Avec un soin méticuleux et une patience infinie, la ravissante Elfe ôta le capuchon qui recouvrait pudiquement sa longue chevelure et le posa sur le lit de sa chambre. Puis, elle détacha lentement son châle et le déplia avec délicatesse avant de l'étaler sur sa couchette. Enfin, elle s'assit et, avec une brusquerie qui ne lui ressemblait pas, elle s'affala sur le plumard en poussant un profond soupir. Enfin elle était chez elle.
Après avoir parcouru Azthia pendant plusieurs jours, après avoir passé un temps qui lui avait semblé infini assise sur sa fidèle charrette à laisser son regard errer avec lassitude tantôt sur les verts pâturages, tantôt sur un sol sablonneux, enfin la voilà de retour dans son manoir. Même si le fait que sa sœur ne soit pas présente ternissait un peu son soulagement. Elle devait sûrement se trouver à la taverne en train d'enflammer le plancher de sa scène de ses pas de danse sensuels. Danaë ne pouvait lui reprocher de ne pas être présente pour l'accueillir, après tout, Elena n'était pas censée être au courant qu'elle était de retour.
De plus, bien qu'exténuée, elle savait qu'elle avait du travail qui l'attendait. Les plantes qu'elle avait recueillies avec tant de soin ne serviraient pas à rien !
Mais avant, un petit moment de détente ne lui ferait aucun mal... D'un pas gracieux – même plusieurs jours de voyage ne suffisaient pas à lui ôter ce pas fier et léger qui lui appartenait – elle s'aventura hors de sa chambre. Bien sûr, son devoir de fille était avant tout de mettre au courant sa mère de son retour. Mais ses muscles endoloris réclamant à grands cris le repos eurent raison de son sentiment de devoir. De toutes façons, Ambre n'allait pas s'envoler. Et sans doute ne s'était-elle même pas rendue compte que sa fille biologique avait quitté le manoir...
Danaë ouvrit la porte de la salle d'eau. Par réflexe, elle se contempla dans le grand miroir orné d'or et de pierres précieuses qui décorait le mur. Geste qu'elle réalisait dès qu'elle le pouvait. L'Elfe remarqua avec satisfaction que, bien que des cernes discrètes soulignaient ses yeux, bien que son teint n'était pas aussi lisse et propre qu'à l'habitude, sa beauté resplendissait toujours autant, Azael lui en soit témoin ! Ses magnifiques yeux bleus brillaient toujours autant, ses cheveux attachés en une coiffure simple (quoique ornée de multiples fleurs) l'auréolaient d'une lumière presque divine.
Comme à regret, la fleuriste se détacha de cette vision parfaite et commença à se déshabiller.
Quelques minutes à peine plus tard, elle s'allongeait avec volupté dans la baignoire, frémissant au contact de l'eau chaude. Sans perdre de temps, elle s'immergea quelques secondes avant de reparaître à ma surface. L'eau dégageait une douce odeur de plantes, odeur qui envahissait la pièce.
Peu à peu, Danaë sentit ses muscles se détendre et doucement, elle ferma les yeux. Elle avait passé certes, beaucoup de temps hors de Silmarie pour cueillir ses fameuses plantes, mais elle n'ignorait pas que, pour une personne qui ne savait pas, comme elle, où chercher et, plus important, ce qu'elle cherchait, cela aurait été beaucoup plus long. En bonne fleuriste qu'elle était, bien sûr, elle savait tout des fleurs et de leurs lieux de cueillette.
L'Elfe poussa un profond soupir, sortit de son bain et prit une serviette pour se sécher. Elle se rendit ensuite dans sa chambre pour se vêtir d'une tenue propre. Son choix se porta sur une robe couleur émeraude, légère et peu décorée. Bien sûr son décolleté ne pouvait qu'être plongeant et le tissu parcouru de jolies perles blanches !
La ravissante demoiselle quitta sa chambre pour se diriger vers celle d'Ambre. Sa mère dormait paisiblement, comme à son habitude. Sa poitrine se soulevait doucement, prouvant qu'elle était encore en vie. L'Elfe sourit et lança un ''Bonjour, mère !'' qu'elle voulut enthousiaste et prit place à côté du lit, sur une jolie chaise finement sculptée.
Danaë raconta son voyage à sa mère, avec un entrain un peu forcé. Et, au fur et à mesure de son récit, elle laissa son esprit divaguer...


Collines brumeuses

Danaë tira sur les rênes de son cheval et l'obligea à s'arrêter sur le bord du chemin. La belle descendit avec grâce de son ''carrosse'', prenant soin de ne pas trébucher sur les divers froufrous de sa robe. Non pas qu'elle ait choisi ses plus belles tenues pour voyager, mais même les plus simples de ses robes possédaient quelques fantaisies. Après tout, l'Elfe ne pouvait décemment pas sortir de son manoir sans une tenue renversante. Les plus belles rencontres sont souvent près de chez soi, mais les voyages pouvaient aussi lui faire découvrir des personnes intéressantes... La belle devait attirer le regard, même pour une simple cueillette.
L'Elfe caressa gentiment sa monture, et lui murmura de ne pas bouger à l'oreille. Enfin, elle quitta le chemin sur lequel elle conduisait sa monture. Son regard satisfait se posa sur une petite plante, où de petites fleurs blanches étincelaient sous le soleil.
La belle se pencha et sortit un petit poignard des multiples plis de sa robe. Mais, avant de l'utiliser, elle effleura d'une main douce les petites fleurs. Ce simple contact suffit à lui assurer que la plante était en bonne santé et, sans attendre, elle coupa avec sa lame trois branches qu'elle plaça ensuite dans le petit sac en toile qu'elle portait en bandoulière qui lui avait toujours servi pour ses cueillettes.
D'un pas léger, la belle retourna auprès de sa charrette, grimpa et agita les rênes. Aussitôt, le ''carrosse'' reprit son avancée. Danaë laissa son regard flotter distraitement sur le paysage alentour. Il lui avait été facile de trouver ces blanchettes, tout simplement parce qu'elle connaissait les lieux. Elle n'était pas très loin de Silmarie et connaissait donc les lieux comme sa poche. Le voyage n'avait donc pas vraiment débuté.
Elle s'était levée à l'aube pour pouvoir parcourir une distance conséquente, pour ne pas perdre sa journée. Danaë eut un sourire amusé en repensant à la réaction de sa sœur quand elle l'avait réveillée pour lui dire au revoir. Elle n'avait pas été étonnée de trouver sa sœur nue, en compagnie d'un homme tout aussi peu habillé, endormi, pressé contre elle Bien sûr, sa sœur l'avait envoyée balader, lui reprochant de parler trop fort. En riant, l'Elfe l'avait donc laissée entre de bonnes mains... des mains masculines posées sur les seins et les cuisses de la Nùa.
Enfin, elle était allée embrasser sa mère. Qui, évidemment, n'avait eu aucune réaction.
A présent, le soleil n'était même pas parvenu à son zénith.
La journée commençait vraiment. Et pourtant, sa famille lui manquait déjà.

Désert

Danaë ôta le châle qui recouvrait pudiquement ses épaules et le posa à côté d'elle. Le désert n'avait pas changé depuis sa dernière visite : toujours aussi chaud, aussi dénué de verdure. Pourtant, la plante qu'elle cherchait ne pouvait pousser qu'en cet endroit, elle le savait. Aussi son regard perçant scrutait-il les alentours sans relâche.
Elle avait croisé bien peu de personnes sur le chemin et, ceux qui l'observaient semblaient étonnés. Après tout, que faisait une aussi belle jeune femme, qui, vue la pâleur de sa peau ne pouvait pas être originaire de ce lieu ? Mais nulle trace d'admiration. Sûrement parce que sa chevelure et ses épaules, ainsi que son regard innocent, étaient cachés sous les tissus !
L'Elfe arrêta son cheval un instant. Elle avait cru voir... Oui, c'était sûrement ce qu'elle cherchait.
Elle descendit de la charrette et s'approcha de la petite plante. Oui, sa vue ne l'avait pas trompée. En sortant son poignard, la belle se pencha et récupéra seulement une Morsure. En bonne fleuriste qu'elle était, la belle ne tenait pas à gâcher une plante pour rien, et une deuxième Morsure ne lui serait probablement d'aucune utilité.

Forêt

''Messieurs, votre sollicitude me touche profondément, mais vous vous en faîtes pour rien ! En cas de mauvaise rencontre, je saurais me débrouiller.

-Une aussi jeune et aussi frêle damoiselle que vous ne devrait pas avoir à voyager seule. C'est dangereux !''

Danaë se retint de ricaner à ces mots. Jeune ? Frêle ? Tous les hommes étaient vraiment crédules. Elle était sûrement plus diabolique et possédait assurément plus de meurtres à son actif que tous ces hommes réunis.
La belle n'avait rien contre les tavernes, encore moins celles qui étaient aussi accueillantes que celle-ci. Aussi n'avait-elle pas résisté à l'envie de faire une halte, surtout après avoir campé pendant plusieurs jours (sauf quand elle trouvait une auberge à l'air sympathique comme celle-ci). Son voyage était bientôt terminé, aussi pouvait-elle s'accorder une petite pause.
Le barman comme les clients l'avait de suite avisée, mais, contrairement aux vulgaires ivrognes qui peuplaient les tavernes et ne pouvaient s'empêcher de vomir sur le sol sale et mal entretenu. Il y avait quelques femmes... Non, en fait une vieille dame qui semblait sur le point de s'évanouir. Quant aux hommes, ils ne l'avaient pas observée avec un sourire de convoitise à peine dissimulé, le regard brillant d'une lueur perverse et malsaine. Non, ils l'avaient gentiment abordée pour lui demander où donc une aussi belle et fragile demoiselle pouvait bien se rendre. Charmée, Danaë se laissa aller à bavasser avec ces adorables messieurs.
Mais l'heure tournait, et l'Elfe trépignait d'impatience à l'idée de retrouver sa sœur et sa mère. Mais quand elle voulut formuler l'idée de partir, ces gentilshommes s'y opposèrent, arguant qu'elle était trop frêle et fragile pour continuer seule son voyage. Mais Danë ne pouvait s'encombrer d'un garde du corps, surtout en sachant qu'il serait parfaitement inutile.
A force de bons arguments et de paroles réconfortantes, elle parvint à les convaincre et elle sortit bientôt, laissant derrière elle ces nouvelles connaissances aux visages inquiets.
L'Elfe reprit sa charrette et sa route.

Danaë attacha son cheval à un arbre et pénétra dans la forêt (déambuler avec un truc aussi gros au milieu des troncs, ce n'était pas vraiment pratique). Aussitôt, les senteurs de milliers de plantes l'assaillirent. Une légère brise rafraîchissante soufflait, soulevant les cheveux détachés de la dame.
L'Elfe s'arrêta devant un petit buisson épineux. Ses doigts habiles volèrent et bientôt, elle posa trois roses colorées et dégageant une douce odeur dans sa besace.
Coup de chance, un plan de Natalias et de Violettes poussaient tout près. Après avoir pris une fleur de chaque, Danaë se releva et retourna auprès de sa monture. Elle avait enfin toutes les plantes qu'il lui fallait. Ne lui manquait qu'à retourner à Silmarie !
Danaë caressa l'encolure de son cheval et lui chuchota à l'oreille :

''On rentre à la maison.''

La belle grimpa sur la charrette et agita les rênes avec un large sourire.


Danaë se tut brusquement, son récit achevé. Evidemment, Ambre n'avait pas bougé d'un pouce. L'Elfe soupira et caressa tendrement la joue de sa génitrice.

''Ce voyage a été un peu long, mais j'ai toute les plantes qu'il me faut !''conclut-elle.


[Obtenues : 5 roses, 1 natalia, 1 violette, 1 morsure, 3 branches de Blanchettes.]

« Tant mieux, je vais en avoir besoin de ces fleurs ! Et de toi aussi ! »

De son pas feutré, Elena s’était introduite dans la chambre d’Ambre sans un bruit. La robe pourpre qu’elle portait, aussi simple que celle de sa sœur était raffinée, montrait que Danaë ne s’était pas trompée : elle rentrait de la taverne où elle avait régalé la gente masculine de ses danses sauvages dont elle avait le secret. La Nua resta un instant dans l’encadrement de la porte à couver du regard sa sœur et sa mère avec attendrissement. Elle ne supportait pas être séparée de son aînée et si son absence n’avait duré que quelques jours, elle lui avait terriblement manquée. Puis, n’y tenant plus, elle s’approcha de Danaë qui s’était levée et la serra dans ses bras. Elles restèrent un moment, là, l’une contre l’autre, sans rien dire. Il y a des mots qui ne sont pas faits pour être prononcés.

« Oh oui, j’ai terriblement besoin de toi ma chérie… »

Elle se détacha de leur étreinte et lui passa la main sur la joue.

« Eh bien ? Seraient-ce des cernes que j’aperçois sous tes jolis yeux ? »

Elle s’approcha de l’oreille pointue de Danaë, pour ajouter dans un murmure :

« Tes nuits ont-elles étaient si agitées… ? »

Pourquoi s’encombrer de telles précautions ? Comme si Ambre allait les entendre… Comme si Ambre allait les comprendre… Difficile de dire si Elena croyait vraiment au rétablissement de Dame Candel, si elle pensait sérieusement que ses mots parvenaient à se frayer un chemin dans l’esprit absent de sa mère. Faisait-elle ça par habitude ? Espérait-elle réellement, ou maintenait-elle l’illusion d’une présence de la mourante ? Elle préférait ne pas y penser. Faire comme si de rien n’était. Avancer. Elle se pencha et déposa un baiser sur la joue ridée de la malade.

« Mère, nous avons à faire avec Danaë. Nous allons te laisser te reposer. »

Elena se dirigea vers la sortie et d’un mouvement de tête, elle invita la fleuriste à faire de même. Une fois dans le couloir, elle saisit le bras de sa sœur et, bras dessus, bras dessous, elles descendirent dans l’arrière-boutique. C'était une pièce très bien éclairée, fleurie de toute sorte de fleurs colorées... ce qui tranchait un peu avec la singularité de l'ameublement ! Un immense chaudron trônait en effet au milieu de la pièce, et des dizaines de pots contenant racines, épices, baies, recouvraient les étagères. La petite cuisinière, le plan de travail, l'évier et les casseroles de toute taille passaient presque inaperçues derrière le chaudron et son foyer...

« J'ai utilisé la dernière part de ce merveilleux pudding que tu sais si bien faire... Il faudrait que tu refasses cette recette extraordinaire, que je puisse faire connaître tes talents de cuisinière... »

Un sourire en coin, elle s'assit sur une chaise.

« Et je crois savoir que tu as récupéré quelques roses et des blanchettes. Tu permets que je t'en pique quelques unes... ? »