Être une princesse avait pas mal d'avantages en somme quand on y réfléchissait bien, mais encore fallait-il bien y réfléchir. Et pour l'heure, je n'avais pas vraiment envie de voir les bons côtés, c'était bien plus amusant, ou du moins ça permettait plus de remarques, de voir les aspects négatifs de la chose. Oui, princesse mon œil parce qu'encore une fois, j'étais obligée d'aller à je-ne-sais-quel réunion de conseillers ... obligée était le bon mot car ma mère avait insisté pour que je m'y rende. Bon, quelque part, j'aurais du me sentir honorée que ma présence soit ainsi requise mais non, l'idée ne me plaisait guère. Si j'appréciais qu'on reconnaisse ma valeur en tant que future dirigeante de Muria, je me languissais de ces réunions à n'en plus finir, d'autant plus que je ne connaissais même pas la nature de celle qui allait venir. Mais bon, si les caprices d'une princesse sont casse-pied, autant dire que ceux d'une reine sont pires et qu'on ne peut décemment pas y déroger comme ça. Etre princesse ne m'était pas favorable en ce jour.

Brefle, tout ça pour dire que ce fut avec regret que j'avais quitté Liyana la veille au soir, consciente qu'il me faudrait dormir un temps soit peu pour être en forme le lendemain. De quoi pouvait-on parler ? Sans doutes d'une nomination ou alors de la folie passagère qui avait conduit ma mère à accepter cette alliance douteuse avec les Elfes. Si je respectais Nalween et Philéa, je ne supportais pas les pactes fait à la va-vite ainsi, ou pire, l'idée qu'une guerre puisse un jour pénétrer les murs protecteurs de la cité et mettre en péril sa vie. Enfin, je n'étais pas reine et sans doutes que celle des Amazones n'avait pas l'intention de revenir sur ce sujet au vue de mon opinion là-dessus.
M'habiller fut rapide, tout autant que de me préparer pour la-dite réunion qui commençait déjà à me pomper l'air alors qu'elle n'avait même pas débuté. Mais bon, il fallait bien que j'intègre dans ma tête que mon futur peut-être rôle incombait que je fasse de la politique et donc, que j'assiste à tout ce genre de cérémonies. Ainsi, ce fut dix minutes avant le début de la discussion que je me retrouvais devant les portes de la salle menant au trône.
La dernière fois que j'avais pénétré dans cette salle, c'était pour y conduire une victime, pardon, un vieux réflexe, pour y conduire Feanaro, ce capitaine de la garde Elfe qui n'avait eu de meilleure idée que de nous proposer cette fichue alliance sans intérêt. Enfin si, justement, elle en avait puisque Philéa l'avait accepté, or elle n'acceptait que rarement les offres qui ne lui étaient d'aucune utilité. Quoi qu'il en soit, depuis, et un bout de temps était déjà passé, je n'avais plus remis les pieds dans cette pièce. En même temps, ce n'était pas plus mal. La porte émit un couinement familier en s'ouvrant sur la scène et je m'avançais pour prendre place.

~

Philéa, reine des Amazones était assise là, sur son trône, bien en face de la porte. Ou plutôt, c'est ce qu'il me sembla appercevoir, l'habitude sans doutes car la pièce, habituellement dénuée de table, en comportait momentanément une au centre. Ronde, chez les Amazones, on prônait l'égalité entre toutes, car après tout, nous étions toutes des soeurs. Autour de cette table se trouvait déjà assises Kiera, la Chef des Sentinelles, Lyne, la scribe personnelle de la reine et Elysia, la conseillère toute aussi personnelle de Philéa.
Ok, la réunion était un vrai conseil d'état major ma parole ! Bon, où était la principale intéressée ?

Sans attendre, je prenais place, prenant la peine de saluer chacune de mes soeurs ici présentes. Comme à son habitude, Kiera me sourit gentiment, à croire que notre récente "amitié" avait toujours été et je pris place à côté d'elle. Habillée en noir, je faisais tâche parmi le tableau des Amazones, surtout auprès de Lyne et Elysia. La première était en bleu pâle, une tunique simple mais qui lui allait comme un gant et mettait en valeur ses traits ... on aurait une fée-Lyne. Le tout était réhaussé par ses cheveux bruns qui courraient le long de ses épaules et dans son dos. Pour Elysia, le rouge semblait sacré, une robe couleur rouge sang était donc de mise, le tout relevé par quelques bijoux en or. Brefle, autant dire que ma tenue provocante à souhait et noir n'était pas trop dans le genre de la table. Mais bon, elles étaient habituées et quand bien même, je faisais ce que je voulais. Point barre.
Philéa entra dans la pièce. Habillée d'une robe immaculée relevée d'un liseré noir courant jusqu'au bas du tissu, certie de bracelets en or courant le long de ses bras et d'une couronne légère sur la tête, elle avait plus que l'allure d'une reine. On aurait pu croire à une déesse. Ses cheveux d'or étaient assemblés en une simple coiffure, bien plus sobre que le reste de l'ensemble. Le plus surprenant toutefois n'était pas l'accoutrement de ma mère non, j'avais l'habitude de ses robes jamais identiques, mais plutôt la petite silhouette qui se profilait dans son ombre. Lorsque la reine prit place autour de la table, la petite, qui n'était autre que Jelenna, suivie de près par Haiiro, la louve cendrée, vint s'assoir entre Lyne et moi.

Que faisait ma cadette ici ? A une réunion aussi importante qui plus est ?
Certes il était vrai qu'en rentrant, j'avais noté que trois chaises étaient vides mais j'avais plus pris ça pour une erreur ou plus simplement, un oubli. Mais non, la présence de la petiote était bel et bien la volonté de notre mère qui la regardait d'un air rassurant. Tu parles, comme si à sept ans on pouvait être rassurée de se retrouver au milieu des cinq personnes les plus influentes de Muria ! Non mais je vous jure. Enfin bon, chacun ses méthodes hein, je n'étais pas sa mère aussi. Mais Jelenna semblait plus curieuse de la suite - que moi ça c'était sur - qu'effrayée - elle me faisait mentir en somme -. Bon, c'était bien beau tout ça, mais on allait peut-être maintenant savoir pourquoi nous étions là non ?

Ayé, Philéa prenait enfin la parole pour annoncer :

" Bien, je vous ai réunies ici pour parler de l'alliance passée avec les Elfes. "

Oui, il y avait des jours où être princesse n'était pas mon fort. Des jours où comme ça, on avait beaucoup moins envie de se lever quand on voyait ce qui nous attendait ... La discussion allait être longue ... très longue. Et puis, que faisait Jel' dans tout ça ? C'était pas qu'elle n'était qu'une enfant mais presque !

Je ne pouvais pas y croire.
En fait, si. Je savais que Philéa n'avait pas accepté cette alliance par hasard, mais l'entendre de sa bouche était différent que de se l'imaginer. D'autant plus que les raisons qu'elle avouait pour l'heure, j'étais en effet consciente qu'elle ne nous dirait pas tout aujourd'hui quant à ses autres motivations, sans doutes plus personnelles, étaient des plus ... ridicules à mes yeux. Comment pouvait-on décemment engager son peuple dans une guerre hypothétique et, si elle venait à se réaliser, un conflit qui décimerait la population de la cité. Nalween n'avait-elle pas parlé d'une guerre sans précédent ? D'une guerre sanglante et qui brulerait tout sur son passage, ou à peu de choses près ? Et elle qui nous disait comme ça, qu'elle venait de signer notre probable arrêt de mort. Avec le sourire en prime !
Je n'eus pas le temps de prendre la parole que déjà, Lyne me devançait, suivie de près par Kiera et Elysia. La première approuva le choix de sa reine sans plus de précision. La demoiselle était connue pour son gout de la guerre, qu'elle soit justifiée ou non, et pour son sens tactique des choses. Elle n'était donc là que dans l'unique but de conforter Philéa ou encore, de mettre en place une stratégie le temps venu, et, pour cela, il fallait bien qu'elle soit au courant et non pas prise au dépourvue. Jusque là, c'était logique. Elysia pour sa part, exprima quelques doutes quant à notre position à la fois très défendable et très dangereuse. Muria était dissimulée par la forêt, atout certes, mais si celle-ci venait à bruler, les Amazones seraient piégées et prises en étau ... n'était-ce pas un risque important à encourir pour un mythe ?

" Si guerre il y a, je ne pense pas qu'au vue de la géographie d'Azthia, nous soyons la première cité attaquée. Notre alliance nous demandera surement de nous déplacer, ainsi, nous protègerons les sœurs restées ici pour protéger les plus jeunes. "

Voilà, ma mère venait de balayer le premier argument en défaveur de sa décision. Elysia semblait sceptique mais elle ne poursuivit pas, se contentant d'attendre une réaction du reste de l'assemblée. Ce que Kiera fit sans attendre. La jeune femme avait beau être ma rivale de toujours, je ne pouvais m'empêcher de penser qu'un rôle tout aussi lourd que le mien incombait à ses frêles épaules. Oui, elle forçait le respect ... et je devais bien l'avouer. Pourtant, la Chef des Sentinelles ne semblait pas contre l'idée d'une guerre et la proposition d'accord entre les Elfes et les Amazones, bien au contraire. Elle débuta donc son discours :

" Je pense que cette alliance est toute aussi dangereuse qu'elle peut nous être profitable. Si l'on considère le fait que nous soyons appelées loin de Muria, cela protègera en effet la cité ... en revanche, il est probable, au vu du rêve de Nalween, que cette guerre décime notre population ... toutefois, ne pas agir serait sans doutes pire. Sur ce point, je suis tout à fait d'accord. En revanche, il faut penser que si nous avons à nous déplacer, il faudra prévoir les vivres, mais également le fait que nous serons peut-être confrontés au fait de devoir traverser des cités ennemies ou encore, de nous allier avec ces mêmes cités. "

Kiera avait parlé tellement calmement qu'on sentait presque l'atmosphère de la pièce s'apaiser. Pourtant, lorsque Philéa reprit la parole, le phénomène retomba aussi vite qu'il était apparu. Ce fut avec force que la reine Amazone avança les arguments suivants :

" J'y ai réfléchi. Il est évident comme tu le soutiens que nous devions participer à ce conflit s'il doit aboutir, comme le prédit la prêtresse, à un cataclysme. Nous connaissons toute le passé de ces terres, il ne serait profitable à personne qu'il se répète ... voilà pourquoi j'ai pris cette décision. Tu parles ensuite de vivres ... je ne pense pas qu'il faille se pencher sur ce problème en premier, bien que je connaisses ton attachement à la question technique du conflit, il faudra s'y pencher plus tard. Pour ce qui est des cités ... ennemies. J'y ai également pensé. "

Elle marqua une pause avant de reprendre de plus belle :

" Dans ce conflit, nous devrons tous nous allier sous peine de forfaiture. C'est ce que nous as fait comprendre l'elfe en tout cas et je pense que devant l'ampleur de la tâche, tous les comprendront. Si jamais il venait à nous en couter de nous allier à eux, nous obligerons les elfes à nous protéger. "

" Penses-tu vraiment qu'ils combattraient sur deux fronts ? " ne pus-je m'empêcher d'intervenir.

La discussion me fatiguait. Pourquoi la reine nous avait-elle conviée ici si ce n'était que pour la confirmer dans ses choix ? C'était idiot, elle n'avait pas besoin de nous pour savoir si ce qu'elle faisait était juste ou non. D'autant plus que l'atmosphère trop pesante jouait beaucoup sur mon comportement. Entre Elysia qui désapprouvait silencieusement sa souveraine, Lyne qui était excitée à l'idée d'un futur même improbable, conflit et Kiera qui émettait des doutes ... sans parler de Jelenna, apeurée par la situation que lui promettait sa mère. Merci du bazar dans ma tête !
Non, j'en avais marre, il fallait dire les choses ? Parfait.

" Je pense que cette alliance se retournera contre nous. D'une part parce que les autres cités qui viendraient à s'allier à Silmarie n'accepteront jamais notre présence. D'autre part, parce que si nous ne périssons pas sous les coups de cette armée fantôme, nous mourrons sous ceux des autres armées. Nous sortirons au mieux affaiblies de cette guerre chimérique ... et ce ne sera que profitable aux autres. "

" Pour autant que je le sache, tous sortirons affaiblis de cette guerre. Et comme je l'ai déjà dit, tous serons amenés à participer d'une façon ou d'une autre au conflit alors pourquoi s'inquiéter de savoir s'ils nous attaqueront ? "

" Penses-tu vraiment qu'une guerre puisse avoir lieu, une guerre de cette ampleur ? Crois-tu vraiment que tu pourras regarder tes sœurs mourir sans le regretter ? "

" Nalween est la prêtresse au même titre que tu es princesse, cela devrait te suffire, pour le reste, c'est le lot quotidien d'une reine et il semble pour l'instant, que tu ne sois pas encore capable de l'assumer convenablement. "

Paf.
Bah ouais, elle appuyait là où ça faisait mal. De toute façon, il était inutile de réfuter ce qu'elle avançait. A chaque argument contre, elle apportait un argument d'une logique implacable. Un serpent qui se mordait la queue ... en même temps, elle était habituée aux jeux politiques, à l'art de manipuler les foules et les mots. Inutile, malgré tout ce que je pouvais penser, je me révélais incapable de lutter pour le moment contre elle sur ce terrain là.

" Si cette guerre vient à voir le jour, sache que je te suivrais, mais je tiendrais également ma promesse. "

Voilà tout ce que je pouvais ajouter aux yeux d'une mère qui ne semblait pas être perturbée outre mesure d'engager ses filles dans une lutte qu'elles n'avaient pas choisi. Peu m'importait que le monde soit englouti, que l'on meurt ou autre, seule ma liberté comptait. Celle des autres Amazones avec elle ... sans parler de Jelenna.
La suite de la conversation se passa sans moi. Trop occupée que j'étais à réfléchir à ce conflit hypothétique comme au conflit interne qui m'animait. Peu importait que cette guerre n'éclate, il y a longtemps que c'était la guerre dans mon cœur de toute manière. Ce n'était pas ça qui me ferait peur. De toute façon, j'aurais beau être contre, avancer tous les arguments possibles et inimaginables pour défendre Muria, Jelenna et les autres, rien n'y ferait. Philéa avait décidé, s'était engagée et parlait maintenant stratégie. Point final ...

La reine et son assemblée se levèrent sans que je ne m'en rende vraiment compte, perdue que j'étais dans mes pensées. Il me faudrait lire le ''rapport'' de ce rendez-vous pour en savoir plus. Pour l'heure, il me fallait parler à Jelenna ... à moins que ce ne soit l'inverse. J'avais en effet remarqué que la gamine était perturbée depuis le début de la conversation. Philéa sortit, suivit des trois autres sans que je n'y prenne garde. Qu'avaient-elles décidé pour notre peuple ? De toute façon, ce ne pouvait être que le mieux du pire dans la situation actuelle. Philéa ... parfois était un grand mystère à mes yeux. Là encore, qu'elle puisse faire confiance et suivre aveuglément les idées d'une soit disant prétresse me perturbait mais je n'avais pas encore la possibilité de faire quoi que ce soit contre ou de la faire changer d'avis. Bref, je me répétais ...

" Eléa ... cette guerre va vraiment arriver ? "

L'innocence parlait avec des mots trop durs.

[ Bon de toute façon, je ne vais jamais arriver à faire ce que je veux XD ]

Philéa ne les avait pas réunies par hasard.
En effet, elle s'attendait à ce que Lyne, la fière et forte Amazone qui s'illustrait plus sur les champs de batailles que sur les relations humaines ou autre, soit de son côté. Mieux, la réaction de celle-ci la confortait dans son idée qu'elle avait eu raison d'accepter cette alliance. Elle s'attendait également à ce que Elysia émette des doutes sur son idée, doutes qu'elle balaya facilement, d'un revers de main. Pour ce qui était de Kiera, la jeune Chef des Sentinelles serait forcément de son côté, quant bien même émettrait-elle des doutes, la reine Amazone savait qu'elle n'aurait aucun mal à la convaincre. Restait Eléa, sa fille ainée, qu'elle avait fait venir ici dans le but d'exprimer toutes les oppositions qu'on pouvait lui présenter, ce que bien sur, sa progéniture ne s'empêcha pas de faire. Mais là encore, la femme aux cheveux blonds n'eu aucun mal à décourager les arguments avancés par sa fille.
Tout était parfait.

Même Jelenna ne disait plus rien.
De ce côté-ci, Philéa était soudain moins sure d'elle. N'avait-elle pas fait une erreur en emmenant à cetet réunion secrète sa cadette ? A sept ans, il était difficile de se rendre compte de la portée des choses, de ce qu'elles valent et de ce qu'est une guerre. Pour ce dernier point, la reine en était sure, la gamine savait ce que c'était, ce que le mot signifiait et surtout, impliquait. C'était facile de le savoir à voir la réaction de la petiote. Au final, non, elle n'avait pas eu tord de la mener ici. Après tout, Jelenna serait peut-être amenée un jour à occuper le trône ou, si Eléa survivait à toutes les épreuves que le destin s'acharnait à mettre sur son chemin -ou le MJ - du moins serait-elle amenée à remplier un poste important. Peut-être chef des Sentinelles quand on voyait son talent au tir-à-l'arc. Dans tous les cas, elle se devait de s'endurcir, de cesser de croire au père noël et aux fées. Elle devait voir les choses comme une souveraine en puissance et plus comme une enfant qu'elle était pourtant encore.
Philéa craignait en réalité que sa cadette ne devienne comme son père. Faible et soumise à toute proposition qu'on lui ferait, et ça, pour son bien comme celui de Muria, c'était inconcevable. Impossible même, autant la tuer de ses propres mains que de laisser la cité courir à sa perte avec elle. Du coup, là encore, la reine ne regrettait pas sa décision. Au fond, elle faisait comme tout le monde des erreurs, mais aujourd'hui, elle était convaincue que non. Point final.

La réunion prit fin plus vite que ne l'avait espéré la jeune femme.
Elle se leva tranquillement, faisant signe à Kiera et Lyne de la suivre, tout en intimant à toutes que ce qu'elles venaient de se dire devait rester entre elles jusqu'au jour J. Pour l'heure, la discussion était close, elles devaient toutes réfléchir dans leur coin à la meilleure stratégie, aux éventualités de la guerre, à la question de la nourriture, de Muria etc. Pour sa part, Philéa avait encore à faire, il lui fallait préparer sa visite à son cher mari ... ce dernier ayant eu la bonne idée de rencontrer Eléa, il n'était pas question qu'il la récupère, pas maintenant où le trône n'avait que besoin de sa présence pour la suite. Pas question !
La jeune femme quitta la pièce d'un pas décidée. Contente que la réunion se soit si bien passée, elle se dirigea vers ses appartements en compagnie de Kiera et de Lyne. Sur le chemin, elles parlèrent en conciliabulle de certain détails de l'alliance sur lesquels il serait bon de préciser les choses. La reine écouta d'une oreille entendue puis toutes les trois disparurent dans la chambre de la souveraine. La porte se ferma derrière elle pour une nouvelle réunion des plus secrètes ...

[ Désengagée ]
[ Désolée, je n'ai pas le temps de faire plus long et de faire mieux T^T ]

La question était posée tellement naïvement.
Pourtant, grâce à ce charmant don hérité de mon père, que ces idiots de Templiers nommaient "L'Esprit", je ne pouvais que ressentir de façon certaine la crainte, non, la terreur, qui émanait du corps de ma frêle petite sœur. Malgré la bonne figure qu'elle essayait de montrer devant moi, tout dans son comportement me démontrait le contraire. Elle était tétanisée de peur, comme toute gamine de sept ans devait l'être à l'annonce de la fin des temps. Je maudissais ma mère en cet instant pour avoir convié Jel' à cette réunion. Réunion O combien inutile étant donné qu'elle avait déjà décidé que nous participerions à cette guerre, quoi qu'il advienne. Je ne le comprenais plus vraiment en ce moment ... pourquoi vouloir faire de sa cadette ce qu'elle ne serait visiblement jamais ? Et puis, à son âge, on ne pouvait pas lui en vouloir d'être peureuse et chétive. Mais bon, Philéa était comme ça, je ne la changerais pas et bien d'autres avant moi s'étaient brisé contre le mur qu'elle représentait. Le jeu n'en valait pas la chandelle. Mais revenons-en à Jelenna. La petite gardait ses grands bleus ouverts et fixés sur moi, tandis que sa main caressait machinalement le dos de Haiiro, surement pour chercher du réconfort ou de l'assurance. Que devais-je lui dire ?

La peur qui émanait de son esprit commençait à parasiter le mien.
Comment mentir à une gamine de son âge ? Comment lui dire "tout ira bien" tout en sachant que ce n'était pas assuré ... car au fond de moi, je ne pouvais que croire et être persuadée que cette guerre adviendrait. Après tout, jamais le rêve d'une Prêtresse ne s'était révélé erroné ... celui-ci n'échapperait donc pas à la règle. Non, il fallait trouver quelque chose. Dire la vérité à cette enfant qui représentait à peu près tout dans ma vie ou lui cacher une vérité qu'elle savait être vraie ? Car il était clair que sa question ne demandait que confirmation de sa peur. La petite ne craignait visiblement pas de mourir, mais de voir disparaitre ce qui la constituait. Les murailles douces et rassurantes de Muria, les Sentinelles, ses amies, sa famille ... voilà ce qui la terrorisait plus que tout, c'en était tellement touchant. Oui mais voilà, que devais-je dire ? Je n'étais ni mère ni rien, juste une pauvre sœur tout aussi apeurée par le futur que ma cadette. Un futur de sang et de haine n'était jamais à espérer, quand même les adultes le craignait, comment pouvait-on assurer aux enfants que le lendemain serait aussi doux que la veille ?

" Cette guerre aura lieu. "

C'était une réalité qu'il ne fallait pas cacher.
Ici bas, chacun est libre de choisir son destin, chacun est libre de choisir s'il sera lâche ou assez fou pour s'opposer à la menace invisible. Ici bas, même une enfant innocente mêlée malgré elle aux affaires des adultes avait le droit de savoir, le droit de ne pas se voiler la face. C'est pourquoi j'avais répondu aussi franchement à Jelenna, sachant pertinemment que la petite vivrait jusque là dans une peur plus grande. Celle d'attendre.
Dire qu'elle ne participerait pas à cet affrontement, je ferais tout pour ça du moins. Triste spectatrice d'un futur sans lendemain ... Au moins, elle saurait à quoi s'attendre. Pour autant, ma réponse n'évoqua pas dans l'esprit de la gamine les sentiments que je pensais y trouver. La peur était toujours là, forte et sauvage, mais un autre sentiment émergeait. Le courage, celui de voir les choses en face, de savoir que tout n'était pas perdu d'avance, que tout changerait peut-être mais qu'elle pouvait aussi participer à ce changement, à son échelle. Jelenna était-elle plus forte que je ne le pensais ? Mes yeux se posèrent sur celle à qui je donnerais sans hésiter ma vie car, si mon allégeance allait naturellement à ma cité, Muria passerait toujours après Jel'. Tandis que ses prunelles azurées se posèrent sur les miennes, je continuais, pensive :

" Elle aura lieu Jelenna, mais j'ai fait une promesse. Quoi qu'il advienne, Muria pourra bien brûler que je ne te laisserais pas mourir. Rien ne t'arrivera tant que je pourrais te protéger. Ce n'est pas un futur sans lendemain, pas encore. "

Un pâle sourire que je voulais rassurant se dessina sur mes lèvres tandis que je voyais les traits de ma cadette se détendre. Un petit peu, pas grand chose, mais ma réplique l'avait ne serait-ce que rassurée un peu. C'était le principal. Au fond, je n'avais pas menti, cette promesse, je la tiendrais, je l'avais assuré devant les elfes comme devant la terrible Philéa. Philéa d'ailleurs ... que ferait-elle pour préserver les vies de celles qui ne pourraient se battre ? Sa précieuse petite dernière la première ? Que ferait-elle pour protéger Jelenna le jour venu ? Il était idiot de penser que devant une telle armée, toutes survivraient, les alliances auraient beau y faire, cela ne serait qu'une faible chose dans la balance de la vie. Cette armée qu'avait vu Nalween était effrayante, sans âmes, alors à quoi bon au final essayer de faire la forte, de promettre ce que personne ne pourrait réaliser ? Oui mais voilà, devant les yeux d'une enfant innocente, seule la vérité nue comptait. Dans ces yeux effrayés, bercés par la naïveté enfantine des gamins de sept ans, on pouvait lire le courage, la détermination, mais plus que tout, l'espoir.
Rien que ça me suffisait à croire au lendemain, à pousser la chance. De toute façon, je connaissais mes priorités, et tant pis pour le reste.

" Tu ne risques rien, ne t'en fais pas. J'aurais envie de te dire que cette guerre n'arrivera pas, je l'espère, même si au fond, la Grande Prêtresse n'a jamais eu tord quant à ses rêves. Mais ... quand bien même, je suis ta grande sœur, tu ne craindras rien, je te protègerais. Ce mal viendra à nos portes, mais c'est ensemble que nous le repousserons, nous n'avons pas le choix. Alors ne crains rien, et continue de croire. "

Et voilà, je devenais complètement tarée.
C'était dingue comme Jelenna avait de l'influence sur le cœur des gens. Peut-être même plus, elle avait l'influence de l'espoir, elle aurait fait croire à un mourant qu'il allait survivre. Ses prunelles reflétèrent quelques doutes avant de finalement détourner leur regard. Jelenna contemplait Haiiro lorsqu'elle murmura :

" J'ai peur ... "

C'était compréhensible.
Mais je ne pouvais pas faire plus. Ce n'était pas mon rôle, je n'étais pas sa mère, mais à voir la sienne, il n'était pas plus recommandable que cette dernière agisse en fait. Mieux valait sans doutes ma maladresse que celle de Philéa. Perdue dans son monde d'adulte, la reine amazone avait toujours fait passer Muria avant ses priorités familiales. Elle avait toujours fait passer le groupe avant la famille, même si cette tendance s'était plus ou moins effacée avec la naissance de Jelenna, une vraie amazone née entre les murs de la cité. Oui mais Philéa n'en restait pas moins la même et au fond, je me demandais ce qui était le pire, cette alliance foireuse qu'elle avait pris à la légère et pour des raisons plus que personnelles ou son attitude envers nous, ses propres filles. Il me paraissait évident qu'il me faudrait réfléchir plus que sérieusement à la protection de la petiote. Un choix devrait être fait ...

" Jel', j'ai quelque chose à te dire. "

C'était égoïste, mais j'avais besoin de me confier à mon tour. Réaction humaine face à des sentiments et des évènements qui m'échappaient. Jelenna était depuis toujours et resterait sans doutes à jamais ma confidente la plus fidèle. Du haut de ses sept ans, elle faisait toujours preuve de calme pour me répondre et m'écoutait avec patience. Sa présence en elle-même était rassurante et apaisante. Aujourd'hui, malgré la peur qu'elle ressentait déjà, il fallait que je lui parle ... cette dernière mission ne m'avait pas laissé indemne, quelqu'un devait savoir et qui de mieux que ma petite sœur adorée ?

" J'ai retrouvé mon père. "

[ Avancée sur la mission avec accord de Jacen. ]