[Oui évidemment!]

Clara regarda une nouvelle fois dans le four : cette fois ci, ils étaient cuits. Elle les retira et les posa sur le plan de travail. Elle huma l'air, elle adorait vraiment ça, l'odeur de bonne nourriture fraîchement cuite. Heureusement qu'elle avait un bon métabolisme et ne prenait pas de poids, car il lui fallait souvent goûter les plats, en tant que cuisinière. Et puis elle bougeait beaucoup, il lui était arrivé quelques fois de travailler dans des auberges bondées de monde où il fallait presque courir pour pouvoir servir les clients sans qu'ils ne s'impatientent. Son auberge sera t-elle aussi reconnue ? Peut-être devrait-elle songer à engager quelqu'un, plus tard. Ce serait étrange, étant donné que c'était toujours elle qui avait été l'employée. Le bruit de la clochette d'entrée installée au dessus de la porte la sortit de ses pensées, elle passa dans la salle principale.

- «Bonjour. Apportez-moi une citronnade. »

L'homme s'asseya à une table près de la fenêtre. Il était élégamment habillé, et se tenait bien droit. Tout dans ses gestes, dans sa façon de parler indiquait l'attitude d'un homme du grand monde, habitué à ce qu'on lui obéisse d'un simple claquement de doigts. Lui avait-il seulement jeté le moindre regard ? Peu importe, c'était un client, son client, et elle se devait de le servir.

- «Bonjour monsieur, et bienvenue à la Douce Escale. Je vous apporte ça de suite. »

Elle reparti dans la cuisine où elle prépara la boisson de l'homme. Au moins, il ne prenait pas d'alcool, c'était une bonne chose. Elle se méfiait des hommes buveurs d'alcool, qui se croient tout permis. Elle revint en salle et posa la boisson sur la table, avec un grand sourire.

- «Et voilà. Je viens d'ouvrir l'auberge ce matin, et vous êtes mon tout premier client. Pour vous remercier cette boisson vous sera offerte. »

Puis elle s'éloigna un peu, le laissant profiter tranquillement de son breuvage. Elle rentra dans sa cuisine et rangea ce qu'elle avait préparé plus tôt. Elle se prépara une infusion et revint dans la salle, face à une autre fenêtre, et observa la vie dans la rue. Debout face à la vitre, les deux mains tenant son mug, elle chantonnait une chanson de ses origines. Doucement, pour ne pas déranger l'homme, dans sa langue natale, et sans intention particulière.

[Mince j'aurais du lire l'histoire des cités avant! J'avais pas vu que c'était l'ancien Consort! Mais est-elle censée connaitre son visage? Ce n'est qu'une femme du peuple.]

L'homme ne la remercia pas. C'était un détail mais pour elle c'était aussi un peu un manque de respect. Alors qu'elle chantonnait dans son coin, il lui ordonna de s'arrêter. Étrangement, pas tout de suite, il avait attendu un peu. Peut-être avait-il attendu qu'elle s'arrête d'elle même? Rarement on lui avait dit d'arrêter de chanter. Au contraire, on lui demandait souvent d'autres chansons, cela mettait un peu de gaieté et de vie dans l'auberge. Et elle recevait quasiment toujours des compliments sur sa voix. Ce qu'elle aimait, il faut bien avouer. L'homme l'avait complimentée certes, mais lui ordonner d'arrêter de faire ce qu'elle aimait dans sa propre auberge! Elle stoppa net, un peu vexée, et se tourna vers lui. Étaient-ils tous comme ça à Erathia? Ou seulement lui? Désirait-il être tranquille? Dans ce cas, il aurait suffit de le dire, tout simplement. Elle ne s'était guère imaginée cette réaction pour son premier client. Contre toute attente, il s'intéressa à elle:

- «Si Storghein vous manque tant, pourquoi être venue vous exiler à Erathia ? »

Elle l'observa un peu. Il parlait très bien dans sa langue d'origine. Serait-il Astorg, lui aussi? Il avait le physique pour, en tous cas. Elle n'y avait pas fait attention, elle n'avait pas pour habitude de dévisager les gens. Et il parlait de s'exiler, ce n'était pas rien comme terme. Malgré qu'elle ne parle que très peu d'elle, il aurait été impoli de ne pas répondre à sa question.

- "Pardonnez moi pour la chanson, c'est que c'est une habitude. Et généralement, les gens apprécient."

Peut être n'aurait t'elle pas dû dire sa dernière phrase, visiblement il ne faisait pas partie des "gens", et il pourrait s'en offusquer.

- "Quel meilleur endroit pour une auberge qu'Erathia? C'est une cité qui ne demande qu'à revivre. Les gens y viennent des quatre coins du monde. Et puis..." Elle retourna son regard vers la fenêtre. "Le port des armes est interdit."

Elle bu une gorgée de son breuvage. C'est vrai que c'est un atout non négligeable, quand on est gérant d'une auberge. Cela évite les effusions de sang inutiles. Elle n'était jamais à l'abri que les gens ne se tapent dessus ou s'écrasent des chopes sur la tête, mais c'était nettement moins dangereux. Elle se retourna vers son unique et premier client. Elle avait assez parlé d'elle.

- "Et vous, vous plaisez vous, ici?"

C'était une question d'apparence anodine, mais elle espérait en apprendre un peu plus sur cette homme. Et puis, c'est lui qui avait commencé à engager la conversation, si cela ne lui plaisait pas, il pouvait tout aussi bien y mettre un terme.