Près de deux semaines s'étaient déroulées depuis son départ de la cité des Amazones et Lilith avait hâte de rentrer voir ses enfants. Partie pour une enquête avec Irvan, elle avait fait un détour vers Silmarie et rentrait enfin chez elle. Voyager n'était pas un désagrément en soit pour la Sentinelle, ni même le fait d'être éloignée de sa cité longtemps. Certes elle se réjouissait de retrouver ses sœurs et sa ville d'accueil, mais ce qui lui avait manqué le plus était ses deux enfants. Elle n'aimait pas partir longtemps sans eux, ils étaient encore si petits ! Elle chevauchait en rêvant au moment de leurs retrouvailles avec nostalgie et avait hâte d'y être. Si hâte qu'elle prit à peine le temps de vérifier que personne ne la voyait se diriger vers la forêt, enfin pour être exact elle jeta un coup d'œil aux alentours alors qu'habituellement elle scrutait bien l'horizon pour s'assurer de ne voir personne même au loin. Après tout il lui restait encore un bout de route avant d'être masquée par le couvert des arbres.

Elle s'arrêta près d'une rivière malgré son envie d'accélérer pour laisser boire Jâani et mit pied à terre pour se délasser de la fatigue du voyage. Le froid était mordant et si la neige avait déjà partiellement fondue plus au sud, elle était encore résistante par ici, renforçant l'envie de l'Amazone de rentrer chez elle pour se mettre devant un bon feu de cheminée avec ses deux enfants sur les genoux pour lui raconter leurs dernières aventures. Prise par ses pensée Lilith s'avisa que la jument avait relevé la tête en direction de le forêt. Suivant son regard la Sentinelle vit une silhouette non loin des arbres et se raidit en soupçonnant un homme, hélas d'aussi loin il lui était impossible d'être catégorique d'aussi loin, malgré sa bonne vue. Aussitôt elle se remit en selle et alla à la rencontre de la silhouette pour découvrir son identité et la raison de sa présence si près du territoire de Muria.

Muria était une cité cachée ; à ce titre la forêt qui lui offrait sa protection n'était pas connue, sinon elle aurait eu à subir tant et tant d'invasions que les Amazones n'auraient pu y résister et la cité libre serait tombée. Ce fait important poussait Lilith a être prudente tandis qu'elle s'approchait de l'inconnu suspect qui s'était aventuré dans sous les bois. Il pouvait n'être qu'un voyageur ignorant ce que la forêt avait à cacher et ne s'y enfoncerait sans doute pas, de ce fait la Sentinelle ne devait pas lui laisser avoir envie de l'explorer plus avant ce qui mettrait en péril le secret tout en causant la perte de l'homme. Désirant le garder à l'œil par sécurité Lilith ne pouvait aller prévenir ses sœurs du risque d'intrusion, elle espérait tout de même qu'une autre Sentinelle s'avise de la présence de l'importun et vienne en surveillance.

Toute à ses pensées elle ne pensa pas à la possibilité de profiter du couvert des bois pour avancer le plus silencieusement possible et espionner l'individu sans éveiller sa suspicion. Avec les bruits de sabots de Jâani il était inutile de prendre une telle précaution dorénavant et puis elle pourrait s'enquérir de la raison de la présence de l'homme d'une manière plus innocente et directe. Elle se raidit soudainement en le voyant devant elle et fut notamment marquée par l'armure qu'il portait, une armure complète ajoutée à un masque empêchant la Sentinelle de distinguer son visage. Elle saisit son arc par réflexe et se retint de le bander immédiatement par un pur effort de volonté. L'homme – elle supposait que c'en était un – avait gardé l'épée au fourreau et semblait attendre lui-même. Elle abaissa son bras sans ranger son arc à l'épaule pour autant et se força à un sourire de circonstance pour apaiser toute tension. Elle ne voulait pas l'affronter seule.

« Navrée si je vous ai surpris. Je ne m'attendais moi-même pas à rencontrer quelqu'un par ici surtout avec un tel équipement ! »

Elle s'avisa que le soleil s'en allait, emportant avec lui le peu de chaleur de cette journée. Des lueurs de flammêches brulaient un peu plus loin, certainement allumées par l'homme. Puisqu'il s'était arrêté pour la nuit, Lilith n'avait aucune raison de repartir. À vrai dire, maintenant qu'il l'avait vue, l'espionner devenait illusoire. Elle mit pied à terre.

« Pardonnez ma curiosité, mais j'ignorais qu'il y avait une ville dans les environs. À votre armure je suppose que vous êtes un soldat ou un chevalier, que feriez-vous seul sinon. Une quête ? Pardonnez ma curiosité, je prospecte la campagne en vue de zone habitées pour le compte de mon client et voilà un moment que je n'avais croisé personne. »

Jouer le bavardage pouvait agacer l'inconnu, cela dit au vu de la dégaine du gars rester silencieuse et bourrue n'aurait guère permis de créer un contact donc… Le tout était de savoir combien de temps il comptait passer dans la forêt et s'il souhaitait seulement y séjourner ou aller l'explorer.