| Sujet: [FA - 155] Perspectives [Solo - Terminé] Mar 30 Avr - 15:48 | |
| Trois jours. Déjà trois jours de séparations et je me sentais mal, de plus en plus mal. Déjà trois jours que je venais de quitter Arano pour retourner chez moi, trois jours que je ne pouvais plus l’embrasser, le câliner ni le chérir, trois jours que je ne pouvais plus voir son sourire et entendre sa voix. Katsuya n’était plus à mes côtés depuis trois jours, laissant le manque me torturer à la place, nous ne pouvions pas rester ensemble très longtemps et chacune de nos rencontres étaient fortes en émotions mais également terriblement douloureuses lorsqu’elles touchaient à leur terme. Il devait me rester une poignée de kilomètres avant d’arriver à Koubaï et Kisaki avait besoin de repos, Eiri me suivait depuis ce jour ou je l’avais protégée de ces braconniers, la tigresse semblait m’avoir pris en affection depuis ce jour ou elle m’avait également sauvé la vie, un lien spécial s’était établi entre nous, tout naturellement, comme si nous nous connaissions depuis toujours. La lune avait déjà détrôné le soleil et la nuit m’interdisait implicitement d’aller plus loin aujourd’hui, établissant rapidement un petit campement avec mes deux compagnons de voyage, je me rendais également compte que l’appétit me quittait petit à petit. Cela devait faire plus de vingt heures que je n’avais rien avalé, trop préoccupée par ce qui m’attendrait dans le futur. Eiri avait senti cette légère détresse et il m’était presque impossible d’esquiver sa tête volumineuse lorsqu’elle la frottait contre mon bras, en signe d’inquiétude. La réalité me rattrapait bien vite, j’étais une samouraï du clan de la Licorne et Katsuya du clan de la Salamandre, nos destins étaient sur un chemin similaire mais atrocement parallèle, non destinés à se recroiser pour ne former qu’une seule et même route.
C’était terriblement traumatisant en soi de s’imaginer qu’un jour peut être des conflits au sein du pays pourraient nous mener l’un contre l’autre, mais n’était-ce pas non plus la volonté des kamis ? Le Destin ? Destin… Mon père m’en avait parlé une fois, je crois me souvenirs de cette conversation presque aussi sincèrement que celle que j’avais tenu à Katsuya le jour ou je lui avait avoué mes sentiments. Le destin, ce trajet que chaque être prend tout le long de sa vie, ce chemin immuable que les kamis ont tracé pour lui avec ses passages clairs, ses obstacles et bosses, ces creux et même parfois la chute de la falaise. Le destin étais absolu, m’avait on dit plusieurs fois. Et j’étais maintenant convaincue qu’il ne tenait qu’a moi de tracer par moi-même ce chemin, contre la volonté des kamis, pour le meilleur, ce que je jugeais bien aussi bien pour moi que pour ma famille, mon clan et mon pays. Pour l’honneur des miens et de mon seigneur. Mais comment pouvais-je faire pour assurer à la fois mon rôle de samouraï et celui de compagne ? Comment pouvais-je être à la fois une sœur et une belle-sœur dans un clan et pouvoir rester aux côtés d’un homme que j’aimais plus que tout alors que je pouvais être envoyée à tout instant à l’autre bout du monde ? Le plus évident et le moins honorable aurait été de quitter le corps de l’armée, arrêter d’être samouraï et enfreindre les règles inflexibles de ma famille. Non, impensable et interdit, même Kazuo ne me le pardonnerait pas et j’aurai moi-même du mal à assumer ce genre de décision. Me battre était tout ce que j’avais, depuis toute petite, j’avais été entrainée et j’avais vécu dans l’unique but de me battre, que cela soit contre les ennemis de l’empire, les ennemis de ma famille ou même les ennemis de mon aimé. Tout laisser tomber était impensable mais je ne voulais pas que nos destins nous sépare trop longtemps ou même définitivement.
Ironique en soi… La guerrière que j’étais ne voulait pas avoir à se battre contre ses démons, je voulais me battre pour me libérer du cycle sans fin dans lequel j’étais prise à l’instant, celui qui m’empêchait de rester auprès des miens et de ceux qui me sont chers. Mais en faisant cela je renierai alors tout ce que je suis, déshonorerait la mémoire de mon père et de tous mes aïeux ainsi que mon honneur, celui de mon frère et de Seijin s’il était là. L’empire allait mal, la succession semblait prendre tout son temps et les deux princesses étaient toujours introuvables, mon seigneur était pris dans une spirale politique dont j’ignorais encore les détails et il avait besoin de mon appui. Des ordres m’attendraient surement à Koubaï lors de mon retour, comme celui de foncer à Hoshizora pour protéger Zuckho. A l’instant présent, c’était à ses côtés que je devais être, pour le servir comme je l’avais toujours fait depuis ce jour. Je réfléchissais trop, mon voyage de retour combiné à mon manque d’appétit m’avaient complètement exténuée, je m’assoupissais en m’accotant la tête contre le pelage blanc immaculé d’Eiri, Demain serait une longue et difficile journée, je le pensais.
Je faisais un rêve bien étrange, le décor me rappelait à la fois Koubaï et Arano mais c’était quelque chose de différent. Une ville où je n’étais jamais allée, bien plus grande et tout aussi mystérieuse. Il n’y avait personne dans les rues, seulement des ombres étranges qui ressemblaient très vaguement à des gens. Interpréter ce que je voyais était difficile, mais reconnaitre des silhouettes n’était au final pas si compliqué et petit à petit, j’avais l’impression que ces ombres habitaient cette mystérieuse ville. Je marchais silencieusement, personne ne me prêtais attention et ce n’était pas pour me déplaire je devais le reconnaitre. Cet environnement n’avait rien de rassurant. Au détour d’une ruelle, je passais subitement de la ville à la forêt qui l’entourait, sans aucune raisons, une transition nette, brutale et imprévisible. Mais je reconnaissais cette parcelle de terre, c’était les alentours de Koubaï. La dernière fois ou j’y étais venue c’était… le jour ou la mort était venue me chercher mais que Katsuya m’avait alors maintenue dans le monde vivant, il m’en avait vaguement parlé, m’indiquant avoir reçu de l’aide de voyageurs qui visiblement devaient connaitre mon père. Il m’était maintes fois arrivé depuis ma rencontre avec Zeshin de me demander combien de secrets mon père avait trainé avec lui dans la tombe, c’était frustrant de ne pas le connaître plus que je ne l’aurais du, tout comme je n’avais pas vraiment de souvenir de ma mère. Son visage, son sourire et sa voix m’étaient inconnus, les seuls souvenirs que j’avais d’elle était ce petit journal qu’elle tenait régulièrement et les bribes de souvenirs racontés de Kazuo. La forêt me semblait elle aussi bien peu animé mais je pouvais distinguer quelqu’un au loin, pas une ombre cette fois enfin, si mais différente des autres. Bien qu’elle m’apparaisse de dos et d’assez loin, sa taille, corpulence et ses vêtements me laissaient penser qu’il s’agissait de Katsuya. Je m’avançais vers lui, sans réfléchir ni même faire attention, la silhouette s’en allait jusqu’au flanc de la montagne ou je la suivais et au détour d’un gros amas de roche, alors que je pensais me retrouver en face de Katsuya j’étais en fait face à cet assassin, celui qui m’avait empoisonnée. Je n’eus même pas le temps de réagir qu’il m’avait déjà transpercé de sa lame, j’étouffais un cri surpris et douloureux tandis que je tâtais mon flanc, à la recherche de mes armes qui, comme par hasard n’y était pas. La douleur et la faiblesse prenait naissance dans ma poitrine pour s’emparer peu à peu de mes bras et de mon système respiratoire, tandis que mon sang commençait à envahir ma gorge pour en ressortir par ma bouche. Le regard horrifiée par ce qui m’arrivait, je me sentais dépérir petit à petit jusqu'à ne plus pouvoir me tenir debout. Un hurlement retentissait derrière moi, une voix familière qui me réchauffait le cœur tandis que mon corps se refroidissait et que mon âme semblait s’évanouir au contact de l’air.
Je me réveillais en sursaut, le souffle haletant et dans un état de stress que je n’avais pu avoir que très rarement. Je faisais rarement de mauvais rêves, seulement lorsque je vivais un mauvaise période de ma vie, comme le jour de la mort de mon père ou j’en étais arrivée à ne plus pouvoir fermer l’œil de la nuit. Ce rêve, ce n’était pas la première fois que je faisais, surement un genre de choc post traumatique dont j’avais le plus grand mal à me remettre. La main posée à l’endroit où j’avais senti la dague me transpercer, je me rendais surtout compte que mon cœur avait un rythme irrégulier et frénétique, je venais simplement de faire un cauchemar et une crise d’angoisse. Je n’avais pas osé en parler à Katsuya, j’avais peur qu’il s’inquiète pour pas grand-chose, le passé était derrière nous et je savais à quel point il avait pu souffrir de me voir dans cet état. Mais lui cacher tout ça n’était pas une bonne idée, je lui en parlerai un jour mais je préférais attendre qu’il se remette un peu de tout ça, le brusquer ne serait pas bon, ni pour lui ni pour moi et encore moins pour nous. J’attendais le petit matin pour me remettre en route et quelques heures me suffirent pour atteindre la ville, m’assurant qu’Eiri ne me suive pas en ville, je semblais comprendre qu’elle m’attendrait aux alentours jusqu'à mon retour. Déposant alors Kisaki aux écuries, je repassais voir Kazuo et Katsuni qui me posaient milles et unes questions sur mon voyage, ce beau couple de commères. Puis finalement je me présentais à mes supérieurs, le jour de fin de ma convalescence était aujourd’hui, j’allais reprendre du service et tant que le prince ne jugeait pas opportun de me rappeler auprès de lui, je restais en poste sous les ordres de son père. Sauf que visiblement, mon seigneur m’avait fait demander mais pas tout de suite, j’avais un certain laps de temps de disponible avant de devoir me rendre à la capitale, je ne savais pas pourquoi mais d’ici là, je me voyais offrir quelques jours de répit. Le prince consort était quelqu’un de prévoyant, je l’avais appris avec le temps. Son jeune âge pouvait laisser penser qu’il était encore bien naïf mais il n’en était rien et d’un sens, ce n’était que plus heureuse que je m’étais dédiée à le servir. Je disposais donc d’une douzaine de jours pour rassembler tout ce qu’il me fallait pour ce qui semblait être quelque chose de long et éprouvant. C’est ce que j’en déduisais pour que l’on m’accorde autant de temps. J’avais pour habitude de toujours être prête à faire face à l’imprévu, j’avais simplement à rassembler quelques affaires et à me rendre a Hoshizora. Mais je voyais en cela un genre de cadeau que l’on me faisait, douze jours me permettaient aisément de refaire le trajet pour Arano et pouvoir ainsi repasser quelques jours auprès de Katsuya avant de me rendre à la capitale près de mon seigneur.
Quelques jours de répit que je ne souhaitais pas gâcher en poireautant à la maison, a subir les interrogatoires de Katsuni. Aussi agréable était elle devenue, elle restait toujours très envahissante sur ma vie privée et particulièrement Katsuya. J’imagine que mon pseudo-coma avait du être éprouvant pour lui aussi bien parce qu’il attendait mon réveil qu’il devait avoir eu le droit à ce même genre d’harcèlement. Katsuni ne se souciait pas des rangs sociaux et même si j’approuvais parfois cet état d’esprit, elle pouvait s’attirer des ennuis très rapidement, elle qui à la base n’était qu’un assassin déshonoré. Cependant son mariage avec Kazuo lui donnera un rang tout autre qui lui permettra peut être -enfin je l’espérais- de comprendre l’importance de nos castes et de l’intérêt qu’avait la bienséance dans tout cela. Le soir même je dormais d’un sommeil agité mais différent du cauchemar que j’avais l’habitude de faire. A ma place dans les mêmes circonstances, je voyais Katsuya mortellement blessé, impuissante et juste capable de crier, je m’étais réveillée en sursaut et en nage, dans un état de panique qui avait inquiété Kazuo au point ou il avait attendu que je me rendorme pour repartir se coucher. Mes proches avaient conscience de la marque éternelle que j’avais au fond de moi, j’étais devenue presque craintive en me remémorant simplement ce rêve, j’avais eu plus peur et ressenti plus de souffrance en voyant Katsuya mourir sous mes yeux dans un rêve que je n’avais eu peur pour ma propre vie lorsque cela m’était vraiment arrivé.
Pourquoi ? Je ne me l’expliquais pas, je n’en étais pas capable mais une chose était sûre, je crois que si Katsuya devait mourir avant moi, j’aurai perdu plus que ma vie ou mon honneur, mon âme se serait alors fissurée à un point où je n’aurai même pas la moindre idée ni même la notion de ce qu’est l’honneur. La vengeance prendrait surement le pas sur tout le reste et bien que cela me conduise à une mort inéluctable, je pense que je la prendrais comme une délivrance me permettant de rejoindre celui que j’aime dans l’autre monde. Pourquoi en venais-je à cette conclusion au final ? J’avais pleinement confiance en Katsuya et il avait démontré à bien des reprises être un excellent combattant mais mon père me l’avait assez souvent dit : Même le plus grand des combattant ne vaut rien si on le poignarde dans le dos. Nous autre samouraïs avions des ennemis partout, presque autant que ceux que nous servions, les criminels les plus dangereux seraient heureux de nous égorger s’ils en avaient l’occasion, nous n’étions pas plus en sécurité derrière notre noblesse ou nos biens.
Le lendemain je repartais en direction d’Arano, bien décidée à retrouver et passer tout le temps qui m’était possible à l’homme de ma vie, j’espérais simplement qu’il serait présent à mon arrivée et non reparti à l’autre bout du monde pour un motif quelconque. En partant aujourd’hui, il me faudrait quatre jours pour arriver à Arano et quatre autres pour aller d’Arano à Hoshizora, par conséquent il m’aurait à ses petits soins pendant au moins quatre jours, c’était peu, bien trop peu mais au moins, notre promesse de nous retrouver rapidement ne serait pas brisée et cela me réchauffait le cœur, à défaut de pouvoir l’embrasser séance-tenante et de le serrer contre moi. Eiri m’avait retrouvée dés que je m’étais éloignée de la ville, m’attendant paisiblement cachée dans un coin. Je me demandais comment Katsuya réagirait lorsque je lui raconterais toute l’histoire.
|
|