[FH] Leçon particulière (pv Marcus)

Calme,
Patience,
Devenir la meilleure.

Je traçais à nouveau ces lignes sur ma feuille blanche, incapable de me concentrer sur quoi que ce soit d'autre. Je traçais et retraçais ces lignes sans parvenir à les faire sortir de ma tête. Sans doutes était-ce parce que j'avais vraiment envie de devenir la meilleure et que mon père, qui n'était autre que mon mentor, ne cessait de me répéter que le calme et la patience étaient les plus grands secrets pour être une bonne Zélote. Il ajoutait d'ailleurs souvent que je ressemblais à ma mère sur ce point, visiblement, elle était incapable de la moindre concentration. Pour ma part, ce n'était pas tant ça le problème que la volonté de pratiquer, d'apprendre encore et toujours plus. M'exercer à étirer mes muscles ou encore, à faire des mouvements longs et lents étaient certes passionnant mais franchement … je voulais plus ! Papa n'était pas du genre à « brûler les étapes » pourtant, j'avais aussi l'impression qu'il ralentissait le plus possible ma formation, comme s'il avait peur que je fasse trop de vagues. Je savais qu'il craignait surtout que j'attire l'attention de mon cousin éloigné, Liam. C'était d'ailleurs ce que j'escomptais, si j'avais joué plus finement, j'aurais peut être même pu être son apprentie mais papa avait sûrement intercepté mon idée et demandé à ce que je lui sois confié. Nous étions des Clari plus que des Henrick alors autant dire qu'il n'avait pas du avoir trop de mal à obtenir ce qu'il voulait … Quoi qu'il en soit, j'avais souvent l'impression de ne pas avancer contrairement à ce que disait mon père.

J'avais beau me concentrer sur les exercices qu'il m'avait donné, je n'avais pas envie de vraiment m'y plonger. Trop de pensées coulaient en moi. J'avais envie de m'exercer et, je ne pouvais pas le faire avec mon père tant que je n'aurais pas fini ces fichus mathématiques et ces exercices de traduction. Comme si l'Elfique m'apprendrait à faire quoi que ce soit, à me défendre ou à défendre ma nation. N'importe quoi ! Du coup, j'avais cherché à savoir qui pourrait m'apprendre ce que je voulais sur la maîtrise du feu. Soren Henrick était connu pour ses capacités, c'était en partie pour cela qu'il avait été choisi pour être Princeps, ce dont je ne pouvais qu'être fière évidemment, mais je savais aussi qu'il craignait de ne plus pouvoir me protéger du maître du Monastère si je devenais « meilleure ». Je ne voulais pas m'améliorer, je voulais devenir la meilleure. Quoi qu'il en soit, j'avais cherché et j'avais trouvé. Le nouveau directeur de l'école élémentaire, dont je ne me souvenais même pas du nom, Marcus je ne sais plus quoi, ou quelque chose comme ça, était réputé pour sa maîtrise du feu. J'avais entendu beaucoup d'élèves le dire et je finissais par les croire. J'avais fait quelque recherches sans grand succès mais quelque chose me disait que je devais lui parler.

Ce n'était pas trop dans mes habitudes mais j'avais bien envie d'aller voir tout de même cet homme pour lui demander s'il accepterait de me donner une leçon particulière. Juste une, pas plus, mais qui me permettrait d'apprendre beaucoup de choses, je l'aurais parié ! J'avais donc décidé de me rendre à son bureau et, sans plus attendre, je venais de décider d'y aller maintenant. Je rangeais mes feuilles, je rangeais mes plumes et je quittais la bibliothèque. D'un pas décidé, je me dirigeais vers le bureau et, tandis que mon cœur battait à tout rompre, je frappais à la porte. D'une voix timide, je demandais :

- Maître ?

J'attendais ensuite que quelqu'un me réponde, me demandant à quoi ressemblait cet homme. Peu importait remarquez, tout ce qui comptait était qu'il m'aide. Papa serait fier de moi, quoi qu'il en pense, quand il verrait mes progrès. Je retenais déjà mes coups et mes techniques face à lui pour ne pas trop le brusquer – ou plus exactement pour qu'il ne prenne pas peur et ralentisse encore mon entraînement ! - mais j'avais soif d'en savoir plus !

La paperasse. Encore et toujours de la paperasse. Il allait finir par envoyer bouler tout cela et s'offrir les services d'une personne pour gérer les différents papiers, lettres et toute cette pagaille. Surtout que la majorité des documents n'avaient aucune utilité : notamment les condoléances qu'il se "devait" d'adresser dès qu'une personne un minima importante passait l'arme à gauche. Sans parler des lettres, documents qu'il devait rédiger pour justifier la moindre dépense. S'il voulait abuser de sa position pour se remplir les poches, il était certain de pouvoir le faire et les archives ne prouveraient rien. Mais d'un autre coté, il comprenait que sans tout cela, l'école ne serait pas bien riche...

Tranquillement installé dans son bureau, il s'occupait donc des quelques papiers de la journée. Il aimait bien cette pièce au rez de chaussé qui lui servait aussi de chambre : il avait ramené de son voyage chez les jinmens de grands panneaux de bois et de tissus brodés, illustrant de magnifiques dragons serpentins. L'ambiance pyrotechnique allant avec les majestueuses créatures avaient fait craquer Marcus quelques années plus tôt : il avait tout juste eut le temps de voir les panneaux que sa bourse s'était déjà retrouvée dans sa main. Désormais, ses panneaux lui servaient à cacher son lit et la partie "chambre à coucher" de son bureau : il lui suffisait pour cela de les tirer.

Il traça le point final sur ses papiers et entendit quelqu'un toquer à la porte. Il se mit à fixer la porte en serrant les dents. Sa servante, Himiko, avait un don exceptionnel pour lui ramener de nouvelles corvées à la seconde même ou il avait fini de travailler! Mais la petite voix qu'il entendit alors derrière, toute timide, n'était pas celle de la Jinmen. Il soupira : probablement une élève qui voulait lui demander il ne savait quel truc stupide. Il prit son casque sur son bureau et le mit avant de simplement dire :

-"Entrez!"

D'ailleurs, en parlant d'Himiko, que faisait t'elle? Elle aurait du lui ramener sa tisane il y a un moment. Elle avait dit aller chercher les plantes qu'il lui fallait en ville! Cette idiote avait du y aller à pieds pour éviter de recourir au cocher qui ne cessait d'essayer vainement de la glisser dans son lit.

J'étais poussée par une envie irrépressible d'en apprendre plus et pourtant, devant cette lourde porte, devant ce bureau, je sentais mon cœur battre à tout rompre et l'envie de prendre mes jambes à mon cou me traversa l'esprit plus d'une fois. Je ne savais que peu de choses du directeur de l'école élémentaire. A vrai dire, j'avais quitté plus ou moins l'école depuis deux ans maintenant et, à l'époque, tout ce qui m'intéressait était de devenir la meilleure pour briller aux yeux de la personne que je détestais le plus : Liam Clari. Aujourd'hui, je me rendais compte qu'il était peut être idiot d'aller demander à cette personne de m'enseigner ce que mon maître, mon père en l'occurrence, était censé m'apprendre depuis ces deux longues années … Mais en même temps, je sentais que je n'avancerais jamais sur la voie des éléments sans une aide extérieure. Malgré sa froideur, malgré sa relative distance, je connaissais suffisamment mon père pour comprendre que ralentir mon entraînement était sa façon à lui de me protéger et plus encore, de me garder près de lui. Je l'avais entendu dire plusieurs fois que je ressemblais à maman, pas forcément physiquement, mais psychologiquement. J'avais pris cela pour un compliment mais au final, je comprenais maintenant qu'il s'agissait d'un reproche mêlé de tristesse. Papa regrettait l'absence de sa femme et, en me gardant près de lui, il conservait une petite part de sa chère Thémis. Je ne pouvais pas lui en vouloir, au contraire, mais je me sentais brimée par les obstacles qu'il dressait sur ma route sous prétexte de me protéger.

Maman s'était-elle sentie aussi brimée et seule lorsqu'elle était entrée à l'école élémentaire ?
De mémoire, je crois qu'elle s'était surtout sentie triste de voir ce que le monde pouvait faire à une enfant « différente ». Quand certains ne voyaient en elle qu'un moyen de s'élever dans l'échelle sociale, d'autres redoutaient ses origines métissées. Quoi qu'il en soit, elle était partie et n'était retournée dans l'école que pour devenir une éminente professeure. Son absence lui avait sans doutes coûté la place de Directrice quoi que j'étais intimement persuadée qu'elle n'aurait jamais voulu de ce poste. Les deux précédents directeurs étaient morts, le nouveau était apparemment étrange et, qui plus est, ce poste impliquait des responsabilités qui pèseraient sur le temps passé avec nous. Enfin, vu ce qu'il en était de la situation aujourd'hui …

Non. J'avais raison de venir ici. Je voulais devenir la meilleure, je devais mettre toutes les chances de mon côté ! Je n'avais plus qu'à espérer que ce directeur serait en mesure de m'apprendre plus de choses sur la maîtrise du feu et compléter ainsi l'enseignement de mon père. Mon cœur battait la chamade oui, mais cette fois, plus d'appréhension de risquer un « non » que d'autre chose ! La voix derrière la porte m'intima d'entrer. Perplexe, je décidais d'obéir et poussait la porte pour la refermer derrière moi. Je me retournais ensuite vers mon interlocuteur et fut quelque peu surprise. Il était assis derrière son bureau mais portait un masque de métal que j'aurais volontiers qualifié de sinistre si cela m'avait été permis. Reprenant contenance, je tentais de lui expliquer ma venue du mieux que je pouvais :

- Désolée de vous déranger, je … j'aurais souhaité vous poser quelques questions sur la maîtrise du feu.

Je regardais la pièce dans laquelle j'avais pénétré pour reprendre contenance. Des panneaux de bois et de tissus brodés représentant des animaux mythiques de la culture Jinmen étaient positionnées dans le fond de la pièce. Curieuse, je n'osais cependant pas m'y attarder et reposais mon regard sur le bureau. Des monticules de papiers s'y amoncelaient, preuve que le pauvre homme devait vraiment avoir du travail par dessus la tête ! Ce n'était pas Liam qui devait travailler autant … Liam. Il était ma principale motivation. C'était pour le tuer de mes propres mains que j'avais décidé de devenir la meilleure, que je m'étais promis de tout faire pour le surpasser. Je ne devais pas tourner autour du pot. Ayant enfin récupéré tous mes moyens, j'ajoutais donc d'une voix posée et enfin mienne :

- En vérité, je suis venue vous demander un cours particulier Maître.

Qu'il accepte ou non, mieux valait ne pas lui faire perdre son temps. De toute façon, j'avais l'impression que ce n'était pas le genre de personne qui se laissait amadouer par de belles paroles. Il me faisait un peu peur … et même s'il était un vieillard vu les veines saillantes sur ses mains, je sentais qu'il avait encore beaucoup de forces en lui. Beaucoup de connaissances à défaut. Il était la personne parfaite pour m'apprendre l'essence même du feu, j'en étais persuadée !

Ce n'est pas la ravissante Jinmen, mais une petite bouille rouquine qui rentra. Intriguant, sûrement encore une source de tracas et de travail mais au moins, ce n'était probablement pas des papiers supplémentaires qui déboulaient dans le bureau. La gamine semblait toute timide. Normal : les jeunes gens se laissent facilement impressionner... Et l'allure et le statut de Marcus n'aidaient généralement pas à rassurer les gens : il le savait et parfois en jouait.

-"Désolée de vous déranger, je … j'aurais souhaité vous poser quelques questions sur la maîtrise du feu."

Ainsi, elle venait demander des conseils. Marcus ne releva pas l'oubli des salutations formelles et autres politesses. Il n'avait déjà pas du la forcer un peu pour qu'elle ose sortir un mot après avoir vu son allure, c'était déjà cela. Qui plus est, il n'eut pas le temps de répondre qu'elle avait prit un air bien plus déterminée et précisait :

-"En vérité, je suis venue vous demander un cours particulier Maître."

Il se leva péniblement en grommelant sous son casque comme toujours, sentant ses vieux genoux et son dos protester. Il récupéra sa somptueuse épée-canne, avec la belle pierre ornée au niveau de la garde et s'en servit comme soutien pour contourner lentement le bureau. En examinant la gamine, il ne tarda pas à l'identifier comme une Zélote... Ou plutôt apprentie. Un cours particulier hein?

-"Tout d'abord, bonjour, gamine au nom inconnu." Il ne s'en formalisait pas, mais il savait que d'autres s'en formaliseraient, eux. Une petite piqure de rappel sur l'étiquette ne faisait jamais de mal. "Mon nom est Marcus Tiberim." Elle le savait déjà, puisqu'elle était venue jusqu'ici et l'appelait "Maître", mais il le précisa tout de même pour la forme. "Navré de me présenter avec cette casserole sur le crâne, mais à supposer que je puisse l'enlever, tu n'aimerais probablement pas voir en dessous..."

Marcus aimait alimenter la rumeur selon quoi il n'avait jamais pu retirer son casque depuis plus d'un demi-siècle. Outre le coté mystérieux, inquiétant et mystique... Il était ainsi quasi certain que nul n'irait lui demander de le retirer. Ainsi, il pouvait sans mal préserver sa "seconde" identité : celle d'un vieillard lambda au visage à moitié cramé. Bref, un cours particulier pourquoi pas, il avait le temps pour cela... Mais il devait quand même chercher à en savoir davantage :

-"Tout d'abord, explique moi pourquoi désires tu un cours particulier? Quand Naly et Lymion ont relancé le Monastère, je faisais partie des premiers instructeurs élémentaires. Encore aujourd'hui, certains Zélotes sont instruits suivant des principes que j'ai lancé à cette époque... Bref, si tu as des lacunes ou du retard, n'ai pas honte de le dire : de toute manière, je sais plus ou moins le niveau qu'une gamine de ton âge devrait avoir.

Le Monastère offrait de bons enseignements, il le savait. Après tout, chaque Zélote n'est formé que par un seul maître. Et les personnes prenant une pupille sous leur aile n'étaient généralement pas des amateurs!

L'aspect physique du maître de l'école élémentaire me rebuta un peu. Disons que si j'avais l'habitude des gens étranges vu mon père, je craignais quand même cet étrange personnage. Il était vrai qu'il était déjà présent dans mes dernières années en tant qu'élève dans cette école mais je n'avais jamais vraiment prêté attention à ce genre de détails. En réalité, seule comptait ma réussite à ce moment-là, je devais être la meilleure pour impressionner suffisamment mon cousin et qu'il me prenne au Monastère. J'avoue que la tête de notre Directeur ne m'importait que peu à ce moment-là. Quoi qu'il en soit, je me tenais aussi droite que possible pour essayer de cacher mon appréhension. Perplexe, j'attendais sa réponse et je pensais bien que ma question avait du le surprendre. C'est vrai que j'aurais peut être pu mettre un peu plus les formes … Je le regardais se lever péniblement et visiblement, il ne semblait pas très content de ma présence. Il soupira mais je n'arrivais pas à voir son visage avec ce masque, ce qui lui donnait un air d'autant plus sinistre. Pour autant, je ne devais pas me laisser faire, si je m'arrêtais à ce détail, jamais je n'arriverais à tuer Liam. Je devais m'endurcir et surtout, ne plus m'arrêter à des détails aussi futiles. Je prenais une inspiration et plantais mon regard dans le sien, forte de mon envie d'apprendre et de me venger. Cette cité ne se porterait que mieux sans le Zélote.

Arg. J'avais oublié de me présenter. J'étais tellement habituée à l'étiquette que tout le monde mettait sur moi que je ne prenais même plus la peine de me présenter. Entre ceux qui me prenaient pour « l'Astorg » de service, ceux qui m'appelaient « la rejeton Clari », ou encore ceux qui considéraient qu'être ami avec moi était un pas vers mon grand-père, en d'autres termes, j'avais passé l'âge de me présenter. Soit ils me connaissaient, soit il connaissait mon père, ma mère, mon grand père ou mon imbécile de cousin et m'identifiaient tout de suite comme « la fille de » et tutti quanti. Je me rendais cependant compte de l'impolitesse dont je faisais preuve et mes joues se tintèrent de rouge. J'ignorais comment rattraper ma bêtise mais je me rendais compte de la mauvaise impression qu'il devait avoir de moi par conséquent. Si ma mère avait été là, sans doutes n'aurait-elle pas manqué de me gronder et elle aurait eu raison ! Je l'écoutais se présenter et finis par répondre, d'une voix chevrotante et peu sure de moi :

- Je suis désolée, je … je me nomme Erys Cla... je marquais une pause en me demandant s'il prendrait mal le fait qu'une Clari se présente devant lui … ne devrais-je pas plutôt dire « Henrick » ?, c'était sans doutes pire en réalité car mon père était reconnu lui aussi au sein du Sénat. D'une chose l'une, je me décidais à répondre, reprenant contenance car notre nom était notre force.

- Je me nomme Erys Clari et je vous prie de m'excuser maître.

J'étais idiote de croire que je pouvais m'adresser à lui sans étiquette. J'étais pourtant très à cheval d'habitude sur les formes et la politesse mais je ne sais pas ce qui m'avait pris. L'ancien directeur me connaissait si bien que j'en avais oublié les bases les plus élémentaires … Heureusement, le maître reprit la parole ce qui devait signifier qu'il ne m'en voulais pas trop non ? Je l'espérais parce que j'avais vraiment besoin de me perfectionner et vu son âge, il devait avoir beaucoup d'expérience. Aïe, la question piège. Si j'avouais mes desseins, il n'accepterait jamais de m'aider, mais en même temps, si j'avouais les raisons qui poussaient mon père à ne pas m'enseigner aussi vite qu'il aimerait le faire, il le prendrait pour un pleutre … Super. J'aurais du réfléchir à tout cela avant de frapper à sa porte et pourtant, si j'avais tourné en boucle une excuse dans ma tête avant d'entrer, elle ne tenait plus la route désormais. Il connaissait certainement mon niveau, c'était évident, il devait avoir l'habitude, mais il devait sûrement aussi connaître mon père.

- Je … Je ne pense pas avoir du retard ou des lacunes maître, je souhaitais seulement enrichir mes connaissances. Mon maître est Soren Henrick et je suis vraiment très heureuse qu'il m'enseigne tout ce qu'il sait cependant, il a beaucoup de travail en ce moment au Sénat et si je m'entraîne seule, j'aimerai éviter de prendre du retard. Je voudrais en apprendre plus sur la maîtrise du feu et sur ses origines, car je pense que cela ne pourra que m'aider à comprendre cet élément.

Voilà, j'avais tout dit. J'espérais juste qu'il ne prendrait pas mon père pour un moins que rien, car ce n'était pas le but. Soren était quelqu'un de bien et un très bon mentor, je savais que j'avais vraiment le niveau des autres mais j'en voulais plus. Je voulais tout savoir sur le feu, le comprendre pour le maîtriser. Le manipuler ne me suffisait pas, je voulais vraiment « vivre » avec lui. Papa pouvait m'apprendre beaucoup de choses mais pas ce point. Ce n'était pas dans sa méthode. J'étais sure que compléter mes compétences était une bonne chose et que seul un maître comme le Directeur pourrait le faire.

- Voulez-vous bien m'enseigner maître ?

Il devait bien avouer que voir les gamins de cet âge se métamorphoser en tomates quand on leur rappelait une erreur particulièrement stupide, comme le simple fait de se présenter, ne manquait pas de l'amuser.

- Je suis désolée, je … je me nomme Erys Cla... Elle marqua une pause. Ou plutôt une hésitation. Avait t'elle en fait rechignée à donner son nom? Avait t'elle espéré l'éclipser par sa demande soudaine? "Je me nomme Erys Clari et je vous prie de m'excuser maître."

Erys Clari. Marcus eut l'impression de prendre un coup de fouet. Pas car c'était une Clari, bien entendu. Plutôt car il ne l'avait pas reconnue immédiatement : cela arrivait à tout le monde d'oublier une personne juste aperçue quelques fois... D'autant plus un gosse, ils changent si vite à cet âge! Mais Marcus avait tendence à considérer le moindre oubli comme un rappel extrêmement douloureux de son âge avancé... Il avait déjà du mal en constatant l'état lamentable de son corps, mais la simple idée de perdre la boule et finir sénile lui était insupportable.

Bien sûr, il la connaissait. Vu son poste, il avait pour devoir de connaître les nobles Même si c'était son prédécesseur qui l'avait "présentée" à l'épreuve de passage au Monastère, il avait déjà croisé cette frimousse. De plus, il connaissait ses parents... Une élémentaire de talent, qui aurait probablement sa place actuelle, si les circonstances n'avaient pas tournées la situation à son avantage. Son père, mais aussi son mentor, était aussi assez connu au sein du Monastère. Marcus l'avait déjà vu gamin et savait qu'il avait reçu une formation adaptée. Mais quoi qu'il en soit, il ne regrettait pas de l'avoir forcée à se présenter : même s'il l'avait reconnu dans la seconde, il l'aurait fait par principe... Et peut être même de manière encore plus sèche, car il aurait alors tenu à la faire tomber de son piédestal.

- Je … Je ne pense pas avoir du retard ou des lacunes maître, je souhaitais seulement enrichir mes connaissances. Mon maître est Soren Henrick et je suis vraiment très heureuse qu'il m'enseigne tout ce qu'il sait cependant, il a beaucoup de travail en ce moment au Sénat et si je m'entraîne seule, j'aimerai éviter de prendre du retard. Je voudrais en apprendre plus sur la maîtrise du feu et sur ses origines, car je pense que cela ne pourra que m'aider à comprendre cet élément. Intéressant. Il n'y avait pas là que du zèle, mais un réel désir de progresser, de dépasser ses limites. Quel que soient ses raisons, ses objectifs... Marcus ne refusait jamais d'aider un élève motivé. Voulez-vous bien m'enseigner maître ?

Bien sûr, qu'il lui enseignerait. Toutefois, il se demandait comment Henrick le prendrait. Le vieil élémentaire ne risquait pas grand chose dans cette histoire, mais la gamine... Même si elle l'avait formulé assez habilement, elle avait clairement fait comprendre qu'elle estimait que son mentor n'avait pas assez de temps à lui consacrer. Peu importe... Il règlerait se détail si elle en valait la peine. Et cela, il allait le voir tout de suite!

-"Bien... Suis-moi. Nous allons dans la salle d'entrainement." Il se dirigea vers la sortie à son allure qui devait être affreusement lente pour la jeune pousse. Aussi, l'occupa t'il en conversant tout le long du trajet : Je vais déjà te répondre à quelques questions que neufs élèves sur dix se posent en me voyant, cela t'épargnera la peine et la gène de me le demander. Tout d'abord, ce casque est partiellement fondu sur mon visage depuis belle lurette. L'écharpe noire me sert à masquer les parties de mon visage que le casque ne cache pas : la peau y est tellement brûlée que c'est une vision assez hideuse, que j'épargne aux gens... J'ai déjà l'air assez sinistre ainsi." Il marqua une petite pause. "Cette canne et ma vitesse ne sont pas dues à une vieille blessure de guerre ou quoi que ce soit de glorieux du genre : je suis juste très vieux! Et enfin, je n'ai jamais frappé ni fait de mal au moindre élève, ce ne sont que des rumeurs que les jeunes gens aiment colporter pour faire peur aux petits nouveaux. Il faut dire qu'avec mon allure, cela doit faire son effet... Je crois que j'aurais fait pareil si j'avais eu un professeur aussi morbide, à leur âge!"

Ils arrivèrent dans la "salle d'entraînement", en fait une vaste cour dont un mur calciné prouvait que les élémentaires du feu s'y entraînaient très souvent. Les autres cotés de la cour étaient dédiés aux autres éléments, avec notamment un vaste bassin dans un coin pour les élémentaires de l'eau.

-"Bien... Pour commencer, montre moi ce que tu sais faire. Fait moi une petite démonstration de ta maîtrise actuelle..."

Il s'immobilisa et lui montra tout l'espace devant eux. Elle ferait probablement la même erreur que tous les autres, mais il y était habitué : il l'avait fait lui-même à ses débuts, avant de comprendre le véritable pouvoir de son élément.

[HRP] Navré pour le retard, contretemps IRL qui m'ont fait perdre beaucoup de temps pour me concentrer sur les RP. Je devrais reprendre à un rythme normal désormais![/HRP]

Je n'étais pas très fière de moi … oublier de me présenter était vraiment la pire des idioties que je pouvais faire ! Je venais réclamer son aide et je ne prenais même pas la peine de répondre aux conventions les plus basiques. Je devais arrêter de croire que tout le monde connaissait mon nom. La politesse était la première des leçons à retenir, c'est ce que maman me disait toujours quand j'étais enfant. A croire qu'elle était partie depuis trop longtemps pour que ses conseils me restent en tête. Elios n'aurait pas commis cette erreur, j'en aurais mis ma main au feu. Malgré tout, j'essayais de garder bonne figure devant le directeur, je ne voulais pas qu'il croit qu'en plus d'être idiote, je me laissais faire par mes sentiments. J'étais plus forte que ça, j'étais une apprentie Zélote et bientôt, j'aurais l'occasion de venger maman et de tuer Liam Clari. C'était pour cela que je m'entraînais aussi dur, pour réparer les erreurs de notre cousin. Je savais que papa mourrait d'envie de le voir trépasser mais son statut de Sénateur l'empêchait d'agir. Il était également difficile pour lui de faire face à son supérieur hiérarchique. Ma tante m'avait raconté un jour qu'il s'était déjà fâché avec lui à ma naissance … Je voyais là dedans un signe du destin. Nous n'étions pas fait pour nous entendre et s'il exécrait mon existence autant que ma tante le faisait, alors nul doutes que nous étions quittes. Je le détestais. Il m'avait privé de ma mère, avait ruiné la vie de mon petit frère et détruit celle de mon père qui n'était plus que l'ombre de lui-même. Voilà pourquoi je voulais m'entraîner. Être la meilleure pour briller aux yeux de papa et de grand-père était devenu un leitmotiv, me venger de Liam une seconde peau et sortir maman de sa prison, ma seule ambition. Pour toutes ces raisons, je devais apprendre, encore et encore et le directeur était le seul à pouvoir me livrer les secrets du feu, j'en étais persuadée.

Je me demandais si son silence était une bonne chose. Inquiète, je n'osais pas pour autant reprendre la parole. J'avais essayé d'expliquer les raisons de ma venue sans pour autant avouer la vérité. Je ne voulais pas non plus que tout cela retombe sur mon père car je savais qu'il n'agissait que pour me protéger. Il se protégeait un peu également, en gardant la petite fille que j'étais à ses côtés, il avait sans doutes l'impression que maman était toujours là, comme si rien n'avait changé depuis son départ forcé Maman m'avait toujours dit que je lui ressemblais beaucoup, autant physiquement que dans mon comportement, peut-être papa voyait-il tout cela en moi ? Je ne lui en voulais pas, je l'aimais tellement que je ne pouvais pas lui en vouloir, mais si je voulais devenir la meilleure, si je voulais le rendre fier et ramener maman parmi nous, je devais être plus forte. S'il ne pouvait pas m'apprendre ce dont j'avais besoin, je devais chercher l'aider ailleurs. Il me fallait comprendre l'élément en lui-même, c'était ce que me soufflait mon entraînement à chaque fois. Sans ça, je resterais toujours au même point, capable de m'en servir mais bien incapable de le comprendre et de le sentir vivre en moi. Je fus soulagée de voir qu'il acceptait tant et si bien que je crois avoir soupiré. Je suivais avec une certaine excitation le maître des lieux vers la salle d'entraînement.

Sur le chemin, je remarquais qu'il marchait lentement et, pour ne pas commettre un nouvel impair, je m'adaptais à son allure. Elios avait de toutes petites jambes, il marchait un peu plus vite que le vieil homme mais guère plus. Si cette réflexion me fit rire intérieurement, je me gardais bien de le montrer, ayant trop peur de la réaction du directeur pour cela. Je fus surprise qu'il m'adresse la parole sur le chemin mais j'écoutais avec attention. La patience n'était pas trop mon fort mais j'avais une réelle envie d'apprendre et je savais qu'avant de pouvoir apprendre sur le champ d'entraînement, je devrais comprendre la théorie. J'étais amusée par la façon dont il parlait, je ne m'attendais pas du tout à ça et, lorsqu'il eut fini, je me sentais beaucoup moins stressée et beaucoup plus à l'aise. J'osais même lui répondre même si je n'étais pas sûre d'en avoir le droit.

- Je vous rassure maître, je ne suis pas aussi turbulente que les rumeurs le prétendent, je vous promets de vous écouter et de suivre vos conseils de mon mieux.

Pourquoi je me sentais obligée de le lui dire ? Je ne sais pas trop. J'avais comme l'impression qu'une certaine « complicité » ou plutôt, « proximité », était en train de s'établir entre nous. J'avais parlé avec calme et en toute franchise, sans chercher à me moquer ou à faire une plaisanterie. J'étais sérieuse, je ne voulais pas le décevoir et je ferais vraiment de mon mieux. J'étais venue dans cette salle de nombreuses fois, d'abord avec maman, puis à l'école et ensuite, je l'avais quitté, non sans regret. J'aimais bien m'entraîner avec ma classe, je trouvais ça plus marrant que de tout faire toute seule avec son mentor. Même si j'aimais bien papa, je devais avouer que les entraînements collectifs me manquaient. J'aimais sentir la chaleur des autres, savoir que je n'étais pas seule et, à plusieurs, on arrivait souvent à trouver la solution au problème posé. Pour autant, je me contentais d'obéir au directeur. Il n'y avait fort heureusement personne dans la salle. Je me plaçais donc un peu plus loin, repensant au nombre de fois où j'étais tombée dans le bassin d'eau par inadvertance ou parce qu'on m'y avait poussée. Chassant toutes ces pensées de mon esprit, je faisais le vide en me concentrant. Calmement, je prenais deux grandes inspirations avant d'être certaine de pouvoir commencer. Je commençais par exécuter quelques mouvements des poignets pour m'échauffer et, lorsque ce fut fait, je me mis au travail. D'abord, je sentis la flamme au fond de moi, monter tranquillement mais sûrement, je l'accompagnais de mon mieux et finalement, je poussais mon bras vers l'avant pour faire naître un jet de flammes bleutées qui sortit tout droit de ma main vers l'avant. Il me fallut me concentrer pour la maîtriser et maintenir la magie. Je la fit onduler par la suite pour redresser ma paume vers le haut. La flamme dansa quelques instants avant de mourir. Je me demandais si c'était ce qu'il attendait, à vrai dire, je ne savais pas quoi faire d'autre. J'aurais pu lui montrer que je savais me battre avec mon élément, mais ce n'était pas ce que j'attendais de cette leçon, je voulais comprendre le feu, pas le forcer à m'obéir.

- Je .. Je ne sais pas si c'est ce que vous attendiez de moi, je peux poursuivre si vous le souhaitez.

[HRP] Désolé pour le retard! Encore de multiples contretemps IRL, mais j'en viendrais à bout! [/HRP]

Marcus observa attentivement la démonstration de la petite demoiselle. Il la regarda en train de ce concentrer, d'inspirer... Mauvais point. Mais c'était classique pour les étudiants. Il la regarda s'échauffer. Encore une erreur. Mais elle était bien jeune... Lui même avait mit des années à se détacher de cela. Toutefois, sa jeunesse était un avantage : elle n'était peut être pas encore trop "mal" habituée. La flamme qu'elle lui présenta était puissante. Mais pas tant que cela : elle pouvait manifestement faire mieux! Mais... C'était tout de même un bon point. Il s'était attendu à ce que, comme la plupart des étudiants, elle essaie de faire de lui montrer toute l'étendue de sa puissance. Mais il se moquait de cela : il voulait voir sa maîtrise, pas sa force.

-"Je .. Je ne sais pas si c'est ce que vous attendiez de moi, je peux poursuivre si vous le souhaitez."

Il lui fit signe que non, levant la main. Bien. Ce n'était pas trop mal, elle lui en avait révélé bien plus qu'elle ne pouvait l'imaginer. Il allait falloir commencer par les mouvements : si elle s'y prenait aussi jeune, peut être arriverait t'elle à maîtriser cela très rapidement.

-"Nous allons commencer par parler du premier point... Les mouvements. Tu as du apprendre je ne sais combien de gestes complexes pour apprendre à manipuler le feu. C'est là un passage quasi obligatoire pour apprendre à manipuler cet élément... Mais il te faut aussi savoir que les mouvements ne sont pas obligatoires."

Alors qu'il parlait, la température autours d'eux venait de monter de près de dix à vingt degrés. L'on se croirait dans une pièce bien chauffée, presque étouffante. Pourtant, le directeur n'avait pas esquissé le moindre geste. Des langues de feu commencèrent a apparaitre pour tournoyer autours de lui, se rencontrant, se croisant, changeant brutalement de direction. Pour finalement s'éteindre progressivement.

-"Je te l'accorde, c'est compliqué. Il m'a fallut de nombreuses années pour me détacher complètement des gestes. La maîtrise d'un élément nécessite l'usage du corps et de l'esprit... Toutefois, il est bien plus simple de maîtriser la partie corps que la partie esprit. Tu as sûrement eut droit aux exercices longs, agaçants et épuisants, comme celui ou l'on allume et éteint une bougie en gardant les mains posées à plat sur la table. De tels exercices entraînent uniquement ton esprit. Et c'est car peu d'élémentaires entraînent leur esprit seul que se genre d'exercices sont épuisants et donnent bien souvent une belle migraine."

Il était temps d'évoquer la suite... La puissance. Elle n'avait pas fait l'erreur habituelle, mais il tenait à être clair sur ce point là. Et pour cela, rien ne valait une autre démonstration. Il créa une flamme qu'il guida, par la pensée, vers une grande tâche noire vers le haut du mur. Manifestement l’œuvre d'un élémentaire du feu assez puissant.

-"Nous allons maintenant parler de la puissance... La force brute. La portion de mur brûlée, tout en haut, est le résultat d'une sorte de... Duel... Entre un enseignant et moi. Le but était de créer la plus grande boule de flammes possible. Cela, s'était il y a bien quinze ans... On va voir si je suis capable de faire mieux maintenant! Observes bien la taille de la tâche actuelle."

Il leva la main au dessus de lui et inspira à son tour un grand coup. Il rassembla alors les flammes sous une forme de boule particulièrement concentrée. Même si elle se tenait à bien trente centimètres de sa main, au dessus de lui, il sentit son gant chauffer, commencer à brûler. Il projeta alors la boule de flammes qui illumina un moment la cour en explosant conter le mur : il avait visé pile sur la trace de son ancienne performance. Il se mit à tousser quelque peu... Il n'aurait peut être pas du se donner à fond. De toute manière, il savait très bien quel serait le résultat : sa puissance brute n'avait plus vraiment évoluée depuis près d'un demi-siècle. Il était même sûr qu'elle avait décliné avec l'âge. Quoi qu'il en soit, la trace rougeoyante sur le mur suffisait, en un coup d’œil, à comprendre qu'il n'avait pas battu son record.

-"Comme tu peux le voir... La puissance que je peux déployer n'a pas évoluée en quinze ans. Qu'en déduis tu? Ne me dis pas ''vous êtes devenu vieux'', je l'étais déjà avant!"

Il lui posait encore une question assez piège, mais il tenait à avoir son avis sur ce point. Et s'il était mauvais, il se devait de la détourner de cela. Après tout, il était capable d'engendrer des tours bien plus dangereux tout en étant bien moins épuisants que la vulgaire démonstration qu'il venait de faire. Après tout, déchainer tout son pouvoir sur un mur, n'importe quel élémentaire en est capable!

Depuis ma plus tendre enfance, depuis ce jour où j'avais senti cette force sourde gronder en moi, j'avais compris que jamais je ne pourrais dompter le feu, qu'il resterait toujours cet élément insoumis et totalement libre que jamais je ne pourrais contraindre à m'obéir. Je n'avais jamais voulu le faire, en réalité, j'avais juste essayé de le maîtriser pour le modeler à mon image mais aujourd'hui plus que jamais, je comprenais qu'il fallait bien plus que ça pour comprendre cet élément si particulier. Le feu ne se soumettait pas, le feu dormait toujours, prêt à jaillir. Vie ou mort, c'était à lui d'en décider et uniquement à lui. Il fallait savoir se montrer fort et lui tenir tête, sans quoi, il vous consumait à jamais. J'avais longtemps pris peur de sa puissance, de sa grandeur, maintenant, je savais que je ne devais plus avoir peur, seulement apprendre. Comprendre. Ressentir. C'était ainsi que je devais grandir et avancer sur la voie de mon art. Je sentais au fond de moi que j'aurais pu mieux faire. Que si j'avais eu toutes les clés en main, j'aurais pu faire tellement plus qu'une flamme. Si seulement je pouvais apprendre les mystères les plus secrets de mon art, je serais une redoutable adversaire capable de défendre sa cité et sa famille. Capable de laver le nom de ses ancêtres … Pour l'instant, je n'étais qu'une gamine qui demandait les conseils d'un vieillard étrange et presque effrayant. Je me demandais juste ce qu'il en pensait, devais-je faire plus ? Aurais-je lui montrer mes capacités combatives ? J'étais partie du principe que je devais lui montrer où en était ma maîtrise du feu pour qu'il m'aide à l'améliorer mais peut être espérait-il un peu plus qu'une maigre flammèche ? Je préférais attendre. Trop souvent déjà j'avais tenté de brûler les étapes et cela ne m'avait pas vraiment servie au final, bien au contraire … Il leva la main en me faisant signe de ne pas poursuivre. Avais-je commis une erreur ?

Lorsqu'il prit la parole, je m'attendais à ce qu'il me demande de rentrer au dortoir et de faire mes valises. J'exagérais un peu mais je pensais sincèrement qu'il allait me demander de remballer mes affaires et m'expliquer que je devais retourner auprès de mon maître pour en apprendre davantage au lieu de quoi il me parla de mes mouvements. Non … pitié, ne me dites pas que cela allait recommencer. Ces horribles mouvements que j'avais répété des centaines, des milliers de fois, pitié, ne me dites pas qu'il voulait à nouveau me les apprendre ? Je n'en pouvais plus, je … une seconde. Il ne parlait pas de refaire ces mouvements, bien au contraire, il prétendait que l'on pouvait s'en passer. Je savais que papa n'utilisait jamais vraiment son corps, dans le sens qu'il n'avait pas besoin de faire tous ces mouvements stupides pour créer des flammes etc mais j'ignorais que c'était à ma portée. Je pensais être trop novice pour cela ! Tandis qu'il me parlait, je sentais la sueur perlait sur mon front. Je compris alors qu'il faisait chaud certes, mais que cette chaleur n'avait rien de naturel et qu'elle provenait de mon interlocuteur. Sa maîtrise m'impressionna au plus haut point. Je ne pensais pas qu'une telle prouesse était possible ! Bien qu'il n'ai pas esquissé le moindre geste, des flammes apparurent autour de lui et se mirent à tournoyer dans un balais entêtant qui ne faisait qu'augmenter un peu plus la chaleur ambiante. Passant mon bras sur mon front pour éponger la sueur, je regardais en silence l'art du pyromane face à moi s'éveiller dans la réalité. J'étais subjuguée. Les langues de flammes se croisaient, se mêlaient pour mieux s'éviter et enfin, elles furent décimées, comme si une brise violente venant de s'abattre sur elle bien que je sache pertinemment qu'il s'agissait uniquement du pouvoir du directeur.

Sans oser prendre la parole, j'écoutais ce qu'il avait à me dire. J'espérais un jour être aussi douée que lui et avoir cette sensation instinctive qu'il semblait avoir en maîtrisant ses flammes. Le corps et l'esprit, je commençais à saisir à peu près ce qu'il m'expliquait même si j'avais du mal à bien capter le message derrière ces quelques mots. Le corps et l'esprit ne devaient sans doutes faire qu'un la plupart du temps mais sans doutes que pour maîtriser un élément on pouvait dissocier les deux tout en les combinant. Cette idée germa dans mon esprit de gamine mais je percevais encore mal comment mettre tout ça en pratique. Lorsqu'il évoqua le souvenir de la flamme qu'on éteint et qu'on rallume, de douloureux souvenirs remontèrent de ma mémoire. J'avais presque oublié ces premières années d'apprentissage, encore plus les premiers mois où ma mère s'était occupée de moi. Refoulant tout cela, je répondais avec enthousiasme.

C'est l'un des exercices que j'ai réussi le plus rapidement. Je m'entraînais tous les soirs pour y parvenir et, au bout de deux semaines à ne faire que cela, j'ai réussi à éteindre et allumer la flamme sans jamais bouger. Je ne me souvenais plus de cet exercice, je pensais qu'il s'agissait d'apprendre la patience et la concentration … J'ignorais que pouvais se cacher bien plus derrière ce simple échauffement.

J'étais aux anges, ravie d'avoir la chance qu'il m'enseigne ! J'étais avide de connaissances, encore et toujours, et je commençais à voir se dessiner des chemins que je n'avais qu’entraperçu durant mon apprentissage. Des exercices simples en apparence pouvaient signifier tant lorsqu'on en cherchait le sens caché ! J'avais encore tant à découvrir que s'en était presque grisant. Il reprit la parole après avoir recréé une nouvelle flamme. Une trace noire marquait le plafond, sans doutes l’œuvre d'un apprenti peu doué ou d'un élémentaire vraiment en colère ! Quelqu'un qui maîtrisait le feu en tout cas, à n'en point douter. Je fus fascinée d'entendre que cette marque était celle du passé, faite par le directeur lui-même. Ecoutant ce qu'il disait, je fixais la tâche actuelle en attendant la suite avec impatience. La température augmenta sensiblement mais je ne quittais pas la manœuvre des yeux, obéissant au maître. Je fus quelque peu déçue de voir qu'il n'avait pas battu son record malgré la boule de feu impressionnante mais je me doutais en l'écoutant reprendre la parole qu'il cherchait à m'apprendre autre chose.

Je pris le temps de réfléchir avant de répondre. La première chose qui me vint en tête était l'évidence même, il était trop vieux pour battre son record mais je me rendais compte que c'était une illusion aussi vite que l'idée m'avait traversé l'esprit. Il n'avait pas battu son record ...peut être parce qu'il ne pouvait pas le battre. La puissance n'avait rien à voir avec la maîtrise. Elle était une part de l'échiquier mais elle n'était pas la réponse.

J'en déduis qu'être puissant ne suffit pas. Il faut trouver un équilibre entre la puissance et la connaissance. Si je comprends bien, notre don ne s'éveille jamais vraiment, on apprend toujours à le maîtriser et la puissance de nos flammes n'est qu'une parcelle de ce don. Ce n'est pas parce qu'on sait créer des flammes impressionnantes qu'on est le plus doué. En gros, être puissant ne suffit pas, ce n'est qu'une partie de la réponse, une pièce de l'échiquier.

Je n'étais pas du tout sure de moi, je me dandinais d'un pied sur l'autre car j'avais avoué à voix haute ce que je pensais tout bas. J'avais dit les premières choses qui me passaient à l'esprit car je pensais que c'était ainsi qu'il fallait réfléchir. Agir à l'instinct comme le feu était lui-même un instinct. Si je prenais la peine de réfléchir plus encore, j'avais peur de me perdre, de ne plus comprendre le sens profond des choses alors je me laissais guider par mes convictions les plus intimes. Avais-je deviné juste ? Etais-je sur la bonne voie ? J'attendais la réaction du directeur. J'avais eu raison d'aller à sa rencontre, il y avait tant de choses que j'ignorais et il avait tant à partager !

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