[DE] Il n'y a pas de hasard dans la vie (Livena) (fini)

Le jeune homme s'était réveillé d'un sommeil agité.
Ses cauchemars l'avaient hantés toute la nuit si bien qu'une fois réveillé, il fut soulagé de voir Nyméria sur le lit, prête à le rassurer et le consoler. La louve au pelage clair approcha sa tête avec douceur de la sienne, de peur qu'il ne soit encore à moitié endormi sans doutes, et déposa un baiser sur sa joue. Baveux, tout ce qu'il aimait. Quoi qu'il en soit, il avait beau râler, il était content que la louve soit là pour lui, encore aujourd'hui. Lorsqu'il l'avait recueilli, Aerin avait d'abord cru que ça ne durerait pas longtemps, que l'hiver puis le printemps timide auraient raison de la petite boule de poils mais Nyméria avait tenu. Par la suite, l'Almer avait pensé qu'elle finirait par se lasser de lui, une fois son indépendance alimentaire acquise, quel intérêt la louve avait-elle que de rester avec lui ? Bien au contraire, l'animal était resté. Un lien unique et indescriptible les liait désormais si bien que le petit garçon n'imaginait plus sa vie sans elle.

« Nyméria, tu m'étouffes ! » souffla-t-il en repoussant la louve pour la taquiner.

S'en suivit un quart d'heure durant lequel cette dernière lui sauta dessus pour le mordiller, pour le pousser du lit ou encore, pour l'embêter, tout simplement. Le bruit fini par attirer une petite frimousse aux longs cheveux roux qui ne tarda pas à se joindre à eux si bien que, contre les deux filles, Aerin ne tarda pas à capituler, disant à qui voulait bien l'entendre qu'elles avaient triché contre lui en rigolant. Si le réveil avait été difficile, ce court instant de franche rigolade avait effacé ses peurs si bien qu'il se leva le cœur léger. Comme chaque matin, l'Elfe se leva, enfila de quoi s'habiller rapidement non sans avoir fait sortir Erys de sa chambre avant et retrouva la petite devant le pallier de son antre pour ensuite descendre prendre le petit déjeuner. Thémis était déjà réveillée et s'occupait d'Elyos pendant que la petite l'embrassait. Quelque part, le gamin ne pouvait pas s'empêcher de penser que la vie de famille lui manquait, que Celyween et Jade lui manquaient, que … stop !
Une petite voix intérieure lui souffla de ne pas s'engager sur cette voie. Il avait déjà suffisamment souffert de la mort de sa mère ainsi que des conséquences que cela avait pu avoir sur sa vie. Mieux valait oublier désormais, il fallait avancer sans se retourner. Les adultes avaient raison, le passé est le passé, on ne peut ni le réformer, ni le renier, il faut simplement l'accepter et il n'y avait pas meilleur moyen pour cela que d'éviter de trop le ruminer.

D'un air absent, Aerin prit son petit déjeuner et demanda à son mentor ce qu'ils feraient de la journée. Thémis semblait particulièrement fatiguée comme si, au fond, quelque chose la tracassait. L'apprenti élémentaire aurait bien utilisé son don de l'Esprit sur elle mais il se retint. Non pas qu'il soit égoïste au point de ne pas s'inquiéter pour elle, bien au contraire, mais il rechignait à employer l'Esprit sur des gens qu'il aimait et dont il était proche. Il avait tendance à voir cela comme une forme de violation de la vie privée. Si la jeune femme voulait lui en parler, il la savait suffisamment adulte pour le faire le moment voulu. Pour l'heure, mieux valait la laisser agir à sa guise et attendre qu'elle se sente prête. Après, c'était ce qu'elle avait fait pour lui lorsqu'il n'allait pas bien, et il ne pouvait, aujourd'hui encore, que l'en remercier. La jeune femme décida qu'ils n'auraient pas d'entraînement aujourd'hui et, n'ayant cours à l'école élémentaire qu'en fin d'après-midi, le jeune Almer décida de se rendre sur le marché pour acheter quelques petites babioles. Des flèches pour son arc, des protections de cuir ainsi surement qu'une petite attention pour Erys, peut-être même pour Thémis puisqu'après tout, il n'avait qu'elles à qui offrir des cadeaux et pour qui dépenser ce que lui envoyait son père ou lui donnait les Henrick tous les mois.

Vêtu d'un pantalon couleur sable et d'un haut sombre, son collier familial ne ressortant que de plus belle sur ce fond sombre, Aerin sortit de la maison, laissant derrière lui Nyméria. Son faucon n'était pas revenu la nuit dernière mais le jeune homme savait qu'elle était encore en vie. Il sentait dans son esprit les battements d'aile de son animal et ne s'en préoccupait pas plus que ça. Tant que Namarïé allait bien, c'était le principal, où qu'elle soit.
Les étals du marché étaient toutes plus belles les unes que les autres. Le métisse ne mit pas longtemps à trouver ce qu'il lui fallait. Il acheta une dizaine de flèches fabriquées dans un bois clair mais solide ainsi qu'une paire de mitaines en cuir noir qu'il enfila immédiatement. Il s'attarda un instant sur un stand de bijoux et y décela un très joli collier. Une chaîne d'argent avec comme pendentif une pierre verte en forme de larme. Cela plairait surement à la petite et irait très bien avec ses yeux, il opta donc pour le collier si bien qu'il ne lui restait plus grand chose dans sa bourse après ces achats. Peu importait, le mois touchait à sa fin de toute façon et il avait encore de larges économies faute d'avoir à dépenser quoi que ce soit d'habitude. Il prit le bijou, l'enfonça dans sa poche et allait repartir quand il tomba nez à nez avec une petite demoiselle, manquant de peu de la bousculer.

« Désolé, je t'ai fait mal ? » dit-il à son attention.

Lorsque Kiera m'avait proposé de me joindre au groupe de Sentinelles qui partait à Cydonia et dont Lyvie faisait parti, j'étais tellement hystérique qu'il avait fallut la journée entière pour me calmer. J'avais rassemblé quelques affaires dans une sacoche et accompagné ledit groupe, débordante d'euphorie. Le voyage avait été long, si bien qu’au bout d’un moment j’avais arrêté de compter les minutes qui passaient. C’était long, bien plus long que de remonter le fleuve et traverser la forêt pour rallier Muria, et j’avais fini par m’assoupir sur l’encolure du cheval que je chevauchais avec peine. Quand nous fûmes arrivées à destination, les Amazones m'avaient donné quartier libre tout en me recommandant la prudence. Evidemment que j'allais être prudente, quelle question! De toute manière, avec Mélo avec moi, il ne pourrait pas m'arriver grand-chose; pourtant je comprenais leur inquiétude. Une enfant, si jeune, livrée à une ville comme Cydonia... et en plus Kiera serait pas contente si jamais il m'arrivait quelque chose. Elle est pas méchante, Kiera, mais quand elle se met en colère il vaut mieux pas être dans les parages.

J'arpentais les rues depuis un petit moment et tout me fascinait. Je comprenais mieux à présent pourquoi on surnommait la cité "le joyau Cydien". Au bout d'une heure à flâner, je décidai de me rendre à l'Agora marchande. En vue de mon départ, on m'avait expliqué que c'était là la place où se réunissaient les commerçants et les marchands. Et même si je n'avait pas énormément d'argent sur moi, le marché était toujours un lieu fort intéressant pour faire de nouvelles rencontres.

Je caressais d'une main conciliante le sommet du crâne de Mélo. Flowène m'avait recommandé de la dresser, mais pour l'instant je ne pouvais pas faire grand chose. J'eus une pensée compatissante envers ma patronne en espérant qu'elle pourrait tout de même gérer le bar sans moi. Je ne m'accordais pas tant d'importance, mais en tant que serveuse et surtout en un temps si chaud, "déserter" mon poste à cette période n'était pas très malin. Mais j'étais tellement contente de voyager que mes regrets s'estompèrent vite. Je murmurai quelques paroles rassurantes à ma petite chatte; la pauvre était terrorisée par tant de monde, et même si je dois avouer que j'étais contente qu'elle me fiche un peu la paix, j'aurais préféré qu'elle évite d'enfoncer ses griffes dans mon bras.
La chaleur était moins écrasante à Cydonia, et pour inaugurer ma sortie j'avais revêtu une robe à double volants, un blanc sur un orange, qui s'accompagnait d'un haut vermillon s'attachant derrière le cou avec un lacet; pour finir, trois noeux de chaque côté resserraient les deux volants au niveau de la taille, leur boucles se balançant légèrement dans la brise estivale. Comme c'était ma mère qui me l'avait faite pour mes 8 ans, elle était un peu courte mais finalement vu la saison ce n'était pas un problème. J'avais chaussé une paire de sandales qui se laçaient autour des chevilles (que j'avais échangé avec ma soeur contre une chemise de nuit, soit-dit en passant) et ne plus sentir le sol sous ma peau m'avait cruellement manqué, pourtant avec une telle foule, je ne pouvais pas me permettre de balader pieds sans risquer de revenir à Muria avec un orteil en moins. Au fond, j'étais plutôt heureuse de m'être détachée de mon ensemble quotidien pour porter cette robe, elle me donnait un air civilisé qui contrastait avec les journées que je passais à travailler. J'avais même l'air (mais c'était peut-être juste une impression) plus âgée, moins gamine, et cela marquait mes retrouvailles avec mon ancienne vie de Silmarie. Peut-être même qu'un jour je pourrais songer à...

« Miiii-ou!! »

Le faible miaulement craintif de ma chatte me tira de ma rêverie, juste à temps pour que je parvienne à éviter un passant qui venait en sens inverse, non sans le bousculer.

« Désolé, je t'ai fait mal ? »

Je ne répondis pas immédiatement, détaillant mon interlocuteur. Je fus un peu surprise de me retrouver nez à nez avec un garçon. Evidemment, je croisais parfois quelques Soumis à Muria, mais c'était plutôt et j'avais perdu l'habitude de côtoyer les hommes, même de loin. Pourtant, comme pour adoucir une rencontre probable avec la gente masculine, le garçon qui me faisait face devait avoir à peu prés une douzaine d'années seulement. *Un Elfe* pensai-je en notant ses trains fins et sa peau claire. Pourtant, les oreilles de ce garçon-là n'était pas pointues, et il avait aussi autre chose, quelque chose de pas très elfique qui me poussa à douter de ma déduction (pourtant habituellement, mes analyses s'étaient toujours révélées exactes, ou presque). Cependant, cela faisait tellement longtemps que je n'avais pas croisé quelqu'un de mon âge dans cette ville que je ne m'en préoccupais pas plus que cela.

« Non, ça va merci, répondis-je en lui adressant un petit sourire. Je n'ai pas regardé où j'allais, désolée. »

[ Désolée, j'ai eut du mal à jouer Aerin pour le coup x) ]

Aerin prit le temps de détailler un peu plus la personne qu'il avait manqué de percuter. C'était une petite demoiselle à peine plus grande que la Grande Prêtresse mais plus petite que Jelenna. Il se reprocha aussitôt une telle comparaison, ne pouvant cependant s'empêcher de sourire. Voilà bien longtemps qu'il n'avait pas vu les filles et pourtant, elles hantaient chacun de ses pas et visiblement, chacune de ses pensées … Il se promit d'essayer d'avoir de leur nouvelles dans la soirée. En la détaillant plus encore, il remarqua la robe à double volants et le haut vermillon. Il ne put s'empêcher de penser que ça ira bien à Jelenna et cette fois, il se borna à éviter de détailler plus encore la jeune fille de peur de se retrouver à faire d'autres comparaisons.

Elle lui adressa un sourire auquel il ne répondit pas, perturbé qu'il était de se rendre compte à quel point les deux jeunes filles, et plus particulièrement Jelenna, avaient pris une place importante dans sa vie. Il ne parvenait pas à comprendre pourquoi. Certes la princesse amazone l'avait sauvé de son funeste destin, certes la Grande Prêtresse l'avait aidé en ce sens mais à quoi bon penser à elles autant ? Leurs destins étaient liés, Jelenna le lui avait un jour révélé et la jeune Elfe n'avait pas tardé à le lui confirmer, cependant, le métisse ne parvenait pas à comprendre en quel sens. Les dieux n'allaient ils pas se fâcher de les voir ensemble ? N'allaient-ils pas les punir de trahir leur serment ? Qui trahissait ? Il était le seul. Le seul qui avait des sentiments envers une petite blondinette d'un an sa cadette, le seul qui, en jurant de les protéger toutes les deux, avait trahi son serment de gardien. La jeune fille reprit la parole avant qu'il ne puisse aller plus loin dans la réflexion et il se rendit compte qu'elle s'adressait à lui, s'excusant de ne pas avoir regardé là où elle mettait les pieds.
Penaud, le gamin se contentant d'ajouter d'un ton égal :

« Ce n'est pas grave, ça arrive à tout le monde »

Les choses auraient pu s'arrêter là, mais il se prit au jeu de la détailler à nouveau et son regard se posa sur les oreilles pointues de la demoiselle. Elfe, sur et certain, de telles oreilles ne mentaient pas ou rarement. Que faisait une Elfe, si jeune de surcroit, seule dans les rues de Cydonia ? Il allait poser la question et se ravisa, après tout, qu'aurait-il pu répondre si on lui avait posé la question ? Que son père lui avait demandé de vivre ici, en tant que prisonnier politique, pour éviter les conflits entre Templiers et Zélotes ? Bonne idée. Très bonne idée même.

« Tu allais quelque part ? » demanda-t-il à la place d'un ton neutre. Il ne souhaitait pas l'effrayer, il était simplement curieux, aussi ajouta-t-il simplement, « Je demande ça parce que tu n'as pas l'air d'être du coin, si tu as besoin d'un guide, je peux peut-être t'aider ».

Il ne pouvait pas s'empêcher de penser à Jelenna pendant qu'il la regardait pourtant, elles n'avaient rien en commun ! Il se força à se concentrer sur la conversation qu'il venait d'engager, délaissant les pensées qui le menaient à elle. Muria lui manquait, plus que la cité en elle-même, sa princesse lui manquait. Il ne l'avait vu que quelques jours au Temple au début de la saison et cela lui paraissait une éternité. Beaucoup de choses avaient changé récemment dans sa vie et le passé semblait persister à refaire surface bien malgré lui tant et si bien qu'il ressentait d'autant plus l'envie de parler avec Eloween, mais surtout, avec Jelenna.
Il avait compris rapidement qu'il l'aimait. Il ne fallait pas être sorti du Temple pour le comprendre, mais il l'avait refusé et le refusait toujours. Elle était une princesse de noble lignée, vouée à régner un jour peut-être, une réincarnation divine, et qui plus est, elle était tout simplement trop parfaite pour qu'il ose songer à quoi que ce soit de ce genre. Quoi que pouvait en dire Eloween, l'almer restait persuadé qu'ils n'étaient pas voué à s'unir, du moins pas dans cette vie.

* Pardonne-moi Ilith * se surprit-il à penser.

Il avait du mal à faire le point, tout comme il se sentait coupable d'aimer autant la réincarnation d'une autre déesse. Si Ilith décidait de se réincarner comme son frère, aimerait-il l'heureuse élue de la même façon que l'Amazone ? Rien n'était moins sur … Il préférait ne pas y penser en réalité, ne se doutant que trop de la réponse. Ses pensées voguèrent jusqu'à sa mère, sans savoir pourquoi il pensait à elle à cet instant précis. Accepterait-elle tout ça ? Ce qu'il était devenu, pire encore, ses sentiments envers les Clari ou envers la jeune princesse ? Aerin chassa ces pensées de sa tête et, offrant un sourire sincère à la jeune Elfe, il dit simplement :

« Je m'appelle Aerin Estal, enchanté. »

Donner son nom était une politesse à laquelle personne n'échappait. Tôt ou tard, le masque tombait, alors autant que ce soit tout de suite. Il se focalisa sur cette rencontre, oubliant le reste, attendant juste qu'elle lui réponde. Si elle ne désirait pas son aide, il s'en irait, rentrerait et, pour finir, oublierait tout.

Son regard scrutateur ne m'échappa pas, et une fois encore je fus gênée en ressentant ce que j'imposais aux autres en les jaugeant. Être dévisagée n'était vraiment pas agréable, et je me promis le faire moins souvent. Enfin, dans la mesure du possible. Il y avait certains traits de caractère dont on ne pourrait jamais se débarrasser, mais si on essayait vraiment.

« Tu allais quelque part ? Je demanda ça parce que tu n'as pas l'air d'être du coin, si tu as besoin d'un guide, je peux peut-être t'aider ».

Encore une fois, mon irrémédiable esprit d'analyse fit le travail sans me demander mon avis. Là où j'aurais pu tout simplement accepter poliment et me présenter ou refuser moins poliment et m'éclipser dans la foule vite fait bien fait, je me plongeai dans une réflexion intense, soupesant toutes les possibilités, le pour et surtout le contre.

P= D'abord, j'étais dans une cité qui m'était totalement inconnue, alors que de toute évidence ce garçon-là y vivait. Son aide pourrait m'être précieuse.
C= Mais les Amazones m'avaient dit d'être prudente et de ne pas faire confiance à n'importe qui...
P= D'accord, mais en même temps j'avais Mélo avec moi, et elle était pas de très bonne humeur en plus. Et puis, pourquoi ce garçon me voudrait-il du mal?
C= Oui, mais Mélo ne faisait pas le poids face à une arme ou un animal plus gros, même dérangée pendant sa sieste.
P= Mais en même temps, je m'étais toujours débrouillée, même sans Mélo!

Pourtant, je tenais à mon indépendance, et si j'avais hâte d'explorer un peu plus Cydonia, le type de visite guidée me gonflerait bien vite, et cet argument pesait lourd dans la balance. Cependant, tous les passants qui me bousculeraient n'allaient pas me proposer leur aide.

« Je m'appelle Aerin Estal, enchanté. »

Fini les tergiversions! Je ne pouvais pas rester plantée là en plein milieu d'une rue marchande qui grouillait de monde pendant qu'un parfait inconnu qui avait la gentillesse de me proposer son aide attendait que j'ai fini de jouer à l'ange et au démon de la conscience.

« Moi c'est Livena, finis-je par répondre en souriant. Livena Hedeïn. J'accepte ton aide avec plaisir, parce qu'il faut dire que je n'ai pas l'avantage de connaître la ville. Je viens d'arriver.»

J'hésitais un instant, puis me lançais de nouveau. Après tout, les dés étaient joués, j'avais répondu par l'affirmative, à moi de me débrouiller maintenant. Que-ce que je risquais de toute manière? Bon, d'accord, je sais, il ne faut pas faire confiance à des inconnus, mais comment on peut connaître de nouvelles personnes alors? Cette phrase que ma mère me répétait toujours quand j'étais petite perdait de son sens à mesure que j'explorais et que je rencontrais des gens.

« Je ne sais trop combien de temps je reste, avouai-je. Que-ce qu'il a d'intéressant à visiter à Cydonia?»

Un instant j'eus peur que la réponse soit mal reçue. Je ne pensais pas à mal, mais certains esprits susceptibles pouvaient comprendre ma question autrement... de là à croire que je sous-entendais qu'il n'y avait rien d'intéressant à voir à Cydonia, il n'y avait qu'un pas.

L'hésitation de la demoiselle n'échappa pas au jeune homme qui se demanda comment une question aussi simple que celle qu'il venait de poser pouvait éveiller autant de sentiments chez quelqu'un, comme s'il avait posé une question existentielle à la jeune Elfe. Le métisse se décida à se taire, sachant que ce qu'il dirait pourrait être mal interprété ou qu'il risquait de la gêner. Il se contenta d'attendre sa réponse, son Esprit voguant d'une pensée à l'autre. Il se força d'ailleurs à éviter de la dévisager et de lire ses pensées bien que ces dernières agressent ses barrières dans son for intérieur. Il focalisa son attention sur le marché autour de lui, son regard voguant d'étal en étal jusqu'à ce que son interlocutrice reprenne la parole.
En posant les yeux sur elle pour l'écouter, ses pensées le trahirent à nouveau. Jelenna le hantait, il avait beau s'en détacher, tout aujourd'hui lui rappelait la demoiselle aux boucles d'or. Pourtant, cette jeune Elfe du nom de Livena n'avait rien en commun avec son amie. Ni le teint laiteux, ni la douceur de ses traits, ni ses yeux clairs, ni sa chevelure d'or. Pourquoi les dieux s'acharnaient-ils ainsi à lui faire miroiter des choses qui n'existaient pas ?

Le prénom le fit presque sursauter. « Livena Hedeïn », si le prénom pouvait être commun, le nom de famille ne pouvait pas le tromper. Combien de fois la princesse amazone lui avait-elle parlé de son amie ? Certes il lui avait fallu quelques secondes pour que le nom de famille fasse tilt mais Livena, il connaissait. Jelenna avait du mal à se faire des amies, sa position de princesse et plus récemment, de réincarnation humaine de la déesse Diane, avaient tendance à faire fuir les candidates à Muria comme à Tamawa et les rares qui restaient près d'elle ne cherchaient en général qu'à tirer profit d'un statut dont la jeune femme n'avait que faire. Aussi, lorsqu'elle avait rencontré Livena, la jeune Sentinelle n'avait pas pu s'empêcher d'en discuter avec Aerin et Eloween et ces derniers n'avaient pu que la féliciter. Voilà qui expliquait peut-être pourquoi il pensait à sa douce et tendre depuis ce matin …
Il l'observa non sans incrédulité mais prit le parti de ne rien dire. Si ce qu'il pensait était vrai, de toute évidence, Jelenna ne lui avait pas parlé de lui auquel cas son nom aurait du éveiller ses soupçons. De plus, il y avait toujours la possibilité de se tromper aussi mieux valait attendre d'avoir des éléments plus importants pour en tirer des conclusions. Il se contenta donc de sourire.

Elle voulait visiter la ville et ne savait pas combien de temps elle restait. Soit ses parents étaient des marchands pressés de quitter la cité, soit elle était belle et bien Amazone comme il le pensait. Peu importait de toute façon, cela ne changeait rien à ses affaires. Elle demandait un lieu intéressant à visiter et rien ne lui venait à l'esprit si ce n'était le port. L'eau l'avait toujours attiré et dans cette cité, il regrettait de ne pas pouvoir profiter plus souvent de l’embarcadère mais ses heures libres étaient généralement partagées entre la forêt et le port. Il se décida donc à l'y emmener.

« Je n'ai jamais vraiment aimé visiter la cité mais le port est un endroit magnifique ! Suis moi »

Dans sa tête, il cogitait sec pour savoir quoi faire. Lui poser des questions ? Se contenter de la mener à bon port ? En même temps, que faisait une gamine de son âge ici et seule ? Au bout de quelques minutes de silence, il ne put pas s'empêcher de demander :

« Tu es venue ici en voyage ? Tu viens d'où ? »

Il se serait mordu la langue d'avoir parlé et de se mettre si indiscret mais tant pis, le mal était fait. Heureusement, elle ne voyait pas son visage vu qu'il marchait devant elle mais il se rendit compte que ses questions pouvaient paraître suspectes alors il enchaîna :

« J'habite ici depuis plus de trois ans maintenant mais si j'ai visité la cité en long en large et en travers, je la trouve sinistre et je lui préfère largement Silmarie. »

« Je n'ai jamais vraiment aimé visiter la cité mais le port est un endroit magnifique ! Suis moi »

J'hochais la tête mon exprime mon accord et nous voilà partis pour le Port de Cydonia. J'avais hâte de le voir. J'avais hâte surtout de me tremper dans l'eau, car à Muria je n'avais pas pu m'offrir un petit moment dans une rivière, malgré la canicule qui sévissait. Même s'il faisait moins chaud ici, je n'allais pas me priver d'un luxe si facile! Et puis, si Aerin avait l'air gêné et ne parlait pas beaucoup (ma soeur le traiterai de coincé telle que je la connais, mais heureusement je ne suis pas ma soeur. Quel désastre pour l'humanité sinon!), mais il avait l'air gentil au premier abord. La preuve, il s'était excusé d'une faute qui était aussi la mienne, et maintenant il me faisait une "visite guidée". Cependant, ça manquait un peu de conversation...

« Tu es venue ici en voyage ? Tu viens d'où ? »

J'ouvris des yeux un peu étonnés. D'accord, j'avais à l'instant regretté le peu de paroles échangées, mais quand même, on pouvait faire plus gai comme conversation! Et puis que pouvais-je lui répondre? Avais-je le droit de l'informer de mon statut d'Amazone? Ce n'était pas interdit, mais par prudence, les habitantes de Muria éviter de livrer ce genre de petit... détail. Et puis même s'il était gentil, ce n'était encore qu'un inconnu. Mais bon, à quoi bon visiter une ville pour se faire de nouveaux amis si on ne peut rien dire à personne?

« J'habite ici depuis plus de trois ans maintenant mais si j'ai visité la cité en long en large et en travers, je la trouve sinistre et je lui préfère largement Silmarie. »

Je ne voyais que le dos d'Aerin, seul point de repère pour ne pas me perdre, mais au ton de sa voix j'aurai juré qu'il cherchait à se rattraper de sa question qui pouvait passer comme indiscrète, voir suspecte. Gentil ET poli. Apparemment tous les cydiens n'étaient pas de ces gens bourrés de fierté. Ah! mais il venait juste de dire qu'il n'était pas de Cydonia. Silmarie... ? Oui, il avait bien quelque chose d'elfique. Mais il n'avait pas dit non plus qu'il y était né! Ou la, ça devenait compliqué cette histoire...

Il avait été à Silmarie... mais c'était il y avait plus de trois ans. A cette, époque, Maman Mayleen et moi on était encore tranquilles dans notre paisible cité. Peut-être nous étions-nous déjà croisés? Mais dans ce cas-là, ce n'était pas étonnant si je ne souvenais pas de lui, puisque j'avais autre chose à penser et que j'étais toujours tête en l'air avant l'arrivée du Squatteur...

Je me rendis compte que je m'étais laissée distancer à force de rester plongée de mes pensées, et qu'Aerin avait pris de l'avance. Je courais pour essayer de le rattraper.

« Silmarie? répondis-je en tentant de reprendre mon souffle. Moi aussi je suis de là-bas! Mais je suis partie y a un an. Et oui, je suis en voyage. Je viens de Muria, et j'ai décidé de sortir un peu voir les autres cités. »

J'avais essayé d'adopté un ton dégagé, comme je lui aurait annoncé que demain il pleuvrait à Tamawa mais que des éclaircies étaient prévues pour le jour suivant. Pourtant une part de moi redoutait déjà les questions.

Le regard étonné de la demoiselle ne le surprit pas vraiment. Il le conforta même dans l'idée qu'elle était peut-être l'Amazone dont parlait sa jeune amie depuis quelques temps déjà mais il s'abstint de commentaires, préférant attendre qu'elle lui dise ce qu'il en était d'elle même ou alors qu'elle se taise. Quoi qu'il en soit, il aurait la réponse à ses doutes ou alors, tant pis. Il s'était montré indiscret certes, mais il avait également conservé, malgré toutes les douleurs et les peines, ce caractère jovial et curieux d'antan. Incapable de se retenir ou si peu quand une question lui brûlait les lèvres, il se rattrapait la plupart du temps en faisait semblant de poser d'autres questions et de ne pas s'intéresser à celles qui pouvaient gêner la personne. C'était d'ailleurs exactement ce qu'il avait fait en l'occurrence, cherchant une excuse comme un sujet de discussion moins bancal et plus agréable pour instaurer un climat moins tendu entre eux. Le métisse était conscient que de toute façon, ce n'était pas dans le cadre d'une visite au port qu'il s'en ferait une amie, surtout si elle était là en vacances ou en voyage, mais il n'avait pas pour autant envie de s'en faire une ennemie. Sympathiser avec les gens n'était pas son fort, même si par le passé, il avait la facilité de l'âge et de la tchatche mais il se forçait malgré tout aujourd’hui à ne pas perdre le contact avec les gens. Thémis comme son père avaient insisté sur la nécessité de parler aux autres et de s'ouvrir au monde extérieur. « Pour avancer » ou un truc du genre.

L'apprenti élémentaire ralenti, conscient que la demoiselle n'arrivait pas à le suivre. Perdue dans ses pensées, elle en avait perdu le sens de la réalité et le gamin préférait l'attendre au risque de la perdre totalement. Elle couru dans la direction de l'Almer et le rattrapa enfin, se décidant après une courte réflexion à lui dire d'où elle venait. Ce qu'elle lui dit le fit réagir au quart de tour. Elle avait parlé d'un ton détaché mais pour autant, le jeune homme la saisit par le bras et l'entraina d'un pas rapide loin de la foule. Quelques minutes passèrent avant qu'il ne se décide à lui lâcher la main et qu'il lui explique son comportement.
Elle venait de Silmarie, peut-être l'y avait-il rencontré enfant ? Il n'en avait en tout cas aucun souvenir, cette époque là était majoritairement floue dans son esprit. Il se souvenait vaguement d'y avoir vécu, se souvenait du goût du pain au miel de l'aubergiste, des bonbons que lui donnait parfois le fleuriste quand il venait l'aider, de la Grande Prêtresse Nalween quand elle priait à l'Autel et que sa mère, occupée par une de ses missions, lui laissait quartier libre, mais le reste était trop flou. Tout avait eut tendance à disparaître à la mort de sa mère. Elle vivait à Muria, c'était donc maintenant presque sur qu'elle était la Livena dont parlait la princesse mais surtout, elle était totalement …

« Inconsciente ! Tu te rends compte que tu viens d'avouer être Amazone au beau milieu de Cydonia ? »

Il parlait d'un ton inquiet, cherchant du regard un éventuel passant qui aurait entendu leur discussion. Visiblement, ce n'était pas le cas, sans quoi, les gens se serraient déjà rués sur l'occasion d'attraper une Amazone. Certes les relations entre Muria et Cydonia étaient devenues plus cordiales depuis leur dernier arrangement mais il ne fallait pas tenter le diable. Beaucoup de Cydiens détestaient encore le peuple des femmes libres et les Amazones étaient toujours considérées comme dangereuses et plus ou moins interdites dans la cité. Bon, personne ne semblait avoir entendu alors le jeune homme se calma. Il réfléchit à ce qu'elle venait de lui dire, à son propre comportement et précisa d'un ton plus calme, après un ultime soupir :

« Excuse moi si je t'ai effrayé, c'est juste qu'il vaut mieux garder ce genre de réflexions pour toi … Ici, les Amazones ne sont pas en odeur de sainteté, nombre de ces passants n'hésiteraient pas à te vendre au plus offrant pour obtenir des informations sur la cité cachée. »

Il était conscient d'être un peu dur avec elle mais ce n'était au fond que de l'inquiétude car bien malgré lui, il voyait dans les prunelles de cette enfant celles de Jelenna. Son coeur s'emballa mais il repoussa l'image. Il vérifia une ultime fois qu'ils étaient bien seul mais ce coin du marché était désert, dernier bastion entre les marchands bruyants et le port et lorsqu'il fut certain qu'il n'y avait personne, l'Elfe poursuivit d'un ton toujours calme :

« Je connais bien les Amazones, mon père est même le parrain de leur princesse et j'ai eut la chance de vivre dans la cité il y a quelques années. Ah oui, forcément, ce n'est pas très crédible, mais je peux t'assurer que c'est vrai ! C'est même une Amazone qui m'a offert mon faucon. Je connais également bien Jelenna, et toi ? »

Il tentait de la rassurer. Tout ce qu'il disait était vrai, mais il ne savait pas encore s'il s'agissait de la bonne personne ou non. Devant son mutisme, conscient qu'il avait du lui faire peur, Aerin poursuivit d'un ton plus doux :

« Je suis né à Silmarie, j'y ai grandi avec ma mère, et toi, qu'est-ce-qui t'as poussé à partir ? »

Mince, une nouvelle question indélicate, il se rattrapa tout de suite en murmurant un « désolé » à son attention sans grand conviction qu'elle l'ai entendu aussi reprit-il plus fort :

« Tu n'es pas obligée de répondre, désolé, je me montre quelque peu curieux. Je n'ai pas souvent l'occasion de discuter avec des gens de mon âge et j'ai perdu l'habitude des politesses depuis … enfin depuis longtemps. »

Voilà, elle savait tout, si elle avait envie de répondre, elle pouvait le faire, si elle avait envie de lui poser des questions, elle était également libre de le faire.

« Inconsciente ! Tu te rends compte que tu viens d'avouer être Amazone au beau milieu de Cydonia ? »

Je fis un petit mouvement de recul. Déjà que j'avais été prise de court quand il m'avait attrapée par le bras et emmenée à l'écart de la foule, il fallait en plus que je me fasse crier dessus. Mélo émit un feulement à peine audible et même si je tentais de la calmer, j'envisageais un court instant de lui verser un seau de glace sur la tête, mais je me retins car je savais que ce n'était pas la meilleure chose à faire. Autant faire comme avec Maman: laisser la tempête passer, jurer de ne jamais le refaire, et puis se carapater en douceur... ou pas.

« Excuse moi si je t'ai effrayé, c'est juste qu'il vaut mieux garder ce genre de réflexions pour toi … Ici, les Amazones ne sont pas en odeur de sainteté, nombre de ces passants n'hésiteraient pas à te vendre au plus offrant pour obtenir des informations sur la cité cachée. »

J'ouvris de grands yeux étonnés, et Mélo cessa de remuer les oreilles comme une demeurée féline. Vendre des Amazones pour obtenir des informations? Quelle lâcheté!! De toute manière, qui se méfierait d'une gamine? Jamais je n'aurais pensé que telle chose existait dans une cité...

« Je connais bien les Amazones, mon père est même le parrain de leur princesse et j'ai eut la chance de vivre dans la cité il y a quelques années. Ah oui, forcément, ce n'est pas très crédible, mais je peux t'assurer que c'est vrai ! C'est même une Amazone qui m'a offert mon faucon. Je connais également bien Jelenna, et toi ? »

Il n'avait pas tort le lascars, ça tenait pas vraiment debout son histoire... Il pouvait bien être un de ceux qui cherchaient des informations sur Muria et m'avoir entraînée à l'écart pour me capturer lui-même! Mais en même temps, il n'avait pas vraiment l'air d'avoir besoin d'argent, et puis comment connaîtrait-il Jelenna sinon? Je me faisais sûrement du soucis pour rien, peut-être qu'il voulait vraiment m'aider. J'hésitais encore à répondre lorsqu'il reprit la parole.

« Je suis né à Silmarie, j'y ai grandi avec ma mère, et toi, qu'est-ce-qui t'as poussé à partir ? »

Je penchais la tête sur le côté, comme à chaque fois qu'une question me surprenait où que je ne savais pas quoi répondre.
*De quoi, moi? Oh rien, ma soeur se faisait battre par un cochon a deux pattes alors j'ai fichu le camp. La routine, quoi!*
Ah ah, très intelligent comme réponse. D'ailleurs je ferais peut-être bien de mentir, prétendre que je voulais découvrir le monde... ouais, à dix ans, ça le fait pas. Dire la vérité? Et puis quoi encore? Personne ne le savait, et ça n'allait pas commencer aujourd'hui. Je ferais mieux de ne rien dire, en fait, même si ce n'était pas très poli.

« Tu n'es pas obligée de répondre, désolé, je me montre quelque peu curieux. Je n'ai pas souvent l'occasion de discuter avec des gens de mon âge et j'ai perdu l'habitude des politesses depuis … enfin depuis longtemps. »

Oui, depuis longtemps, sauf que je n'allais pas le lui faire remarquer. Dans mon genre, j'étais aussi un cas. Un GROS cas.

« Eh ben je... en fait, c'était plus vraiment la joie à la maison, alors j'ai décidé de partir. J'ai de la chance d'être tombée... enfin, tu sais où. Et pour répondre à ta première question, je connais bien Jelenna. On va à l'école ensemble, c'est ma meilleure amie!»

Voilà. Je n'avais ni menti, ni fermé mon clapet. Juste euh, dissimulé quelques informations complémentaires. Le genre de petits détails dont personnes n'a rien à faire. De toute manière, il n'allait pas se balader à Silmarie pour aller vérifier.

Il avait sans doutes été un peu trop loin mais le gamin, s'il s'en voulait d'avoir réagi aussi prestement et quelque part aussi violemment, savait que ce n'était pas une mauvaise action pour autant. Il venait sans doutes de sauver la vie à la petite Amazone bien que celle-ci ne semble pas en être totalement consciente. Dans cette cité, la moindre allusion à ce peuple libre au mauvais endroit et c'était la fin de tout espoir. Certains hommes n'hésitaient pas à payer, et à payer cher, pour obtenir la moindre bribe d'information sur la cité des femmes libres alors autant dire que sur le port, il devait y en avoir pas mal avec ce genre de mauvaises intentions. Qu'apprenait-on à l'école de Muria pour que les gamines de cet âge soit si insouciante ?
Le gamin ne fit pas attention le moins du monde au chaton qu'elle portait dans ses bras. Il était bien trop perturbé par la situation. Comment pouvait-on être aussi naïve pour croire que tout le monde ici bas était gentil et bienveillant ? A croire sincèrement qu'elle ne savait pas où elle mettait les pieds. Une Amazone à Cydonia qui se faisait prendre, quand bien même existait-il une sorte d'alliance entre les deux cités, et c'était la pendaison, haut et court, sans parler de la torture pour récupérer les informations nécessaires à la trouvaille de cette chère cité. Non franchement, à croire qu'on ne leur donnait pas de cours d'histoire à ces gamines ! Stop. Il n'avait pas le droit de la dénigrer, il n'avait pas non plus le droit de la juger car après tout, n'avait-il pas lui-même commis des erreurs par le passé ? N'en commettait-il pas encore aujourd'hui ? Bien sur que si, car tel est l'apanage des enfants.

Visiblement, elle lui en voulait ou alors, il l'avait traumatisée au point qu'elle ne souhaitait plus lui parler. Bon … il regrettait quelque part la vitesse avec laquelle il avait agi mais espérait néanmoins qu'elle comprenait son acte. Livena n'était pas sotte, juste tête en l'air d'après la princesse Amazone certes mais peu importait, elle ne pouvait pas quand même lui en vouloir d'essayer de la protéger, quand bien même ce fut contre elle-même ! Il n'osait plus rien dire après son piteux échec pour détourner la conversation et espérait qu'elle ferait le premier pas …

La demoiselle ouvrit enfin la bouche, ne revenant pas, fort heureusement, sur l'incident même s'il trouvait cela étrange qu'elle ne réagisse pas plus à ce qu'il venait de lui dire ou de faire. Sans doutes estimait-elle qu'il avait eu raison d'agir ainsi et ne préférait-elle pas revenir dessus de peur soit d'envenimer les choses soit de se montrer trop reconnaissante. Les femmes de Muria étaient très fières, Aerin l'avait souvent appris à ses dépends avec la princesse Eléa aussi ne s'étonna-t-il pas plus de ce manque de réaction et préféra-t-il oublier à son tour ce qu'il venait de se passer.

Elle avait quitté Silmarie comme bon nombre de femmes plus adultes se décidaient à quitter leurs vies pour les contrées sécurisées et sécurisantes de Muria, parce que sa vie sur place n'était plus ce qu'elle aurait du être. Aussi, il compatissait avec cette parfaite inconnue qui, du haut de sa dizaine d'années grand maximum avait du quitter les siens « parce que ce n'était plus vraiment la joie à la maison ». Aerin comprenait sans doutes mieux que quiconque la difficulté d'abandonner ce qu'on pouvait avoir de plus cher pour vivre une nouvelle vie. Sauf que lui n'avait pas eu le choix, il s'était imposé à lui avec la disparition de sa mère.

« Je suis désolé, je sais qu'il est parfois très difficile de quitter ce qui a toujours fait sa maison … j'ai détesté devoir partir de Silmarie mais je … disons que je n'ai pas eu le choix »

Sans le décès de sa mère, sans doutes y serait-il encore mais peu importait, le passé était le passé. Toutefois, une chose restait un mystère pour lui, pourquoi avoir choisi Cydonia pour se balader là où les Amazones y étaient si mal vues ? Il préféra s'abstenir de poser la question et se concentra sur la suite. Jelenna. Encore et toujours elle. Peu importe où il était, peu importe qui lui parlait, ses pensées, toujours, le conduisaient à elle. Invariablement. Mais il fit l'effort de rester concentré sur la discussion en cours plutôt que de divaguer sur la belle princesse bis.

« Tu as de la chance d'être amie avec Jelenna ! » se contenta-t-il de répondre avant d'ajouter, « Elle est tellement gentille, je l'adore, sincèrement. C'est elle qui m'a sauvé après le décès de ma ... »

Il s'arrêta, conscient qu'il n'avait que trop parlé. « Le décès de sa mère », voilà ce qu'il avait failli dire sans s'en rendre compte et voilà qui, étrangement, avait un mauvais goût dans sa gorge à présent si serrée. Depuis combien de temps n'avait-il pas dit tout haut qu'elle était morte ? Jamais en fait, il disait « disparue », « absente » mais ce mot, « décès », avait été banni depuis trop longtemps de son vocabulaire si bien qu'il avait du mal à s'en remettre mais peu importait, il l'avait dit, c'était fait. La vérité, aussi cruelle à ses oreilles soit-elle, se devait d'éclater. Celyween ne reviendrait plus, et en le disant, il venait de graver ces mots dans la réalité.

« Garde la près de toi, car elle est vraiment unique » se contenta-t-il de dire en parlant de Jelenna, « Je l'ai rencontrée en rêve pour la première fois, c'est étrange hein ? T'as déjà vu quelqu'un en rêve ? Je l'ai revu au Temple par la suite, elle rendait visite à mon père ... »

Inconsciemment, il se confiait, mais c'est tout aussi inconsciemment qu'il le faisait pour se protéger, pour changer de conversation comme pour ne pas admettre que ce qu'il venait de dire était la vérité. Les sentiments se chamboulaient dans sa tête si bien qu'il devait se concentrer pour continuer :

« Elle aime bien les animaux, je paries qu'elle doit apprécier ton chat autant qu'elle aime Nyméria ou Namarïé ! D'ailleurs, je me demande comment va Haiiro ... »

Voilà qu'il se protégeait, s'assurant qu'elle le croit quand il disait qu'il connaissait Jelenna et avait vécu à Muria car peu de gens connaissaient le prénom de la louve cendrée suivant au pas la petite princesse. Lui savait que c'était Eléa en personne qui l'avait dressée pour elle. Pour la protéger, sa précieuse petite sœur que le monde ne saurait lui voler.

« Désolé, je parle trop. Tu as de la famille à Silmarie ? Tu es venue seule ? Non, je suppose que non, c'est idiot comme question. Je peux te demander si part hasard tu es venue avec Lyvie ou Kiera ? »

Il lui ferait peur, tant pis, elle lui répondrait, tant mieux. A présent, il était totalement à court d'idées et ne savait plus vraiment quoi dire ou faire.

[ J'ai essayé de te laisser des ouvertures, j'espère que ce sera suffisant (n'hésite pas à me le dire sinon) par contre, si tu pouvais répondre un peu plus à mes questions, sitiplait, ce serait plus simple pour te répondre, parce que je t'avoue que je galère sinon XD ]

« Je suis désolé, je sais qu'il est parfois très difficile de quitter ce qui a toujours fait sa maison … j'ai détesté devoir partir de Silmarie mais je … disons que je n'ai pas eu le choix »

J'hochais lentement la tête, le regard dans le vague. Des fois, je me demandais pourquoi les gens faisaient tant de secrets... Ne pas dire à Maman que j'avais cassé le pot de fleurs en m'entraînant au lancer de melon avec Mayleen, c'était une chose.
Ne pas dire à Kiera ou à Flowène que je m'étais enfuie de chez moi parce qu'un sal... malotru battait ma soeur, c'en était une autre. Le genre de choses qu'on ne peut pas dire mais qu'on doit confier à tout prix. Bref, un vrai casse-tête. Pourtant, ce n'était pas les personnes de confiance qui manquaient à Muria. Kiera était ma mère adoptive, et elle prêtait toujours une oreille attentive à mes problèmes, bien que je n'en ai pas beaucoup eu jusqu'alors. Je savais Flowène était aussi une personne de confiance, même si je ne la connaissais pas beaucoup; cela me semblait d'ailleurs plus facile à confier à une personne qu'on ne connaissait pas trop, histoire d'éviter des jugements infondés.

« Tu as de la chance d'être amie avec Jelenna ! Elle est tellement gentille, je l'adore, sincèrement. C'est elle qui m'a sauvé après le décès de ma ... »

Je relevai si soudainement la tête que je crus me faire un torticolis. Le décès de sa...? Je n'avais écouté que d'une oreille, mais Aerin s'était tut brutalement, en en ayant trop dit, ou bien pas assez. Tout le monde avait des secrets. Même lui. Et je reconnaissais cet air mélancolique et triste qui se peignait sur son visage; Mayleen avait le même après la mort de notre père. Cette mort, mystérieuse, inattendue et jamais comprise, qui nous avait sans le vouloir entraînées dans le gouffre. Pourtant, quelqu'un savait sûrement. Il y avait forcément quelqu'un qui savait. Mais bien sûr, c'était un secret. Le genre de secrets qui peut détruire une famille, mais qu'on garde pour soi. Même des personnes inoffensives et innocentes en apparence comme moi pouvaient avoir ce genre de secret peser sur ses épaules.

« Garde la près de toi, car elle est vraiment unique. Je l'ai rencontrée en rêve pour la première fois, c'est étrange hein ? T'as déjà vu quelqu'un en rêve ? Je l'ai revu au Temple par la suite, elle rendait visite à mon père ... »

Jelenna... oui, elle était unique, et pas seulement de part son rang de princesse ou son statut de réincarnation de Diane. Elle était... épatante. Elle aimait son peuple, on le présentait rien qu'en la regardant. Alors pourquoi lui avais-je menti? C'était ma meilleure amie, une amie comme je n'en avais jamais eu. Une amie à qui on peut tout dire. Une amie à qui on ne ment pas. Une part de moi ne voulait pas l'ennuyer avec des histoires passées, mais ce n'était pas une excuse, elle en avait vu d'autres.

« Oui, Jelenna est une amie précieuse, répondis-je avec un sourire. Je ne sais pas comment je me serai adaptée sans elle... »

Je baissai la tête et émit ce qui ressemblait à un ricanement, mais en plus joyeux et plus aimable.

« C'est amusant, je fais tout le temps des rêves bizarres. Des trucs qui ne prennent un sens que quand cela finit par se produire, à un moment ou à un autre. Des fois, les autres enfants me trouvaient un peu cinglée... remarque, ils n'avaient pas tout à fait tort! repris-je en pouffant. »

« Elle aime bien les animaux, je paries qu'elle doit apprécier ton chat autant qu'elle aime Nyméria ou Namarïé ! D'ailleurs, je me demande comment va Haiiro ... »

Depuis que je l'avais vue, elle allait bien... Même s'il s'agissait sûrement d'un moyen de se protéger et vérifier par la même occasion si je disais la vérité, Aerin connaissait le nom de la louve de Jelenna, ce qui écartait tout potentiel doute quant à sa sincérité. C'était troublant de se dire que d'autres étaient aussi proches de Jelenna que moi, encore plus troublant encore de tomber sur une de ces personnes dans une cité inconnue.

« Désolé, je parle trop. Tu as de la famille à Silmarie ? Tu es venue seule ? Non, je suppose que non, c'est idiot comme question. Je peux te demander si part hasard tu es venue avec Lyvie ou Kiera ? »

Kiera, à Cydonia??? Avec ses origines astorgs, jamais de la vie!! D'ailleurs, c'était vrai qu'il parlait. Pas trop, mais beaucoup plus que tout à l'heure. Etait-ce bien le même garçon qui m'avait à peine adressé la parole, avant de m'entraîner ici pour papoter tranquillement, genre je suis invité dans un bar et je parle de tout et de rien?
Ses questions n'étaient pas indiscrètes, ni graves. Mais pour moi, les réponses l'étaient. Pourtant, j'en avais bien marre des secrets. Il venait un moment où la vérité éclatait, et dans ces moments là il vallait mieux que cela viennent de la bouche de la personne concernée.

« Bien sûr que tu peux demander, puisque tu viens de le faire, répondis-je en souriant de nouveau, mais faussement cette fois. Je suis venue avec Lyvie, mais c'est Kiera qui m'a adoptée quand je suis arrivée. J'avais laissé ma mère et ma soeur à Silmarie, dans une situation... dont je ne suis pas très fière. J'avais besoin... de prendre du recul par rapport à ma vraie famille, avant d'affronter la honte en face. »

[ Attention, pour les rêves prémonitoires, il faut soit posséder ritualisme, soit posséder une faveur divine Wink

Sachant que le Mj donne les indications pour les rêves ayant un impact sur Azthia =D ]

Il était difficile de savoir pourquoi la jeune femme l'attirait autant, mais Aerin avait bien une petite idée sur la question. Elle était l'amie de Jelenna et en ces moments troublés, le moindre lien avec sa jeune compagne d'aventures – ou de mésaventures – le rendait heureux au point de s'y raccrocher fermement si bien qu'au final, il était conscient de pouvoir paraître étrange aux yeux de la demoiselle. Le jeune Almer avait du mal à s'imaginer tout de même que dans une si grande cité comme le Joyau, il ai pu rencontrer une Amazone et de surcroit, l'une des rares amies en dehors de la Grande Prêtresse et lui, avec laquelle la jeune princesse s'entendait bien. Si le hasard n'existait pas dans l'esprit du gamin, force était de constater qu'il faisait tout de même bien les choses ! A discuter avec elle, le jeune apprenti avait du mal à croire que quelque chose d'aussi insaisissable que le hasard pouvait faire si bien les choses. Une voix dans sa tête qu'il aurait reconnu entre mille lui soufflait « mon chéri, le hasard n'existe pas, seuls tes choix influenceront ton destin » mais force était de constater que sa mère avait eu tord. Quelque part, le fils des Templiers comprenait pourquoi Celyween avait mis un point d'honneur à ne rien voir comme le fruit du hasard. Combattante, résistante, elle préférait se dire que les choses venaient à elle grâce à ses actions plutôt que grâce à quelque chose qu'elle ne maitrisait pas du tout … Pour sa part, Aerin avait grandi en se demandant ce que « destin » et « hasard » pouvaient bien vouloir dire jusqu'à se rendre compte de la cruelle vérité. Le « destin » prenait au « hasard » les gens qui vous étaient chers, sans distinction de race, d'âge ou de sexe, il arrachait les meilleurs comme les plus mauvais à la vie sans se soucier des conséquences. Ainsi, le hasard et le destin étaient-ils devenus des ennemis viscéraux dans le cœur de l'enfant et la meilleure solution pour s'en prémunir était sans doutes de les oublier, de faire comme si, à l'image de sa défunte mère, ils n'avaient jamais existé. Comme si au fond, tout était déterminé par nos choix et non de façon aléatoire pour le bon plaisir des uns et des autres.

Reportant son attention sur sa jeune compagne d'alors, le petit Elfe finit par se dire que peu importait le nom qu'on donnerait à la chose qui les avait fait se rencontrer tant qu'ils passaient un bon moment. Parler de Jelenna avec quelqu'un qui la connaissait de Muria avait une saveur bien différente au final et peut-être espérait-il au plus profond de lui qu'elle lui apprendrait des choses sur la princesse. Quoi que, ignorait-il seulement quelque chose d'elle ? Oui, il y avait bien un point sur lequel il doutait, un seul et unique point qui le perturbait au point de se demander s'il ne se faisait pas des idées mais de cela, il n'oserait jamais en parler à qui que ce soit et encore moins à une parfaite inconnue quand l'intéressée elle-même l'ignorait ! Quoi que, là encore, on pouvait douter de cela, Jelenna, ignorer ses sentiments ? Il avait beau les cacher pour ne pas la blesser, la peiner ou la mettre plus simplement mal à l'aise, la demoiselle devinait toujours tout. Il avait beau dresser de solides barrières dans son Esprit, Jelenna parvenait à les gravir, une à une, avec une infinie douceur tant et si bien que ça en devenait déconcertant. Alors au final, elle savait surement et attendait ou alors, elle ne partageait pas la même chose et préférait s'abstenir dans tous les cas, ses choix ne relevaient en rien de lui.
Le temps aurait raison de tout cela et lui donnerait bientôt une réponse. Tout ceci était peut-être un signe pour qu'il fasse le premier pas, pour qu'enfin, il grandisse et assume ses choix comme ses pensées. Pour l'heure, Aerin se sentait surtout incapable d'aligner deux pensées cohérentes. Il était persuadé que s'il avouait ce qu'il avait sur le cœur, les choses changeraient beaucoup trop entre Jelenna et lui de sorte que plus rien ne serait comme avant …

La jeune fille reprit la parole si bien que l'adolescent refoula toutes ces pensées ainsi que les souvenirs qui y étaient affiliés pour se concentrer uniquement sur ce qu'elle avait à lui dire car au final, depuis le début, il ne s'était que peu intéressé à elle. Son interlocutrice était indéniablement un lien vers celle qui occupait le plus clair de son temps ses pensées si bien qu'il ne s'était que peu préoccupé d'elle au fond … Ca ne l'étonnait pas une seule seconde que la petite princesse bis l'ai aidée à s'acclimater dans sa cité natale et ça ne l'étonnait pas le moins du monde non plus qu'elle ait été attentive au point d'en devenir « une amie précieuse ». La petite Amazone était une perle, dès la première fois qu'il l'avait vu, ne serait-ce qu'en rêve, il avait compris qu'elle était de ce genre de personnes qu'on ne rencontre qu'une fois dans sa vie et qu'on ne veut surtout pas perdre. De ceux qui vous tiennent la main quand bien même vous êtes de parfaits inconnus, de ceux qui veillent sur vous quand vous êtes malades, qui vous réconfortent quand votre cœur saignent et qui prennent sur eux en permanence pour ne penser qu'à vous et votre bien-être. Jelenna était de ces gens là et même plus … Il sourit sans même s'en rendre compte. « Précieuse », oh oui, la demoiselle l'était et c'était à peine si elle s'en rendait compte ce qui ne manquait pas d'en ajouter à son charme ! A nouveau, son interlocutrice coupa le fil de ses pensées si bien qu'il s'obligea à faire face à la situation au lieu de divaguer.

Les rêves étaient une source de pouvoir aussi inquiétante qu'importante. Celyween le lui avait toujours dit et il ne l'avait jamais cru jusqu'au jour où, perdu dans les méandres de ses cauchemars, une main douce et pleine de chaleur était venue se poser sur son âme et n'avait pas manqué de l'apaiser, de le sauver et de le ramener sur le chemin de la vie. Là encore, la petite princesse Amazone lui avait appris qu'il existait des choses magnifiques et que les rêves n'étaient qu'une passe vers un autre monde. Aussi, avant de s'endormir – et ce même si la jeune fille n'était pas venu le visiter depuis des années maintenant par ce biais – le jeune métisse espérait qu'elle viendrait visiter ses rêves et que, une nouvelles fois, ils pourraient partager une aventure ensemble. Quoi qu'il en soit, il ne considérait pas son interlocutrice comme une folle car il était un peu trop concerné par ce genre de rêves pour savoir qu'il n'y avait pas un brin de folie à voir des gens ou des choses qui ne se passeraient que bien plus tard une fois les yeux ouverts. Certaines légendes disaient même que les plus puissants ritualistes parvenaient à voir l'avenir mais s'il s'en foutait totalement, il savait en revanche que certaines réincarnations étaient capables de pressentir les choses. Ainsi, Eloween avait-elle pu prédire sans le savoir la mort du Capitaine Galathil tout comme Jelenna avait pu prédire un beau matin que quelque chose d'effroyable allait se produire. Ce jour-là, sa route avait croisé celle de Lika, une Amazone jusque là décédée …

L'adolescent avait conscience d'avoir un peu trop parlé mais pourtant, il ne s'en sentait pas spécialement coupable, au contraire, il s'estimait chanceux d'être parvenu à parler autant là où jusque là, tout ça n'avait pas été possible. Se lier aux autres lui était encore relativement difficile pour ne pas dire impossible. En dehors de la princesse et de la Grande Prêtresse, Aerin ne côtoyait absolument pas les enfants de son âge, incapable de vivre et sourire à leur image. Depuis la mort de sa mère, l'Almer n'avait plus été capable de sourire aussi facilement avec les gens ou s'il en était capable, ses sourires sonnaient faux. De plus, l'enfant avait du mal à se lier aux autres par peur de les perdre si bien qu'au final, il ne parvenait pas à avoir des amis. Et puis, dans cette cité où les Templiers étaient les ennemis d'hier et les rivaux de demain, il était évident que le fils de l'un d'entre eux, qui plus est de celle qui avait osé tuer de sa main le Maitre du Monastère, n'était pas spécialement l'ami rêvé … Au final, les circonstances comme son passé empêchaient l'apprenti élémentaire de chercher à se lier d'amitié avec qui que ce soit et ce refus inconscient faisait qu'il n'était que peu apprécié. Si personne ne le maltraitait ou encore, personne ne l'embêtait, tous l'évitaient plus ou moins à de rares exceptions près. Où était passé le gamin enjoué, blagueur et pipelette du passé ? Il était justement resté dans les méandres du passé et force était de constater qu'il ne semblait pas près de réapparaitre …

La réaction de la jeune fille ne tarda pas à le mettre mal à l'aise. Voilà une des raisons qui faisaient qu'il ne parlait pas spécialement d'ordinaire. Il ne supportait pas qu'on se moque de lui et qu'on se permette de le juger si bien que la première réaction de cette dernière le vexa. Il avait précisé qu'elle n'était pas obligée de répondre, il n'avait pas spécifié qu'en prime, elle pouvait se moquer de lui ! Il n'écouta que d'une oreille distraite la jeune Elfe, se demandant comment Jelenna pouvait être amie avec elle. En effet, si la princesse était quelqu'un de patient, ce n'était pas son cas et le nombre de vents incalculables qu'elle lui avait mis ne lui donnait même pas envie de répondre. Quand elle se décidait enfin à répondre à ses questions, ce n'était finalement que pour s'amuser à le rabaisser ? Grand bien lui en fasse, il n'était pas de ceux qui participent au jeu dans ce cas.

« Visiblement, la leçon ne te suffit pas » lâcha-t-il froidement, ton qui tranchait avec le ton timide qu'il arborait jusque là.

L'enfant avait toujours eu du mal à canaliser sa colère et la pauvre jeune fille venait d'appuyer là où ça faisait mal en se moquant gentiment de lui. Quoi que, était-ce si gentil que cela vu le sourire faux qu'elle arborait ? Aerin était convaincu que non et c'était pour cela que sa colère l'avait poussé à répondre de la sorte. Puisqu'elle n'était intéressée ni par ses questions, ni par ce qu'il pouvait bien lui dire ou encore, par ce qu'il pouvait bien lui montrer, ils n'avaient rien à faire ensemble. Jelenna lui aurait sans doutes intimé d'être calme et c'est pour cela qu'il tenta de se rattraper :

« Je vais te raccompagner, la cité peut être dangereuse. »

Il se demandait comment la petite avait pu ne pas faire de mauvaises rencontres en divulguant aussi facilement ce genre d'informations sur elle comme sur les autres Amazones. Peu importait, la princesse ne lui pardonnerait pas de ne pas la lui rendre en un seul morceau aussi, il ouvrit son Esprit au monde et aussitôt, un brouhaha se fit entendre. Il écarta la gêne et se plongea à corps perdu dans la recherche de l'aura de Lyvie. Lorsqu'il l'eut trouvée après quelques minutes d'effort, le gamin tendit sa main en signe de paix vers la demoiselle et ajouta d'un ton désolé :

« Désolé, je n'ai plus l'habitude de parler aux autres, je me vexe sans doutes trop facilement … Jelenna serait là, elle ne manquerait pas de me taquiner ou de me rabrouer. J'espère ne pas t'avoir effrayée. »

Il pensait ses excuses mais estimait tout de même que la jeune Amazone avait exagéré. Peu importait de toute façon non ? Ils n'étaient que des gamins, s'ils perdaient leur temps à se manger le nez, qu'en serait-il une fois adultes ? Il fallait profiter de l'enfance et profiter de l'innocence tant qu'elle existait encore en eux si bien qu'il ne regrettait pas de s'être excusé pour son comportement. Sur le chemin, tandis qu'ils étaient tous deux silencieux, il ajouta tout bas :

« Je sais que je n'ai pas été très agréable sur la fin, mais j'espère que si un jour je te revois, nous pourrons être amis en attendant, sois prudente ! »

Il le pensait. Il avait envie d'être son ami malgré tout parce que, en dehors du fait qu'ils n'avaient pas partagé grand chose au final, ils avaient de nombreux points communs visiblement. Alors si elle voulait être son amie, il ne dirait pas non. Quant à être prudente, il parlait bien sur de leur mésaventure, car tous dans cette cité n'étaient pas aussi gentils que lui malheureusement … Lorsque Lyvie fut en vue, le garnement alla la saluer, lui confiant la demoiselle et, lorsqu'il eut glissé à l'oreille de la Capitaine de passer le bonjour à Jelenna et Kiera, l'enfant se retira. L'avenir des Amazones étaient aux Amazones car la première règle du Muria club était de ne pas parler du Muria club …

[désengagés, merci pour le rp !]

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