[DE 151] Jusqu'à ce que la mort nous sépare (Soren, Tutnesi, Thémis, Jelenna) (fini)

Le tribunat était quelque chose de bizarre à mes yeux, en réalité, je me demandais pourquoi il avait fallu le créer outre le fait que personne à cette foutue table n'était capable de s'entendre sans vouloir se taper dessus. Il avait donc fallu créer ce chose factice au possible pour que les anciens de ce monde se mettent d'accord sur l'avenir d'une cité reconstituée. Beau jeu.
Bien joué.
La première séance touchait à sa fin et pour ma part, si elle avait été fructueuse pour Erathia, elle m'avait montré à quel point l'âme humaine était décevante. Si j'étais venue en ne cherchant rien pour moi-même, ne voyant pas l'intérêt de défendre une autre cité que Muria, tous à cette maudite table avaient l'intention de tirer profit de leur position plutôt que de mettre leur talents de politicien au profit de la Lumineuse. Il était beau le peuple d'Azthia avec ses foutaises, ses apparences et ses mensonges !

J'étais contente que tout cela prenne fin. Meliant n'avait pas usurpé sa réputation, Philéa m'avait dit de me méfier de lui et à l'instant même où il était entré dans la pièce, j'avais compris pourquoi. Je savais vaguement qu'il avait perdu les derniers jeux de Consort et qu'il était donc relégué au rang de Tribun, je savais également qu'il était assez imbu de sa petite personne pour profiter de ce poste dans le but de redorer son blason. En parlant de ça, il suffisait de voir comment l'Almer se trémoussait sur sa chaise pour se rendre compte qu'il ne voyait dans sa place de Tribun qu'une mince consolation pour ce qu'il avait perdu. L'autre Cydien, Soren je crois, ne cherchait visiblement qu'à tirer les épingles de son jeu … seule la Prêtresse semblait s'intéresser sincèrement à la cité. En d'autres termes, heureusement qu'il y avaient des femmes éclairées pour calmer les ardeurs de ces messieurs à cette table.
En parlant de Nalween, je me dirigeais justement vers elle pour lui poser une question beaucoup plus personnelle que ma cadette m'avait soumise. Je ne croyais pas spécialement en une quelconque religion mais je savais que Diane avait choisi le corps de Jel' pour abri et je savais également pour l'avoir vu que Diane prenait vraiment possession du corps de la princesse bis. Certains signes ne trompaient pas. Jelenna était bonne archère, mais ce que j'avais vu dans la tour ce jour là n'avait rien à voir avec ma cadette. Je n'étais pas spécialement convaincue de l'utilité des dieux, pour moi, ils n'étaient que des enfants gâtés par le commun des mortels qui se jouaient de nous autant qu'ils le pouvaient mais je respectais le culte de ma cadette, du moins suffisamment pour accéder à sa requête.
D'où la nécessité de m'entretenir avec Nalween.
J'attendis qu'elle soit seule pour la saluer avec respect, si je ne l'appréciais pas pour ce qu'elle avait fait à Jelenna, je respectais néanmoins le sacrifice qu'elle avait fait pour son peuple ainsi que sa personne. Le temps soignerait peut-être certaines blessures … Je ne passais pas par quatre chemins, en réalité, je n'avais qu'une envie à savoir quitter les lieux au plus vite aussi me décidais-je à lui faire part de ma requête au plus vite. Jelenna connaissait l'importance de la déesse sylvestre à Muria et Erathia étant la nouvelle terre d'accueil des âmes en peine, elle souhaitait voir s'élever un temple en l'honneur de la déesse au sein de la Lumineuse. Ainsi, les Amazones en voyage ou en congés à Erathia pourraient prier pour la sacrifiée. Je fis part de sa demande à la Prêtresse en insistant sur le fait qu'en tant que réincarnation de la belle Diane, Jelenna avait insisté particulièrement sur la nécessité de lui élever un Temple en ces lieux. D'ailleurs, certaines prêtresses de la divinité s'étaient déjà massées dans les lieux et attendaient sans doutes avec anxiété la réponse de l'Elfe qui bien entendu fut positive.
La neutralité faisait des merveilles.
Satisfaite, je la regardais partir au bras de son époux regrettant presque de ne pas pouvoir en faire de même. Presque. L'enfant que je portais n'aurait pas la chance de ceux de l'ancienne Grande Prêtresse et du P'yra. Il ne connaitrait pas son père mais sans doutes cela n'avait-il que peu d'importance. Je savais le mal que pouvait faire un abandon paternel mais aussi le mal que le mensonge pouvait engranger. Je ne me doutais pas que je ferais bientôt partie d'un mensonge à mon tour ...

L'art de la guerre, c'est de soumettre l'ennemi sans combat. Et Soren avait trouvé un moyen d'atteindre ses objectifs sans se battre, résoudre les difficultés avant qu'elles ne surgissent.
"Lorsque le coup de tonnerre éclate, il est trop tard pour se boucher les oreilles" disait un traité militaire: il fallait donc se protéger avant qu'Anatoli ne gronde.
La majorité des propos honnêtes se tenant après les réunions à langue de bois, Soren se permit de rester en retrait à la levée de l'événement pour écouter les langues véritablement déliées. Si Meliant ne s'était pas attardé, ce n'était pas le cas des deux dames de la table qui conversaient comme des grandes en heures supplémentaires. Tendant l'oreille, Soren capta assez peu élégamment la teneur de leurs propos: au départ, la demande de la création d'un temple n'avait rien pour le séduire mais l'idée le traversa comme une flèche perçait l'air du champs de bataille. C'était cela, c'était la solution parfaite. La bataille venait de prendre une autre tournure, en faille dans la défense d'Anatoli Clari qu'il devait exploiter. Soren devait prendre les devant, prendre les décisions rapidement avant d'être rattrapé puis dépassé par les événements.
Attendant que Nalween s'éloigne, Soren s'approcha et se racla la gorge pour marquer sa présence. Doutant qu'il soit réellement dans les petits papiers et dans la haute estime de la princesse, le Zélote voulait aller droit au but pour ne pas risquer de la braquer.

"J'ai entendu votre conversation et je dois vous avouer qu'elle a suscité en moi un grand intérêt. Si votre soeur est une réincarnation de déesse ayant droit à la construction d'un des premiers temple de la ville, elle doit être à même de venir à mon aide. Il se trouve que je suis à la recherche de quelqu'un apte à prononcer des vœux de mariage. Je souhaite épouser Thémis Clari le plus rapidement possible et je suis prêt à tout pour cela."

Avait-il raison de révéler autant à Eléa sans qu'elle ait accepté au préalable? Ne risquait-elle pas d'utiliser ces informations à mauvais escients? C'était le risque à prendre. Si le succès d'une opération dépendait vraiment de la préparation, alors Soren n'avait peut-être pas toutes les bonnes cartes en mains.

Nalween a peine partie, je comptais bien évidemment m'éclipser à mon tour, la séance m'ayant particulièrement fatiguée et surtout, irritée. Jelenna et Aerin m'attendaient dans mes appartements, quoi qu'il me semblait me rappeler que le gamin avait envie de découvrir le marché improvisé dans la cité, du coup, je l'avais laissé faire, ce prétexte me permettant surtout d'être sure qu'il ne tournerait pas autour de ma cadette en mon absence. Alors que j'esquissais un pas vers la sortie, l'ancien Princeps de Cydonia m'empêcha bien malgré moi de quitter les lieux.
Il avait entendu notre conversation, allons bon, j'en étais ravie et de toute façon, je n'avais pas cherché à cacher quoi que ce soit. Demander l'installation d'un temple en personne à celle qui en avait la charge n'était pas un crime et éviterait sans doutes les ennuis de temps comme de paperasse. Jelenna était une réincarnation, j'estimais être dans mon droit de demander ce genre de choses et quand bien même, nous étions Tribuns même en dehors de cette pièce non ? Certaines décisions n'avaient pas besoin de l'aval des cinq et celle-là en faisait partie alors pourquoi il venait me chercher le Cydien ?

Sa demande me fit sourire, seule la bienséance que Philéa s'était bornée à m'inculquer ces dernières années ainsi que mon expérience des grands de ce monde ou encore, par respect pour son expérience et ses talents militaires, m'avaient empêché de lui rire au nez. Ma petite soeur ? Les marier ? C'était trop drôle pour être vrai. Quoi que, vu son air sérieux et la façon dont il m'avait abordé, ça devait être sérieux.

« Je pensais que mon jeune âge vous gênait mais finalement, vous êtes bien content d'avoir des gamines autour de vous pour demander ce genre de choses n'est-ce-pas ? »

Je le toisais durement pour lui faire comprendre que je n'avais pas apprécié leur comportement lors de la séance mais finalement, Soren était peut-être le moins pourri de tous. Meliant et Tutnesi n'étaient là que pour redorer leur blason et défendre leur position tandis que si Soren avait plus ou moins fait de même, il m'avait semblé qu'il était également animé par de bonnes intentions, du moins plus louables que celles des deux autres.
Je soupirais en ajoutant :

« Laissez-moi cinq minutes pour réfléchir, une telle décision ne peut être prise à la légère. »

Je me dirigeais vers la table et décidais de m'y assoir pour réfléchir en paix sans sentir la fatigue traverser de part en part mes membres. Une fois assise, je réfléchissais à ce qu'il venait de me demander. Ainsi, il avait décidé d'épouser Thémis Clari, fille du Consul. Pourquoi pas, ce n'étaient pas mes affaires. La question était de faire le point sur la situation qui me paraissait un peu trop étrange …

« En d'autres termes, vous souhaitez demander à Jelenna de prononcer vos vœux de mariage, dans l'absolu, je n'aurais rien à opposer à cette demande des plus honorables toutefois, quelque chose me dit que vous ne m'avez pas choisi par hasard. »

Je posais sur lui un regard dénué de haine ou de rancœur, simplement interrogatif.

« Thémis est la fille du Consul, cela m'étonnerait fort que ce dernier ne souhaite pas assister à son mariage, tout comme je suis certaine qu'il n'accepterait jamais de la marier hors des enceintes de sa cité et surtout, à un soldat. En d'autres termes, vous êtes en train de me demander d'engager une guerre contre Anatoli. »

J'avais parlé avec calme, chose rare par le passé mais devenue plus habituelle ces derniers temps. Ce n'était pas plus mal, je sentais que Soren n'était pas le genre d'hommes à accepter qu'on leur fonce dedans sans rien dire. L'idée d'accepter sa demande était trop risquée, Anatoli apprendrait tôt ou tard qui avait permis la noce et la guerre serait déclenchée entre Muria et Cydonia, si guerre il n'y avait pas, l'alliance en serait tout de même mise à mal et ça, je ne pouvais pas le permettre. Toutefois, je comprenais la situation du Tribun et ne pouvait pas me résoudre à lui tourner le dos. J'avais compris que certaines personnes ne pouvaient pas choisir leur destinée et j'admirais ceux qui forçaient les choses. Feanaro m'avait été désigné, je ne l'avais pas choisi et je ne l'aurais sans doutes jamais choisi moi-même, aussi je me doutais que la fille du Consul devait être dans ce genre de cas mais je ne comptais pas briser une alliance pour leurs amourettes.

« Je ne vous permettrais d'approcher ma sœur que si vous m'offrez en échange la sécurité que l'alliance liant nos deux cités ne sera pas brisée ou encore, qu'aucune guerre n'éclatera à cause de vous et pour finir, que ma petite sœur ne risquera rien pour avoir satisfait vos désirs car croyez-moi, si votre mariage devait mettre ma cité à feu et à sang ou risquer la vie de Jelenna, vous n'aurez plus un jour de paix avant que ma rapière ne vous ai ôté la vie. »

Fidèle à l'idée qu'il se faisait de la cité des femmes, la princesse Eléa était à la fois directe et franche: en une fraction de seconde, elle avait saisi toute l'histoire sous-jacente à ce mariage, les problèmes et surtout ce qu'elle y risquait.
Il est vrai que diplomatiquement, c'était un risque énorme. Eléa avait vite compris qu'un mariage aussi rapide, loin de Cydonia, sans Anatoli cachait quelque chose de grave. Devait-il dire que Thémis risquait de subir un mariage arrangé? Ce n'était pas un mensonge et le genre d'événements qui énervaient les amazones non? Mais cela ne serait-il pas plus de la manipulation, un moyen de faire pression sur la princesse amazone pour qu'elle respecte son crédo? Non, il ne devait pas: il n'était pas Anatoli, il n'était un homme politique cherchant à manipuler pour atteindre son but.
Lorsqu'Eléa se retira quelques secondes, il sentait l'opération mal engagée: à la réflexion, oui il lui demandait quelque chose de difficile: être mariés par une prêtresse n'avait rien de bien étrange, sauf quand elle était une petite princesse amazone. Mais Soren était déterminé, passant sur les petites piques. Il savait que c'était la meilleure solution.

"Votre soeur, en plus d'être prêtresse, est une réincarnation. Personne, pas même Anatoli, ne pourrait remettre en cause le jugement d'une déesse. Cependant, je comprends vos inquiétudes: j'ai une partie du Sénat de mon côté, une décision de guerre ne se fera pas si facilement -surtout qu'elle se ferait sans mon commandement dans l'armée. Pour une plus grande sécurité, je peux vous proposer une chose: le premier enfant, mâle ou femelle, sera votre filleul. Anatoli ne se risquera pas à passer pour un homme sans honneur en cherchant la guerre contre la parraine de son seul petit-enfant, qui portera son nom qui plus est. Je rajouterai que Thémis Clari n'est pas inconnue à votre famille puisque qu'elle a rencontré votre mère et confirmé la présence de votre soeur à Erathia alors qu'elle en était prisonnière dans une infiltration avec votre sentinelle. Je mise sur la sagesse de votre famille et me plierai à votre décision, mais votre refus ne m'empêchera pas de l'épouser de quelque manière que ça soit."

C'était la stricte vérité: si Eléa et sa soeur refusaient, il irait trouver quelqu'un d'autre. N'importe où, n'importe qui, il finirait bien par trouver -avec ou sans leur aide.

Son histoire m'intriguait, je ne pouvais pas dire le contraire, mais pour autant, je n'étais pas prête à sacrifier n'importe quoi pour les délires d'amants en fuite. Surtout quand la dame à marier en question était la fille du Consul de Cydonia et que ce dernier venait de signer une sorte de trêve de paix avec Muria ! Je comprenais avec le peu d'informations dont je disposais que le Tribun Cydien me cachait des choses qui pourtant apparaissaient comme évidentes et qu'il était dans l'impasse, seulement, j'avais besoin de garanties avant de décider quoi que ce soit.
J'écoutais en silence ce que l'homme avait à me dire. D'ordinaire, je n'aurais pas pris la peine d'écouter un abruti de son genre, militaire de surcroit et capable du pire à cette table lorsqu'il s'agissait de défendre sa pomme mais en réalité, il m'attirait. Pas physiquement hein, n'allez pas tout confondre, non, il m'attirait par son aura, sa détermination à vouloir se marier malgré les risques dont il semblait pleinement conscient ou encore, dans sa façon de parler et de chercher les meilleures solutions qui permettraient de conclure un mariage légal. J'étais impressionnée qu'un tel homme, qui pour moi était loin de l'image du mari dans le commun des mortels que je me faisais, ose me parler de mariage arrangé à sa sauce et hautement risqué.

Je pris le temps de peser chaque argument. Leur valeur, leur poids diplomatique, mes assurances, tout cela ne pouvait pas être laissé à la légère. Jelenna était une réincarnation, en d'autres termes, la réplique vivante de l'âme de Diane, certes, cela lui conférait des pouvoirs assez étranges et plutôt flippant à mon goût mais dans tous les cas, son caractère divin lui offrait une certaine sécurité d'autant que comme il l'avançait, une déesse et son jugement n'étaient que rarement remis en cause. Anatoli était un homme réputé pour son intelligence éclairée comme pour ses principes auquel il ne dérogeait que rarement. Jelenna était une prêtresse, une réincarnation de déesse, déesse Cydienne de son vivant qui plus est aussi, il m'apparaissait évident que jamais Anatoli n'oserait poser sa main sur elle, auquel cas je n'hésiterais pas à la lui couper, incident diplomatique ou pas.
Une partie du Sénat derrière lui ? Cela voulait donc dire qu'Anatoli n'avait pas toutes les clés entre ses mains. Si une partie du Sénat, plus haute instance Cydienne, soutenait l'ancien Princeps, cela pesait en ma faveur à moins que ce dernier ne se décide finalement à se retourner contre moi. Peu probable. S'ils avaient quitté la cité natale de la jeune femme, cela ne pouvait signifier qu'une chose, Anatoli était contre le mariage et Soren ne pouvait donc pas se retourner contre moi auquel cas, son mariage si chèrement acquis serait caduque. Sans parler que Kriisten nous viendrait en aide contre Cydonia auquel cas militairement, l'armée amazone unie à celle des Astorgs viendrait à bout des Cydiens. Sans parler que comme il le disait, même si restait fidèle à sa parole, Anatoli ne pourrait envoyer une armée sans tête face à nous.
La troisième proposition qu'il m'offrait était alléchante. Marraine du rejeton des Clari offrait des sécurités des plus alléchantes ! D'autant qu'ainsi, j'étais à peu près sur que l'homme d'honneur qu'était le Consul n'oserait pas m'attaquer.

« Ce que vous me demandez n'est pas une mince affaire, d'autant que vous ne semblez pas avoir prévu toutes les options dans votre plan. » ajoutais-je froidement.

« La vie de ma sœur est ce que je chéris le plus au monde, osez vous retourner contre moi, osez l'attaquer, vous, Anatoli ou votre armée, et je ferais en sorte de vous anéantir en m'alliant aux Astorgs et à toutes les contrées qui l'accepteront. »

Je parlais d'un ton calme, emprunt d'une certaine force mais également, et le plus étonnement du monde pour moi, d'une certaine distance. Mes yeux en revanche trahissaient ma détermination, si Soren se retournait contre nous ou si Cydonia portait atteinte à Jelenna, la guerre ne ferait qu'un perdant.

« L'enfant sera mon filleul mais sachez que si vous vous retournez contre moi, je ne donnerais pas cher de sa vie. Ma cité vaut plus à mes yeux que votre progéniture ou votre mariage d'autant plus si vous tentez de le cacher à Anatoli. Le Consul est un homme d'honneur, et j'espère qu'il en sera de même pour vous car si tel n'était pas le cas, croyez-moi, vous ne passerez plus un jour sans craindre que ma lame ne vous emporte. »

Je soufflais, consciente que bien que toutes les cartes soient entre mes mains quoi qu'il arrive, je faisais surement une énorme bêtise d'accepter cette folie. Ce mariage aurait surement fait plaisir aux amazones sachant qu'il était un mariage visiblement romanesque et d'amour mais pour ma part, il était surtout une première épreuve en tant que princesse et Tribun. Enfin, heureusement pour moi, le destin m'avait donné les clés pour résoudre ce dilemme facilement et sans risque !

« Sachez que je n'accepte votre demande que pour remercier la Dame Clari d'avoir pris autant de risques pour sauver ma sœur et uniquement parce que je sais que quoi qu'il advienne, je sortirais vainqueur. Jelenna vous mariera dans deux jours. »

Je me levais, énervée à l'idée d'avoir accepté une idée aussi sotte mais finissais par me retourner pour ajouter :

« Avez-vous au moins choisi les deux témoins nécessaires ? »

Je savais que non, cela se sentait que Soren n'avait pas l'habitude de ce genre de cérémonie et qu'il était acculé au point de me demander mon aide. Je soupirais de nouveau en ajoutant :

« Thémis est une dame de haute lignée, j'espère pour vous que ce mariage sera à la hauteur de son rang comme de ses attentes, en attendant, loin des siens et de sa cité, je pense qu'elle mérite mieux qu'un ancien Consort ou une ancienne Grande Prêtresse elfique pour témoins. En tant que princesse amazone, voilà mon exigence, de faire honneur par ma présence à la dame, quant au choix du second, je vous conseille Tutnesi, ce dernier étant un Prêtre, sa présence ne légitimera que plus votre union. »

Cette fois-ci, je me levais et quittais la pièce sans un regard pour le Tribun.

Aussi importante qu'était l'instant pour lui, Soren commençait à se demander si l'idée était si bonne que cela. Si Eléa devait se protéger et protéger sa sœur comme sa cité, sa curiosité devait vraiment gênante tout comme son assistance à lui rappeler ce qu'il risquait à créer des problèmes par son union. Avait-il l'air d'un ahuri, la bouche béante comme une fosse sceptique pour lui tenir et l'abrutir d'un tel discours auquel il avait déjà adhéré? Bien sûr que Soren se rendait compte que tout reposait sur la gamine et qu'il lui faisait encourir des risques importants, mais libre lui était de refuser après tout. Et n'était-ce pas ici la cité libre loin des intrigues, loin de la politique, loin des préjugés? Soren se gratta la barbe d'un geste lent et précis, ne cherchant pas pour autant à se soustraire à la princesse amazone qu'il connaissait finalement peu. Thémis ne lui avait-il pas appris à ne jamais se fier aux apparences? Pourtant, dans cette pièce, il s'était senti jugé dès les premiers pas.

"Je vous prierai de croire, altesse, que je ne serai pas ici si je n'avais été homme d'honneur. Et que cette proposition de mariage n'aurait trouvé épouse également. Je n'ai à l'heure présente que cela à vous exposer, mais un enfant devrait sceller notre engagement très rapidement. Voyez-vous, il est important que je prenne Thémis Clari en épouse si je ne veux pas salir son honneur, à elle, et à celui de son père. Bien sûr qu'un mariage arrangé avec une noblesse locale sied mieux à notre lord, mais il est en mon devoir d'assumer sentiments, promesses et conséquences. "

Certaines paroles d'Eléa trouvèrent cependant écho en lui. Sortir victorieuse? Ainsi, elle ressentait cet événement comme une bataille elle aussi? Soren n'avait pas vu la participation des amazones de cette manière, bien qu'en effet elles ne risquaient rien de plus que ce qu'elles avaient déjà vécu. Que pouvait faire Anatoli Clari? Mariés sous la bénédiction d'une prêtresse, aucune contestation ne pouvait impliquer l'origine de Jelena. Allait-il demander au Sénat d'entrer dans une croisade sanglante juste pour un mariage consenti par les deux partis?

"Anatoli Clari est notre consul, mais il n'est pas pour autant notre Roi. En aucune manière, il ne pourra déclencher de représailles sur un désaccord familiale -Thémis, aussi précieuse qu'elle me soit, n'a aucune obligation envers Cydonia comme la cité n'en a aucune envers elle. Le Sénat ne bougera pas, j'ai commandé son armée, je connais son fonctionnement. Et nos voisins du Nord nous causent bien plus de problèmes que votre cité retranchée qui ne revendiquent aucun territoire sur nous."

Tout en énonçant sa pique envers les astorgs, il porta son regard sur le siège vide de Meliant. Puis, n'osant le dire à voix haute, il nia de la tête avoir pensé aux témoins. Pourquoi lancer la cavalerie avant les archers, alors qu'il ne savait pas si la prêtresse pouvait les marier? L'attention d'Eléa, entre toute, le mit mal à l'aise. Oui, il ne connaissait rien aux mariages. Mais il y remédierait très vite. Il allait répondre avant qu'elle ne se lève sans lui faire ses adieux. Drôle de femme, sans la moindre éducation militaire.

Soren se leva à son tour et rattrapa Tutnesi, agrippant son bras avant qu'il ne sorte.

"Pardonnez-moi, sire, mais je dois vous entretenir d'urgence d'un sujet plus personnel!"

La première réunion du Tribunat venait de prendre fin.
Tutnesi étaient surement de ceux qui étaient venus à cette réunion pour obtenir quelque chose sans y être réellement parvenu car au final, c'étaient avant tout les Cydiens, les Astorgs et les Amazones qui avaient menés la danse. Peu importait aux yeux de l'ancien P'yra, le principal étant que par ce rôle, il allait pouvoir regagner la confiance des Almers comme celles de ses futurs alliés. En devenant Tribun, Tutnesi espérait bien remettre sur pieds sa cité jadis aussi prospère que la Lumineuse allait le devenir sous leur influence. Sa femme avait déjà quitté les lieux mais l'Almer pour sa part souhaitait s'entretenir avec l'ancien Consort avant que ce dernier ne quitte la pièce.

La discussion battait son train de part et d'autre et sans Tutnesi s'en lassait. Une fois terminée son entrevue avec Meliant, il décida de quitter la pièce. Du moins c'était ce qu'il croyait jusqu'à ce que Soren ne l'empoigne. Talia aurait été encore présente, jamais elle n'aurait permis un tel affront envers sa personne mais la jeune femme l'avait quitté depuis quelques semaines déjà ... Soren fit part de son projet à l'ancien P'yra et si ce dernier n'était pas vraiment de ceux qui aimaient ce genre de cérémonie, il comprit bien vite l'intérêt qu'un tel mariage pourrait susciter pour sa nouvelle carrière comme pour son bénéfice personnel. Ce fut donc sans vraiment hésiter que Tutnesi accepta la demande de devenir témoin.

[ C'est très court mais je n'arrivais pas à entrer dans la peau de Tutnesi. Soren, j'ai préféré aller droit au but en te manipulant un peu par manque de temps, j'espère que cela ne te dérange pas. ]

[ Mariage enregistré ]

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» [151-DP] La bataille des rois (Elyncia, Kyle, Iréa, Thémis, Soren) [Terminé]

[DE 151] Jusqu'à ce que la mort nous sépare (Soren, Tutnesi, Thémis, Jelenna) (fini)

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