Dernière étape, la martiale Amamizu. Entourée aux deux tiers de côtes escarpées et ceinte d’une muraille fermée sur la plaine, la cité était impressionnante. Ses tours de gardes parsemées sur tout le pourtour de la muraille promettaient un certain accueil aux personnes ayant des intentions un peu trop belliqueuses. Voir malpolies. Voir qui souriaient de travers. Bref, on sentait qu’il valait mieux faire bonne impression quand on passait les lourdes portes d’au moins deux mètres d’épaisseur qui permettaient l’entrée dans la cité, si on ne voulait pas se retrouver soudainement transformé en passoire. Ou en sushis. Tout dépendait de la méthode employée.

La ville était entourée de quelques champs et villages, mais quand tu pénétras dans l’enceinte de la cité, tu te rendis compte à quel point celle-ci était grande. A l’intérieur des murs, de nouveaux des champs s’étalaient à perte de vue, de quoi nourrir la cité entière en cas de siège. Au fond on discernait les premiers bâtiments d’une ville basse, puis une seconde muraille protégeant les habitations principales. Enfin, un palais/temple/bâtiment immense surplombait le tout et donnait sur l’océan. C’était impressionnant. La puissance de la ville ne laissait aucun doute.

Une longue et large route pavée menait à la ville même, traversant les champs. Le temps passa plutôt lentement, d’une part parce-que la cité semblait ne jamais se rapprocher, d’autre part parce-que tout le monde était épuisé. Arrivé à la seconde enceinte et à la ville basse à la tombée de la nuit, tu découvris que celle-ci était bien animée et que le quartier des plaisirs était visiblement très fréquenté. Passé la seconde enceinte par contre, chaque chose était à sa place bien que vous n’ayez croisé que très peu de gardes. Il faut croire qu’ils ne rigolaient pas avec la discipline une fois dans la ville même. C’est donc sans aucun problème que vous avez rejoint la demeure qui vous avait été assignée pour votre séjour.

Le lendemain, Sora te demanda, à toi Jaered, de l’accompagner jusqu’à la demeure des Toyama où elle espérait bien obtenir un exemplaire du bushido et du traité de Sun Tao. Malheureusement, elle tomba sur un petit administratif qui « pétait bien plus haut que son c*l » un rien misogyne qui la fit sortir de ses gonds. Alors qu’elle s’apprêtait à dire ses quatre vérités au petit homme maigrelet mais couvert de tissus, les gardes qui se tenait à la porte la prière de sortir. Il lui fallut bien sûr un peu d’aide et c’est bras dessus, bras dessous et sous une avalanche d’injures folkloriques qu’ils réussirent enfin à la mettre dehors.

Ivre de rage, l’almer était partie sans se retournée bien décidée à revenir harceler ce sal blanc bec jusqu’à ce qu’il cède. Au moins quarante fois par jour s’il le fallait. En attendant, toi, tu avais pour mission de trouver comment récupérer les précieux documents sans passer par la maison des Toyama (les garde te regardaient du coin de l’œil histoire de vérifier que tu n’étais pas aussi excité que la folle qui t’accompagnait.

-Bonjour pousse de bambou. Je peux t’aider à trouver ce que tu cherches si tu le souhaite.

La voix venait d’un petit, tout petit, très très petit homme visiblement assez âgé qui s’était approché de toi sans que tu t’en rendes compte.

Un coup de canne dans les côtes surprend le nùa de par sa vélocité et sa soudaineté, ce qui le fait reculer d'un pas. Non seulement il ne s'attendait pas à recevoir un coup de ce petit homme âgé, mais en plus il n'imaginait pas qu'il puisse être aussi rapide et avoir une telle force. Le souffle coupé, l'étranger se masse à l'endroit du coup tout en écoutant le vieillard qui, sourcils froncés, le réprimande comme à un enfant.
" N’écoutes-tu jamais ce que l’on te dit, pousse de bambou ? Je t’ai dit que je pouvais t’aider à trouver ce que tu cherches… " Commence-t-il.
" … ou du moins si tu es capable de me rendre quelques services. Je vois à ton visage que la vie a dû t’apprendre que rien n’était jamais gratuit ici-bas. " Ajoute l'ancien, l'air songeur, pointant l'extrémité de sa canne sur le cœur du nùa.

Ne sachant que répondre, ni la réaction à avoir pour éviter un autre coup de canne, le nùa se contente de hochet de la tête. Apparemment fatigué par son action précédente, le vieillard oriental redonne à sa canne sa fonction primaire et commence à se diriger vers un muret, probablement pour s'y seoir. Vient alors un garde qui échange quelques mots avec le vieil homme. Bien qu'il ne comprenne pas le langage jinmen, le templier déchu comprend les gestes, et les expressions. Il devine à l'inclinaison respectueuse du garde que le vieil homme a une place importe, et il comprend à la réaction du donneur du vieil homme que la déclaration du garde l'a contrarié.
" Alors, quel sera ton choix pousse de bambou ? " Demande le vieil homme.
" Que dois-je faire? " Répond le Nùa, sans vraiment se demander à quel genre d'épreuve le donneur de coups de canne peut bien vouloir lui soumettre.

Suite à ce bref échange, le vieux jinmen se met en marche, avançant à une allure plutôt lente. Le nùa le suit sans un mot, et tous deux s'éloignent des portes de la maison Toyama sous les regards pesants des gardes jinmens.
A quelques pas d'eux, l'administratif désagréable a tout juste le temps de lui jeter un regard méprisant avant de recevoir un projectile comestible au visage. Enervé, l'homme cherche brièvement l'origine de cet attentat avant de disparaitre derrière les portes qu'il a interdites aux nùas de la caravane. L'origine du projectile, Jaered – et certainement aussi le vieil homme – l'a repéré. C'est Sora, cachée derrière un muret, qui apparemment n'a pas du tout apprécié l'accueil du représentant des Toyama. Jaered se demande s'il n'était pas mieux de calmer sa compagnonne de route, car à ce rythme leur voyage diplomatique d'étude risque de se transformer en déclaration de guerre. Cependant, et malgré sa faible vitesse le vieux jinmen est déjà presque perdu de vue. Conscient de son incroyable sens de l'orientation urbaine et craignant de perdre sa seul opportunité de réussir sa mission, l'ancien templier laisse là Sora et rejoint prestement le vieil homme, espérant simplement que la lanceuse de légume ne provoque pas plus de grabuge à Amimazu.

Le petit homme, bien que vieux et légèrement claudiquant sur sa canne, se déplaçait à vive allure. Pourtant loin d’atteindre ta vitesse en ligne droite, le fait que vous ayez à vous frayer un chemin dans les rues bondée d’Amamizu. En effet, malgré l’intransigeance des forces de l’ordre placées à chaque coin de rue, rien ne semblait pouvoir empêcher la cité guerrière de vivre. Les forgerons battaient le fer à grand renforts de marteau, des éleveurs de chevaux tous droits venus de Koubaï présentaient leurs plus belles bêtes, mais aussi des tas d’agriculteurs venus écouler leurs stocks, des tailleurs de pierres et de bois rivalisant de talent pour les effigies de tel ou tel dieu que les soldats s’empresser d’acheter pour bénéficier de leur protection. Un vrai fouillis. Et oui, là-dedans, tu avais du mal à suivre le curieux personnage qui avait promis de t’aider. Il semblait glisser à travers la foule sans aucune résistance de sa part. Mais où te menait-il ?

Un instant tu le perdu de vue. Mais ce fut pour mieux le retrouver, assis à l’ombre d’un érable un peu rabougris, mais qui offrait néanmoins suffisamment d’ombre pour échapper aux rayons encore forts du soleil en ce milieu d’automne. Le banc sur lequel il s’était assis n’était rien d’autre qu’un bloc de pierre couché mais ce petit coin de calme après une telle agitation avait quelque chose de très attirant. Du bout de sa canne, le grand père jouait avec les graviers du sol poussiéreux que le pavement abîmé de la rue laissait apparaître à cet endroit. La foule n’était qu’à une dizaine de mètres de l’érable et pourtant, le brouhaha qu’elle produisait semblait ici s’effacer.

A présent arrêter, tu te rendis compte que vous aviez énormément bougé. Vous aviez même passé les portes de la seconde enceinte sans que tu t’en rendes compte. Visiblement, il était beaucoup plus facile de sortir d’Amamizu que d’y entrer. Derrière le grand père, la porte d’une des petites maisons qui se pressaient contre le mur d’enceinte s’ouvrit, laissant sortir une jeune fille. D’allure assez pauvre, elle n’en souriait pas moins. D’ailleurs, quand elle croisa ton regard, elle sourit de plus belle avant de s’éloigner vers un petit marché situé plus bas, un panier sous le bras.
Le papi poussa un long soupir de contentement.

- Que voilà une charmante enfant n’est-ce pas ?

Mais le grand père n’attendit pas ta réponse et enchaîna.

- Bon, pousse de bambou, il est temps pour toi de commencer à gagner ta récompense. Si tu travail correctement, tu auras ce que tu cherches avant que la Lune n’atteigne son zénith cette nuit. En attendant, sache que je suis fatigué d’entendre le piaillement de petits jeunes dans ton genre toute la journée. Aussi me feras-tu le plaisir de ne pas prononcer le moindre mot jusqu’à ce que je t’en donne la permission. Un seul mot, et notre accord sera rompu. Est-ce clair ?

Seul le bruit diffut de la foule se fit entendre. Etait-ce par ce que tu avais choisis de lui obéir ou simplement parce que tu ne voyais pas l’intérêt de parler à ce moment-là, ou encore pour une raison que tu es le seul à connaître ? Etant le seul à pouvoir y répondre, nous nous arrêtons ici de tergiverser sur ton fonctionnement psychologique et continuons notre histoire.

- Bien. (visiblement, quel qu’ait été ton choix, il avait été pris pour un acquiescement de ta part par le petit vieux) Maintenant que tout est clair entre nous, j’aimerais que tu remplisses ce sac (il te tendit un grand sac en toile sortit tout droit du baluchon qu’il portait autour du buste), avec un maximum de bonne nourriture. Je vais voir quelques amis et je dois apporter le dîner.

Visiblement peu enclin à te donner d’autres indications, le grand père se contenta de jouer avec les graviers à ses pieds tout en marmonnant quelques notes de musique.

Suivre l'étrange petit vieux n'est pas chose aussi aisé qu'il n'y parait au premier abord. Ne pas se laisser distraire par les ruelles à l'architecture si particulière des jinmens, ni par les décors si exotiques, ni même par les étals des échoppes qui présentent armes, bibelots et objets propres à la culture jinmen. Si les armes par exemples sont comparables à celles du continent occidental, le style des forgerons jinmens se distingue de par les détails décoratifs. Il en est de même pour les vêtements, différents de ceux que l'on trouve à Azthia. Quant aux bibelots, Jaered en ignore, pour la plupart, l'utilité.

Et voilà, il a failli perdre de vue son guide improvisé, encore. Et retrouver un jinmen parmi la multitude qui grouillent dans les ruelles n'est pas facile. Ils se ressemblent tous! Si celui-là n'avait pas le double – au moins – de l'âge moyen des passants et une canne au son particulier, l'étranger nùa serait perdu depuis longtemps. Cependant le vieux jinmen est déjà loin, et le nùa doit augmenter la cadence pour le rejoindre… Trop tard. Le vieillard a disparu.

Cherchant bien, le nùa fini par retrouver son guide, tranquillement assis à l'ombre d'un érable. Le coin, quelque peu en retrait, était moins bruyant et surtout moins grouillant que les ruelles précédentes. Observant autour de lui, Jaered remarqua, de là d'où ils venaient, une muraille surplombant les autres bâtiments. Le vieux jinmen l'avait fait sortir de la ville? Mais qu'avait-il donc en tête, cet étrange bonhomme? Se jouait-il d'un étranger, pour occuper les mornes journées de sa vieillesse? Seul l'avenir le dira. De toute manière, au stade où il en est, l'ex-templier n'a plus vraiment le choix. Il va devoir faire confiance au vieux jinmen et espérer qu'il obtiendra vraiment ce qu'il est venu trouver.

Derrière l'étrange petit vieux s'ouvre alors une porte, la porte d'une maisonnée si bien colée au mur que le nùa ne l'avait pas remarquée. En sort alors une jeune fille, une jinmen souriante. Bien qu'il n'en soit pas tout à fait certain, Jaered devine à ses vêtements qu'elle ne doit pas être d'une famille riche. Un panier sous le bras la demoiselle se dirige vers le marché, s'en allant vraisemblablement faire quelque course.
" Que voilà une charmante enfant n’est-ce pas ? " Déclare l'étrange petit vieux.
" Bon, pousse de bambou, il est temps pour toi de commencer à gagner ta récompense. Si tu travail correctement, tu auras ce que tu cherches avant que la Lune n’atteigne son zénith cette nuit. En attendant, sache que je suis fatigué d’entendre le piaillement de petits jeunes dans ton genre toute la journée. Aussi me feras-tu le plaisir de ne pas prononcer le moindre mot jusqu’à ce que je t’en donne la permission. Un seul mot, et notre accord sera rompu. Est-ce clair ? "
Le nùa écoute en silence, et ne répond rien. De toute manière que peut-on répondre à cela ? Cet étrange petit vieux semble le tester, sans doute souhaite-t-il savoir ce que vaut "la pousse de bambou" avant de lui offrir l'un des héritages de son peuple. Quoiqu'il en soit cet étrange personnage étant la seule piste du voyageur occidental, ce dernier n'a d'autre choix que de jouer à son jeu.

" bien " Reprend-t-il. " Maintenant que tout est clair entre nous, j’aimerais que tu remplisses ce sac, avec un maximum de bonne nourriture. Je vais voir quelques amis et je dois apporter le dîner. "

Prenant en main le sac tendu par le vieux jinmen, Jaered a un moment de latence. Les yeux ronds, il regarde l'étrange petit vieux qui ne lui porte déjà plus attention. Remplir le sac avec de la nourriture? Mais comment veut-il qu'il y arrive? Cela peut certes paraître simple au premier abord, mais l'étranger ne parle pas un mot de jinmen. Les autochtones ne parlant pas le cydien – et encore moins le nùa – Jaered aura du mal à se faire comprendre. Il pourrait bien tenter de retrouver Sora afin d'avoir une traductrice, mais cela lui prendrait au moins jusqu'au soir rien que pour retrouver la maison des Toyama. Par ailleurs les seules pièces de monnaie qu'il a en bourse ne pourraient pas lui permettre d'avoir de quoi remplir le sac. Ce petit test sera moins aisé qu'on ne l'aurait pensé.

A moins que… Subitement, le nùa se lance en direction du marché. Il vient juste de penser à quelque chose, un simple détail mais qui pourrait lui être salvateur. La jeune fille au panier, celle-là même qui est sortie de la maisonnée. Serait-elle la clé de ce jeu étrange? Et se le vieil homme malicieux ne l'avait pas mené là par hasard? Et s'il avait fait exprès de faire remarquer sa présence? Peut-être est-t-elle, elle aussi, l'une des rares jinmens à connaitre les langues de l'occident. Le nùa n'a qu'une seule manière de le savoir : la retrouver. Déambulant sur le marché, il se met alors à le parcourir avec empressement, faisant fi des regards à la fois intrigués et étonnés des jinmens qui se tournent vers lui. Plusieurs fois le nùa effraie une de ces petites femmes aux yeux bridés en les interpelant, les confondant avec celle qu'il recherche. Et quand après deux bonnes heures il la trouve enfin, son panier à la main, négociant avec un vendeur de volaille, c'est essoufflé qu'il l'apostrophe.
" Excusez-moi, je… Tout à l'heure nous… "
Reprenant son souffle, il réalise qu'il devrait commencer par le principal.
" Comprenez-vous ma langue ? "
Oui, parce que si elle ne comprend pas il ne sert à rien de lui raconter quoi que ce soit. Tout ce qu'il parviendrait à faire serait de l'effrayer plus que ne l'ont été les autres pauvres jinmens qu'il a interpellé. C'est avec impatience qu'il attend sa réponse, espérant ne pas s'être trompé et ne pas avoir perdu de temps à la chercher inutilement.