[Terminé][155][F-E](Flashback) Un coeur lourd... ou deux (PV Ewan)

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Ça y est, le moment est arrivé. J’ai dit à Ewan que je lui raconterai le pourquoi du comment... Il y a quelques jours, nous avons affronté un Templier du Crépuscule déjà mort et l’avons éliminé aux côtés d’Aerin. Je savais comment le vaincre et cela pour une raison bien particulière : j’ai combattu mon père sous la même forme. Mystérieusement décédé quelques temps auparavant, il est revenu à la vie par je ne sais quel sortilège et est venu à ma rencontre pour me tuer, prendre ma vie pour l’offrir à celui qu’il appelait Maître. Je n’ai pas cherché le fin mot de cette histoire et me suis contentée d’avertir Maître Jacen du problème... Je ne veux pas savoir ce qui permet de ramener les gens à la vie car même le soin de le peut pas. C’est effrayant et je ne veux plus revivre cela. Mais quelque chose de plus effrayant m’attend maintenant... du moins, j’en ai l’impression. Car même si j’adore mon frère, j’ignore comment il va réagir à cette annonce, à ces explications que je vais lui fournir.

Je n’aimais pas nos parents, Ewan non plus, je le sais, j’ai pu le sentir à plusieurs reprises. Seulement, j’imagine qu’il aurait aimé régler ses compte un jour où l’autre, discuter avec eux et, même si je l’ai fait pour me défendre, j’ai bel et bien tué notre père... définitivement, je l’espère, cette fois. En fait, je ne l’espère pas. Parce que j’ai bien senti qu’il m’aimait lorsqu’il est parti, lorsque je l’ai éliminé. Il s’est excusé et j’ai pompé ses mots comme si je les avais attendus toute ma vie durant. Je les ai attendus et les entendre ce soir-là m’a fait plus de bien que n’importe quelle autre discussion que j’aurais pu avoir avec lui s’il était encore là. Pourquoi a-t-il fallu que je mette fin à ses jours pour qu’il prenne conscience de son amour pour moi, cet amour que j’ai désiré toute mon enfance, à la place de cette indifférence, de cette haine, parfois ?

J’ai donné rendez-vous par l’Esprit à mon frère dans ce jardin que j’affectionne particulièrement. Mais l’endroit a moins bonne mine que d’habitude. Malgré que nous soyons encore en été, le ciel et couvert et les éclairs annoncent un bel orage. Ce dernier reflète probablement mon humeur du moment... avant de pouvoir repartir sur de bonnes bases, il va falloir que la tempête éclate. Voilà les premières gouttes qui tombent et, en l’apercevant un peu plus loin, mon cœur rate un battement. Il ne réagira pas mal, je veux m’en convaincre. Mais pourquoi alors qu’il se rapproche, je sens ma gorge se nouer ? Pourquoi, alors qu’il est maintenant tout près de moi, je ne peux pas empêcher l’averse de mes yeux de s’écouler ? Sans pouvoir parler, je commence par me blottir contre lui. Il devinera facilement que ce que je m’apprête à lui dire n’est pas anodin... non, il le savait déjà.

Je ne savais pas ce que voulait Auween lorsqu'elle me contacta par télépathie et j’eus beau lui demander, elle ne voulut pas répondre à mes questions dans l'immédiat. Nous fixâmes un rendez-vous dans les jardins du Temple où, je l'espérais, elle me révélerait ce qu'il y avait de si urgent qu'elle ne pouvait attendre que nous nous voyions pour me le dire. J'étais certes un peu occupé pour le moment mais si ma sœur avait besoin de moi, c'était sans hésiter que je laissais mes activités sur le côté. Ainsi, après m'être brièvement excusé auprès de ma partenaire d'exercice, je rangeai l'arme de bois et je quittai la salle d'entraînement pour me diriger ensuite vers l'endroit où nous avions convenu de nous retrouver. Si elle m'avait appelé ainsi, ce devait forcément être important. Je connaissais ma jumelle mieux que personne, elle n'était pas du genre à faire cela dans le but de me déranger, d'autant que l'Empathie me permettait de sentir son malaise.

Si les jardins étaient vastes, il ne me serait pas difficile de la retrouver. Tout d'abord parce qu'elle allait toujours au même endroit mais aussi car nous étions en permanence reliés l'un à l'autre par l'Esprit. On ne pouvait l'expliquer mais c'était ainsi, certaines personnes développaient cette espèce de connexion entre eux. Entre un parent et son enfant, entre deux frères, ... d'obscures raisons faisaient que quelques rares élus devenaient reliés par bien plus qu'un lien de sang.
L'on m'avait plusieurs fois demandé si j'avais un semblant de vie privée avec tout cela, et la perspective que je puisse leur dire que non semblait intriguer les gens. Il était vrai qu'Auween pouvait quand elle le souhaitait savoir où j'étais et ce que je ressentais, sauf quand je fermais mon Esprit – chose que je faisais rarement, sinon jamais – et inversement, je pouvais comprendre que cela devait paraître étrange aux gens n'ayant jamais vécu ce genre de chose. De mon côté, il m'était difficilement imaginable qu'il en soit autrement. Non pas que je prenais plaisir à espionner ma jumelle, loin de là, mais il m'était rassurant d'être en tout temps avec elle, même lorsque nous étions éloignés physiquement. Notre enfance difficile et notre Sensibilité à l'Esprit avaient alors fait de nous deux des enfants aussi proches qu'un frère et une sœur puissent l'être, cela n'avait d'ailleurs pas change depuis. Nous avions développé une relation fusionnelle : il m'était inconcevable de vivre sans Auween et j'osais imaginer qu'il en était de même pour elle. Certes, il y avait eu quelques périodes secouées, où nous tendions à prendre du recul l'un à l'autre pour certaines raisons mais au final, nous revenions à chaque fois vers l'autre.

Lorsque je sortis du bâtiment, il commença à pleuvoir. Le ciel maussade ne présageait rien de bon, sans doute aurions-nous droit à de belles intempéries aujourd'hui. Enfin, la pluie froide me faisait du bien, les gouttes tombant sur ma peau me rafraîchissaient tant et si bien que je serais resté là quelques minutes si je n'avais pas chose plus urgente à faire.

« Auween, tu voulais me voir ? » demandai-je quand elle fut à portée de voix.

Elle ne répondit pas alors que j'avançais. Elle qui était si pleine de joie de vivre et toujours encline à parler de tout et de rien, la voilà qui demeurait silencieuse et vu son air, ça n'avait pas l'air d'aller du tout. Ce fut ma jumelle qui couvrit les derniers pas nous séparant et bien que ni la fine pluie ni le ciel ne facilitaient la visibilité, je crus distinguer des larmes perler de ses yeux. Je commençais à sérieusement m'inquiéter de ce qui lui arrivait mais je n'eus pas le temps de lui poser la question qu'elle vint se blottir contre moi. À cause de mon entraînement, je sentais la sueur mais cela n'eut pas l'air de l'indisposer, j'imagine qu'elle avait d'autres problèmes lui trottant en tête.

« Que t'est-il arrivé ? »

J'accompagnais ma question d'un vague d'apaisement, envoyée par l'Esprit afin de calmer la jeune fille. Je la pris alors dans ms bras et lui offrit un étreinte qui se voulait rassurante et sécurisante. J'ignorais ce qui avait pu la mettre dans cet état d'abattement mais cela me serrait le cœur de la voir ainsi. Le bonheur de ma sœur était à mes yeux plus important que mon propre bien-être, si elle allait mal, moi aussi...
Doucement, sans la relâcher, je reculais jusqu'à ce que nous soyons protégés de la pluie, une fois arrivés sous le porche de pierre. Je ne tenais pas à ce qu'elle soit trempée même si, pour ma part, l'être ne m'aurait nullement dérangé. Là, je la fis s'asseoir sur un banc où je pris place à ses côtés. Je cherchais quelques chose dans ses yeux d'anis, une réponse ou au moins un indice, que je ne reste pas dans le flou total quant à ce qui la mettait dans cet état.

« Dis-moi ce qu'il s'est passé... » lui soufflais-je en prenant ses mains dans les miennes, « Quelqu'un t'a-t-il fait du mal ? »

Je ne savais rien. Elle aurait pu être tracassée par n'importe quoi que je n'avais pas même un idée de ce que c'était. Inquiet pour ma jumelle, j'attendais patiemment qu'elle puisse me répondre entre deux sanglots.

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Sa voix... il me semblait que ça faisait un bon moment que je ne l’avais pas entendue. Pourtant nous avons combattu ensemble mais c’est comme si les instants passés précédemment n’étaient plus les mêmes que maintenant. Et la télépathie, c’est tout à fait autre chose que des voix... Nous avons grandi, c’est bien normal que nous agissions différemment, que nous soyons occupés. Ewan avait sûrement mieux à faire que venir me voir, d’ailleurs. À vrai dire, ce que je m’apprête à lui révéler pouvait attendre mais je me suis mis dans la tête qu’il fallait que je lui dise immédiatement, sans pouvoir vraiment digérer les derniers évènements. Si j’attends encore, ce que j’ai fait pourrait rapidement devenir un secret. C’est donc le mot « maintenant » qui résonne dans ma tête, alors que mon frère me rend mon étreinte et nous amène à l’abri de la pluie. Une fois installée sur le banc, je ne peux m’empêcher de l’étreindre encore tout en me demande de quoi j’ai peur, réellement. Je sais qu’il ne partira pas... Ewan n’est pas comme ça.

Grâce à l’apaisement qu’il me transmet toujours, je commence tranquillement à me calmer : mes sanglots s’espacent et mes larmes arrêtent de couler. Progressivement, je desserre mon étreinte et finis par réussir à croiser son regard. Je garde cependant sa main dans la mienne et, encore un peu tremblante, je commence à parler.

- Oui, je... je voulais te voir Ewan. Mais personne ne m’a fait de mal, c’est moi qui me suis blessée toute seule. Enfin, je vais trop vite en besognes... Tu te rappelles de notre affrontement avec ce Templier du Crépuscule à Silmarie, l’autre fois ? Eh bien ce que je veux te dire est en rapport avec cela. Je ne sais pas si tu te souviens de quelque chose que je t’aurais dit... oui, je t’avais dit t’avoir caché des choses. Je savais comment le battre, je savais comment aider tout le monde. Tu ne t’es pas posé la question de comment c’était possible ? Sûrement, comme Aerin a dû se le demander aussi. Quoi qu’il en soit, c’est de cela dont je veux te parler aujourd’hui : cette chose que je t’ai cachée, qui a fait que je sache comment venir à bout d’un mort-vivant, qui a fait que je me sente si mal aujourd’hui.

Je reprends mon souffle, avale ma salive. Le moment est venu. Je vois mon frère très attentif à ce que je lui dis, peut-être angoissé et inquiet de ce que je pourrais lui révéler.

- La dernière nuit sans lune... tu l’as remarquée aussi, non ? Au début de l’été... je n’ai pas dormi cette nuit-là. Parce qu’il m’arrive de repenser à nos parents, de me demander comment ils vont. Bien sûr, ils ne le méritent pas mais tu me connais, je suis comme ça... Puis quelqu’un a frappé à la porte de ma chambre. Je ne sais pas comment il a réussi à entrer sans que personne ne l’intercepte, peut-être que personne n’a vu ce qu’il était devenu. C’est quand j’ai ouvert la porte que j’ai eu le plus grand choc de ma vie je pense, mis à part l’attaque dont nous avons été victime la semaine passée. Ewan... c’était Père qui se tenait là, devant moi.

Je sens ma voix s’éteindre et mes larmes remonter dans mes yeux. Mais je secoue la tête et continue de garder courage. J’ai fait le plus dur : commencer à lui raconter.

- Rapidement, il... il semblait tellement pressé, tu sais ? Rapidement, il m’a demandé de le suivre pour voir Mère une dernière fois, soit disant qu’elle était gravement malade. Il s’est excusé de nous avoir si mal traités mais, malgré que je ne puisse rien ressentir avec mon Esprit, je savais que c’était faux... pourtant je l’ai suivi... j’ai suivi Père, avide de savoir pourquoi, cette nuit si particulière, il revenait me chercher et surtout pourquoi il ne t’avait pas prévenu. D’ailleurs, il m’a dit que je pourrais t’écrire, une fois arrivée là-bas, que tu nous rejoindrais plus facilement... Je... je ne savais pas quoi faire, je ne voulais pas te mettre en danger alors je me suis rendue injoignable.

Le regard probablement remplis d’expressions comme « pardonne-moi », je fais une légère pause pour éviter que les images de cette nuit de me submerge. Je laisse alors mon frère répondre à ce que j’ai déjà dit, me pardonner s’il le souhaite. Et je crois que je me suis trompée... je n’ai pas raconté le pire de cette histoire.

[HRP : j'aurais pu aller au bout du récit mais je ne savais pas comment allait réagir Ewan à ça, déjà. Si jamais tu n'as pas assez d'éléments pour répondre, dis-moi et je continue un bout. ^^]

J'ignorais si Auween parvint à se calmer seule ou si ce fut l’œuvre de mon esprit qui l'apaisa mais ne pas la voir fondre encore plus en larme me rassurait. J'espérais qu'elle puisse soulager ses maux en me révélant ce qu'elle tenait à lui dire, en parler lui enlèverait peut-être un poids, du moins l'espérais-je. Voir ma sœur aller aussi mal s'en savoir pourquoi me faisait me sentir... inutile, en quelque sorte, car j'étais incapable de l'aider pour le moment. Il fallait qu'elle me dise ce qui lui était arrivé, sans quoi je resterais impuissant.

Ses sanglots commençant à s'espacer, elle put commencer à parler. Je l'écoutais, attentif à la moindre de ses paroles. Auween me demanda si je me souvenais du Crépusculaire que nous avions affronté à Silmarie... Comme si j'avais pu l'oublier ! C'étaient des souvenirs à jamais gravés dans ma mémoire de par leur nature insolite. Pas une seule fois je ne m'étais attendu à affronter un « mort-vivant », l'idée même qu'un homme décédé puisse revenir à la vie me paraissait inconcevable et pourtant, je fus bien obligé de revenir sur mes certitudes après qu'Aerin, ma sœur et moi soyons tombés nez à nez avec ce revenant. J'ignorais comment cela était possible, il ne m'était venu aucune explication rationnelle au fait qu'un cadavre puisse se relever et recommencer à se déplacer. Cela m'avait tellement préoccupé que j'en avais même oublié comment nous l'avions vaincu. Il était que sur le moment même, le fils de Jiven et moi l'ignorions, nous ne savions pas de quelle manière nous débarrasser d'une telle abomination. Heureusement, Auween semblait bien plus au courant que nous deux puisqu'elle savait comment renvoyer cet ancien Templier là d'où il venait.
Je m'étais alors posé des questions quant à comment elle avait pu en être si sûre mais cette pseudo-résurrection avait tôt fait d'accaparer toutes mes réflexions, tant et si bien que j'oubliai d'interroger ma jumelle à ce sujet. Maintenant qu'elle en reparlait, cela me revenait, aussi hochai-je la tête pour toutes réponse : nous en arrivions aux faits, je ne désirais pas l'interrompre.

Elle poursuivit en lui parlant de la dernière nuit sans lune. Ça aussi je m'en rappelais clairement, j'avais d'ailleurs cauchemardé cette nuit là. Comment dormir l'esprit tranquille quand des souvenirs douloureux vous revenaient en tête ? J'avais repensé à notre enfance, à combien Auween et moi avions souffert durant celle-ci à cause de nos géniteurs... j'aurais aimé pouvoir tourner définitivement la page sur ce moment de ma vie mais mes cicatrices revenaient parfois me tourmenter, comme pour me rappeler de ne pas oublier d'où je venais.
Je n'aimais ni mon père, ni ma mère. Ils m'avaient pourri la vie douze années durant et je n'osais imaginer à quoi ressemblerait mon quotidien si ce Templier n'était pas passé à la maison un jour... Sans doute aurais-je quitté le domicile familial une fois la majorité atteinte. Non, il était plus probable que j'aurais fugué avec ma sœur loin de ces parents détestables. Ankdor avait réellement été une sorte de renouveau dans ma vie et pour rien au monde je ne partirai de là, je vouerai ma vie à devenir Templier. J'étais au Temple depuis sept ans et pas une seule fois Meneldil ou Tinúviel ne passèrent prendre de nos nouvelles. Pour ma part, je n'avais pas demandé une seule fois à Maître Alaric ou à qui que ce soit de faire un détour par chez mes parents lorsque nous passions à Silmarie. J'espérais juste ne plus jamais les revoir, je les avais définitivement fait sortir de ma vie. Néanmoins, il m'arrivait de penser à eux quand je me demandais ce qu'ils diraient s'ils savait que j'étais devenu un Templier à part entière – en admettant que cela arrive un jour. Que ressentiraient-ils ? De la fierté en me voyant être devenu quelqu'un, de la culpabilité pour m'avoir si mal traité durant mon enfance ? Je ne pouvais le deviner et à vrai dire, je ne voulais pas connaître la réponse.

Je ne pus cacher ma surprise quand ma jumelle me révéla que Tinúviel était venu la chercher ici-même, au Temple. Dans un premier temps, j'ignorais ce qui l'avait poussé à venir à Ankdor mais ce dont j'étais certain, c'est qu'il n'avait strictement rien à faire, d'autant plus en pleine nuit ! J'envisageais immédiatement que ce qu'il avait dit ou fait à ma sœur était la raison de son tourment. Je pouvais le comprendre, Auween était plus sensible que moi à ce genre de situation et je ne doutais pas que retrouver notre géniteur avait dû la faire souffrir. J'imprimais une légère pression sur sa main afin qu'elle se sente soutenue et puisse continuer, comme je voyais les larmes lui monter aux yeux.

Des tas de questions me vinrent en tête à mesure qu'elle parlait. Je ne saisissais pas comment il avait pu s'infiltrer jusqu'à Auween sans se faire repérer ni pourquoi il avait eu à le faire au milieu de la nuit. J'aurais voulu être au Temple ce jour-là. Non pas que je souhaitais revoir mes parents, quand bien même ma mère était malade, mais je ne désirais pas laisser ma sœur traverser cette épreuve seule, affronter à la fois les bourreaux de son enfance et ses souvenirs du passé qui ne manqueraient pas de lui revenir en pleine figure. Si cette rencontre avec Tinúviel l'avait mise dans un tel état, je n'osais imaginer ce qui s'était dit ce soir-là... je m'énervais en pensant à mon père, venu à Tamawa la torturer un peu plus.

« Tu n'aurais pas dû y aller seule, pas avec lui » lui reprochai-je enfin, « Et ensuite, comment les choses se sont-elles déroulées ? »

Mon géniteur avait bien dû avoir une idée en venant ici, impossible d'après moi qu'il fasse tout ce trajet dans le but de la faire souffrir davantage. Peut-être que Meneldil était souffrante, oui, mais le simple fait qu'il ait débarqué en pleine nuit – comme le ferait quelqu'un habité par de mauvaises intentions – m'indiquait qu'il devait y avoir quelque chose d'autre derrière tout cela...

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Il serre ma main et me réconforte. Je retrouve là mon frère que je prenais dans mes bras avant que nous ne quittions Silmarie pour le Temple. Progressivement, nos rôles se sont inversés, je suis devenue plus fragile et lui plus protecteur. Mais cela me convient tout à fait puisqu’à ce moment, c’est bien moi qui suis en souffrance et qui ai besoin de son soutien. Son reproche me fait mal au cœur mais je le sens réellement compatissant, peut-être même empli de colère de savoir que notre père ait pu me tourmenter encore. Mais Ewan n’a encore rien entendu...

- Il m’a emmenée vers une calèche et, sur le trajet, je me suis rendue compte qu’on s’éloignait beaucoup. D’un coup, il s’est arrêté, en plein milieu de nulle part, sans aucune raison apparente. Son regard à cet instant m’a tétanisée... après quelques questions, il a m’a dit m’avoir amenée là pour me tuer, Ewan.

J’avais dit ça sur un ton monocorde, comme si le simple fait de m’en souvenir ne m’évoquait aucun sentiment. Pourtant, qu’est-ce que j’ai eu peur quand il m’a dit ça. Je sais que nos parents ne nous ont jamais portés dans leurs cœurs mais de là à vouloir nous tuer... c’était impensable pour moi. Je retrouve un semblant de sensibilité lorsque j’évoque la suite.

- Comme il avançait vers moi, j’ai songé à me défendre ou à parler encore mais c’était inutile, il était tellement déterminé, tu sais ? Je... je n’ai pas eu d’autre choix que de dégainer mon sabre et de l’attaquer. Mais, une fois que j’ai réussi à le blesser en retenant mon coup... c’était horrible.

J’avale ma salive et ravale aussi mes larmes.

- Je l’ai blessé à la poitrine, il saignait énormément parce que l’entaille était profonde... sauf qu’il ne souffrait pas du tout ! Il ne ressentait même pas la douleur, comme l’homme que nous avons affronté. Puis il m’a dit que je ne pouvais rien contre lui et m’a révélé ce qui est difficile à croire : il était déjà mort, Ewan. Je ne sais toujours pas quand ni comment... et je sais encore moins qui l’a ramené à la vie. Il m’a parlé d’un Maître. Apparemment, ma vie lui aurait permis de retrouver la sienne et il m’a aussi dit qu’il n’était pas le seul à être revenu ainsi d’entre les morts. Et je ne l’ai pas cru... j’ai nié la vérité jusqu’à ce qu’on retrouve ce Templier... Je ne sais pas dans quelle histoire je suis tombée et je n’en ai parlé qu’à Maître Jacen parce que je ne voulais pas t’inquiéter...

Une pause, je reprends mon souffle.

- Maintenant tu sais, Ewan... j’ai dû le tuer, il en voulait à ma vie. Moi je ne voulais pas mourir mais qui suis-je pour décider de cela ? J’ai réussi à le brûler pour le tuer définitivement mais il aurait très bien pu y arriver... ce sont ses mots, lorsqu’il se consumait qui m’ont portée à confusion. Il m’a dit qu’il était désolé... désolé, tu entends ?! Et j’ai vu de l’amour... j’ai senti de l’amour. Il voulait nous aimer... il aurait tellement voulu...

Et je repars en sanglots, impossible de retenir mes larmes cette fois-ci. Je laisse sortir toute ma tristesse, toute ma frustration, toute la haine et les regrets qui m’ont habitée pendant tant d’années. J’ai aimé mes parents malgré la haine et le mépris qu’ils nous ont transmis toute notre enfance. J’aurais aimé que notre famille soit heureuse, comme toutes les autres. J’aurais aimé savoir ce qu’était l’amour parental, l’affection... mais je ne le connaîtrais jamais, encore moins maintenant que notre père est définitivement parti. À cet instant, j’ai une envie irrépressible de voir ma mère, de la questionner sur la façon dont Père est mort et de comprendre sa frustration. Mais j’attends la réponse de mon frère pour lui exposer cette idée... peut-être ne voudra-t-il pas faire ce voyage vers le passé avec moi.

J'avais de la peine à en croire mes oreilles. J'aurais voulu que ce soit une plaisanterie, vu le ton égal qu'employait ma jumelle mais au fond de moi, je savais que ce n'était pas une blague de mauvais goût de sa part. Je l'aurais tant voulu, pourtant... Elle avait beau avoir l'air indifférente, je savais très bien qu'elle portait un masque, que cela la touchait davantage qu'elle ne voulait bien le faire croire. Face à cela, je n'avais aucune idée de comment réagir. J'étais terriblement désolé pour ma sœur qui, de tous les morts d'Azthia, avait dû voir revenir son propre père pour le renvoyer là d'où il venait mais en même temps j'étais révolté, furieux contre mon paternel. Comment avait-il pu oser, même mort, s'en prendre à sa fille, la chair de sa chair !?
Alors c'était ainsi... . Auween avait été amenée à tuer son propre père, pourtant déjà décédé. J'avais de la peine à imaginer ce qu'elle avait pu ressentir à ce moment-là. Je n'aimais pas mes parents, non je les détestais pour tout ce qu'ils nous avaient fait subir mais malgré tout, je n'avais pas une seule fois imaginé qu'ils puissent s'en prendre physiquement à l'un de nous deux. D'accord, ils nous avaient fait énormément souffrir mais jamais ils n'avaient levé la main sur ma sœur ou moi, jamais ils ne nous avaient infligés plus que de la souffrance psychologique. Je haïssais Meneldil et Tinúviel pour tout ce qu'ils représentaient mais pas une seule fois je n'avais pensé qu'ils reviendraient nous faire du mal et encore moins qu'un jour, l'un deux se voie ôté la vie de la main d'un de leurs enfants.
Je pensais que moi-même je ne serais pas parvenu à frapper mon père. S'il s'avérait que j'aurais eu à le revoir un jour, je me serais montré méprisant à son égard mais jamais je n'aurais envisagé de lui coller mon poing dans la figure – quand bien même il le méritait – et encore moins le tuer. Certes, les circonstances dans lesquelles Auween avait eu à agir étaient très différentes mais les faits étaient là : elle avait tué son paternel en pointant son sabre sur lui puis en incendiant son corps... Connaissant ma sœur, cela avait dû l'anéantir, même si elle n'avait fait que défendre sa vie.

Je ne lui en voulais pas. Quoique je puisse penser de mon père, j'étais choqué d'apprendre tout cela. Choqué d'apprendre son décès autant que le crime – cela en restait un, peu importe le contexte des faits – de ma sœur. Je ne savais plus quoi penser mais ce dont j'étais sûr, c'était que j'étais profondément heureux qu'Auween s'en soit sortie, je pense que j'aurais été brisé si l'on m'avait annoncé qu'elle avait été tuée par Tinúviel. Elle avait lutté pour sa vie face à un homme qui lui avait clairement annoncé être venu pour la tuer. Non, je ne lui en voulais pas le moins du monde, même si elle avait tué notre père. Au contraire, je compatissais à sa douleur, j'aurais voulu être capable de l'aider à surmonter l'impact que ces événements avaient dû avoir sur elle. Je n'avais cependant rien à lui offrir sinon un misérable mais sincère soutien.

Je respirais profondément en écoutant la fin de ses révélations, tentant de mettre de l'ordre dans ma tête. J'étais... perdu, en quelque sorte. Un tas d'émotions et de sentiments tourbillonnaient en moi, tant et si bien que je ne parvenais pas à les démêler les unes des autres. Je faisais mon maximum pour rester calme, pour demeurer un appui fiable et sécurisant pour ma sœur, mais je sentais mon masque s'effriter et mes émotions prendre le dessus. C'était étrange pour moi, qui était habituellement d'un calme olympien, mais certaines choses avaient le don de m'atteindre directement au cœur et de me bouleverser plus que je ne le voudrais.
C'est en silence que j'accueillis les dernières paroles d'Auween, sa phrase se terminant par de nouveaux sanglots. Je ne répondis rien à propos des dernière parole de Tinúviel car je savais que les mots s'apprêtant à sortir de ma bouche allaient la blesser. Si ce genre de discours me parut étrange de la part de mon père, je n'y crus pas une seconde. Un homme à l'article de la mort ne voulait pas que l'on se souvienne de lui comme quelqu'un d'horrible, sans doute était-ce la manière dont mon paternelle voulait arriver à ses fins. En mentant à ma sœur, il espérait obtenir son pardon afin que sa mémoire ne soit pas salie par la suite. Ainsi, il pouvait mourir en paix. Peut-être ma haine pour lui m'aveuglait-elle, je n'en savais rien mais je n'accordais aucun crédit à ces derniers mots, cet ultime mensonge prononcé avant de rendre l'âme. Malgré cela, je ne voulais pas faire de peine à ma jumelle, aussi gardai-je mes opinions pour moi, me contentant de la prendre dans mes bras pour lui offrir une épaule sur laquelle pleurer.

« Shhh... » tentai-je de la rassurer en lui frottant le dos, « C'est fini maintenant, il ne viendra plus te faire de mal »

Je la laissais pleurer. Sûrement en avait-elle besoin pour évacuer tout ce surplus d'émotions accumulés depuis fort longtemps. Il lui faudrait choisir entre pardonner Tinúviel ou, comme moi, continuer à le voir comme le bourreau de son enfance mais dans tout les cas, ce serait l'occasion pour elle de tourner la page. Notre père mort, elle pourrait tirer un trait sur ce passé houleux ou du moins, elle n'aurait plus la crainte de le voir revenir un jour maintenant qu'il avait définitivement rejoint l'Au-delà.

« Tu n'as pas à t'en vouloir, Auween, tu as fait ce qu'il fallait. Il a essayé de te tuer, tu n'as rien à te reprocher et puis, tu sais mieux que moi que ces « revenants » sont des gens déjà décédés... Il ne le méritait peut-être pas mais tu lui as permis de reposer en paix »

C'était un cadeau inestimable à mes yeux. Il était possible qu'Auween ne l'ait pas vu ainsi mais à mon sens, elle lui avait offert le repos éternel. Malgré tout le mal qu'il avait pu nous faire, voilà que son âme avait rejoint pour de bon le royaume des morts, j'espérais que ces quelques mots puissent apporter du réconfort à ma jumelle.

« As-tu appris la façon dont il nous a quitté la première fois ? Mère ne s'est même pas donné la peine de nous en informer... » lui demandais-je après les quelques minutes où j'avais laissé ma sœur retrouver son calme.

Je me redressais et passais un doigt sous ses yeux rougis d'avoir trop pleuré afin de sécher ses larmes. Puis, je fis de mon mieux pour lui offrir un sourire rassurant. J'espérais juste que m'avoir confié tout cela lui avait permis de soulager sa conscience, d'enlever le poids pesant lourdement sur ses frêles épaules.

Invité

Sa main sur mon dos, son ton rassurant et sa voix si familière me rassurent. Peu à peu, je retrouve mon calme, même si mes larmes continuent de couler en silence. Je suis heureuse, j’ai pu me confier, enfin me libérer d’un poids énorme. Et je suis aussi contente que mon frère ne réagisse pas mal à ce que j’ai dit. J’ignore encore ce qu’il peut bien penser de tout cela, je sais simplement qu’il n’aurait pas pris les choses de la même manière s’il s’était retrouvé dans ma situation, que nos façons d’agir auraient été bien différentes. Je le sens fermer son Esprit par moment et je comprends qu’il ne veuille pas m’effrayer avec la haine particulière qu’il a pour nos parents. Nous avons vécu la même enfance mais certains détails font que nous sommes malgré tout différents et probablement ne pourra-t-il jamais pardonner à nos géniteurs ce qu’ils nous ont fait. Moi, je continue de croire en ce principe : le temps guérit les blessures. J’ai pardonné en partie à mon père... ne reste plus que notre mère.

Je finis par arrêter de pleurer et sèche maladroitement mes larmes. Regardant enfin Ewan dans les yeux, je me rends compte de ma chance : si par malheur il avait aimé nos parents... probablement m’en aurait-il énormément voulu. C’est égoïste de penser comme cela mais le fait qu’il ne les apprécie pas davantage au fil des années me rassure. Cette histoire ne fait que nous souder et j’espère qu’elle nous soudera encore longtemps car mon jumeau est ce que j’ai de plus précieux au monde. Sa question me laisse pensive quelques secondes, le temps qu’il sèche mes larmes à son tour, délicatement. Il m’offre un sourire, celui qu’il me semblait ne pas avoir vu depuis si longtemps. Suis-je enfin récompensée d’avoir fait tant d’efforts pour le rendre heureux ? Non, sûrement pas encore...

- Malheureusement, non... il ne m’a pas donné plus de détails que cela et, comme tu le dis, Mère ne nous a absolument pas donné d’informations. Mais peut-être...

Encore un instant de réflexion en silence, je baisse la tête. Finalement, je retrouve les yeux de mon frère.

- Peut-être qu’en m’expliquant que Mère était malade... enfin... si ça se trouve, c’est lui qui est tombé soudainement très malade ? Il n’aurait pas eu le temps de réagir, d’où sa frustration et son pacte pour revenir à la vie ? Mais nos parents savaient que j’étais dans la Division des Providences... pourquoi ne m’ont-ils pas appelée pour que je soigne Père ?

Je secoue la tête. Ce n’est pas le moment d’avoir des remords : je n’étais pas au courant et ne pouvais rien y faire. Quoi qu’il en soit, je sais que je peux maintenant tout dire à mon frère... c’est tout de même prudemment que je fais ma demande.

- Ewan, tu crois qu’on pourrait aller voir Mère pour mettre au clair cette histoire ? Personnellement, ça me soulagerait de savoir comment il est parti... et j’ai envie de lui prouver qu’on s’en est bien sortis sans eux, quand même. Pas toi ?

Je ne lui laisse pas le temps de répondre que je lui offre un grand sourire et lui saute dessus, l’enlaçant tendrement.

- En tout cas, merci frangin ! Ça m’a beaucoup aidée de te dire tout ça ! Tu es le meilleur des frères que je puisse avoir, tu comptes toujours un peu plus pour moi chaque jour. Je t’aime, je t’aime, je t’aime !

Je lui fais des dizaine de bisous sur la joue droite, puis sur l’autre, pour le reprends dans mes bras ensuite et me frotter à lui comme une petite fille. Oui... j’ai vraiment de la chance de l’avoir près de moi, mon frère adoré.

J'étais content de voir que s'être confiée à moi l'avait soulagée, en partie du moins. Malgré tout ce que je souhaitais faire pour elle, j'étais conscient que pour retrouver la paix, Auween aurait à faire en grande partie le chemin seule car je ne ne pouvais faire les choses à sa place. Ce serait à elle de tourner la page, de tirer un trait sur cette enfance pas toujours faciles et sur des parents incompétents. Pour ma part, je ne pouvais offrir ma jumelle qu'une paire d'oreille pour l'écouter et une étreinte pour la rassurer. C'était bien peu et je le savais...

Je la laissais parler au cas où elle aurait besoin de me dire d'autres choses. Si elle ne me confia rien de nouveau, elle souleva néanmoins des questions très intéressantes qui méritaient que l'on se penche dessus. Oui, Tinúviel lui avait dit que son épouse était malade, or c'était bien lui qui était mort... il n'était donc pas impossible qu'il ait transposé sa propre histoire à Meneldil afin d'attirer Auween dans ses filets. J'appréciais la vivacité d'esprit de ma sœur, sans doute aurais-je fini par y penser à force de réflexion mais ce n'était pas la première idée qui m'aurait traversé la tête. Mère était donc encore en vie. Enfin, il n'était pas exclus que malgré les dires de feu son mari, elle n'ait jamais été atteinte de cette maladie. Je devais dire que jusqu'à présent, je ne m'étais jamais interrogé quant à savoir si mes parents comptaient rendre l'âme prochainement, j'étais trop sain d'esprit pou cela.
Dans tout les cas, notre mère ne s'était pas donné la peine de nous tenir au courant du décès de notre géniteur – il ne méritait pas vraiment le nom de père – et, comme l'avait justement fait remarquer ma jumelle, ils ne l'avaient même pas contactée alors qu'elle aurait pu leur venir en aide. Auween lui serait venu en aide dès qu'elle l'aurait appris, je le savais, sans compter qu'un Templier doit aider tout ceux qui en auraient besoin, sans distinction. Un concept facile à dire, mais ô combien difficile à appliquer, je ne savais moi-même pas comment j'aurais réagi si Meneldil était venue demander de l'aide – en supposant que je sois capable de la lui donner. Ma sœur s'était orientée dans la branche curative du Temple tandis que pour ma part, j'avais opté pour la division des Pilleurs ou, pour être plus exact, je les rejoindrais quand l'heure serait venue pour moi d'endosser le rôle de Templier en même temps que ma sœur. J'aimais apprendre à manier une arme et, comme tous les petits garçons, j'avais été fasciné par les soldats et leur héroïsme durant mon enfance. Sans doute cela était-il une raison de mon choix. L'autre, eh bien, c'était que je n'avais tout simplement aucun don pour le Soin et encore, j'étais gentil en disant cela. J'avais bien essayé d'apprendre, à l'instar de ma jumelle, mais je m'étais révélé juste... nul, je ne valais pas un clou dans ce domaine comparé à Auween. Malgré tout, j'avais montré de belles capacités d'apprentissage pour maîtriser à la fois l'Illusion et le Mysticisme.
Il était amusant de voir à quel point elle et moi nous complétions mutuellement, tant dans nos caractères que dans nos actes : Auween était bavarde et accessible là où j'étais peu loquace et plus difficile à approcher. De même, si j'étais l'épée qui un jour serait brandie pour tuer, ma sœur était le bouclier qui sauverait des vies. Nous étions jumeaux, identiques mais totalement différents. Paradoxal, non ?

Je n'eus cependant pas le temps de répondre à ses interrogations qu'elle me bondit dessus, comme un prédateur sautait sur son repas mais au lieu de me faire broyer les côtes comme le laissait suggérer la vitesse à laquelle elle avait agi, elle m'offrit une tendre étreinte qui, quoi que j'en dise, me réchauffa le cœur. Ce qu'elle dit ensuite m'attendrit aussi, j'étais sans défense face à elle quand elle faisait ça, je ne pus d'ailleurs réprimer un sourire devant son comportement qui aurait pu correspondre à celui d'un enfant et que pourtant j'affectionnais tant.

« De rien » lui répondis-je en l'enlaçant à mon tour, « Tu sais bien que je ferai toujours ce que je peux pour toi »

Moi aussi j'aimais ma sœur plus que tout. Je n'étais pas toujours très démonstratif sur ce point mais Auween était la personne qui comptait le plus à mes yeux. Pour elle, je ferais tout ce qui était en mon pouvoir pour l'aider ou la soutenir lorsqu'elle en aurait besoin et je savais que l'inverse fonctionnait aussi.
Je n'ai toujours pas le temps de répondre à sa question qu'elle prend mon visage d'assaut et dépose des dizaines de bisous sur chacune de mes joues. Pas la peine d'essayer de s'y soustraire, je sais que je n'y arriverai pas et puis, après tout, cette marque d'affection me faisait énormément plaisir.

« Ce n'est pas en me cajolant que tu me feras accepter plus facilement » dis-je, un sourire discret sur les lèvres.

Ma phrase sous-entendait clairement que je ne voulais pas y aller. Pourquoi désirerais-je revoir Meneldil, la femme qui certes m'avait mis au monde mais n'avait jamais rempli son rôle de mère. Elle se fichait complètement de ses deux enfants, la dernière preuve en date était qu'elle n'avait même pas pris la peine de nous envoyer une lettre pour nous annoncer le décès de son époux.

« Pour être tout à fait honnête, j'aurais préféré ne jamais la revoir... mais c'est d'accord, je viendrai avec toi à Silmarie. Pour toi »

Malgré ce que j'en pensait, je n'arrivais cependant pas à me résoudre à laisser Auween y aller seule : elle était plus sensible que moi sur ces choses-là, qui sait à quel point ces retrouvailles avec son passé pourraient la torturer ? Ma mère lui avait déjà tant de mal, inutile qu'elle n'en rajoute davantage. Outre cela, peut-être était-ce la perspective de lui montrer que malgré tout le dégoût que nous lui inspirions, nous avions été parfaitement capables de nous en sortir et de devenir des gens biens qui m'avait motivé. Elle qui devait espérer nous voir vivre de façon lamentable, comment réagirait-elle en apprenant la nouvelle ?
Me détachant de l'étreinte de ma jumelle, je me relevais et m'étirais longuement, comme si je venais de me réveiller. La conversation avait été riche tant en émotions qu'en révélations, il y avait d'ailleurs certains points sur lesquels j'avais encore besoin de réfléchir par moi-même mais la plupart de nos interrogations trouveraient une réponse en allant voir Meneldil. Néanmoins, ce ne serait pas pour tout de suite : nous n'étions qu'apprentis et il nous fallait l'autorisation de notre Maître respectif avant de nous mettre en marche. Pour le moment, nous ne pouvions rien faire de plus.

« Bon, je vais aller mon cimeterre chez le forgeron, je lui avais demandé de m'en faire l'entretien, tu viens avec moi ? Ça te donnera une bonne excuse pour jeter un œil sur ses armes »

Je l'attrapais par la main et l'entraînais à ma suite. Je savais très bien qu'Auween ne refuserait pas, le seule évocation des armes avait dû suffire à la convaincre. Enfin, cela lui permettrait au moins de se changer les idées...

[Auween & Ewan désengagés]
[Merci pour ce RP ! Very Happy

]

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