proche de Jelenna. La petite princesse bis était trop gentille à mes yeux, trop douce avec ce petit crétin de dépressif. Il posait sur elle des yeux qui brûlaient d'amour et ça m'énervait, rien que de penser à ce que LUI pouvait penser. C'était un peu aussi le but de ma visite quelque part, je devais bien avouer qu'être dans la tête du morveux ne me tentait pas mais Evenor lui avait du avoir quelques idées.

« Il est amoureux d'elle, tu le savais ? J'te conseille de le pousser dans ce sens tiens ! Et puis, je suis pas sûre que le petit dépressif soit entre de bonnes mains avec toi, tu me permets d'en douter ? »

Mince, « défectueux » c'était mieux dans le cas du mioche non ? Bah je m'en foutais, je savais qu'il existait un lien fort entre maître et élève et c'était bien là dessus que je comptais m'amuser un peu. Gentiment quoi. Après, je venais peut être bien de donner à Evenor un excellent moyen de m'embêter sur le long terme, en poussant le fils du Directeur dans les bras de Jelenna mais bon, ce n'étaient que des gamins et Aerin avait trop la trouille de ma rapière pour agir. Arg, voilà, je m'éloignais du sujet. Bon, revenir à l'instant, à ce petit jeu qui me plaisait tant tout en restant sérieuse. Dur dur de trouver une idée.

« Toujours célibataire pas vrai ? Sinon, je suppose que tu n'en serais pas réduit à voler des culottes pour satisfaire tes fantasmes. »

Le ton était égal à lui même, de toute façon, je savais qu'il ne le prendrait pas mal, c'était notre jeu, notre délire à nous et ainsi qu'on avait toujours fonctionné. Que les autres ne comprennent pas ne me perturbait pas le moins du monde, en réalité, peu m'importait le regard des autres sur ma personne, s'ils avaient un problème, qu'ils viennent, et nous réglerions cela dans l’arène.

[ Ah ah désolée ... j'ai eu une panne d'inspiration en plein milieu ! ]

C'était notre jeu. Notre truc à nous que de nous chercher et de nous trouver. Il n'y avait pas de maillon faible entre nous, l'un prenait le pas, l'autre revenait à la charge sans réfléchir. Le jeu était toujours comme ça entre eux et ni lui ni moi ne nous en étions jamais plaint. Au fond, c'était un peu comme un secret qu'on partageait à mi-mot. Dans tous les cas, j'attendais avec impatience sa réponse de sorte que je trépignais presque d'impatience mais pour le moment, il demeurait silencieux. Je l'observais pendant les quelques laps de temps qu'il m'accordait et je prenais à le trouver plutôt attirant. Pour un Elfe il s'entend. Je le trouvais également plus mature qu'auparavant et plus adulte aussi peut-être même si son sourire d'adolescent effarouché me contredisait. Quoi qu'il en soit, j'avais l'impression que quelque chose avait grandi en lui et je me demandais si quelque chose changerait entre nous en conséquence. De tous, Evenor était celui en qui j'avais ou presque le plus confiance. Il était celui qui avait toujours su me comprendre sans que j'ai besoin de parler. Il était celui qui lisait en moi comme dans un livre ouvert et qui m'emmerdais avec autant de vigueur que j'avais l'obligation de sourire et de reprendre du poil de la bête. Il était l'un des hommes en qui j'avais le plus confiance. Qu'il me trahisse, qu'il me tourne le dos et je le tuerais.

Je le sentais changé comme si devenir maître ou faire des missions ou je ne sais pas quoi l'avais obligé à grandir et quelque part, j'avais un peu peur de ce changement. Je n'aimais pas le changement, je n'aimais pas du tout ça. Feanaro avait tellement changé avant de mourir … Il était devenu quelqu'un d'autre, comme un mirage, un fantôme de l'ancien Capitaine qui avait su voler mon cœur et emprisonner mon âme. Je l'avais maudit et détesté d'avoir changé et de m'avoir trahie. Le changement m'avait toujours fait peur, je crois d'ailleurs que c'était pour ça que j'avais détesté mon père. C'était plus facile de ne pas l'écouter que de chercher à reconstruire … J'avais mis du temps à m'en rendre compte, trop de temps sans doutes. Je n'aimais pas cependant cette sensation et je le jalousais de parvenir à avancer quand tout autour de moi semblait figé par le temps. Je crois que je flippais tout simplement qu'il ne change et que notre relation se tarisse. Si tel était le cas, je ne sais pas comment je réagirais. Mal sans doutes en me connaissant.

Je me demandais si ses responsabilités nouvelles ne l'avaient pas obligé à changer. A vrai dire, je l'avais toujours vu comme un gamin, rieur, taquin mais un gamin quand même. Il n'avait jamais été bien malin ou en tout cas, il ne l'avait jamais vraiment montré. Il était toujours tête en l'air, drôle, à chercher des noises aux filles. Bref, le parfait crétin et pourtant, j'avais toujours été attirée par lui, par sa présence rassurante et son sourire franc. Dans les yeux d'Evenor, on sentait la sincérité plus que tout. Avoir un élève devait l'avoir changé.

La pique suivante me piqua au vif. Quoi ? Maîtriser moins bien l'Esprit que ce crétin ? Ou pas. Je le maîtrisais bien mieux que je ne voulais le laisser l'entendre mais je ne supportais pas ce « don ». Je le voyais comme une malédiction, un malheur permanent qui pourrissait la vie de ceux qui le possédait. Alors non merci, je préférais que l'on croit que j'étais une brêle, ça me donnait un avantage certain sur mes adversaires et me permettait d'être tranquille. Mais bon … qu'il me dise que j'étais moins bonne que lui, ce qui était la vérité pure et dure, me faisait mal. Je tentais de le cacher dans une réplique cinglante.

« J'aime pas me balader dans les pensées des autres et j'aime pas qu'on vienne trifouiller les miennes. Si tu étais si doué, tu parviendrais à savoir ce que je pense. »

Evenor était doué, bien plus que moi, mais en revanche, il n'arrivait pas encore à faire tomber mes barrières mentales. C'était la seule chose pour laquelle j'étais meilleure que lui : dresser un mur infranchissable que même Jelenna ne parvenait pas à faire tomber. Me protéger des autres était devenu une habitude et une nécessité, pour eux comme pour moi.

« T'es pas obligé de me le dire, je sais très bien que ce petit con aime ma sœur et je sais aussi qu'elle l'aime mais Jel' est jeune, elle est encore naïve et a le temps d'apprendre. »

Je me rendais compte en prononçant ces paroles que j'avais tord mais je ne voulais pas l'admettre. J'avais peur du changement, peur de tout ce qui pouvait faire que mon quotidien vole de nouveau en éclat mais je ne pouvais pas l'avouer. Surtout pas à Evenor. Sans doutes n'aurait-il même pas cherché à se moquer, encore moins à me blesser mais je ne sais pas, je me disais que je ne pouvais pas le lui dire. Pourtant, je sentais ce sentiment beaucoup trop lourd pour mes épaules et je savais que j'allais craquer … Je savais que lui seul pourrait comprendre.

« Je sais que le gamin va mal, je sais aussi qu'ils s'aiment mais ils sont trop jeunes. Je n'ai pas envie, pas tout de suite. J'ai … j'ai la trouille du changement, je ne veux pas la perdre une nouvelle fois. »

Ben voilà, c'était fait. Je me demandais au fond si j'avais eu raison de lui avouer, en fait, je n'avais jamais compris pourquoi je parvenais toujours à me confier à lui sans de grandes réserves. Au fond, je crois que je ne voulais même pas avoir la réponse. La situation me plaisait telle quelle.

« C'est évident ! Mon elfe préféré ? Je crois l'avoir déjà perdu », je me reprenais, consciente d'avoir pourri l'ambiance « Comme si j'en avais quelque chose à faire de tes conquêtes et comme si tu pouvais m'intéresser. T'imagine nous deux ensemble ? »

C'était toujours comme ça entre nous. L'un lançait une pique, l'autre répondait jusqu'à ce que la discussion dégénère, que l'un regrette, que l'autre aussi et point final. Les choses ne changeaient pas et, dans ces temps où tout ou presque filait entre mes doigts, j'étais rassurée de voir que même si la discussion partait en vrille, rien ne changeait ou presque entre nous. Je savais également qu'il me connaissait suffisamment bien pour comprendre que mes piques n'étaient pas spécialement fondées et pensées ou encore, que mon humour était bien à moi. Il était conscient que je m'inquiétais pour Jelenna, à n'en point douter. Je me doutais qu'il savait également que j'avais peur de perdre non seulement la petite, mais de la laisser entre de mauvaises mains. Aerin était amoureux d'elle, ça crevait les yeux, et ma petit sœur ressentait la même chose, inutile de sortir de Muria pour le deviner cependant, je n'étais pas persuadée qu'il serait à même de la protéger. Ce n'était qu'un gamin. Paumé et totalement taré en prime !

Lui et moi avions partagé pas mal de choses, de celles qu'on ne peut pas oublier. Je n'étais pas dupe, je savais que son entêtement à vouloir absolument me donner le sourire quand Jel' était aux griffes de l'autre timbré n'était pas simplement de l'innocence. Durant toute cette période, il avait tenté, à l'image de Maître Jiven ou de Jacen de me protéger, à sa façon. Sa meilleure arme était le rire et je dois bien avouer que ces moments avaient été étranges certes, parce que je n'avais pas l'habitude qu'un homme fasse attention à moi, mais agréables et salvateurs. Je pense que s'il n'avait pas été là en ces temps, jamais je ne m'en serais sortie indemne … Quand Feanaro était parti, quand il avait décidé de choisir ma vie à la sienne, Evenor avait été là une nouvelle fois. Je n'avais rien demandé, je n'avais pas cherché son aide mais il était venu me trouver. Nous n'avions jamais parlé de mon fiancé, pas une seule fois évoqué sa mort ou les circonstances mais sa présence m'avait rassurée, elle m'avait permis d'avancer sans trop de craintes. Je ne le lui avouerais pas – de toute façon, je me doutais qu'il en était conscient – mais il avait été un réel soutient et un pilier solide sur lequel je n'avais pas hésité bien longtemps à m'appuyer.

La mort du Capitaine Galathil était encore dans mes pensées. Chaque matin où je voyais s'éveiller notre petite fille, Aedan, je me revoyais à ses côtés. Je ne pouvais pas m'empêcher de me demander « serait-il fière d'elle ? » en la voyant me montrer ses progrès en lecture ou en écriture. C'est qu'en plus d'avoir ses yeux, la petite avait hérité de son assiduité au travail ! Même pas quatre ans et elle s'évertuait à vouloir apprendre à écrire et lire avant ses oncles et tantes. Elle était une vraie boule d'énergie à l'état pur qu'il était bien difficile de canaliser. Je me demandais souvent comment son père aurait réagi avec elle. Parfois, en la regardant dormir, je me prêtais au jeu des rêveries et m'imaginais Feanaro, lui contant une histoire dont il était le héros ou encore, la réprimandant pour une bêtise. Là en était ma relation avec le mort depuis tout ce temps, je n'étais pas parvenue à l'oublier, encore moins à l'effacer de ma vie car il m'avait laissé un souvenir précieux mais également douloureux de lui : son sang. Cependant, je ne tenais pas à me montrer faible une nouvelle fois, le temps avait passé, j'avais dépassé tout cela ! Je ne voulais pas inquiéter plus que nécessaire Evenor qui ne m'avait que trop aidée jusque là.

J'avoue que ma réplique était là uniquement pour détourner l'attention, ce n'était pas plus mal après tout. Je le surpris à rougir mais je ne m'y attardais pas, sans doutes qu'il ne s'attendait pas à ce genre de piques et j'étais bien contente de l'avoir surpris. Je me demandais ce qu'il trouverait à répondre et j'attendais avec impatience, que le jeu reprenne, qu'il éloigne à nouveau ces noires pensées de mon esprit. Comme quoi, je n'étais pas encore prête pour le sevrage ! Je le regardais s'avancer sans vraiment réagir, le jeu était toujours à la limite de tout alors ce n'était pas spécialement dérangeant. De plus, il était parmi les seuls hommes à pouvoir m'approcher sans risquer de se faire éventrer. A ce titre, Maître Jiven et Ashrand étaient les autres rares exceptions. Toutefois, je ne pus m'empêcher de rougir et de détourner la tête lorsqu'il ne fut plus qu'à quelques centimètres. Il m'embrassa sur la joue. C'était idiot ! Puérile ! Stupide ! Quel gamin ! Mon cœur s'était emballé et, furieuse, je le repoussais d'un mouvement de bras … Il ne fit qu'un pas en arrière, comme quoi, je perdais vraiment les pédales !

« Y croire ? Qui pourrait croire qu'une princesse s'abaisserait à embrasser le crapaud ? »

J'avais répondu sur la défensive, ne sachant pas vraiment quoi dire. Il fallait bien avouer qu'il m'avait prise au dépourvue et que je ne m'attendais pas vraiment à cela. Quel dragueur invétéré ! Comme si je pouvais me laisser prendre au piège de son manège ! Je l'avais vu faire avec tellement de filles, pire encore, j'avais les hommes le faire tellement de fois. Ce genre de choses n'étaient pas pour moi.

« Comme si une fille pouvait rivaliser avec moi. Avoue plutôt que je suis trop bien pour toi, je ne t'en voudrais pas ! » répondis-je en riant.

Je n'avais pas peur des éventuelles prétendantes, j'étais une princesse amazone, quand je voulais quelque chose, je l'obtenais, par la force ou la ruse peu importait. Les hommes ne m'intéressaient pas, pas plus que les femmes. Tous ceux qui m'approchaient avaient un destin funeste. Feanaro était parti, suivi de North, les hommes m'étaient donc interdits et cela n'était pas plus mal. La lignée assurée, je n'avais pas besoin de faire courir un risque à qui que ce soit, surtout pas à lui. Pourquoi ? Aucune idée, c'était juste comme ça point final.

« Si elle est si folle de toi, pourquoi ne pas sortir avec elle et te caser une bonne fois pour toute ? C'est peut être le moment tu ne crois pas ? Quoi que je t'aurais vu plus avec la pétasse blonde qu'avec Amily tu vois. » le taquiner était quelque chose de vraiment sympathique, « Tu sais, à force de faire fuir toutes les filles, tu risques de finir vieux garçon. Tu imagines ? Obligé de baver sur les nouvelles recrues sans pouvoir les toucher ? C'est pas ton genre. Tu ne veux donc pas te marier ? Fonder une famille ? »

Je n'avais aucune idée du pourquoi du comment j'en étais venue à lui poser ces questions ni pourquoi je m'y intéressais. Mais au final, je m'en foutais, j'avais envie de poser les questions et peu importait ce qu'il en penserait. J'assumais totalement ma curiosité. Par contre, en posant ces questions, je me rendais compte d'une chose, autant nous parlions beaucoup tous les deux de choses et d'autres, autant Eve ne m'avait jamais parlé de sa famille. C'était plutôt bizarre parce qu'on parlait beaucoup …

« Je ne t'ai jamais demandé, tu as une famille quelque part ? J'veux dire, je ne t'ai jamais entendu en parler, c'est plutôt étrange non ? »