[F-E] Une chance de s'envoler (Intrigue - Elyncia/Asora) [terminé]

Avez-vous déjà cru en quelqu'un si fort au point de lui prêter votre propre main ?
Pas que dans des mots, véritablement donner de soi dans une réelle dévotion prête à vous consumer ?
Au point de savoir que vous êtes son protecteur, son bras, et que vous êtes prêts à tout pour son bien.
Alors quand le destin s'en mêle, tout ce sur quoi vous reposiez s'écroule sous vous et votre foi devient la source de votre plus profonde peine.
Il y avait une balançoire qui bougeait toute seule sous le vent, grinçant à chaque mouvement. La brise apportait l'écho de chants, certainement une chorale non loin de là en train de répéter en fin de journée les fenêtres ouvertes. Le vent et les chants réunis, comme un signe du destin.
Asora ne savait même plus pourquoi elle était sortie. Pourquoi elle était passée par là. Elle ne passait jamais par ce petit parc, ce petit coin de verdure de Tamawa. Mais aujourd'hui, elle était un peu rêveuse en retournant au Temple et ses pas l'avaient conduit dans cette ruelle qu'elle n'empruntait jamais.
Elyncia savait, elle, où elle allait car son dieu la guidait. Son dieu lui avait montré Tamawa, son instinct et le sens du vent lui avait montré la suite.
Quand leurs regards se croisèrent, sans vraiment comprendre pourquoi, elles comprirent toutes les deux que c'était elles. Tout simplement.

Si vous saviez une chance, une simple opportunité de saisir ce en quoi vous avez toujours cru, la laisserez-vous passer, ou vous consumera-t-elle ?

Tamawa était la cité de sa plus grand crainte actuellement. Pourtant, elle était aussi le symbole de temps nouveaux pour elle, surtout après ce qu'elle avait vécu avec Zihark il y a à peine quelques jours. La jeune femme l'avait laisser partir devant avec Léane et Rose. Le rendez-vous que leur avait donné Shou ne pouvait-être décalé, même pour l'amour de son Dieu. Puis les Traqueurs étaient devenus bien autonomes depuis le début de la traque et Léane étant aux commandes, Elyncia n'avait nulle crainte. Elle avait confiance en son amie pour protéger Rose. Quant à l'homme qu'elle aimait, elle savait qu'il était maintenant capable de se défendre par lui même et qu'il ne serait de toutes évidences pas imprudent. Ce n'était pas comme à Erathia, où il n'avait pas son arme sur lui.
La jeune femme déambula dans les rues pendant les deux jours qui suivirent son anniversaire, cherchant cet ennemi qu'elle reconnaitrait. Mais rien. Même Zéphyr semblait l'avoir abandonné et l'absence de vent, si ce n'était que d'être inquiétante, était d'autant plus dommageable que la chaleur était étouffante en ces beaux jours d'été. Mais elle savait qu'un temps aussi étouffant pourrait vite tourner.
Au troisième jour, le vent se leva enfin. Elle cru y percevoir des murmures. Elle les suivit donc, un peu au hasard des ruelles, cherchant le chuchotement de son Dieu à chaque intersection. Mais une rumeur de chants lui parvenait, l'empêchant de clairement entendre, à moins que ce fut la chose qu'elle entendit comme des murmures. Qu'importe, elle devait maintenant suivre son instinct et elle pris la direction de l'origine de la mélopée. Elle se retrouva alors dans une toute petite ruelle, loin des regards.
Il n'y avait qu'une unique personne. Une Astorg apparemment. Elyncia n'avait pas vraiment de ressentiments envers les gens de Storghein contrairement au reste de son peuple, mais le destin était cruel. Quand elle croisa le regard de la jeune femme, elle sut alors. Elle était son adversaire... la championne d'Esra. Pourquoi son Dieu l'envoyait combattre une femme comme elle ? Elle n'avait en rien des airs diaboliques, bien au contraire.

Ignorant ses questions, elle secoua la tête et tenta de trouver une raison au fond d'elle pour pouvoir entamer le combat. Et elle savait où chercher : elle se rappela cette vision de désolation que lui avait offerte Zéphyr, cette crainte de perdre ce qu'elle aimait le plus dans ce monde qu'elle croyait défendre en suivant la marque du destin qui avait été tracé pour elle. Etait-ce vraiment le cas ?
La lancière ne dégaina même pas son arme. Elle voulait en finir rapidement mais elle n'avait pas l'intention de tuer si cela pouvait être évité. Elle s'élança, ayant suffisamment confiance dans ces capacités au corps à corps. Arrivée à quelques pas d'elle, elle pris ses appuis puis envoya un coup de pied destiné au flanc droit de l'Astorg.
Peut-être ne serait-elle pas assez vive pour l'éviter ?

Asora ne l'avait jamais vu, elle ne connaissait même pas son nom ou son histoire. Rien de sa vie, son métier, ses parents. Si elle avait des enfants, un époux, des amis chers. Mais sans ne lui avoir jamais parlé, voilà qu'elle devait se mettre dessus. Elles le savaient probablement toutes les deux, la raison importait pas finalement. Asora pouvait même savoir que cette fille était liée au vent, c'était évident dans l'environnement. Comme si la vocation de champion lui avait fait atteindre un niveau de déduction supérieur.
La jeune astorg s'était imaginée ce genre de rencontre de nombreuses fois depuis sa rencontre avec Hilina. Elle pensait avoir une vision du quand, qui et comment, mais finalement tout était balayé par cette rencontre qui, pourtant, semblait due au hasard.
Sans vraiment attendre, son adverse décida de démarrer les hostilités. Très bien, dans un sens. N'en tenait qu'à Asora, elles seraient restées là à se regarder, sans vraiment savoir que faire ou comment agir. La peur, ou plutôt l'appréhension, l'avait gagné dès le premier regard, un son coeur manqua un battement lorsque le coup de pied fut projeté sur elle. Par un simple réflexe, Asora chercha à se dégager avec un pas de côté en tendant son bras droit en opposition qui reçut tout le poids du choc. Et cela faisait mal, très mal. Et cela faisait très longtemps.
Asora sentit soudainement la fureur la gagner, une vague brûlante qui calcinait son être, son coeur et sa conscience. Avant de perdre tout contrôle, elle enferma son propre Esprit pour ne pas lui permettre de se propager. Elle ne devait pas succomber à cela, garder son calme, rester elle-même. Ou du moins, celle qu'elle souhaitait devenir. Elle prit ses distances, se demandant si la lance de son adversaire était bientôt destinée à lui transpercer le coeur.

"Alors c'est ainsi, sans même connaitre le nom de notre adversaire ?" demanda-t-elle en cydien, espérant se faire comprendre de son interlocutrice.

Elle n'attendait pas de réponse, elle ne savait même pas si son adversaire la comprenait. Asora secoua son bras droit pour évacuer la douleur, au moins un peu.

"Je m'appelle Asora, je suis templière de l'Aube et championne d'Hilina. Sais-tu au moins pourquoi nous nous battons ?"

Asora ne voulait pas se battre. Non, la véritable raison était qu'elle ne pouvait pas. Il y a cinq ans, elle n'aurait pas attendu une seule seconde pour essayer de la tailler en pièce. Il y a cinq ans, à cette même période, elle avait affronté une armée sans âme et un Cavalier d'Azael. C'était une grande guerrière. Mais aujourd'hui, elle voulait tout essayer sauf ça.

L'Astorg avait interposé son bras, et trouver des appuis suffisamment fermes pour ne pas se retrouver écrasée contre le mur, amortissant le coup de la lancière. Elyncia sentit pourtant que la jeune femme avait eu mal. Il faut dire qu'elle y avait mis toute sa force. Elle s'attendit alors à une contre-attaque, mais elle ne vint pas. Ou du moins pas de la manière qu'elle pensait :

- Alors c'est ainsi, sans même connaitre le nom de notre adversaire ?

Évidemment, Elyncia se sentait honteuse d'agir de la sorte, mais elle savait qu'elle n'aurait peut-être pas pu combattre si un semblant de sympathie naissait en elle. Les enjeux étaient bien trop important pour qu'elle en eusse pris le risque. Et pourtant, maintenant cela semblait être quelque chose d'inévitable.

- Je m'appelle Asora, je suis templière de l'Aube et championne d'Hilina. Sais-tu au moins pourquoi nous nous battons ?

Hilina ? Elle croyait avoir affaire à la championne d'Esra... non en fait elle en était certaine. Elle ne connaissait pas le fin mot de l'histoire, mais elle ne pouvait se tromper. Le vent l'avait guidé jusqu'ici alors c'était forcément sa championne. Et puis quelque chose au fond d'elle lui disait qu'elle ne se trompait pas, cette même chose qui lui avait fait comprendre qu'elle était son adversaire. Pourtant, elle ne mentait pas non plus. Sans doute y avait-il une explication car après tout, le royaume des Dieux devait avoir ses propres mystères.
Ce qui la gêna plus, c'est plutôt le fait qu'elle était Templière de l'Aube. Elles poursuivaient les mêmes idéaux de paix alors pourquoi ? Pourquoi devaient-elles s'affronter ? La cydienne pensa à Iréa. Quelle réaction aurait-elle quand elle apprendrait qu'elle s'était attaqué à un membre de son ordre ? Elyncia connaissait plus ou moins la réponse, car elle connaissait bien son amie. Elle serait surement aussi attristée qu'elle ne l'était en ce moment. Elyncia baissa alors sa garde, lançant un regard abattu à Asora.

- Je pensais... je pensais que ce serait plus facile si je ne connaissais rien de toi... et j'avais sans doute raison. Je ne veux pas me battre contre toi... mais si je ne le fais pas... alors la place d'Azael pourrait être prise par n'importe quel Dieu et... je ne sais pas... je sais juste qu'un grand malheur pourrait arrivé. Il m'a montré Erathia en flammes. Je ne veux plus que ceux que j'aime meurent alors je n'ai pas le choix. Je dois te vaincre ainsi que tous les autres, pour les protéger.

Elle hésita à se mettre en garde à nouveau. Elle sentait bien qu'Asora ne voulait pas se battre. Son attitude en disait long. Très long. Et alors qu'elle décida de ne pas reprendre ses appuis immédiatement car elle voulait vraiment comprendre ce qu'il se passait, et qu'Asora semblait plus au courant qu'elle, elle dit :

- Je suis Elyncia Farëa, lieutenant du troisième bataillon de Cydonia et championne de Zéphyr.

Peut-être n'étaient-elles pas obligées de se battre après tout... ou du moins pas physiquement. Son capitaine lui avait appris que la diplomatie était aussi un combat pour la paix, peut-être même plus que celui qu'on lui avait appris à mener à l'école militaire après s'être engagée. Devait-elle mener ce combat-ci plutôt que celui qu'elle avait entamé ? Elle ne pourrait le savoir que lorsque Asora ouvrirait la bouche à nouveau.

Le jeune astorg ne savait pas trop ce qu'elle espérait de ses questions. Espérait-elle une véritable réponse de la part de son adversaire, un regain d'intérêt ? Pensait-elle que ce serait plus facile de savoir que son ennemi ne souhaitait en rien s'intéresser à autre chose qu'au combat commandé par une force supérieure ? Ou souhaitait-elle gagner du temps, pour une raison qui lui échappait même ? Asora savait qu'elle n'allait pas se battre de toute manière, qu'elle ne pouvait faire le choix de dégainer une arme. Que pouvait faire toute la meilleure volonté du monde contre une lance ! Il avait fallu, évidement, que tout cela se règle par un combat. Comme si c'était la seule manière de gagner du pouvoir, avoir encore recours à la violence. Les dieux, finalement, n'avaient pas grand chose de différent avec les hommes : il réagissaient de la même manière aux même situations, avaient les mêmes envies, le même fonctionnement. Si les humains étaient si imparfaits, c'était peut-être parce que les dieux les avaient crées trop à leur image.
Asora n'avait jamais voulu cette guerre, elle avait été choisie à cause de sa dévotion particulièrement forte et ses exploits passés seulement ! Mais sa déesse la connaissait-elle réellement à présent ? Elle se sentait aussi proche de la version Esra qu'elle avait rencontré qu'un pommier est proche d'une vache. Peut-être n'avait-elle pas à se torturer de la sorte ? Peut-être n'avait-elle aucun lien à créer avec cette déesse elfique, avec qui elle ne partageait visiblement rien. Hilina était sa déesse, et ce n'était pas Hilina qui était apparue à elle. Siobhan avait même été la première a être convoquée, bien avant elle, donc tout cela n'avait au fond aucune logique. Elle avait beaucoup donné à sa déesse, beaucoup travaillé dans sa foi pour ravaler sa violence, sa colère et sa soif de sang. Et maintenant, de la voir lui demander de remettre tout cela par terre, de jeter aux oubliettes tout ce pourquoi elle a tant donner toutes ses années, cela n'avait aucun sens ! Hilina avait un objectif dans tout cela et il ne pouvait se résumer à un sacrifice de ses disciples pour une simple recherche d'équilibre. Et si Sio' et elle étaient celles qu'elle comptait sacrifier, c'était dire si sa ferveur était récompensée.
Non, Asora n'attendait rien de cet affrontement, si ce n'était de rester en vie et de continuer à chercher sa voie, parce qu'elle la trouverait. Si elle ne pouvait maitriser sa colère, alors elle la laisserait exploser. Mais maintenant, bien qu'elle avait encore la force de lutter contre son être, elle n'en avait pas pour lutter contre son adversaire. Pas encore, elle n'était pas prête.

La jeune fille tenta une sortie, toucha l'Esprit de son opposante. Quelque part, elle y trouva un écho de sa propre pensée, elle y trouva la responsabilité qui la rongeait, une pression qui grandissait. Cette fille n'était finalement pas si différente d'elle, juste plus déterminée et plus sûre de son fait. Elle n'avait pas tord, dans un sens, sur l'absence de sympathie qu'elles devaient avoir l'une envers l'autre pour s'affronter -car les dieux réclamaient un vainqueur, coûte que coûte. Elyncia était une cydienne, ce qui était presque reconnaissable à son manque d'accent dans la langue du sud, et avait une forte formation militaire. L'issue du combat ne faisait aucun doute à présent, sa lance n'était en rien une décoration qu'elle arborait comme un trophée. Quant à son dieu, elle n'en connaissait pas grand chose, mais cela importait peu finalement : qu'ils veulent le bien, le mal, tout dépendait du point de vue.

"Rien ne peut vous blâmer de poursuivre pareil but, il est tout à votre honneur. Moi-même, j'ai suivi cette voie, je croyais que j'allais pouvoir arrêter les flammes par la simple force de mes bras. J'ai participé à des carnages, à des guerres, tout cela pour voir qu'à présent notre destin ne nous appartient pas mais que nous devons en être les sacrifices. Ce ne sont pas les dieux ou le destin qui vont désigner ma vie, je le ferai à leur place. Je ne pense pas qu'ils soient à ce point dignes de nous."

Esra allait être en rogne, mais qu'importait : Hilina, la part d'Hilina en elle, serait fière.

"Lieutenant, peut-être nous sommes-nous croisés aux portes de votre cité, pendant la bataille du point-du-jour face aux Erathiens. Je n'avais jamais autant approché de votre cité avant, car nos origines nous séparent. Je prendrai soin cependant que le résultat de cet affrontement ne soit pas associé à un conflit de races. J'ai foi en ma déesse, voyez-vous, et je sais qu'elle a d'autres dessins pour moi. Peut-être mon but était juste de vous rencontrer et de m'assurer que ce n'est pas le pouvoir qui vous guide, mais bien la peur, véritable, de briser l'équilibre de ce monde. Nous avons des objectifs communs, les atteindre n'est pas chose aisée. Mais pour réaliser les vôtres, il me faudra perdre, je le sais. Venez. Je ne crains pas la défaite."

Après ce qu'Asora venait de lui dire, Elyncia se sentit à la fois soulagée et angoissée. Soulagée parce que la jeune femme en face d'elle comprenait ce pourquoi elle se battait et qu'elle ne lui en voulait pas d'être son adversaire aujourd'hui, et donc de se dresser contre elle. Mais elle n'était pas vraiment devenue son alliée, et toutes deux allaient devoir se battre, sérieusement. C'est ce caractère sérieux qui faisait naître chez la lancière cette boule qu'elle avait au ventre. Elle avait peur de ce combat... en fait, elle avait surtout peur de ce qu'il pouvait arriver à l'astorg, peur que, dans la fougue de l'affrontement, un mouvement trop brusque et mal doser puisse la faucher. Elyncia hésita même à saisir sa lance. Elle se sentait assez confiante pour continuer comme elle avait commencé et elle réduirait de ce fait les risques d'un incident fâcheux. Quant à ses couteaux de lancer, elle ferait en sorte qu'ils la gênent uniquement.
Tout en pivotant, se mettant en garde en faisant crisser quelque graviers sous ses botes de cuir, elle lui adressa une dernière fois la parole avant qu'elles ne commencent :

- Non, nous n'avons pas eu la chance de nous croiser. J'étais à Ptot-Tàh durant le siège de Cydonia. La jeune femme serra les poings en se remémorant le génocide de la cité du désert et son combat contre le Cavalier de la Maladie. Ce jour là, elle s'était meurtrit les phalanges en frappant cette chose immortelle dont seule la magie en était venu à bout. Elle se mit alors à rire nerveusement, constatant dans cette situation pleine d'ironie : Pendant que je m'efforcer de relever un peuple agonisant, tu étais en train de sauver le miens... Je me sens si honteuse de n'avoir pas pu être là pour protéger ma famille moi-même. Et maintenant que mon Dieu me demande de le faire, je suis encore là à hésiter.

Elle ferma un instant les yeux, priant Zéphyr de la guider vers son destin, fut-il mourir aujourd'hui ou bien vaincre. Lors des murmures qu'elle adressait à son tout puissant Seigneur, le vent se leva caressant sa joue et balayant la poussière paresseusement étalée sur le pavé, ce qui la fit sourire. Elle n'avait pas à douter car elle ne se trompait pas de chemin. Elle y voyait là la présence d'un père qui guiderait ses bras vers la victoire ou sa chute et elle était sûre d'une chose : elle voulait sauver ce monde. Elle reprit alors :

- Asora, bats-toi. N'aie pas peur de me blesser car je ne le serai pas. Je ne sais pas ce qu'ont prévu les dieux pour nous et qu'importe. Si nous ne nous battons pas pour nous et ni pour eux, alors ce sera pour ce monde, et notre rêve et je sais qu'il en vaut la peine. Je ne te laisserai pas me laisser gagner. Bats-toi, Templière, où je ne te pardonnerai pas de n'avoir tenté de me résister.

La cydienne fit alors appel aux pouvoirs que son seigneur lui avait confié, une brise soufflant dans son dos, aidant légèrement sa course vers Asora, la main prête à la frapper de la paume en pleine poitrine. Si son attaque réussissait, elle l'enverrait à terre, le souffle coupé, et elle n'aura qu'à en profiter pour la désarmer. Mais elle espérait que ça ne soit pas si facile pour savoir qui serait la meilleure d'elle-deux car ce sera celle-ci qui pourra mener à mieux cette bataille pour ce qu'elles chérissaient toutes deux.

Les mots filaient et se dérobaient sous sa bouche, perdant tout sens comme vidés de leur essence. Asora, bien que convaincue, ne parvenait pas à exprimer ce qu'elle ressentait au plus profond d'elle-même. Quelle pitié pour celle dont la faveur permettait de trancher les mots ! Comme si ses propres sorts avaient maintenant prise sur elle. Pourtant, qu'il était important que le lieutenant Farëa comprenne sa position et ses motivations profondes ! Si Asora n'était faite que de craintes et de motivations aujourd'hui, c'est bien parce qu'elle avait vécu une expérience d'elle-même qu'elle ne voulait reproduire, voir se réaliser à nouveau, et surtout pas dans ce contexte. Comment aller à l'encontre de ses propres principes, de la ligne de conduite fixée pour son propre bien ! Se laisser-aller à la violence déchainerait la colère prisonnière derrière la large porte cadenassée de son Esprit, réduisant en miette le mur qu'elle avait mis si longtemps à construire. La colère était un luxe qui ne lui était plus permis depuis qu'elle gardait Glace près d'elle, celle-ci se nourrissant de sa colère, sa furie et sa violence pour la changer entièrement. Elle avait déjà pensé à se séparer de son arme... Mais physiquement elle en était incapable. Quand bien même, si au prix de mille souffrances elle y parvenait, elle n'était en rien assuré que tout ne venait pas d'elle. N'avait-elle pas fait preuve de nombreuses violences avant d'acquérir l'arme runique ? Il était facile de rejeter la faute sur la pierre de son épée alors. Que cela soit exact ou non, elle avait une matérialisation physique de ses limites et ses défauts sur laquelle se concentrer, porter ses craintes.
Quelle assurance avait-elle de se battre réellement pour protéger de vies ! Asora vénérait Hilina, et non cette Esra capricieuse et narcissique qu'elle avait rencontré. Sa déesse existait réellement en dehors de son doublon elfique, elle en était persuadée, et elle pensait comprendre que sa ligne directrice était la bonne. Qu'il serait facile pourtant de tout laisser tomber, de s'abandonner aux pulsions !

"Ce n'est pas le fait de protéger qui vous fait hésiter, mais la manière dont cela doit se passer. Mais malgré tout, vous êtes une militaire, c'est bien que vous avez certaines aptitudes dans ce domaine. Je sais que vous devez réaliser vos rêves, et bien qu'ils soient les mêmes, nos manières de les réaliser sont malheureusement différentes. J'ai bien compris mon rôle dans la manière dont vous devez avancer. Nous allons prendre dorénavant des chemins différents, mais nous nous retrouverons à la fin, Cydienne."

Asora n'avait perçu en rien un changement chez Elyncia, si bien qu'elle fut surprise par l'attaque que son adversaire lui porta soudainement. Quand la paume heurta son plexus, elle vit le monde floue pendant une fraction de seconde, les yeux perdus et le souffle court. Sa poitrine lui brûlait, assez pour lui faire reprendre pied dans la réalité. Avant qu'elle ne reprenne ses esprits et qu'une cuillère d'air ne lui parvienne à nouveau, elle sentit la chute et le sol se rapprocher d'elle par l'arrière. Par pur réflexe, elle posa sa main en opposition pour amortir sa descente, sa paume racla le sol alors que son coude se plia sous le choc. Elle laissa échapper un son lorsque le bas de son dos entra en collision avec d'herbe et de pavés du sol. Asora s'était éraflée la main d'où le sang perlé faiblement, comme après s'être fait griffé par une bête. L'espace d'un instant, elle eut l'impression de vivre toute la scène de l'extérieure de son corps, un souvenir appartenant à une autre personne. Tout cela s'était déroulé si vite, et pourtant tellement lentement !
Fesse au sol, Asora sentit monter en elle une excitation nouvelle. Quelque chose cogna à la porte de sa colère, menaçant de la défoncer dans un éclat de fureur. Quelque chose pulsa nerveusement à sa hanche, et c'était comme si, dans un mouvement mainte fois répété, sa main savait trouver instantanément Glace sur le côté. Elle saisit fermement la pierre et l'arracha de son écrin à sa ceinture. C'était si simple pourtant ! Se relever, activer sa lame et décapiter dans le même mouvement son adversaire. Esra avait signalé que les champions ne pouvaient mourir dans ce genre de combat, alors que se passerait-il quand sa lame heurterait son cou ? La lame s'arrêterait net ? Quel plaisir Asora allait-elle pouvoir retirer d'un combat où le sang ne coulerait pas à flot ?
La pierre pulsait comme un coeur éjectant le sang.
Cette garce allait regretter amèrement de l'avoir poussé au bout. Voulut-elle la voir se battre, elle allait être servie !
Sa main commençait à remonter le long du corps. Non, ce n'était pas ça qu'elle voulait, pas comme ça, pas maintenant. Il fallait qu'elle s'arrête, qu'on l'arrête !
En désespoir de cause, elle poussa sur ses jambes pour se jeter sur Elyncia comme si elle cherchait à la plaquer au sol. Réactive comme elle semblait l'être, elle espérait que son adversaire aller rapidement la mettre à terre et lui faire lâcher son arme avant qu'elle ne perde contrôle. Car Asora avait peur de ne bientôt plus rien contrôler.

Elyncia comprit qu'elle avait ouvert la boîte de Pandore seulement après avoir fait tomber l'Astorg à terre. Elle avait commis une grave erreur en la poussant involontairement dans les retranchements les plus sombres de son âme dont elle ignorait les tourment. "Ne réveille pas l'eau qui dort" lui disait sa mère quand elle se montrait trop farouche. Aujourd'hui, c'était une eau poisseuse qui se réveillait, poisseuse comme le sang d'un millier d'homme gisant morts.
Elle vit dans les yeux de l'astorg une haine qu'elle connaissait bien, cette haine qu'elle avait vu dans les yeux de Lina avant que Léane ne la supprime. C'était le goût du meurtre, ce frisson qui vous parcours l'échine tandis que l'arme s'enfonce dans la chair et cet odeur métallique qui vous prend les narines tandis que le liquide écarlate se répand sur le sol... c'était ça qui animait les gestes de la Templière.
Heureusement, Elyncia put réagir rapidement, invoquant encore une fois les pouvoir de son dieu. La brise souleva la poussière dédiée à obliger Asora à baisser la tête si elle ne voulait pas être aveuglée, lui laissant le temps d'éviter l'impact qui visait à l'entraîner au sol. Ce n'est pas vraiment qu'elle n'aimait pas la proximité des corps des femmes, bien au contraire, mais le moment n'était pas très adéquat pour ce genre lutte, malgré l'exotisme astorg d'Asora dont les charmes n'étaient pas à discuter.

L'impact évité... non en fait, impact il y eut, seulement, ce ne fut pas celui attendu. Elyncia, après s'être écartée avait envoyé un coup de genoux dans l'estomac de la Templière. C'est à ce moment que la lancière vit dans ses yeux que sa furie n'était pas complète. Il restait en elle cette lucidité qui criait au désespoir sa peur. Elle y vit le souhait que ce combat se termine maintenant qu'elle n'était pas plongé dans une frénésie folle et destructrice, aussi bien pour la lancière que pour elle-même ; et elle ressenti de la compassion pour cette femme qui l'attaquait avec violence. Combien de fois avait-elle elle-même voulu qu'on l'arrête ? Elle l'avait souhaité quand elle s'était battu contre Lloyd, quand elle avait réussit à empaler Maladie contre un mur après qu'il eusse tué Lika ou durant le combat contre Pâle Platine. Mais personne ne l'avait jamais fait, et elle en avait souffert. L'unique fois que quelqu'un l'avait arrêté avant qu'elle ne transperce son adversaire dans sa fureur, ce fut devant le Temple même, quand Zihark lui avait supplié de ne pas tuer Mitsuki.
Penser à cette jeune femme lui serra le coeur d'une manière qui l'étonna. Elle se surpris même à sentir les larmes lui monter aux yeux. Elle réalisait qu'elle aurait dû l'arrêter elle aussi quand elle était partie suivre sa propre route sur la croisée des chemins. Elle était morte parce qu'elle n'avait pas su la retenir. Réprimant un début de sanglot, elle sut alors ce qu'elle devait faire : elle devait l'arrêter elle, avant que plus de mal ne soit fait.
Sans hésiter, elle saisit le poignet du bras armée d'Asora avec son pouce et son index, puis elle se remémora ce qu'elle avait lu dans ce livre sur les technique défensive tout en se remémorant comment Shou l'avait neutralisée dans les ruelles d'Erathia. Elle savait où appuyer pour lui infliger une douleur lancinante. Elle pressa alors les nerfs, obligeant son adversaire à plier, lâchant l'épée runique. Puis doucement, dans un geste empli de grâce et de fluidité, elle poussa la jeune femme à tomber à genoux, puis à presque s'allonger tandis qu'elle se plaçait dans son dos. Elle s'y installa, la faisant choir sous son poids, l'immobilisant au sol. Décidément, l'art du combat Jinmen était impressionnant de subtilités.
Et pour calmer d'éventuelles velléités, Elyncia lui chuchota alors :

- Je suis désolée... je n'aurai pas dû insister.

Du fond de ses pensés, elle croyait avoir compris que ne pas combattre était pour Asora un moyen de luter contre le mal, un mal dont on ne se débarrassait pas à coup de lance.

[Post écrit avec l'accord de Jacen]

Asora savait, au moment même où heurter le sol lui fit reprendre ses esprits, que tout était déjà terminé. Tout cela était de toute manière décidé avant ce combat : Hilina n'aurait jamais dû la choisir, quelque soit ses antécédents guerriers. Et pourtant, elle ne pouvait croire que sa déesse eut été si naïve quant à la capacité de la jeune astorg à retrouver ses sensations combatives. Elle ne voulait pas, tout simplement, et sa volonté était aujourd'hui plus forte que son amour pour l'être suprême. Glace l'appelait, mais elle n'avait pas le droit d'y répondre, pas pour elle mais pour les autres. Le bien, le mal, n'était que des perceptions individuelles : si pour une raison ou une autre Asora avait son jugement obscurcie, elle se savait capable de tuer les mauvaises personnes. Quelque chose habitait en elle depuis la bataille d'Erathia : une part d'Azael, un sentiment de s'être fait comme violée, la peur d'avoir vu ce dont elle était capable de faire ? Elle ne pouvait imaginer qu'Hilina ne soit pas au courant de tout ce qu'elle ressentait, car tous les soirs ses prières étaient chargés de ses maux. Si ce n'était pas pour se battre qu'elle avait été choisi, alors pourquoi ? la templière avait pensé, et déjà bien avant cette rencontre, que c'était la faculté d'abandonner qui lui était donnée, plus que celle de se battre. La possibilité de choisir. Et ce pouvoir, personne d'autre à part elle ne l'avait parmi les concurrents.
Son dos, son poignet, sa nuque lui faisaient atrocement mal. Son adversaire avait fait de son mieux pour la neutraliser avec force et rapidité, même au corps à corps. Elle devait être, tout comme la templière en son temps, une duelliste hors paire. La défection d'Asora ne dût pas surprendre son adversaire néanmoins, bien que son opposition ne fut pas ce dont elle devait espérer. Mais la jeune blonde n'avait pas mieux à lui proposer en l'instant.
Elle accepta ses excuses d'un mouvement de tête et un sourire en coin. Lorsqu'elle se dégagea, ses douleurs se révélèrent pire, mais c'était juste des mauvais coups et de petits hématomes. Asora ne savait pas trop quoi dire dans cette situation : il était évident que le combat était fini, mais il n'y avait pas de belle manière de le conclure lui semblait-elle. Il serait assez mal vu qu'elle l'encourage, et à vrai dire elle n'en avait également pas très envie. Et si Elyncia se battait pour une cause perdue, ou finalement contre les principes d'Asora ? Elle récupéra son arme au sol, la frotta entre ses mains pour y enlever la poussière et les saletés. Elle était rassurée, elle le sentait, de savoir que l'arme n'avait rien. la saisir après ce moment de colère était comme un apaisement, comme un morceau arraché qu'on venait de lui remettre dans le corps.

"Le chemin que vous avez choisi ne sera pas facile, je pense que vous le savez. Je ne sais même pas si nous aurons une fin à ce conflit si particulier. J'espère que vous savez ce que vous faites, car il est impossible à présent de revenir en arrière. Je vous souhaite un bon retour parmi les vôtres. Je pense que nous nous reverrons très vite. Bonne chance lieutenant."

[Terminé]

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