Tic tac tic tac.

Avachie sur le comptoir, Gaëlle soupire. La pendule du Bar Bu et ses tic tac incessants sont désormais sa seule compagnie. Les clients se font rares depuis la semaine dernière. Tous parlent de pudeur, de tact envers la petite serveuse, il n'en est rien. Ce ne sont que des lâches. Des lâches qui donneraient tout plutôt que de faire face à la souffrance de Gaëlle. A son deuil. Il y a bien les habitués qui passent à leurs heures pour faire bonne figure, mais le temps ridicule qu'ils prennent pour ingurgiter leur café encore brûlant trahit leur malaise et leur désir de filer au plus vite la propriétaire du bar et ses pensées moroses.

Gaëlle était donc seule au milieu des verres brisées qu'elle ne se donnait plus la peine de ramasser et de la horde de chats qui ne la lâchait pas d'une semelle quand un cortège pas comme les autres passa devant son bar sans la voir. Elle reconnut immédiatement la silhouette gracile et la démarche souple de sa Kiera et se cacha derrière une fenêtre de la taverne, non sans renverser au passage une chaise ou deux. Elle escortait deux autres femmes pour le moins pas ordinaires. Elles dégageaient à la fois une telle force, une telle confiance, une telle prestance, que Gaëlle en resta sans voix. Elles étaient pourtant bien différentes. L'une semblait plus sauvage, l'autre plus noble. Pourtant, toutes deux étaient magnifiques. La serveuse se tapit soudain sous la fenêtre. Kiera, cela devait être plus fort qu'elle, avait lancé un coup d'oeil en direction du Bar Bu. Depuis sa cachette, elle ne vit pas le regard triste de sa meilleure amie et c'était certainement mieux ainsi.

Les trois femmes passées, quelques Amazones sortirent pour suivre du regard leur démarche envoûtante. Gaëlle surprit les ragots qui déjà répandaient leur tissu de mensonges à travers la grand rue.

« Il s'agit de deux Reines venue d'un pays lointain...
- N'importe quoi, ce sont des déserteuses que Kiera était chargée de récupérer. »

Et vas-y que je jacasse, que je lance des suppositions sans queue ni tête. Des conversations stériles sans aucun intérêt. Pas pour Gaëlle. Il n'en fallait pas beaucoup pour titiller sa curiosité, alors autant dire qu'un cortège d'une telle envergure l'avait plus qu'intriguée. Elle oublia un instant ses soucis, son bar et ses clients inexistants pour se mêler à un groupe d'Amazones qui bavardaient avec animation.

« C'est n'importe quoi ! Une pirate chez nous ! Philéa va la jeter en prison, c'est clair ! Muria n'est pas un refuge de brigands à ce que je sache !
- Une pirate t'as dit ? intervint Gaëlle. »

L'Amazone lui lança un regard étonné. Il était rare d'entendre Gaëlle s'exprimer correctement. Elle sourit néanmoins avant de répondre :

« Ouaip ma belle ! Tu ne l'as pas reconnue ? Il s'agit de Cassandra, le Capitaine de la Tempête de Sang ou un truc du genre. Elle est recherchée dans plusieurs villes. Elle fidèle à sa réputation ! Sa beauté est vraiment à la hauteur des légendes qui la précédent ! »

Mais Gaëlle ne l'écoutait plus. Ses yeux noirs fixés sur l'endroit où se tenait à l'instant la fameuse Cassandra, elle réfléchissait à toute vitesse. Quelque chose s'était déchiré en elle la semaine dernière. Plus qu'une certitude, une raison de vivre, s'était envolée avec la vie de sa mère. Le schéma naïf mais solide qu'elle s'entêtait à suivre depuis sa tendre enfance avait perdu son sens et durant une folle seconde elle alla jusqu'à douter de sa véracité. Une seconde qui dura une longue minute. Pour ne plus s'arrêter par la suite.

Elle abandonna le groupe de commères, un drôle de sourire sur les lèvres. Tout se passa ensuite incroyablement vite. Un coup de balais dans le bar, vite vite, tout remballer. Un saut à la maison, vite vite, tout préparer. Si bien que lorsqu'à nouveau la légendaire pirate fit son entrée sur la grand rue, Gaëlle se tenait devant la porte de la demeure Azalée, tous volets fermés, la clé sous la porte. Cassandra descendit l'avenue sous les regards, à la fois courroucés, admiratifs et même jaloux, des Amazones qui ne se cachaient plus pour la dévisager. La serveuse lui laissa quelques minutes d'avance avant de suivre ses pas, un baluchon sur le dos, une bande de matous sur les talons.

Une fois sortie de Muria, Gaëlle fit tomber son capuchon sur ses cheveux multicolores et abandonna la route pour se faufiler dans la forêt enneigée. Elle n'était pas douée pour passer inaperçue et se faire aussi silencieuse qu'une sentinelle, mais elle connaissait bien les lieux pour s'y être perdue de nombreuses fois, ainsi que des raccourcis qui lui permettraient de rejoindre le Capitaine sans être vue. L'hiver s'était bien installé, et si Muria gardait la chaleur de ses maisons aux immenses cheminées, la forêt, elle, était totalement dépourvue de coin douillets et chauds où se réfugier en cette journée glaciale. Gaëlle frissonna sous ses vêtements de fourrure. Elle avait perdu plusieurs chats en route, et la petite dizaine qui restait peinait à se frayer un chemin dans la neige. Avec un soupir résigné, elle en attrapa un petit pour le mettre sur son épaule, un autre dans le baluchon sur son dos et un dernier dans ses bras. Elle était presque arrivée de toute manière...

Comme pour confirmer ses dires, des voix s'élevèrent de la route toute proche. Elle intima le silence aux chats qui l'accompagnaient – et qui, bizarrement la comprirent – avant de s'approcher le plus discrètement possible du chemin et de l'impressionnante et charismatique Cassandra.

[Ce sujet est libre, mais sont prioritaires Cassandra et Kiera. Vous l'aurez compris, niveau chronologie, ça se passe après le sujet "Reines en danger".]

Ma mission pour Erathia n'était prévue que pour le levé du soleil le lendemain et pourtant, j'avais beaucoup de choses à préparer. Il fallait déjà que je détermine comment rejoindre la jeune Thémis, sans parler de celle qui se nommait Siobhan, même si Philéa m'avait expliqué où les rejoindre, ce ne pouvait être aussi simple. Prévoir les vivres également et les onguents nécessaires au cas où Shirayuki se blesserait … il y avait tant de choses à prévoir encore lorsqu'une Sentinelle vint me chercher dans ma chambre.

« Kiera, Philéa demande à ce qu'on rapatrie les Prêtresses d'Ammu restées sur le navire du Capitaine et ... »

La Sentinelle hésita visiblement à poursuivre le fond de sa pensée.
Je la connaissais. Une pirate à Muria, même s'il s'agissait d'une femme et qu'elle avait ramenée saine et sauve l'Oblat disparue depuis des mois, voilà qui ne plaisait guère aux femmes de la cité. Elles semblaient toutes oublier qu'elles ne valaient pas mieux que Cassandra mais pour autant, je m'abstenais de tout commentaire. Je n'avais pas le temps de faire la leçon à cette gamine tout comme je n'avais pas le temps d'entrer dans des débats philosophiques, ni la patience d'ailleurs.

« Je m'en occupe, va prévenir le Capitaine que j'arrive. »

La Sentinelle s'exécuta tandis que je prenais le temps de remettre mon précieux arc sur mon épaule. Il était inutile de prendre des Sentinelles avec moi, en cette saison, la forêt était calme et silencieuse. Je me faisais suffisamment confiance pour ramener ces femmes à bon port.

Je rejoignis la Capitaine sans plus attendre tandis que cette dernière ne craignait visiblement pas le regard des autres. En passant devant le Bar bu, je repensais soudain à Gaëlle. Il y avait tellement longtemps que je n'avais pas pris le temps de venir la saluer, tellement de temps que je n'avais pas pu lui demander de ses nouvelles. Je savais que sa mère nous avait quitter mais je n'avais même pas eut le temps de lui présenter mes condoléances. J'étais décidément une piètre amie … Dans un coin de ma tête, je me promis de lui rendre visite dans la soirée, avant que cette nouvelle mission ne m'entraine une fois de plus loin de ma cité natale. Il y avaient si peu de choses qui me retenaient ici, si peu de liens que j'avais tant bien que mal réussis à entretenir avec sincérité, alors si je les laissais se briser sans réagir, je me retrouverais bientôt seule.

Le chemin vers le navire de la pirate fut long mais au moins était-elle de bonne compagnie. Plutôt dirais-je qu'elle animait les choses à sa façon. C'était assez étonnant comme expérience pour moi qui parlait peu et me contenter bien souvent d'observer mais ce n'était pas déplaisant ! Lorsque le navire fut en vue, l'équipage accueillit Cassandra comme il se devait, enfin je supposais en de telle circonstance.
Les prêtresses étaient bruyantes mais dociles. Il ne me faudrait pas trop longtemps pour faire le retour vers Muria, il me resterait ainsi assez de temps pour m'acquitter de mes obligations et filer voir mon amie barmaid avant de m'éclipser.

« Elles me semblent toutes là, je vais les reconduire à Muria, elles y seront en sécurité. Te joindras-tu à moi ? »

Je me doutais que la réponse serait négative mais Philéa avait précisé qu'elle comme Kriisten étaient des invitées de marque. Il me fallait donc me montrer courtoise et satisfaire les désirs de la pirate s'ils étaient dans mes cordes bien entendu.

[ Si cette réponse ne convient pas, n'hésitez pas à me MP! ]

Cassandra sortit de la salle du trône à la suite d'un bref salut aux deux femmes. Leur conversation ne la concernait plus. La politique et tout le reste, c'était pas son domaine. Et qu'aurait-elle fait, de toute façon, si elle était restée avec les deux Reines ? La jeune femme savait ce qu'il fallait savoir du monde et des cités. En apprendre trop, c'était déjà, d'une certaine façon, s'engager, se soucier de cette terre qu'elle fuyait depuis son plus jeune âge. Non. Toutes ces choses, ces palais, cette bienséance, ce n'était pas pour elle. Cassie n'était pas faite pour être une Dame du beau monde. Elle n'en avait pas la grâce, ni le beau parlé. Sa vie, c'était l'eau et le vent caressant doucement sa peau. Sa vie, c'était le rhum et les combats. N'est-ce pas plus intéressant ? Les Princesses dans leur cage d'argent, c'était bien trop chiant.

La présence de la Pirate dans la cité cachée suscita une grande curiosité. Les amazones n'hésitaient pas à sortir dans la rue pour la regarder, émettant hypothèses sur hypothèses, concernant les raisons de la présence de celle-ci à Muria. Aucune ne pouvait, ne serait-ce qu'imaginer, que la jeune hors la loi venait d'accomplir une bonne action. Cela se comprenait. Ce n'était pas les pirates qu'on appelait à la rescousse lorsqu'une quelconque personnalité se faisait enlever. Enfin, ça n'avait pas d'importance. Ces femmes pouvaient jaser autant qu'elles le voulaient, Cassandra s'en fichait éperdument. Elle leur lança son regard le plus fier et passa son chemin, voulant profiter des quelques minutes de liberté qu'elle avait pour admirer la cité. C'était pas tous les jours que la demoiselle avait la possibilité de faire un tour dans Muria et puis Kiera la retrouvera bien.

La démarche souple et décontractée, elle commença à avancer dans la rue sous les regards curieux des amazones. Certaines étaient pas mal, il fallait le reconnaître. Cassie en aurait bien fait son lieu de vacances, si elle connaissait le chemin pour y revenir. Enfin, bref, la demoiselle n'eut pas le loisir d'aller très loin, la sentinelle l'ayant rattrapé assez rapidement. Ah oui, les Prêtresses ! Ah oui, son équipage ! Bon bah le tourisme allait être pour une prochaine fois. Et puis, à dire vrai, Cassandra avait hâte de retrouver son milieu naturel et son franc-parlé. Bien se tenir, c'était trop fatiguant. Elle avait obtenu se qu'elle voulait, à soir l'accès au port de Storghein, et avait remplit sa mission. Il était temps de partir à la chasse et insulter quelques vaut-riens.

Le chemin du retour fut encore plus tortueux qu'à l'aller. C'était peut être parce qu'elles étaient à pied et que Kriisten n'était plus avec elles. Dans tous les cas, Kiera pouvait être certaine que le Capitaine ne retrouverait jamais la cité. Et allez qu'on se dirige à droite et hop, un petit coup à gauche, sans compter les racines des arbres et les branches qui rendaient l'avancée difficile. Cassandra passa la moitié du trajet à jurer et insulter cette nature un peut trop sauvage. Ce qui était bien avec l'océan, c'est qu'on risquait pas de se prendre un arbre au détour d'un virage. Et puis Cassie posa quelques questions sur Muria, s'étonnant que toutes ces « gonzesses » ne se soient pas déjà entretuées et reconnaissante les mérites de Philéa, parce que ça devait être un « putain » de boulot que d'essayer de canaliser toutes ces effluves d'hormones féminines.

Son navire apparut enfin. Lorsque l'équipage de la jeune femme aperçu celle-ci, un vacarme joyeux ébranla le port improvisé.
L'amazone, surement par pure politesse, proposa à Cassandra de se joindre à elle pour le retour. La pirate secoua négativement la tête.

« J'ai bouffé assez de branches pour les dix années à venir. Mes salutations aux Reines. »

Puis Cassandra se tourna en direction de son navire et hurla, avec toute l'élégance dont elle était capable.

« Allez, arrêtez de reluquer l'arrière train de ces Dames, bande d'abrutis ! Bougez vot' cul et préparez vous pour le départ, bordel de merde ! »

Le son doux et mélodieux de la voix du Capitaine tira un sourire à Gaëlle. Cette Cassandra, ça devait pas être n'importe qui... Le message avait au moins le mérite d'être clair : la Tempête de Sang ou n'importe quel sobriquet aussi morbide, allait lever l'ancre. Sans attendre une seconde de plus, Gaëlle sortit de sa cachette. L'apparition de la jeune Amazone et des quelques chats qui l'accompagnaient dut surprendre la voleuse, mais avant même qu'elle n'ait pu répliquer quoi que ce soit, elle se jeta à l'eau... Ou du moins essaya...

« Capitaine, je voudrais... »

Ses mots restèrent coincés dans sa gorge. Rien à voir avec son habituel bégaiement, cette fois-ci, elle ne pouvait physiquement pas parler. La gorge nouée, elle dévisageait la sentinelle qui lui avait coupé le sifflet aussi net qu’elle aurait coupé la tête d’un imprudent qui se serait risqué dans la forêt de Muria. Ou celle d’un déserteurs à qui il prendrait l’idée saugrenue de la quitter… Kiera. Le Chef des Sentinelles, la meilleure d’entre elles. Mais aussi la plus fidèle et la plus proche de ses amies… Pourquoi fallait-il qu’elle se trouve là, alors que Gaëlle venait de prendre la décision la plus importante de toute sa vie ? Alors qu’elle venait de perdre la tête ?

Le chaton juché sur son épaule perdit l’équilibre et manqua de tomber, offrant une superbe diversion à la jeune Amazone, qui dissimula un instant son visage dont les joues se teinteraient bientôt de rouge. Elle s’était retrouvée ici sans avoir pris le temps de réfléchir, de peser le pour et le contre. De se montrer raisonnable. La seule présence de Kiera et de tout ce qu’elle représentait fut comme un dur retour à la réalité. Comme si depuis le passage du cortège dans la rue principale de Muria elle se trouvait dans un état semi-conscient dont elle venait juste de sortir. Un rêve éveillé. Un si beau rêve…

« Je… Tu… Ahem. Kiera ! Ca alors, je, je ne te croyais pas… enfin, je pensais que tu étais… enfin tu sais en, en mission quoi. »

L’avantage quand on a constamment du mal à s’exprimer, c’est que lorsque l’on perd réellement ses moyens, la différence passe inaperçue. Cependant, peut-être pas pour quelqu’un comme Kiera, c’est pourquoi Gaëlle se garda bien de croiser son regard. Ses prunelles noires passèrent rapidement sur Cassandra avant de se figer sur le magnifique navire du Capitaine. Le cœur de Gaëlle s’emballa alors qu’elle détaillait chaque voile, chaque poutre du bâtiment, s’arrêtant inexorablement sur le perchoir vertigineux où aucun matelot ne s’était visiblement risqué. Voyage. Aventure. Liberté.

« Ben alors, c’est, c’est pas tous les jours qu’on, qu’on voit autant de… enfin vous voyez quoi… »

Ses yeux émerveillés ne pouvait se détacher du bateau, et en voyant les marins - les pirates lui souffla une petite voix qu’elle ne voulut pas écouter - qui s’affairaient sur le pont, certains anxieux, beaucoup riant et plaisantant. L’envie trahit un instant le regard rêveur de Gaëlle. Elle passa une main dans ses cheveux multicolores pour se donner contenance et reprit, l’air curieux.

« Alors, c’est quoi tout ce, ce… remue-ménage, Ch… chef ? Le travail des, des Sentinelles est à re-revoir ! On murmure à Muria qu'il s'agirait de, de... pirates ! Non, vrai-vraiment, c'est, c'est vraiment pas sérieux de... de la p-part du Chef des Sentinelles ! »

Un sourire taquin sur les lèvres, elle espéra que Kiera se contenterait de cette discussion banale, avant de s'en aller. Gaëlle trouverait alors une excuse diplomatique pour traîner encore un peu dans les parages, et son amie partie, elle supplierait Cassandra de la prendre à bord. Voilà un plan très... bancal et peu crédible !

« Sérieusement... je veux dire... Qu'est-ce que... qu'est-ce qui se passe ? »

Elle était sincère et ne feignait pas la curiosité. Qu'est-ce qui pouvait en effet justifier une conversation sans animosité entre une pirate, recherchée dans plusieurs cités, et la Chef des Sentinelles, chargée de protégée l'une des dites cités ?

La pirate était telle qu'on me l'avait décrite, même si je n'avais pas pu en douter auparavant : belle et particulièrement directe. Son langage châtier aurait fait rougir la plupart des femmes mais dans sa bouche, cela ne choquait guère, comme si ce langage collait parfaitement au personnage. Pour ma part, il ne me dérangeait pas le moins du monde. La remarque eut même l'effet de me dérider. Il était vrai que pour une pirate appelée par les flots, vivre dans une forêt ne devait pas être le rêve idéal de retraite et j'étais tout à fait à même de la comprendre. Je saluais la jeune femme avec politesse en ajoutant :

« Je ne manquerais pas de transmettre tes salutations à Dame Philéa et Dame Kriisten. »

Pendant que Cassandra s'occupait avec toute son élégance naturelle de son équipage afin qu'il prépare leur départ avancé, je m'occupais de compter les prêtresses, de vérifier que toutes seraient capables de faire le voyage sans risques même si la cité amazone n'était pas loin. L'Oblat avait fait comprendre à notre souveraine qu'elles étaient importantes pour elle et je ne comptais pas en perdre en route. Lorsque la dizaine de jeunes femmes fut réunie autour de moi, je me permettais de leur dire :

« Mesdemoiselles, j'ai été nommée pour vous conduire dans la cité amazone sur ordre de l'Oblat Kriisten et de la reine Philéa. Mon nom est Kiera, en leur nom, je me permets de vous souhaiter la bienvenue dans notre cité. Sachez toutefois que la forêt peut révéler bien des dangers aussi, je vous demanderais de me suivre sans rechigner et de ne pas vous égarer. »

J'ignorais si j'avais employé le bon ton, les bons termes pour ces demoiselles mais peu importait. Ma mission était de les ramener saines et sauves à Muria et c'était bel et bien ce que je comptais faire. Si j'avais manqué de respect à leur égard, je m'en excuserais en temps voulu, pour l'heure, mieux valait éviter de s'attarder, la nuit pouvant jouer des tours aux imprudents visiteurs de la forêt amazone. Si je la connaissais presque par cœur, me laissant parfois surprendre par un bosquet inconnu ou une clairière encore vierge de présence humaine, je savais que des novices se prendraient les pieds facilement dans les racines ou tomberaient facilement dans les pièges naturels de cette dernière. Je préférais autant éviter de rentrer de nuit.
Je me dirigeais vers le navire, abandonnant un instant les jacassements des prêtresses, pour faire mes adieux à Cassandra. Ce fut à cet instant que je voyais, non sans étonnement, Gäelle et ses chats. Il était amusant de voir que j'avais pensé à aller la voir en passant devant le Bar bu et qu'elle se trouvait à présent devant moi mais quelque chose me disait qu'elle n'était pas venue à ma rencontre mais à celle de la capitaine du navire. Le baluchon sur ses épaules m'intrigua bien plus que sa soudaine timidité.

« Je suis en mission Gäelle, je dois ramener ces jeunes femmes à Muria. » précisais-je d'une voix détachée, vérifiant au passage qu'aucune d'entre elles n'avait eut la soudaine idée de me fausser compagnie.

Gäelle me semblait étrange, comme si son éternelle timidité se muait devant mes yeux en autre chose, comme si elle cachait quelque chose et je ne pouvais que me douter de ce « quelque chose ». Le baluchon sur ses épaules et ses chauds vêtements la protégeant du froid de l'hiver ne pouvaient signifier qu'une seule et unique chose à mes yeux : désertion. Pourtant, je tentais de me convaincre que non jusqu'au moment où elle demanda ce qu'il se passait. L'espoir qu'elle soit venue à ma rencontre, après avoir vu le cortège passer dans la rue principale de Muria, s'effaça aussitôt de mes pensées. Elle était là certes, mais pour une toute autre raison que la simple information qu'elle venait de demander.

« Tu sais sans doutes que Dame Kriisten, l'Oblat, est au palais, voici sa salvatrice qui en effet, est une pirate mais même une Chef des Sentinelles reconnaît dans la pire des créatures la bravoure et la loyauté. »

Consciente de l'insulte qui résidait dans mes propos, clairement énoncée, je me tournais vivement vers Cassandra avant d'ajouter d'un ton égal :

« Non pas que tu sois la pire des créatures Cassandra, loin de moi cette idée » précisais-je, non sans faire un aller-retour sur ses formes plus que délicieuses.

Pour sa dernière question, j'avais plus envie de la lui retourner mais je me forçais à répondre, conservant mon calme tout en la dévisageant malgré moi.

« Le Capitaine a fini sa mission en ces lieux qui était de me confier les prêtresses que tu vois là. Mon devoir est à présent de les ramener à Muria. Maintenant, la question que je me pose est celle de savoir ce que toi, tu voulais demander au Capitaine. »

Le ton était anodin, presque au bord de la rigolade et pourtant, je sentais mon cœur se serrer. Je savais que si elle me répondait qu'elle fuyait Muria, je serais obligée de la tuer et cela, je m'en sentais incapable.

Gaëlle oubliait sans cesse l’importance et les responsabilités qu’accompagnaient inexorablement le titre de Chef des Sentinelles. Elle fut donc surprise, encore une fois, de savoir que Kiera avait côtoyé la Reine des Glaces, et qu’elle pouvait, non sans animosité, converser avec la plus redoutable des pirates qui ait foulé cette terre, ou du moins les océans. Elle n’avait jamais été jalouse de cette situation, consciente depuis des années déjà que les dons au tir à l’arc et à l’action en général, n’était pas comparables à sa propre maladresse, naturelle et indomptable. Elle n’oublia pas cependant ce que sous-entendait la position de Kiera en tant que Chef des Sentinelles concernant le sort des déserteurs. Elle avait espéré un instant que Cassandra rétorquerait avec fougue à l’évocation de la « pire des créatures » offrant là une diversion inespérée à Gaëlle, mais visiblement le Capitaine était tout autant curieuse d’apprendre ce qui pouvait bien emmener le jeune Amazone au rivage, et restait silencieuse.

« Eh bien, je… je… »

Mentir n’était pas vraiment un problème pour Gaëlle, c’était une pratique qu’elle maîtrisait relativement bien pour s’être exercée sur des clients suant l’alcool un peu lourds, ou bien sur des baratineurs cherchant une excuse pour ne pas payer leur consommation. Non, elle savait faire ça la petite barmaid. Mais à quoi bon ? Kiera se rendrait compte tôt ou tard de sa disparition. Plus que la trahison envers son peuple, elle aurait mis à mal la confiance de sa meilleure amie. Et ça, elle ne pouvait décemment pas s’y résoudre.

« Tu sais… tu sais certainement que… Enfin tu as dû apprendre que Mouchka est morte. »

Où voulait-elle en venir ? Qu’est-ce que cela venait faire là, ça ? Ce ton abrupt, l’oubli du bégaiement en fin de phrase… Avait-elle réellement perdu l’esprit ? Non. Elle se contentait d’introduire son récit. Désespéré et poignant.

« Elle est morte alors qu’elle… qu’elle ne le méritait pas. Que… que je ne le méritais pas, ajouta-t-elle, mettant peu à peu plus d’aplomb dans ses paroles. »

Gaëlle eut la force de lever les yeux vers son amie d’enfance. Elle dut trouver quelque chose dans son regard. Une bouée à laquelle s’attacher. Une confiance nouvelle.

« Tu le sais mieux que quiconque, j’ai passé toute mon enfance, mon adolescence dans ce foutu bar, me disant que je devais bien ça à Mouchka, que ça finirait bien par changer. Que ce n’était que passager, que moi aussi j’aurai un jour ma chance. Qu’en faisant de mon mieux je serai récompensée. »

Kiera devait déjà savoir ça, même si Gaëlle n’avait jamais su le formuler. N’avait jamais pu le formuler. Elle avait une vision manichéenne des choses qui la rendait à la fois naïve et attachante.

« Ca n’a pas été le cas. »

Cette vision, cette illusion avait éclaté, révélant au grand jour le monde tel qu’il était. Plein d’injustices. Sans cœur. Sans pitié.

« Les princesses qui se font sauver, c'est de la connerie ! Je n'ai rien d'une princesse, je n'ai rien du tout d'ailleurs. J'ai trimé pendant des années, Mouchka est morte et rien n'a changé. »

Elle n'avait compris cela que récemment, et c'était bien la première fois qu'elle parvenait à le verbaliser. Elle avait d'ailleurs l'impression de s'entendre parler, que c'était quelqu'un d'autre qui s'exprimait à sa place, avec une assurance et des idées qui n'étaient pas les siennes. Ou du moins qui n'avaient pas été les siennes pendant longtemps. Elle avait cru aux contes de fées jusqu'au dernier souffle de Mouchka. Mais Clochette s'était envolée avec sa mère, laissant Gaëlle seule face à l'horrible réalité.

« Je n'ai pas envie d'attendre un lendemain meilleur qui n'arrivera pas. Je prends les choses en main. »

Elle fit volteface pour planter ses prunelles sombres dans celle du Capitaine. Métamorphosée la Gaëlle. Ce ton assuré non plus ne lui ressemblait pas lorsqu'elle prit la parole, achevant sa démonstration avec une conclusion que Kiera ne digérerait sûrement jamais.

« Capitaine, je voudrais intégrer votre équipage. J'ai deux mains gauches mais vois plus loin qu'aucun de vos hommes, quelque soit le temps. Mon don envers les chats ne vous servira à rien mais j'ai une fervente foi en Niobé qui nous guidera je le sais sur les océans. Et en plus je suis un bon coup ! Prenez moi avec vous ! »

Une lueur étrange illuminait son regard. Déterminée. Mais tellement désespérée.

«　En effet, je l'ai appris. Je n'ai pas eut le temps de te présenter mes condoléances.　» avais-je bredouillé avec maladresse, ne m'attendant pas vraiment à ce que Gaëlle fasse ce genre de révélations alors que je la pointais du doigt, que je paraissais la juger pour ce qu'elle s'apprêtait maintenant ostensiblement à faire.

La suite du récit me déstabilisa et j'esquissais un pas vers elle, ne me retenant que parce qu'elle avait posé ses yeux sur moi. Le jugement hâtif que j'avais posé sur elle s'effaça pour laisser place à la douleur. J'ignorais ce qu'était perdre un être cher et je ne tenais pas à connaître la douleur que l'on pouvait ressentir à ce moment là. J'avais déjà senti un certain vide lorsque Jelenna avait disparu alors je n'osais imaginer ce que cela pouvait être quand on aimait la personne ou pire, quand on savait qu'on ne la reverrait jamais. Maximus était parti lui aussi mais je ne pouvais pas comparer la douleur de sa perte avec celle de Mouchka pour mon amie. La compassion s'insinua en moi, ne sachant pour autant quoi faire d'autre que d'attendre l'issue fatale de son récit.
J'écoutais sa broncher, sans même bouger, ce que Gaëlle avait à dire. Tout ce qu'elle venait de raconter était vrai, je savais ce qu'elle traversait et je connaissais son côté si naïf qui l'avait maintenue dans une illusion que la vie serait plus belle le lendemain si elle faisait des efforts. Comme tout le monde, j'avais laissé l'amazone croire à ce genre de foutaises parce que quelque part, Gaëlle était mon havre de paix, la seule chose solide et stable avec le Bar Bu dans ma vie si mouvementée. Je savais pertinemment ce qu'elle avait souffert et maintenant que l'illusion, tel un charme, s'était brisée, je me doutais de sa décision. Qui aurait pu l'en blâmer ?
La demande fut formulée et lorsque les mots traversèrent le temps, je sentis mon cœur éclater en morceau. J'avais compris ce que Gaëlle voulait faire mais l'entendre était une toute autre chose. Qu'étais-je censée faire désormais ? Maintenant que je savais que ma meilleure amie comptait déserter, quitter la cité de son enfance pour oublier ses rêves envoler ? A qui devais-je être loyale ? Le temps sembla s'arrêter, je n'étais même pas sure d'avoir entendu la réponse de Cassandra et je m'en foutais totalement. J'ignorais quoi faire, comme un enfant face à ses parents lui demandant qui il préfère. Devais-je agir en tant qu'amie ou en tant que Chef des Sentinelles ?

Des souvenirs montèrent dans ma tête. Gaëlle avait été bien trop souvent la seule chose de stable dans ma vie. Son amitié sans faille et sa discrétion comme sa maladresse et son humour avaient toujours eu tendance à sauver mon âme de ses tourments. Sa décision me décevait, pire que tout, elle sonnait comme une trahison à mes oreilles mais avais-je le droit de la juger moi qui l'avait maintenue dans son illusion tel un oiseau en cage pour mon propre bien ? Mon cœur hésitait désormais à la détester pour ce qu'elle venait de faire, de dire, pour ce qu'elle avait osé demandé, et entre l'aider. J'observais sa silhouette à présent bien droite, son air déterminé et sa volonté sans faille. Elle avait toujours été précieuse à mes yeux … La perdre serait difficile.

«　Je suppose que tu te rends compte que Muria n'aura de cesse que de te pourchasser, te retrouver et te faire expier ton crime. Qu'en montant sur ce navire, notre amitié ne pourra plus exister, que Cassandra deviendra peut-être même une ennemie de la cité.　» avais-je prononcé avec froideur malgré moi.

Je détestais l'amazone pour le choix qu'elle m'imposait tout comme je me détestais pour ma réponse.

«　Je ne dirais rien. Tu as deux heures avant que je ne donne l'alerte.　» avais-je lâché presque malgré moi, déchirée entre mon amitié et mon devoir.

Je lui en voulais énormément de partir, d'abandonner avec autant de facilités les siennes, la cité qui lui avait offert un abri mais d'un autre côté, je ne pouvais que comprendre ce qui la tourmentait et ce besoin de liberté. En réalité, je regrettais mon choix mais je savais qu'en la poussant à rester à Muria, elle ne serait pas heureuse. Je savais également que je ne serais pas capable de lui pardonner tout de suite mais qu'une fois que je l'aurais fait, cela m'attirerait des ennuis. Surement …

«　J'espère que nous avons fait le bon choix. La prochaine fois que nous nous verrons, je serais surement obligée de te tuer, alors évite de croiser ma route s'il-te-plait.　»

Sans attendre sa réponse, je décidais de partir. Une petite voix me hurlait que j'avais tords d'agir de la sorte, que je laissais mon devoir derrière mes sentiments et que c'était la pire erreur de ma vie. Sans même l'écouter, je beuglais à moitié, à l'attention des Prêtresses :

«　En avant, il ne faudrait pas nous faire surprendre par la nuit en prime !　»

J'étais incapable de faire le tri dans mes sentiments, incapable également de savoir ce que j'allais servir à la Reine amazone. Devais-je protéger jusqu'au bout Gaëlle, pour le moment, mon devoir était de ramener saines et sauves les Prêtresses dans la cité, le reste attendrait le moment venu. En silence, je retournais vers ma cité, le cœur et les entrailles noués, des tourments plein la tête.

[ Désengagée ]

Un arc-en-ciel venait d'apparaitre devant les yeux des deux femmes. C'était quoi ça, encore ? Hésitante, entourée de chats, elle semblait vouloir parler à Cassandra. Celle-ci eu un instant d'hésitation, durant lequel la pirate songea à envoyer balader la demoiselle sous prétexte qu'elle n'avait pas le temps, mais la curiosité se révéla plus forte. Cassie posa donc sur l'étrange fille un regard interrogateur, attendant la suite qui ne vint pas. La présence de Kiera sembla perturber la jeune fille. S'ensuivit un discours décousu. Comme si cette fille avait eu besoin de faire tout ce chemin pour assouvir sa curiosité. Il aurait été plus simple d'attendre le retour de la sentinelle pour lui poser les questions, non ? Bref, il y avait certainement autre chose, derrière ce masque craintif. C'était certainement cela qui fit rester Cassandra où elle était ; qui l'empêcha de tourner les talons, laissant les deux femmes s'expliquer seules. Après tout, elle n'en avait pas grand chose à faire, de toutes ces histoires. Le Capitaine avait accomplit son « devoir », après de l'opinion des autres, elle en avait un peu rien à faire. Cassie avait bien vu les regards que lui avaient lancé les amazones à Muria. Curiosité. Surprise. Indignation, surement. Une criminelle dans la cité cachée, quel horreur.
Bref, Cassandra ne daigne pas répondre aux premières interrogations de l'arrivante, laissant ce soin à la Sentinelle et attendant que la vraie raison de la présence de cet adorable arc-en-ciel fasse son arrivée.

En d'autres circonstances, la pirate aurait déjà prit la mouche, en entendant ce qualificatif. La pire des créatures... Cassandra ne se considérait pas ainsi. Certes, elle n'était pas un ange, loin de là, mais son cœur n'était pas que pure cruauté. Enfin, passons. Il ne lui était pas permis de se mettre en colère. Elle venait à peine de s'octroyer les bonnes grâces des deux Reines. Il faudrait qu'elle attende un peu, avant d'attirer leur courroux de nouveau. Et puis, la jeune femme était tout aussi curieuse de connaître la raison de la présence de Gaëlle -puisque c'était son nom- en ces lieux.

En écoutant la jeune fille aux chats, Cassie avait l'impression de remonter des années en arrière. De comprendre enfin ce qu'avait pu ressentir sa mère. Cette attente sur le port, cette vie dirigée par la crainte de perdre ce qui lui était cher. Cela avait dû être dur. Le Capitaine comprenait, un peu, mais ce n'était pas pour autant que sa rancœur allait prendre congé. Enfin, tout cela n'avait pas grande importance. Le sujet était tout autre. Cassandra avait en face d'elle un petit oiseau qui, jusqu'à là, avait vécu dans une cage à la porte ouverte et qui osait enfin, après tant de temps, prendre son envole. Elle comprenait la soif de liberté de la jeune femme. Elle la comprenait mieux que quiconque. Si un jour, on venait à la confiner dans une cellule, Cassandra dépérirait à coup sûr -non sans se battre, mais dépérirait tout de même. La liberté était sa seule amie. Le souffle du vent. Le bruissement des vagues. On ne pouvait espérer une vie meilleure, à son goût.

Lorsque Gaëlle s'adressa enfin à la Capitaine, son regard s'était teinté de détermination. Ce n'était plus la petite fille hésitante du début. Elle semblait savoir ce qu'elle voulait et cela plut à Cassandra.
La pirate prit un instant pour jauger la jeune femme. Elle ne semblait pas très costaud, mais après tout, le physique n'était pas la seule chose qui faisait la force d'un équipage.

« Très bien. Je t'engage comme vigie. Cependant, tu dois savoir qu'au moindre faux pas, je n'hésiterais pas à te larguer sur une ile déserte ou à te donner en casse-croute aux poussons. Ce ne sera pas une vie oisive. Ne pas me signaler un navire équivaut à une trahison et à ta mort. La gentillesse, c'est pour tes compagnons et tes chats, ne l'oublie pas. »

Puis Cassandra se tourna vers Kiera qui rassemblait les prêtresses, un sourire mi-moqueur, mi-désolé.

« L'entente entre l'Orage Sanglant et Muria a été de courte durée, cependant j'ai apprécié ta compagne, jeune fille. La prochaine fois que nos routes se croiseront, je suppose qu'il n'y aura pas de cadeau, ni d'un côté, ni de l'autre. Je te dis donc adieu et bonne chance. »

Faisant signe à Gaëlle de la suivre, Cassandra monta sur le navire et lança le signal de départ.

« On décolle bande de larves ! »

[Topic fini.
Gaëlle et Cassandra désengagées. J'édit le titre.]