Il était à croire que l'on répète toujours les erreurs du passé.

Jelenna, convaincue par sa sœur ainée qu'une balade ne lui ferait pas de mal, avait suivie cette dernière jusqu'à la ville dite neutre de Tamawa. Pourquoi Eléa insistait-elle toujours autant pour que sa cadette la suive ici et là ? Cela restait un mystère aux yeux de l'enfant, pourtant, la petite acceptait toujours. Force était de constater que ce n'était pas toujours " bien " pour elle de faire autant le mouton mais bon ... ce n'est sans doutes qu'un détail. Cette fois-ci, la princesse avait décrété que sa cadette ne pouvait passer ses journées à étudier, à s'entrainer à l'arc et au maniement subtile des mots et autres conneries aristocratiques du genre. Il fallait dire que Eléa n'était pas vraiment du genre à aimer la diplomatie et que l'idée qu'à sept ans, on impose autant de règles et de manières stupides à une gamine, lui paraissait totalement ... idiote et inutile. Pour elle, une enfant devait avant tout se comporter comme tel. Faire des bêtises, voyager, profiter de son innocence pour faire des rencontres, en somme, profiter du temps avant de devenir adulte et de prendre ses responsabilités.
Ainsi, Eléa avait-elle mené sa cadette en dehors des murailles solides de Muria, sur le dos de sa jument préférée, celle dont l'histoire racontait que sa meilleure et seule amie lui avait fait cadeau, un soir de pleine lune. Qu'était-elle devenue par la suite ? L'histoire ne le précisait pas et l'amazone n'en parlait jamais. Amazone était sans doutes étrange à dire car en réalité, de tous, Jelenna représentait la pure " race " amazone, celle née au sein-même de Muria, celle qui n'avait pas eu en gros à fuir quoi que ce soit. Mais là encore, c'était un détail de l'histoire d'Azthia. Donc je disais que Jelenna avait suivie son ainée, persuadée qu'à défaut de faire quelque chose d'utile pour son éducation, elle ferait plaisir à sa sœur. Il était vrai que le temps leur manquait depuis quelques semaines ou quelques mois peut-être pour se croiser. Si la gamine passait son temps à se rattacher à sa sœur, à s'échapper de son lit toutes les nuits pour se glisser dans les bras réconfortants de cette dernière, elles n'avaient plus guère le temps de réellement se parler. Depuis que Eléa lui avait parlé de son père, que Philéa lui avait annoncé une guerre sans pareille, Jelenna était perdue sans cesse dans ses pensées, accablée de maux de tête et d'images qu'elle ne comprenait pas. Que représentaient tous ces points, de couleurs différentes, dans sa tête ? Pourquoi tous les évènements semblaient se précipiter autour d'elle ?

Mais bon, là encore, on s'éloignait du sujet.
Car en réalité, maintenant qu'elle avait suivi sa sœur, dans l'espoir de passer un moment privilégié avec elle comme par le passé, elle était ... perdue. A croire que le passé se répétait toujours car il n'y avait pas si longtemps que ça que la demoiselle s'était perdue dans les bois sombres entourant Muria. Est-ce-que l'elfe qui l'avait sauvé une première fois viendrait à nouveau à son secours ? A moins que pour une fois, ce ne soit Eléa qui vienne. Quelle idiote elle pouvait être pour se perdre alors que Haiiro et sa sœur étaient là. Car la demoiselle était curieuse et la curiosité était un bien vilain défaut quand on s'appelle Jelenna.
Poussée par son envie de regarder les chatons d'une vitrine, la petite s'était éloignée de son ainée un instant, juste le temps qu'il fallait pour la perdre de vue. Et si Haiiro était en général toujours à ses basques, il fallait croire qu'aujourd'hui, la louve était en grève. Restée auprès de sa maitresse, elle n'avait pas vu disparaitre sa jeune protégée. Voilà l'histoire, Jelenna se retrouvait donc perdue, au milieu d'une ville qu'elle ne connaissait que part sa sœur. Ah la la ... la vie était bien cruelle. Et puis pourquoi Eléa avait-elle voulu venir ici après tout ? La question n'était pas là, pas encore, d'abord, elle devait retrouver le chemin du retour, ou plutôt, celui qui la mènerait à sa sœur.

Jelenna, bien qu'une enfant calme, était à présent totalement paniquée.
Cela faisait trois heures montre en main qu'elle cherchait sa sœur sans succès. Les larmes aux yeux, perturbée par cet environnement qui n'était pas le sien, la petite amazone cherchait sans relâche la jeune fille. Tournant, virant d'une rue à l'autre de la cité, elle avait réussit tout bonnement à se perdre. Une bonne fois pour toute.
Ayant atterri dans les rues sombres de Tamawa, autant dire qu'elle n'était pas vraiment rassurée, et encore moins lorsqu'elle croisait le regard intrigué des quelques passants ici et là. Que lui voulaient-ils ? Elle ne voulait même pas le savoir au vue des enseignes louches qu'elle croisait. Comment sortir ? Allait-elle mourir ? Eléa ? Haiiro ? Maman ? Kiera ?

Terrorisée à l'idée de ne jamais rentrer chez elle, Jelenna se mit au pas de course pour sortir des rues inquiétantes qu'elle traversait. C'est en faisant ça qu'elle percuta un homme.

" Pa...par...pardon ! - avisant l'homme inquiétant, à l'air plus que louche, elle ajouta, les larmes aux yeux - ne me tuez pas ! "

L'air enjoué et la bourse enflée, Thingol revenait du marché. Bien entendu son grand sourire et l'embonpoint du petit sac de cuir qui pendait à son cou étaient liés. Le vieux marchand qu'il avait guidé avait racheté tout le stock de peau que le rôdeur avait accumulé depuis la fin de l'hiver, une affaire rentable pour tous les deux !

Mais ce qui le ravissait vraiment en cette belle fin de matinée, c'est que pour une fois Sam ne rechignait pas à avancer, TOUT se passait merveilleusement bien pour lui aujourd'hui !

Enfin jusqu'à ce qu'un petit bolide lancé à toute allure ne lui rentre dedans sans crier gare. Par mesure de précaution Thingol porte la main à sa bourse (qui pend à son cou je précise !) pour vérifier que son contenu est toujours présent. Rassuré de voir ses possessions intactes, il s'apprête à réprimander l'enfant sur les conséquences des jeux où il faut courir très vite sans regarder devant soit quand ...

" Pa...par...pardon ! - … ne me tuez pas ! "

Bon certes il n'a pas le visage le plus rassurant du monde, certes il s'agit d'une petite fille probablement égarée dans une ruelle sombre et mal éclairée, mais tout de même avouez que c'est vexant ! Malgré tout - et parce qu'il était d'excellente humeur - le rôdeur parti dans un grand éclat de rire. S'agenouillant pour se mettre au niveau de la petite, se faisant il retira sa capuche pour dévoiler son visage mal rasé, encadré par sa chevelure rebelle, mais souriant.

« Ne t'inquiète pas je ne vais pas te manger ... Tu n'es pas assez grasse pour ça » fit il avec une grimace qu'il espérait comique.

Sam toujours soucieux de venir en aide à son maître en profita pour tirer sur sa longe, faisant ainsi tomber le rôdeur en arrière, manquant de peu une flaque de boue toute proche. Ce dernier invectiva copieusement l'animal félon avant de se rappeler que son jeune public n'avait peut-être pas besoin d'apprendre autant d'insulte populaire. Tandis qu'il se relevait en époussetant sa vieille cape décolorée Thingol reprit le ton de la plaisanterie.

« Méfie toi toujours des mulets, Aucun animal n'est plus sournois sur toute la terre et crois-moi je m'y connais. »

Ignorant les braiments de protestation de Sam, le rôdeur s'accroupi à nouveau devant l'enfant égarée.

« Alors dis-moi petite, comment tu t'appelles ? »
Puis avisant ses vêtements bien plus propres et chers que les siens il ajouta :

« Tu t'es perdue ? Où sont tes parents ? »

Intérieurement le guide ne pu s'empêcher de se demander si son vieux maître avait rencontré les mêmes difficultés que lui ce lointain soir d'hiver.

Le sourire du rôdeur s’agrandi lorsque la petite fille lui dit enfin son nom, c’était bon signe elle commençait à lui faire confiance. La situation de la gamine n’avait rien d’extraordinaire, il était facile de se perdre dans la foule, mais ce n’était pas vraiment dangereux, du moins dans cette ville où les templiers pullulaient.

« Jelenna ? C’est un joli nom. »

Ordinairement Thingol prenait un air mystérieux et secret pour impressionner les chalands, leur montrer qu’ils n’ont pas affaire à n’importe qui, mais devant cette petite il ne pouvait que révéler son meilleur côté, celui d’un homme solitaire qui cherche parfois un peu de compagnie. Il attrapa la petite sous les bras et la posé délicatement sur le dos du mulet entre une casserole et une marmite.

« Bien sûr que tu peux monter sur son dos, accroche-toi bien, mais ne tire pas sur sa crinière ou il risque de mal le prendre. »
Il écarta quelques ustensiles de cuisine pour mettre Jelenna à l’aise et guida Sam vers l’extérieur de la ruelle, le gardant bien au pas.

« Je me nomme Thingol, cela signifie « Gris manteau » en elfique.»
Le rôdeur rabattit sa capuche en se retournant pour bien lui montrer l’origine de ce nom finalement assez inhabituel.

« C’est à toi de décider si tu dois me faire confiance ou pas, mais tu peux me croire, je suis toujours plus fiable que ce vieux Sam sur lequel tu te tiens.
Aller ne t’inquiète pas va, on va vite retrouver ta sœur. »

Ils arrivèrent alors dans la rue principale de Tamawa, la main en visière, Thingol rabattit sa capuche en arrière pour libérer son champ de vision et chercha du regard une sœur éplorée à la recherche de sa cadette. Mais rien de tel dans la foule, n’était elle pas par ici ou cherchait elle dans une rue parallèle ? C’était bien beau d’avoir la vue perçante d’un faucon, mais si on ne sait pas ce qu’on cherche …

« Hum dis moi ma grande, à quoi ressemble donc ta sœur ? Où t’avait elle emmenée avant que tu ne la perde ? »

[Et voilà, miss ! J'espère que les flèches vindicatrices de la grande sœur épargnerons mon noble derrière !]

L'enfant attendait la réponse de son interlocuteur sans être sure d'elle. D'un côté, quelque chose dans son esprit lui disait qu'elle pouvait avoir confiance en ce rôdeur un peu louche et de l'autre, la prudence lui enjoignait de faire attention à elle et de ne pas trop se lier avec ce Thingol. L'esprit des enfants est toujours torturé entre prudence et confiance. Pour autant, le sourire que son interlocuteur affichait à l'entente de son prénom la rassura, comme si en réalité, Jelenna n'attendait que ça : être rassurée. Elle qui avait encore réussi à se perdre dans les rues de la cité neutre, elle qui n'était qu'une enfant surprotégée en panique dès qu'elle se retrouvait seule hors des murailles protectrices de Muria ... Jelenna ne désirait que se sentir protégée, en sécurité, et Thingol lui assurait ce sentiment par ce simple sourire. Pour autant, même s'il lui semblait sympathique, mais pas autant que son mulet sur lequel l'enfant ne désirait que monter sur son dos, qu'est-ce-qui lui assurait qu'il voudrait bien la mener à sa soeur ?
L'homme s'approcha de l'enfant qui malgré elle eut un mouvement de recul. Faire confiance avait ses limites, surtout pour une petite fille élevée dans une société où les hommes sont considérés comme des Soumis, des êtres seulement capables de remplir les plus basses besognes. Une fois sur le dos de l'animal, coincée entre une casserole et une marmite quelque peu abimée par le temps, Jelenna ne put que retrouver son éternel sentiment de gaieté et de naïveté qui était sien depuis sa naissance. Sur le dos du mulet, la petite princesse bis se sentait bien. C'était étrange, mais Jelenna aimait le contact avec les animaux, comme la plupart des enfants. La petite demoiselle aimait partucilèrement se sentir proche d'eux et chaque fois qu'elle voyait un animal, elle ne voulait qu'une chose : le caresser, essayer de le comprendre. Peut-être était-ce là une manifestation de sa naïveté ou encore une volonté de faire comme sa soeur avec Haiiro. Se sentir proche comme l'était Eléa de sa jument ou Philéa de la sienne. Oui, Jelenna avait surement simplement envie de partager avec quelqu'un d'autre ce qui faisait d'elle ce qu'elle était et quelque part avait-elle aussi envie de ressembler à ses ainées.

Thingol.
Tel était le prénom du jeune homme qui l'accompagnait désormais vers la sortie de son cauchemar : le bout de la ruelle sombre dans laquelle elle s'était retrouvée. Il avait gardé ce sourire sur ses lèvres, sans parler de sa compassion pour les petites jambes de la demoiselle qu'il avait libéré des marmites et des casseroles itinérantes. De plus, il démontrait, en menant au pas son compagnon à quatre pattes, sa volonté de l'aider. Aussi Jelenna décida-t-elle de lui faire totalement confiance à lui qui la sauvait de son mal-être, de sa peur de se retrouver perdue dans une ville presque inconnue. Les paroles rassurantes de son interlocuteur achevèrent de la convaincre qu'elle pouvait avoir confiance en cet homme. Il la mènerait vers sa soeur, il retrouverait Eléa pour elle. Tout comme avec Coralynn quelques temps plus tôt, Jelenna fondait la survie de son monde entre les mains de cet inconnu. Il faudrait peut-être qu'un jour elle apprenne qu'on ne peut pas faire confiance à tout le monde, mais pour l'heure, tout n'était pas perdu.
Thingol amena la petite vers la rue principale de Tamawa, rue dans laquelle rien ni personne ne ressemblait à Eléa ou Haiiro. Les yeux embués devant la terrible évidence, Jelenna cherchait en vain du regard sa chère soeur ou la louve que celle-ci avait dressé pour la protéger. Mais rien.
Rien.

Le néant et malgré la douceur de la question de Thingol pour l'aider à trouver la princesse amazone, la gamine n'arrivait pas à lui répondre. Elle n'était pas troublée, elle était totalement perdue. Perdue alors que son monde s'écroulait pour la deuxième façon, de façon beaucoup plus sure que la première, lorsqu'elle s'était égarée dans la forêt. Fermant les yeux, la petite vit alors les flammes lumineuses qui habitaient son esprit depuis quelque temps. Et c'est alors qu'elle apparu.

" Dis-moi ce que tu fais avec ma soeur et espère que cela me convainque. " lança une voix derrière le guide.

Le coeur de Jelenna fit en bond en reconnaissant la voix de sa soeur ainée. Pour autant, elle n'osa pas bouger, terrorisée par le ton que celle-ci employait et par le regard des passants. Que faisait-elle pour inspirer autant de peur à ces derniers ?

" Je ... je crois que nous l'avons trouvé. " murmura la petite en hésitant.

Je n'avais pas décidé au hasard de venir à Tamawa.
Après la décision de Philéa, reine amazone mais également ma mère, après la découverte d'un éventuel père encore vie grâce à la pétass.. blonde, il m'avait fallu faire certain choix. Le premier avait été de réfléchir à comment protéger Jelenna de ce que j'estimais être la folie de ma mère, mais pour l'heure, je n'avais encore pas trouvé de solution, le deuxième était de rencontrer mon géniteur, lui extorquer les informations relatives à sa disparition et aviser ensuite de le laisser en vie ou non. Devant le manque de possibilité s'offrant à moi, je choisissais de me rendre dans la cité neutre et ce, dans le but de voir ce Jacen.
Jacen.
Mon père.
Ce qu'il en resterait après mon passage. Pour l'heure, seule mes questions comptaient. Je voulais des réponses et peu importait la manière dont j'allais les obtenir. Mais je n'avais pas pu me résoudre à quitter la cité qui m'avait vu grandir sans prendre avec moi Jelenna. Sans pour autant lui donner la raison de notre visite en la cité neutre, je prenais l'excuse d'une simple balade sans risque, une simple envie d'acheter quelque petite chose en sa présence pour la prendre à mes côtés. Et c'est ainsi que les deux princesses quittèrent Muria, la cité amazone ... pour la cité neutre. Le temps passa vite et nous arrivâmes bientôt dans ladite cité. Ceci fait, je me dirigeais sans vraiment savoir ce que je faisais, du moins, en apparence, vers le Temple où résidaient les Templiers et plus particulièrement, celui dont je voulais des réponses.

Haiiro sur mes traces, il me fallut sans doutes énormément de temps pour me rendre compte de la disparition de ma petite tête blonde derrière moi. Paniquée, je cherchais immédiatement des yeux la louve à qui j'avais confié la protection de ma cadette, en vain. L'animal, les oreilles basses, m'expliquait par son comportement qu'elle non plus n'avait pas vu l'enfant s'éloigner de nous. La colère envahit mon esprit aussitôt, partagée avec l'inquiétude. Je n'étais pas en colère envers la canidé, elle ne pouvait pas avoir des yeux partout et ici, dans la cité neutre, le mouvement perpétuel de la foule empêchait surement l'animal de suivre à la trace la petite princesse bis. Non, si j'étais en colère, c'était plus contre moi-même. Comment pouvais-je prétendre vouloir protéger ma soeur contre la folie de ma mère et ses envies guerrières suicidaires si je n'étais même pas capable de la surveiller ici, où elle ne risquait absolument rien ? J'étais furieuse mais bien vite, la colère laissa la place à l'inquiétude.
Jelenna ne connaissait pas la ville.
Du moins n'était-elle venue qu'une fois, lorsque j'avais justement rencontré Jacen et Asora pour la première fois alors que je lui cherchais un cadeau d'anniversaire qui finalement n'avais pas été à la hauteur de ce que j'espérais. Mais passons les détails, dans une ville où elle ne connaissait rien, Jelenna devait être paniquée et totalement déboussolée. Et une enfant perdue dans les rues, l'air richement habillée et perdue non seulement ça ne courrait pas les rues mais en prime, c'était comme mettre un panneau lumineux disant :
" Bonjour, je suis perdue, kidnappez-moi ! "

Ahhh purée ... pas possible de ne pas être capable de la protéger ici, dans la seule ville d'Azthia réputée neutre ... raaaaaah ! Je regardais autour de moi, cherchant désespérément le visage de ma petite soeur. Toujours en vain.
Ou pas.
Alors que l'inquiétude prenait le pas sur le calme et la raison qui m'habitaient encore, l'espoir naquit. Et oh, peut-être pas jusque là mais, perchée sur je ne sais quoi, je reconnus les petites bouclettes blondes de ma cadette dans le lointain. Un homme l'accompagnait et, même si en m'approchant de la scène, je pouvais voir que l'homme semblait chercher quelqu'un et que Jelenna ne semblait pas effrayée, il me fallait récupérer l'enfant sans heurt. D'autant plus si elle avait dit par mégarde qui elle était. Perchée sur le mulet de l'homme, je ne pouvais que voir que l'enfant avait pleuré ... la faute de ce taré ? En colère à présent, je me dirigeais vers eux et, alors que l'inconnu se dirigeait dans le sens opposé, je dégainais ma rapière. D'un geste sec, je la lui collais dans le dos sous le regard choqué des passants.

" Dis-moi ce que tu fais avec ma soeur et espère que cela me convainque. " déclarais-je d'une voix menaçante et froide comme la glace.

Et il avait intérêt à me convaincre ... s'il tenait à la vie.

[ Je saute le tour de Jelenna car je ne sais pas ce que je pourrais lui faire dire ^^ ]

Je regardais l'homme, incrédule.
Il était vraiment sérieux là ? Il croyait que j'allais gober son histoire de balade à dos de mulet dans les rues de Tamawa ? Sérieusement ? Non ... c'était pas une blague ? Si la situation n'avait pas été celle qu'elle était maintenant, je me serais sans aucun doutes mis à rire devant l'idiotie de la situation. Mais quelque chose me disait que ce n'était pas le bon moment et en prime, cet espèce de mec louche tenait ma sœur en otage. Une erreur d'appréciation ? Hello ! Je perds ma petite soeur dans la foule de la cité neutre et je la retrouve sur le dos d'un mulet, en compagnie d'un homme assez louche de surcroit ... que suis-je censée penser si ce n'est qu'il tente de faire je-ne-sais-quoi à ma petite tête blonde préférée ?
Non non, j'avais agi le plus logiquement possible.
Sans connaitre tous les paramètres de l'histoire, c'était difficile de faire autrement que de penser le pire. Qui aurait été assez fou pour chercher une inconnue comme moi pour lui rendre sa cadette ? Jelenna était mignonne, éveillée ... une parfaite petite fille esclave qui se vendrait à bon prix, même si, dans la cité neutre, il était peu probable que quelqu'un veuille l'acheter. Mais les marchés noirs ça existait ! Non, ce n'était pas ma faute si un malade ou un tordu se baladait avec ma soeur pour une stupide histoire de balade à dos de mulet.

Avisant la scène, je me disais tout de même que si Jelenna était restée aux côtés de cet homme, c'est qu'elle avait confiance en lui. En même temps, ce n'était pas forcément un critère très fiable ... la petite princesse bis était réputée à Muria pour faire confiance à tout être vivant doué d'intelligence ou non. Mais il restait un autre point qui jouait en toute objectivité en la faveur de l'homme : Jelenna ne semblait pas apeurée et surtout, elle ne semblait pas mal en point. Au contraire, elle affichait un sourire posé et s'amusait à caresser le dos du mulet sur lequel elle était perchée. En d'autres termes, rien ne semblait la menacer directement.
A mes côtés, ou plutôt à mes pieds, Haiiro ne bronchait pas non plus ...
Tout cela pour dire que, si je ne comptais pas faire confiance à l'homme inconnu qui se dressait devant moi, rempart entre ma cadette et ma personne, je ne pouvais décemment pas non plus continuer à le menacer sans raison apparente. De ce fait, j'abaissais ma rapière pour la ranger bien gentiment dans son fourreau. Pour autant, je restais sur le qui-vive et sur mes gardes. On ne me roule pas si facilement monsieur le guide. Des hommes, j'avais eu l'occasion d'en croiser durant ma courte existence et des menteurs, encore plus. Aussi, je plongeais mon regard tour à tour dans les yeux de la petite située derrière lui et dans ceux du guide.

La petite ne semblait vraiment pas effrayée par l'homme et continuait juste à se demander comment la situation allait évoluer. Il était évident qu'elle n'avait pas l'air de vouloir prendre la parole, de peur d'aggraver les choses ou je-ne-sais-quoi. En somme, elle avait bien retenu la leçon : quand les adultes discutent, on se tait. C'était une des premières leçons que notre mère nous avait appris et ce, parce qu'il nous fallait comprendre que la vie d'une souveraine était ponctuée d'imprévus et qu'en tant qu'enfants, nous ne pouvions pas accaparer tout son temps tout le temps. Bref, ceci dit, j'avais bien envie d'en savoir plus sur le mystérieux inconnu qui tentait de me dérober ma sœur ... Croisant les bras, je toisais mon interlocuteur et lui demandait :

" Ainsi tu me proposes tes services de guide pour n'importe quelle destination ... je vais y réfléchir ... avant ou après que tu m'ait dénoncé aux Templiers ? "

Un sourire mauvais naquit sur mes lèvres.
Croyait-il vraiment que je n'avais pas compris son manège ? Ok, je n'étais pas ce qu'on pouvait appeler patiente et observatrice au point d'avoir de telles qualités, mais une chose était sure, ses petites manœuvres n'avaient d'autre but que de me faire arrêter pour l'avoir menacé. Bien, alors il allait comprendre qu'on ne jouait pas à mes dépends.

" Inutile en ce cas d'être si mielleux, ils ne viendront pas, du moins, pas pour moi. "

Cette fois-ci, je marquais une pause ... Bien bien ...

" Muria. J'ai toujours rêvé de visiter cette cité, alors pourquoi pas m'y conduire ? " demandais-je sur un ton tout ce qu'il y avait de plus sérieux.

Intérieurement, je riais de la situation. Ce pauvre homme subissait mes foudres alors que vraisemblablement, il n'avait fait qu'aider ma petite sœur. D'ailleurs, peut-être devais-je m'occuper de son sort non ? Après. Pour l'heure, dissuader l'homme de nous suivre et de se frotter à nous.
De toute façon, Jelenna ne risquait rien perchée sur le dos de l'animal. Et dans tous les cas, Haiiro serait plus rapide que l'animal ou que son maitre ...