La poisse.
Je venais de tomber sur la dernière personne au monde que j’aurai voulu croiser hors de Koubaï. Katsuni, l’insupportable catin qui n’avait eu d’yeux que pour Kazuo depuis plus d’une dizaine d’années. Je me souvenais maintenant pourquoi je ne l’aimais pas, ses manières déplaisantes et cette tendance à se moquer de tout le monde. J’aurai préféré ne jamais la recroiser, elle qui était plus sournoise qu’un serpent et plus vile que bien des choses en ce monde, elle aurait mérité d’être nommée déesse de la trahison et de la sournoiserie, personne la connaissant un minimum n’aurait pu contester son titre. Enfin je me devais de prendre sur moi, elle était prête à m’aider, mais pourquoi exactement ? Elle était avec Kazuo, cela faisait d’elle un ennemi immédiat et pourtant elle prenait même la peine de lâcher ses armes, se plantant dans la terre meuble, avant de pénétrer dans la zone d’attaque de mes armes. Peut être pourrais-je lui faire confiance, pour le moment. Enfin, confiance était très exagéré, j’allais simplement lui soutirer des informations et peut être m’aventurer là ou elle voulait me mener, sans doute un piège, mais je devais retrouver mon frère. Tandis que je conservais mon calme et résistait à cette imprenable envie de lui glisser l’acier tranchant de mon arme au travers de la gorge pour cette petite provocation qu’elle avait laissé transparaitre avec ce rire grossier, je l’entendis donc me transmettre quelques bribes d’informations plutôt déplaisantes.

« Tues-moi si tu le souhaites mais tu louperais beaucoup de choses ! Mis à part le fait que je sois quelqu’un d’exceptionnel, j’ai quelques informations qui devraient t’intéresser grandement. »

*Exceptionnellement chiante… * Je ne pus me retenir cette pensée brutale que je parvins malgré tout à contrôler assez pour ne pas lui cracher mon venin en plein visage.

« Pourquoi devrais-tu me suivre ? N’es-tu pas venu chercher ton grand frère, le raisonner voire le juger toi-même ? Eh bien je sais ce que Kazuo fait et où il se trouve exactement puisque je suis sa compagne depuis bien longtemps, maintenant. Les choses te reviennent, belle-sœur ? Je l’aime tellement que j’ai quitté Oyashima pour lui et ses projets, en l’aidant à commander ces bons à rien de brigands. C’est qu’il y en a un paquet dans cette ville raffinée ! Mais il n’a pas tellement besoin de moi pour faire un travail remarquable... Oh et, rassures-toi, je suis la seule de la bande à savoir que vous êtes frères et sœurs. Les autres pensent simplement que tu es une gêneuse. »

Elle en savait énormément sur la raison de ma présence ici, j’osais espérer qu’elle n’eut pas vent de ma brève relation avec Katsuya, ce qui serait extrêmement gênant de savoir cette vipère en possession d’une telle information. Mon frère était donc devenu un chef du banditisme au sein de Cydonia, ce que j’avais facilement compris lorsqu’un garde approcha de nous et que son camarade semblait aller chercher des renforts. Katsuni s’élança comme une furie, j’avais instinctivement compris que je ferai mieux de la suivre si je voulais en savoir plus. Une course poursuite fort amusante que voici, Katsuni était très rapide, je reconnaissais bien là la façon de courir d’une fugitive. Ma célérité n’était en rien négligeable, à défaut d’avoir la force d’un homme, j’avais une grande vitesse et il m’était donc facile de la suivre, ce que les gardes ne parvinrent pas à faire, pourvus de leurs armures assez lourdes et de leurs armes encombrantes. Quelques minutes suffirent pour nous occulter et les semer. Voila que j’étais une fugitive moi aussi, mais que cela ne tienne, j’avais une mission à remplir et sitôt serait-elle finie que je ne remettrai pas les pieds dans cette cité avant fort longtemps. Le prince m’avait permis d’employer tout les moyens nécessaires pour mener à bien ma mission, du moment que cela ne causait de tort à personne, autrement dit il m’était plus simple de fuir que de combattre la garde de la ville qui, en plus d’être entrainée, aurait probablement essayé de m’appréhender un peu brutalement. Difficile de rester à combattre sans pouvoir tuer un adversaire armé, le moindre geste de travers aurait compromis les relations jinmens-cydiennes. Nous reprenions notre souffle, Je peinais moins a respirer qu’elle, elle avait beau courir vite, elle n’aurait pas couru longtemps. Maintenant qu’elle m’avait entrainé dans son délire, elle avait intérêt à me répondre.

« - Tu sembles bien informée sur mes mouvements à Cydonia, depuis quand me suis-tu ? Pourquoi Kazuo s’est il enfuit au lieu de prouver au reste du clan que ces accusations étaient infondées ? Ces hommes qui me traquent depuis ces derniers jours sont les membres de votre groupuscule, je me trompe ? Dis moi où trouver mon frère, je dois lui parler, le revoir et entendre son avis sur toute cette histoire, j’en ai besoin. Mais ne t’avises pas de me conduire dans un traquenard, cinq de ces hommes sont morts et l’un d’entre eux y a laissé un bras, j’aimerais ne pas avoir à utiliser mes armes pour répandre plus de sang. »

Contrairement à ce que cela pouvait laisser penser, j’avais été étrangement calme et bénéficiait d’un minimum de crédibilité en m’exprimant ainsi, j’espérais bien que Katsuni réponde favorablement à mes attentes, peut être n’aurais-je alors pas à la menacer pour avoir mes réponses, elle aimait Kazuo, elle devait également savoir que je tenais à lui, il était mon frère après tout. J’espérais lui avoir fait comprendre que je ne lèverais pas ma lame dans la direction de l’homme qu’elle aimait ni dans la sienne, mon seul désir étant d’obtenir de quoi le disculper définitivement pour ne pas avoir à lui fournir un destin autrement plus funeste qui ne m’enchantais guère. Néanmoins je savais ce que je devais faire et si Kazuo me forçait la main, je savais très bien que je devrais faucher sa vie, j’y étais préparée et n’hésiterais pas à le faire, j’avais bien des moyens à ma disposition pour y parvenir à présent. Je me demandais cependant encore pourquoi Katsuni était là pour me donner de telles informations, il semblait peu logique de sa part de me conduire à Kazuo directement, à moins qu’il ne lui ait directement donné cet ordre, elle était tellement subjuguée par mon frère qu’il lui aurait probablement été impossible de lui refuser cette requête.

« - Une autre question, est-ce Kazuo qui t’as envoyée à moi ? »

Je la fixais, tentant de déceler le moindre signe de mensonge de sa part, toujours prête à dégainer si jamais elle eut caché une lame sur elle.

Le meurtre.
C’est la première chose qui me venait à l’esprit et devenait un peu plus fort chaque secondes passée près de cette garce. Mais je ne pouvais pas me débarrasser d’elle ainsi, elle savait beaucoup de choses et elle savait aussi que j’avais besoin d’elle, raison de plus pour moi de penser qu’elle est une garce. Elle continuait à se moquer de moi, comment ne pas résister à l’envie de lui arracher les cordes vocales. Ce n’est que lorsqu’elle m’annonça qu’elle m’avait espionné depuis une certaine durée que je serrai de plus en plus le pommeau de mon wakisashi, à défaut de la frapper elle, pendant qu’elle m’énonçait sa théorie fumeuse et néanmoins vraie vis-à-vis de Katsuya, elle l’avait probablement vue m’embrasser. Je ne pus empêcher mes joues de se colorer d’un petit teint rouge bien que je fus rassurée que cette trainée n’ai pas surpris nos moments un peu plus… intimes. Elle reprit un air plus sérieux, laissant transparaitre une certaine forme de tristesse, que pouvait-il se passer ? Qu’est-ce qui la chagrinait à ce point ?

« Je laisserai ton frère t’expliquer la raison de son départ et la raison pour laquelle il a envoyé des hommes après toi... mais je peux déjà te dire que je suis loin d’être ton ennemie. J’agis indépendamment de Kazuo, il me tuera d’ailleurs probablement pour cela. Mais même si je le suivrai au bout du monde, ses envies de vengeance sont bien trop exorbitantes maintenant. Depuis son départ, il a mis en place une organisation énorme : il a entraîné des dizaines de personnes au meurtre, au vol et à bien pire, rien que pour se venger des hauts membres du Clan de la Licorne. Il veut les mettre à genou et les faire payer pour lui avoir enlevé son père sur de simples suppositions. Quand j’ai appris que tu voulais le retrouver, je me suis dit que tu serais la seule à pouvoir le convaincre de retourner se faire juger. Je veux qu'il retrouve enfin son honneur et qu'il vive en paix... »

Décidément, je crois que je n’avais jamais eu autant de rebondissements d’un coup, Kazuo ne l’avait pas envoyée à moi, elle souhaitait que je le raisonne, qu’il retrouve son honneur pour vivre en paix… Avait-elle la moindre idée de la gravité de la situation ? Kazuo venait de se qualifier de bandit, déserteur, et il était maintenant coupable de trahison envers le clan. Mon sang se figeait, j’étais loin d’imaginer la difficulté des négociations que j’allais entreprendre. D’autant que la réaction de mon frère était insensée, il n’avait prononcé le moindre mot tandis que tout le monde pointait un doigt accusateur sur lui, il n’avait pas cherché à s’expliquer, je savais la raison de son mutisme de l’époque, il bouillonnait intérieurement et ne voulait manquer de respect à personne, cependant mon père avait du faire offrande de sa vie à cause de ce même mutisme. Qu’il cherche la vengeance n’arrangerait en rien la situation, je devais absolument le retrouver. Malheureusement nous fûmes vite rattrapées par deux personnes, pas des gardes ça non, mais deux hommes, armés de couteaux, sacrément plus habiles que de simples soldats. Génial ! Elle m’avait donc piégée ? Je la fixai d’un air mauvais, la main prête à lui infliger un coup mortel. Soudainement, les hommes se jetèrent non pas sur moi, mais sur elle. J’étais dans ‘incompréhension totale, ils n’étaient pas du même groupe ? Kazuo était il en train de la condamner a mort ? Aucune idée, je pouvais toutefois constater qu’elle avait finalement tout les traits d’un assassin, agile, souple, avec une forte capacité de combat au corps à corps, un style bien particulier qui témoignait d’un apprentissage barbare, un art martial très répandu parmi les mauvaises graines de la société d’Oyashima. Elle n’eut aucun mal à désarmer le premier adversaire et tandis que le deuxième approchait, il se dirigea finalement sur moi, l’arme à la main et une très nette envie de me faire des choses ô combien douloureuses.
La distance qui nous séparait était de trois mètres, un homme grand, musclé, agile, il devait se déplacer à vitesse moyenne, armé d’une arme légère et tranchante qu’était son couteau. Il ne devait pas avoir eu de formation militaire, ses déplacements étaient irréguliers, imprécis, il tenterait probablement une attaque au bas ventre ou au visage, le meilleur moyen de porter une attaque fatale avec une lame si courte. Je n’aurai pas le temps de dégainer mes armes qu’il serait déjà sur moi, il ne restait déjà plus que deux mètres qui nous séparaient. J’opterai donc pour la défense à mains nues. Encore un mètre, son bras s’élançait vers ma poitrine, la lame d’acier pointant vers le cœur. Intéressant mais inutile, un premier geste défensif s’armait, ma main frappa son poignet, déviant l’arme suffisamment pour qu’elle ne touche même pas mon bras, le coup parti dans le vide, l’homme désorienté par un geste si simple. Un deuxième coup de son autre main parti, que je n’esquivai pas mais atténua avec la main droite dans un geste rapide mais quelque peu maladroit. Je bloquais son bras armé en refermant telle une mâchoire mon bras gauche sur son poignet avant de lui mettre un violent coup de genou dans le plexus, coupant ainsi sa respiration et lui arque boutant le reste du corps sur le coup. Un étourdissement de quelques secondes, net, efficace, et suffisant pour lui faire comprendre qu’il me cassait les pieds et que mon temps était précieux, j’armais un deuxième coup de genou dévastateur qui percuta avec violence son coude, repliant le bras bloqué dans le sens inverse de ce pour quoi le coude était prévu. L’effet fut immédiat, le craquement de l’os accompagné des cris de douleurs de l’homme me laissa penser que ses ligaments n’avaient pas tenus le choc non plus. Contrairement à l’homme que j’avais estropié lors de ma rencontre avec Rosa, ce geste ci était parfaitement calculé et la douleur qu’elle engendrait me conférait encore quelques secondes de répit ainsi qu’un désarmement immédiat. La lame s’enfonça dans le col terreux tandis que je dégainai mon wakisashi pour lui porter un premier coup à son autre bras, l’élan était suffisant pour que la morsure de l’acier lui emporte une bonne partie de son biceps dans la manœuvre. Une large coupe succéda à cette frappe handicapante, visant cette fois ci l’arrière de ses genoux, une coupe nette, sectionnant les tendons en même temps que le métal sifflait dans l’élan et que le sang gicla de l’entaille. Privé de la force de ses jambes, et de ses bras, il ne put se rattraper et chuta pour s’étendre au sol dans une nouvelle vocifération de douleurs car il venait de tomber sur son bras cassé. Tandis que mon adversaire était hors combat, je pus voir Katsuni attraper l’arme de son adversaire dans la mêlée pour la lui planter dans la gorge. L’homme s’arrêta net et après avoir fait des bruits de gargouillis immondes pendant que son sang s’échappait de sa bouche, son corps tomba inerte au sol. Je me méfiais un peu plus chaque instant de cette femme tant elle était… Pleine de ressources.

Je retournai l’homme blessé du bout du pied avant de poser ce dernier sur son bras cassé, me donnant un faux air de dominatrice. Par chance il parlait l'elfique, bien qu'approximativement. Peut être cet homme parlerait-il plus que les autres…

« - C’est le « dragon » qui t’envoies, je suppose ?
- Va te faire voir, pétasse. »

Cette situation m’exaspérait assez pour que je puisse le faire souffrir sans le moindre scrupule, appuyant mon pied sur le membre brisé, faisant sortir un nouveau cri de son être.

« - Je te conseille de me répondre, je suis passablement énervée aujourd’hui.
- La fleur insolente… Et le serpent doivent être écrasés… Pour la gloire du dragon !
- Encore des devinettes… par les kamis, ne pouvez vous pas être clairs une fois dans votre vie ? »

Je jetai un coup d’œil a Katsuni qui semblait avoir, elle, comprit la signification de tout ça, elle devait être ce fameux « serpent » si mon raisonnement était exact. Son visage était blême, j’en déduisais que Kazuo avait bel et bien tenté de la faire taire, peut être accepterait elle enfin de me donner plus de réponses. Je la fixai tout en enlevant mon pied du corps de l’homme avant de lui dire avec ce même sourire narquois avec lequel elle m’avait enquiquiné plus tôt.

« - il semblerait que le « dragon » ait une soudaine envie de transformer le serpent en sac à main. Ce fameux dragon doit être Kazuo, l’appellation de « Fleur insolente » remonte à notre enfance à tout les deux, je peux donc facilement en déduire que le fameux serpent, c’est toi, étonnant, un surnom ma foi si fidèle à ta personne. Quoi qu’il en soi, tu n’as plus le choix Katsuni, tu dois me mener à lui avant qu’il ne nous envoie d’autres assassins. Je crois comprendre que, comme moi, tu te refuse à le voir s’enrôler sur une voie aussi sinueuse que cette d’un traitre, alors aide moi et je t’aiderai en retour. »

Katsuni n’était pas une idiote, si Kazuo lui-même avait décrété qu’elle devait mourir, elle n’avait plus aucune raison de le protéger. Malheureusement elle pouvait très bien douter de mes intensions, ce que je pouvais comprendre, cependant elle se serait fait tuer si je n’avais pas occupé le deuxième homme et ça, elle le savait aussi. Au final cette femme savait beaucoup de choses, elle se retrouvait probablement devant un choix que je ne pouvais imaginer : L’homme de sa vie, ou sa propre vie à elle ? Il fallait absolument qu’elle m’aide, bien qu’il me fût impossible de lui dire tellement je pouvais haïr cette femme.

« - Ah, et pour lui, fais ce que tu veux avec, je ne peux pas le tuer moi-même, ça ne serait pas très honorable pour un samouraï que d’achever un homme sans défense, mais comme tu n’en es pas une… »

Quoi qu’elle lui ait fait, j’avais avancé de quelques pas et scrutait les environs en priant que nous n’aurions pas à nous battre encore une fois. Rengainant mon wakisashi après avoir chassé le sang de sa lame, je la regardais à nouveau, la femme que j’aimais le moins en ce monde était la seule capable de m’aider…

« - M'aideras-tu, Katsuni ? »

Ironique.
J’avais bien compris que Katsuni me détestait réciproquement et pourtant nous avions besoin l’une de l’autre. C’était assez comique en soi, nous étions deux femmes radicalement différentes et pourtant nous poursuivions un objectif commun. Kazuo ne devait pas comprendre la chance qu’il a de l’avoir à ses côtés, bien que cela me faisait du mal de le penser. Je senti qu’elle avait une profonde envie de me répliquer quelque chose pendant que j’avais interrogé son ancien camarade, et quelque chose d’encore plus acide lorsque j’avais sous entendu que contrairement à elle, j’avais un honneur. Elle s’était retenue, ce qui ne lui ressemblait pas vraiment, m’indiquant qu’elle avait réellement besoin de moi. Elle murmura quelque chose que je ne pus comprendre avant que le craquement de la nuque de l’infirme n’annonça ce qu’elle lui avait fait.
Ma remarque l’avait faite bondir, elle s’approchai de moi d’un air furibond, bien qu’elle n’eut réprimé ses pulsions de tueuses, sachant pertinemment qu’à l’heure actuelle, j’étais celle qui avait le droit de vie et de mort sur elle, et non l’inverse.

« Ce n’est pas toi que j’aide, ma belle. Je me sers de toi pour sauver Kazuo de l’emprise que la vengeance à sur lui. Mais j’atteindrai mon objectif... et si y arriver est synonyme de protection envers toi, alors je salirai mes convictions pour le faire. Saches qu’une fois mon dragon éclairé, je n’aurai plus rien à faire avec toi et bien heureusement. »

Je ne répondis rien sur le moment, me contentant de sourire intérieurement à sa remarque, j’avais vu juste et je comptais en profiter. Elle tira une petite carte afin de me montrer l’emplacement d’un village : Jafa.

« Notre planque est à Jafa, il nous faut sept heures à cheval pour y arriver. Il va falloir attendre la nuit pour nous infiltrer dans Cydonia et récupérer nos montures. Y aller à pied n’aurait aucun sens, il faut faire vite, avant que Kazuo n’envoie des gens du groupe plus expérimentés. »

Il faisait encore jour et il me semblait bien que l’heure était encore bien loin d’être présente. Elle alluma un petit feu de camp qu’elle camoufla soigneusement avant d’éloigner les corps et finalement de s’adosser à un rocher. Elle allait attendre, je n’avais d’autres choix que de faire de même. Je me plaçai face a elle, le petit feu nous séparant, je posais mes fesses sur un tronc d’arbre incliné, j’avais l’impression d’être aussi grande que lorsque j’étais debout. Toujours prête à riposter, je lui adressai quelques mots encore bien cinglants.

« - Etonnant de voir autant d’humanité émaner d’un assassin, tu t’es donc si profondément liée à ces hommes au point d’hésiter à faucher leur vie tandis qu’eux, n’avaient pas la moindre hésitation…
- Même les traîtres peuvent éprouver des sentiments, ça ne les empêche pas de trahir les leurs quand même... non ? Éprouves-tu toi-même le moindre remords à penser tuer ton frère alors qu'il est justement ton aîné ? Cela ne t'empêchera pas de le faire... Finalement, nous sommes assez semblables, non ?
- Nous ne sommes semblables que sur trois points points : Nous manions des armes et nous sommes deux femmes ainsi que des jinmens. Les assassins n’ont aucun honneur et comme tu le dis si bien, ils sont des traitres. Je ne recherche pas mon frère depuis ces dernières années pour le mettre à mort, je veux connaitre la vérité, celle qu’il n’a pas été en mesure de clamer il y’a six ans.
- Dire que nous n'avons aucun honneur c'est nous sous-estimer, belle-sœur. Si je ne connaissais pas ce qui nous caractérise, nous jinmen, je ne l'aurai pas bafoué pour tuer mes camarades et aider l'homme que j'aime à s'en sortir. Ne juge pas les gens trop vite simplement par ce qu'ils montrent... Tu pourrais te faire avoir.
- Je ne sous-estime pas la perfidie dont tu pourrais faire preuve, juste ta capacité à me juger aussi simplement que tu viens de le faire. Du moment que tu te rentre dans le crâne le fait que je ne veuille pas tuer mon frère me suffit, ce que tu aimerais me faire après, je m’en contre-fiche, bien que l’idée de tuer mon frère me répugne, tuer ma « belle-sœur » ne me gène pas le moins du monde. »

Elle évita de répliquer, conservant sa haine pour elle, un long silence m’installa, j’avais pu comprendre qu’elle avait une bonne maitrise d’elle-même, elle était par conséquent quelqu’un de dangereux et versatile. La nuit approchait, le petit moment de silence qui temporisait avait permit de faire redescendre la tension entre nous deux, nous allions devoir œuvrer ensemble pour le moment. Je reprenais donc la parole, avec un air beaucoup plus calme.

« - Quoi qu’il arrive, nous voulons toutes deux que Kazuo vive en paix, on va donc devoir coopérer, et nous savons toutes les deux que nous aimerions nous en passer. Pour le moment on doit se charger de récupérer nos montures. J’imagine que tu dois être particulièrement discrète, quant à moi je suis plutôt rapide et agile, une idée ?
- Ça m'embête de l'admettre mais tu as raison. Effectivement, je suis discrète quand j'en ai envie... mais tes compétences me font penser que je pourrais user de mes charmes plutôt que de ma discrétion pour distraire les éventuels gêneurs autour des écuries pendant que tu t'occupes des chevaux... qu'en penses-tu ?
- Les gardes nous recherchent, ils leur est facile de repérer une jinmen au milieu des habitants, n’est-il pas préférable que je les fasse courir un peu pendant que tu récupères nos montures discrètement ? Personne ne s’occupera de deux chevaux tandis qu’une personne recherchée est en train de cavaler dans les ruelles.
- Bon d'accord... moi qui voulait passer un peu de bon temps... »

Elle soupira en prononçant cette dernière phrase, visiblement déçue de ne pouvoir jouer la catin encore une fois. Nous nous préparions alors à entrer dans la ville, Katsuni connaissait des recoins permettant d’entrer en passant hors de vue des gardes, un avantage certain. Nous approchions des écuries, malheureusement deux personnes étaient là et il était fort probable qu’elles soient au courant pour nous. Je fis un petit signe à ma collègue avant de me mettre à découvert, la réaction des deux gardiens fut immédiate, ils avancèrent dans ma direction en m’interpellant en cydien, chose que je ne comprenais pas. Je leur fis un signe presque aguichant avant de commencer à détaler comme une fugitive, prenant soin de n’emprunter que des ruelles afin d’éviter de ne tomber sur des gardes. Katsuni n’aurait aucun mal à récupérer les montures maintenant que je trainais derrière moi les deux gardes. Je fis le tour d’un bâtiment, le premier poursuivant semblait bien moins énergique que son ami, il lâcha donc la poursuite, par manque d’oxygénation. Je revenais en direction des écuries, Katsuni avais réussit, je voyais Kisaki ainsi que le serpent sur sa monture également, l’homme derrière moi perdait du terrain, mais j’entendais les gardes accourir non loin, son partenaire avait du sonner l’alarme. J’arrivait à hauteur de mon destrier, me dépêchant de monter sur son dos, nous nous lancions toute deux au galop hors de la ville, il nous était facile de semer les poursuivants restant, néanmoins il n’était pas raisonnable de remettre les pieds à Cydonia avant longtemps…

Katsuni me lança un regard que je compris assez simplement, cette petite escapade l’avait amusée, je dois avouer que moi aussi, j’avais éprouvé un certain plaisir à tout cela. J’avais l’impression d’être redevenue une enfant échappant à la surveillance de sa nourrice. Elle retint un petit rire avant d’annoncer en souriant.

« - C'était marrant, belle-sœur. »

La réplique me fit sourire, moi aussi amusée de la situation, j’avais peine a croire que nous étions en train de partager un moment sympa toutes les deux, nous qui étions si différentes. Je reprenais encore mon souffle avant de lui renvoyer un sourire franc.

« - Le plus marrant, c’était de voir leur tête quand ils ont aperçu qu’ils s’étaient fait avoir. »

Un autre regard plus un éclat de rire sincère que nous partagions toutes les deux, comme des enfants amusées de leur petite blague. Idéal pour abaisser la petite tension créée plus tôt. Nous prenions désormais la direction de Jafa.

Etouffant.
C’était la locution la plus adaptée pour décrire à la foi l’état de Katsuni, en train de réfléchir intensément dans son coin, et aussi la sensation que procurait ce désert. Katsuni aussi songeuse laissait penser qu’elle s’inquiétait encore pour mon frère et je dois dire que j’étais inquiète aussi, mais plutôt vis-à-vis de sa probable réaction lorsqu’il me verrait. Il n’était pas du genre à se laisser forcer la main et bien que je sois du même sang que lui, il était possible qu’il n’accepte pas ce que j’allais lui proposer. Je n’aimais pas l’option qui consistait à lui trancher la tête si il refusait, tout comme je n’aimais pas la « demi » option du « Je te frappe et je te traine de force à Koubaï ». Katsuni le savait et c’est probablement ce genre d’option qui romprait cette alliance que nous avions, ce qui était dommage maintenant que je commençais à peine à l’apprécier.
Le début du trajet dans le désert se fit dans le silence, rapidement Katsuni sembla bon de faire un petit check-up de la situation. Je ne prononçai le moindre mot tandis qu’elle expliquait la situation.

« - Pour aller voir directement Kazuo, il va falloir qu’on entre de force ou très discrètement... même si je fais partie du groupe, tout le monde sait que je les ai trahis, on ne pourra pas entrer si aisément que je le faisais avant. Je pense que la discrétion reste la meilleure solution, on ne pourra pas tenir très longtemps si on fonce dans le tas. Je connais chacun de ces types et je sais que Kazuo sortiras l’artillerie lourde pour nous empêcher de passer. Tu es douée, moi aussi mais nous ne le sommes pas assez face au groupe entier. Je sais que quelques gars sont postés à l’extérieur pour surveiller l’entrée. Mon idée c’est qu’on pourrait faire diversion et les attirer plus loin dans le désert ; ce sont de bons guerriers mais ils n’ont pas le sens de l’orientation pour la plupart. Certains vont donner l’alerte et, une fois que les autres seront sortis, nous pourrons pénétrer dans la planque. Je sais que ça à l’air d’une mission suicide mais ça le serait bien plus si on les affrontait tous. »

Elle n’avait pas tort, il était très surement trop nombreux pour nous deux et il était impossible pour elle d’aller et venir tranquillement. Nous allions donc utiliser la ruse pour passer, elle sortait déjà de son sac des grosses pinces de métal ressemblant fort à des pièges de chasse qu’elle assemblait avant de les dissimuler dans le sable. Elle saisit ensuite de petits objets ressemblant fort a des silex ainsi qu’une bouteille d’huile. Un liquide inflammable, de quoi faire un feu et des pièges, inutile d’en dire d’avantage, elle allait les attirer dans un traquenard pour nous permettre de passer, un procédé ingénieux, même si l’alerte serait également donnée. Nous échangeâmes un regard affirmatif avant qu’elle n’allume le liquide, les flammes s’élevèrent aussitôt accompagnées d’une épaisse fumée noire qu’il était dur de rater. Les premiers gugusses sortaient déjà de la maison pour venir vers nous, nous en profitions pour passer sur le côté, cependant je vis Katsuni se faire happer par quelque chose et elle disparut de ma vue. J’entendais des bruits de combat, ils l’avaient eue et maintenant j’avais cinq autres types autour de moi, prêts à en découdre. Me mouvoir dans le sable n’était pas ma grande spécialité, l’équilibre était un peu plus bancal que sur un sol dur. Je dégainai mon katana seul, le prenant à deux mains en pointant sa lame vers l’homme en face de moi, qui allait donc être ma première victime. Reculant d’un pas, les hommes m’encerclaient à présent et il était facile de deviner qu’ils étaient largement plus expérimentés que les deux assassins rencontrés plus tôt. Deux d’entre eux étaient armés d’épée longues, deux autres avaient des armes semblables à des matraques et le dernier était armé d’un couteau à lame large, un genre de couteau de boucher. Ils se parlaient entre eux, en cydien, impossible de savoir ce qui se tramait, mais une appellation revenait assez souvent, peut être le nom d’un homme, un surnom ? Aucune idée mais le combat commençait, le premier fonça, suivi de deux autres, j’esquivais le premier coup d’épée pour en parer un deuxième, laissant la lame ripper sur cette de mon katana pour l’écarter sur le côté, l’inclinaison de mon sabre était parfaite pour me permettre la riposte, un violent coup de pommeau dans le nez qui le fit reculer et le stupéfia quelques instant. Les deux autres étaient bien plus lents mais beaucoup plus robustes, le premier tenta de m’asséner un coup de masse à la tête pendant que le deuxième visait ma main armée. Je parvins in extremis à esquiver le premier coup et à bloquer le deuxième avec ma lame mais la massue étant renforcée de pièces de métal était bien assez résistante pour tenir la lame feuilletée de mon arme. D’un coup de pied je poussa l’un des hommes pour avoir quelques secondes et m’occuper de son camarade qui ne fit pas long feu tout seul, d’un geste net ma lame sectionna son poignet, os inclus et sa main tomba dans le sable chaud, son sang souillant la couleur ocre du sol. Les deux restés un peu en retrait étaient presque choqués de la scène mais mon action n’avait fait qu’attiser leur rage. Le deuxième armé d’une épée mon fonça à son tour dessus mais sa colère lui avait fait dresser son arme pour une frappe évidente que je bloquais tout aussi simplement avant de le renverser. En s’étalant dans le sable fin, un violent claquement retentit et une volée de sang éclaboussa ma jambe. L’homme était tombé peine tête sur l’une des mâchoires d’acier posées par Katsuni et le choc lui avait littéralement éclaté le crâne, laissant échapper tout son contenu dans le sable. Il m’en restait encore trois mais il m’était difficile d’en voir le bout, mes mouvements dans le sable étaient bien plus épuisants que des mouvements basiques. Le premier armé d’une épée s’était remis de ce coup violent dans le nez et fulminait de multiples injures, toujours en cydien, mais il aurait fallu être le dernier des imbéciles pour ne pas comprendre qu’il m’insultait. Le deuxième armé de sa masse et l’homme armé de son couteau avançaient à son tour, tout deux face à moi. Celui qui venait de perdre sa main se vidait de son sang et il était peu probable qu’il survive jusqu'à la fin du combat. Les deux adversaires face à moi avançaient et je pouvais sentir le troisième arriver dans mon dos, avec son épée. D’un violent geste de la jambe une quantité non négligeable de sable alla perturber le balourd armé de son épée derrière moi, ce qui me permis de me focaliser sur l’homme au couteau, esquivant le coup d’estoc une fois, le deuxième de justesse, qui marqua d’ailleurs mon bras d’une petite entaille laissant couler mon sang. Le picotement n’avait rien d’insupportable et ça indiquait une blessure assez superficielle en plus de provoquer un reflexe meurtrier que j’avais eu de dégainer mon wakisashi. La courte lame d’acier se fraya un chemin au travers de son épaule jusqu'à se stopper nette sur l’omoplate, me laissant assez de temps pour l’éventer avec la lame de mon katana d’un revers de la lame. L’homme armé de la masse et celui que j’avais aveuglé avec du sable étaient probablement les plus costaud du tas, tandis que j’essayais de ne pas y passer en parant et esquivant leurs multiples assauts, je finis par me faire désarmer de mon wakisashi par un coup de masse touchant ma main, rien de grave mais l’impact m’avait fait lâcher prise. Il ne me restait que mon katana et les deux lourdauds savaient très bien que j’étais en position de faiblesse maintenant, je n’avais pas trente-six solutions et je m’essayai à un mouvement dangereux, repoussant la frappe de masse de ma lame, je repoussai de nouveau l’homme d’un coup de pied tandis que je parvint à désarmer l’homme de son épée cependant ma lame glissa sur le côté et le coup qui lui aurait logiquement été fatal passa entre son corps et son bras, ne faisant que cisailler très légèrement sa peau. Il bloqua mon bras avant de refermer ses bras sur mon corps en me serrant de toutes ses forces. Il avait tellement de force que j’avais peine à respirer dans son étreinte écrasante. Cependant je ressenti comme un violent choc à l’arrière du crâne, ma vision se troublant, j’avais compris que c’était l’autre, armé de sa masse qui venait de me frapper. Mes sens se troublaient, ma vue déraillait et je n’entendis qu’un vague ordre lancé en elfique avant de perdre toute notion d’équilibre, mes forces m’abandonnant, mon katana se plantant dans le sable meuble, je sentais mes muscles lâcher prise et cesser toute résistance, ma tête tomba contre le torse de mon tortionnaire et je perdis connaissance en ne comprenant qu’une partie de l’interpellation de l’homme en elfique.

« - La tuez pas, on va… »

Qu’allaient-ils me faire ? Je venais de me faire avoir après avoir éventré l’un des leurs, poussé un autre dans un piège qui lui avait éclaté la tête et saigné a mort un troisième. En plus d’avoir brisé le nez de celui qui, de son côté avait bien faillit briser ma colonne vertébrale. Ils pourraient très bien me rendre la pareille, ils pouvaient tout aussi bien abuser de moi de diverses manières assez sordides et repoussantes. Où peut être allaient-ils juste m’amener à Kazuo pour que ce dernier puisse me tuer de ses propres mains ? Et Katsuni, que lui était-elle arrivée ? Avait-elle réussi à fuir ? Avait-elle périt dans ce combat ? Il aurait été étonnant qu’a mon réveil elle soit présente, vivante et en « peine forme ». A moins qu’elle ne m’ait piégé depuis le début et qu’elle ait fait tout ça pour me capturer, dans ce cas j’aurais presque pu lui tirer mon chapeau car son jeu de comédienne aurait été vraiment hors pair. Cependant je ne pouvais savoir, et c’est ainsi que, sombrant dans l’inconscience, je venais de me faire capturer par ceux qui plus tôt, auraient tout fait pour me tuer.

Endolori.
C’est la sensation la plus appropriée pour décrire ce que je ressentais actuellement, tandis que je me sortais de ma torpeur. Le coup reçu plus tôt avait été particulièrement douloureux, pas vraiment étonnant en voyant l’allure barbare de l’arme employée, enfin rien de grave, pas de blessure ouverte, juste une bosse sur la caboche et un léger mal de crâne assorti.
Je m’éveillais en des lieux fort incommodants, une puanteur assortie à de l’humidité omniprésente, une cave sans doutes. Non, plutôt un genre de réseau de tunnels, je devais être au beau milieu des lignes ennemies mais loin de là ou j’aurais vraiment souhaité être. J’étais désarmée et, bien que plus légère ainsi, je me sentais nue sans mon armure. Les barreaux étaient vieux et en piteux état mais suffisamment résistant pour me retenir ici, j’étais faite comme un rat.
Rapidement je me demandais ce qu’il était advenu de Katsuni, elle n’était pas là, peut être m’avait elle piégée, peut être avait elle été tuée… Brusquement des bruits se firent entendre et m’empêchèrent de penser plus en détail à tout ce qui aurait pu lui arriver, des hommes passèrent devant ma cellule sans même porter faire attention à ce que je faisais, moi qui pensais être seule ici, je découvrais qu’un autre prisonnier, un homme visiblement diminué physiquement par la fatigue et les éventuels mauvais traitements, si faible qu’il ne tenais même pas sur ses jambes. Ce n’est qu’en passant devant moi qu’il se redressa en me fixant un instant, il semblait troublé et je dois dire que je l’étais aussi.

Ils s’éloignaient, me laissant seule pendant encore de longues heures, pas le moindre interrogatoire, la moindre tentative d’intimidation pour me soutirer des infos… Pourquoi me gardaient-ils en vie, finalement ? Etait-ce pour tenter de me faire craquer en me laissant moisir ici ? Je doute que mon frère soit aussi idiot, il me connaissait assez et avait connu le même entrainement que moi, il était le mieux placé pour savoir que rien de tout ça ne marcherai. Plusieurs heures passaient donc, je m’étais reposée un peu en prévision d’éventuels problèmes à venir. D’ailleurs j’entendais à présent des pas, quelqu’un arrivait, peut être venait-il pour moi ? Quel fut ma surprise lorsque je découvris que l’homme qui venait me chercher n’était autre que ce prisonnier affaibli croisé plus tôt ? Il semblait ma foi en grande forme le bougre, il venait d’ouvrir la cellule et me faisait signe de le suivre en silence, je n’avais lâché mot, trop bloquée par ma surprise et le peu de méfiance qui m’habitait de manière permanente depuis toujours. Je le suivais au travers des couloirs jusqu'à un petit bureau, endroit beaucoup plus plaisant que ma geôle. Une fois entrée dans la salle, il ferma la porte derrière moi, nos regards se croisèrent un instant, il était visiblement embarrassé, j’étais toujours aussi méfiante mais je finis par rompre ce silence en lui adressant sur un ton neutre.

« - Q… Qui êtes-vous ? Pourquoi m’avoir fait sortir de cette prison ? »

Un instant, j’avais entrevu l’éventualité que c’était un piège de plus, qu’un autre défi allait s’imposer à moi tout de suite. J’aurai voulu retrouver mes armes au minimum, je tenais beaucoup à ces deux lames qui étaient aussi bien chargée de douloureux souvenirs que d’instants heureux. En y repensant, Katsuya me manquait, je me demandais même comment il aurait fait face à cette situation. Une chose était sure, la prochaine lettre que je lui enverrai sera très probablement longue ne serait-ce que pour lui expliquer toutes les péripéties qui me sont arrivées récemment…

Inquiétant.
La tournure des évènements ne me disait rien qui vaille. L’homme d’apparence charmant n’était qu’un énième traquenard et il était facile de comprendre que, contrairement à moi il n’avait pas été mis en cage pour avoir eu des pensées honorables. Son air embarrassé avait vite tourné au malsain, je savais déjà qu’il me serait difficile de lutter contre lui, il n’aurait aucun mal à me vaincre si on en venait au combat à main nues. J’avais beau être rapide, il est toujours difficile de lutter contre quelqu’un de plus fort que soi. Ma question l’avait poussé à répondre, bien qu’il ne soit pas Jinmen, il parlait étonnamment bien la langue cependant, il répondait à côté de la plaque, ce qui de base avait le don de m’agacer.

« Tu sais, le dragon m’a puni simplement parce que je ne suivais pas ses idéaux. Alors on descend ici, on pourrit tranquillement puis, en sortant, on peut se goinfrer comme on veut, vivre normalement à nouveau. C’est pire que la mort, parfois. Quand on sort, on est une machine de guerre. C’est pas la première fois que je fais un petit séjour ici, j’en ai vu passer, j’en ai vu mourir des gens dans ces cages dégueulasses. »

Je ne prononçais pas le moindre mot, me demandant où tout cela allait mener. J’avais l’impression de comprendre quelque chose comme le fait de « gagner sa liberté en tuant un autre détenu » si tel était le cas, me tuer l’aurait sorti de la panade, néanmoins il ne semblait pas réellement enclin à me sauter dessus pour le moment, après une petite pause, il reprit.

« J’étais pas d’accord avec notre si cher chef. Il voulait... Héhé... j’ai proposé un plan pour t’éliminer. Parce que c’est bien ce qu’il souhaitait : éliminer la gêneuse. Sauf que mon idée ne lui a pas plu... soit disant que c’était un déshonneur pour toi et pour lui et blablabla... j’ai jamais trop aimé ses idées mais bon, je devais apprendre à me battre pour survivre. Je me suis dit que zigouiller quelques mecs pouvait aider. Finalement, j’aurais dû partir seul à ta recherche, au lieu de lui demander bien sagement. »

Je connaissais bien des moyens d’infliger le déshonneur à quelqu’un avant de le tuer, je préférai ne pas imaginer les idées qui étaient passées par la tête de cet homme. De toute manière même en imaginant qu’il me soit tombé dessus seul, je n’aurai probablement même pas eu besoin d’écouter tout ce délire et j’aurai simplement dégainé mes armes, chose que je ne pouvais pas faire même si je les avaient eues, le moindre bruit attirerai sans doute les autres. Laissant paraitre un air calme, malgré le fait que j’étais en réalité tendue à l’idée de me dire que l’un de nous deux allait surement y passer, je lui répondis simplement.

« - Et donc, pourquoi me raconter tout ça maintenant ? »

Son air malsain se maquilla de surprise puis qu’un éclat de rire encore plus malsain. Le simple fait qu’il fasse un premier puis un deuxième pas vers moi m’annonçai avec précision que l’heure de se battre venait d’arriver. J’avais vu juste, il avançait d’un troisième pas et lâcha subitement, pendant une légère pause de son fou rire :

« Parce que tu es la seule à pouvoir entendre mes paroles sans pouvoir me punir. »

Je n’eus pas le temps de faire ouf qu’il se ruait sur moi, fort heureusement j’avais pu récupérer un peu d’énergie pendant l’attente interminable qui m’avait finalement conduite ici. Il m’était cependant impossible de l’abattre et impossible de le neutraliser, le bougre était foutrement trop résistant. Fort heureusement il était plus lent que moi, bien qu’il m’ait attrapé les bras, le fait qu’il tente de me mettre un coup de tête me laissait du temps pour éviter le coup, une première fois, une deuxième fois mais le troisième venait et j’étais mal placée pour faire quoi que ce soit. J’arrivais cependant à lui coller un coup de genou dans le bas ventre, le coup net bien que peu puissant avait légèrement ralenti son mouvement et je parvins à éviter in extremis. Comprenant qu’il ne m’aurait pas ainsi, il tenta de changer de prise, bloquant le mouvement de ma jambe gauche en se plaçant, il me fit pivoter par-dessus un meuble et je tombais à la renverse de l’autre côté, légèrement sonnée. La chute avait endolori un peu plus mon bras droit, je n’avais pas le temps de me relever qu’il m’avait empoignée de nouveau, me bloquant au sol, me privant d’une éventuelle chance de dégagement. Il se plaçait au dessus de moi, bloquant mes jambes avec les siennes et tenant toujours mes bras fermement, je sentais mes forces faiblir tandis qu’il n’en était rien pour lui, je savais maintenant que c’était fichu pour moi. Qu’allait-il faire à présent ? Me torturer ? Me violer ? Me battre à mort ? Se contenter de m’humilier ne devait pas être son genre après tout.
Je ne pouvais que prier pour que le foutoir causé par notre petite lutte ait alerté du monde, je pense que c’était presque plus enviable que de rester seule avec cet abruti…
L’action se figea un instant, il me savait piégée, je le savais aussi, et nous étions tout deux conscient de la situation, il me fixa un instant, le regard haineux, je profitais alors de l’accalmie pour lui poser une ultime question malgré l’essoufflement qui hachait ma phrase.

« - Que vas-tu faire de moi maintenant… ? »

Citation :

Le membre 'MJ' a effectué l'action suivante : Lancer de dés

'Dé à 10 faces' : 8, 9

Il sourit, encore plus sournoisement qu’avant. Et ta question lui a apparemment donné des idées : ce n’est plus de la haine que tu vois dans ses yeux mais de l’envie... un désir dégoûtant. Il commence par t’embrasser dans le cou et tu as l’impression qu’il te maintient encore plus solidement qu’avant. Progressivement, il descend sur ta poitrine et soulève le bas de ta tunique avec ses dents. Un large sourire illumine son visage lorsque, d’une main, il arrive à te garder immobilisée. Avec l’autre, il touche ton corps un peu partout, comme s’il découvrait quelque chose de nouveau. Puis, lentement, il glisse sa main dans ta culotte. Seul les kamis savent ce qui te pousse alors à lutter à ce moment-là... ton intuition de guerrière te permet de détecter une ouverture. Un coup de genou bien placé terrasse l’homme quelques secondes mais il se relève avant que tu n’atteignes la porte. Étrangement, il te pousse et sort en premier, il semble très pressé. Cherche-t-il à te fuir, maintenant il a jaugé ta force ?

Les bruits étranges que tu entends dans le couloir te font penser que ce n’est pas ça... en courant mais discrètement, tu atteins l’ouverture et regardes attentivement la scène. Katsuni a « capturé » le malheureux et l’égorge lentement avec sa lame, éternisant sa mort et la rendant douloureuse. Une fois ceci fait, la jeune femme se retourne et te sourit sincèrement. Elle s’approche légèrement de toi et parle doucement mais d’expression taquine.

« Alors, belle-sœur ? Tu attires les coureurs de jupons, dis-moi ! Enfin... je préférais quand même le premier, celui de Cydonia, là. Il faut dire que les jinmen sont les plus beaux. »

Elle attend quelques secondes et retrouve une expression sérieuse en plaçant sa main sur son épaule.

« Tu vas réussir à me suivre ? Il faut qu’on entre dans le grand bureau en haut, Kazuo s’y trouve à l’instant. Si tu veux lui parler, c’est l’endroit idéal parce qu’aucun homme n’y a accès... sauf moi, bien sûr, parce que sa chambre se trouve juste à côté et... Enfin bref ! »

Une fois que tu hoches la tête, elle commence à marcher vite, faisant attention à rester discrète pour ne pas alerter les patrouilleurs. Nul ne sait par quel miracle Katsuni a pu échapper à toute blessure mais elle semble en excellente forme. T’attire-t-elle dans un piège ? Que s’est-il passé après que vous vous soyez fait attaquer ? Seulement, elle est ta seule piste actuellement, tu ne peux donc que la suivre. C’est aussi par miracle que vous arrivez dans ladite pièce, sans jamais vous faire repérer. La tension monte lorsque vous entrez : la pièce est énorme, disproportionnée par rapport aux meubles discrets qui s’y trouvent. Apparemment, Kazuo aime toujours Oyashima et le Clan de la Licorne, car les couleurs du continent et de ce dernier sont très présentes. Il manque cependant celui que tu cherches dans la pièce. Katsuni te fait alors signe de la suivre dans celle d’à côté, chuchotant qu’il est sûrement là. Et lorsque vous ouvrez la porte, c’est vrai : il est assis sur l’énorme lit, apparemment surpris que quelqu’un le dérange. Tu as bien l’impression qu’il s’agit de ton frère... mais pourquoi ? Pourquoi porte-t-il un masque à l’apparence douteuse ? On dirait une sorte de kami...

L’expression changeante de l’assassin te trouble également. Elle semble haineuse... alors que, juste avant, elle semblait tellement aimer son si cher Kazuo. Elle n’a pas d’intérêt à le tuer, elle te l’a dit elle-même... pourquoi le regarde-t-elle comme l’une de ses futures victimes, dans ce cas ? Trop de choses ne vont pas dans ce tableau, dans cette scène que tu rêves probablement depuis un bon moment. Kazuo se rapproche de vous, apparemment décidé à discuter puisqu’il ne montre pas de signe d’agressivité. Difficile de sonder ses émotions avec ce masque... vas-tu malgré tout lui poser quelques questions ?


[HRP : je te propose qu’on refasse quelques dialogues sur Skype pour la conversation. À moins que tu veuilles faire autrement. ]

Dégoûtant.
Voila ce qui qualifiait parfaitement la scène, l’homme qui me tenait fermement au sol avait une nouvelle expression, une expression mauvaise et malsaine qui en disait long sur ce qui allait m’arriver. Je sentais déjà son étreinte se resserrer tandis qu’il commençait à poser ses lèvres sur mon cou, je savais alors que j’aurai mieux fait de la fermer. Je tentais toujours de lutter mais je n’avais pas sa force et je ne bénéficiais pas d’une position avantageuse, il le savait, puisqu’il arrivait à me maitriser avec une seule main en continuant ses horreurs. Lentement il touchait chaque partie de mon corps, à croire qu’il n’avait jamais vu ou même touché de femmes avant maintenant. Allais-je finir ici ? Violée, probablement tuée après ? Avais-je mérité une mort aussi déshonorante ? J’allais mourir ici, sans même avoir revu mon frère ? Je devais avoir offensé les kamis pour me retrouver dans une telle situation. Ce n’est qu’une fraction de seconde, un infime relâchement dans sa prise qui me permit d’éviter le pire en lui collant un violent coup de genou qui le poussa, me permettant de me relever en toute hâte et de me mettre à courir.

D’ordinaire j’étais très rapide, mais là, après avoir lutté, je compris que je n’allais pas aller loin qu’il allait me rattraper, d’ailleurs il me rattrapa, je n’avais même pas atteint la porte, cependant ce fut lui qui prit la porte pour s’enfuir. Pourquoi ? Je ne sais pas, enfin pas encore, mais je doute que ça soit ce coup qui l’avait fait fuir ainsi. J’en profitais pour remettre correctement ma tunique et reprendre mon souffle. J’avais paniqué, j’étais complètement paniquée et je crois que j’allais encore l’être un instant. Enfin non, il me fallait reprendre mes esprits, j’avais eu chaud mais ma mission n’était pas terminée, et j’entendais les bruits dans le couloir, c’était sûrement ça qui l’avait fait fuir, après tout il était fugitif comme moi. Malheureusement je n’avais pas le temps de cogiter, c’était proche, j’allais probablement devoir me battre encore. Je sorti de la pièce, prête à en découdre pour finalement me retrouver face à Katsuni, égorgeant l’homme avec sa lame, doucement, assurément. Une mort lente, douloureuse, un véritable supplice, c’est tout ce que cet enfoiré méritait, bien que je sois très déçue de ne pas avoir pu le faire moi-même.

Katsuni pouvait être effrayante parfois, ce qui faisait surement d’elle un très bon assassin. Elle se retournait vers moi avec un sourire franc avant de reprendre son insupportable air taquin.

« Alors, belle-sœur ? Tu attires les coureurs de jupons, dis-moi ! Enfin... je préférais quand même le premier, celui de Cydonia, là. Il faut dire que les jinmen sont les plus beaux.
- J’aurai préféré tuer ce salopard moi-même…»

Une réplique brusque et cinglante qui coupa court la phrase de Katsuni, si elle avait tenté dire quelque chose après cela, je ne sais pas, mais elle ne l’avait pas fait. Je crois même qu’elle avait du s’imaginer ma réaction vis-à-vis ce cet homme, après tout elle l’avait surement connu et devait savoir ce qu’il m’avait réservé. Enfin elle reprit un air bien plus sérieux et avant même qu’elle ne parle, j’avais compris que nous touchions au but.

« Tu vas réussir à me suivre ? Il faut qu’on entre dans le grand bureau en haut, Kazuo s’y trouve à l’instant. Si tu veux lui parler, c’est l’endroit idéal parce qu’aucun homme n’y a accès... sauf moi, bien sûr, parce que sa chambre se trouve juste à côté et... Enfin bref ! »

Je la regarde un instant, d'abord dubitative et à la fois un peu choquée d'imaginer mon frère et elle... Enfin bref, c'est avec un air décidé et en hochant la tête que nous avancions dans les couloirs. Elle se déplaçait bien plus rapidement qu’avant, elle semblait pressée et je dois avouer que je l’étais aussi. Si Kazuo était bien là, je crois que ma mission touchait à sa fin…
Mais dans quel état cette mission finirait-elle ?

J’essayais de ne pas penser au pire des scénarios, actuellement je me demandais pourquoi Katsuni était là, comment avait-elle réussit à s’échapper ? Je ne me fis pas prier et lui demandais donc, avec un air assez surpris.

« - Comment as-tu fais pour te sortir de ce bourbier ? J’ai bien cru qu’ils t’avaient attrapée dans le désert.
- Je connais bien l'endroit, depuis le temps... Et j'ai un gentil complice qui m'aide en toute circonstance ! »

Inutile d’en demander plus, j’avais compris à son intonation de voix qu’elle n’en dirait pas plus. Nous avancions donc silencieusement dans les multiples couloirs esquivant sans encombre les patrouilles. Nous arrivions dans la pièce en question. Une pièce démesurément grande si on en juge le peu de mobilier présent… Et toute cette décoration aux couleurs du clan… Mon frère avait gardé tant d’admiration pour notre pays, alors pourquoi était-il parti ?
Je suivais Katsuni qui s’apprêtait à ouvrir une porte, visiblement la chambre, d’après ce que je comprenais. Effectivement… Il y avait bien quelqu’un, assis sur le grand lit, visiblement surpris, enfin je crois, il portait un masque étrange et un kimono, difficile de reconnaitre mon frère avec tout ça. Katsuni avait littéralement changé de comportement, pendant un instant j’ai cru qu’elle allait foncer sur lui pour le tuer, mais si c’était Kazuo, pourquoi ferait-elle ça ? Il s’était approché, visiblement décidé à parler et non à en découdre, ce qui me soulageait.
Le comportement de Katsuni m’intriguait cependant, elle était si sincère lorsqu’elle parlait de son amour pour mon frère, et ce, depuis toujours, que j’avais même l’impression que sa prochaine cible, c’était en réalité la fleur et non le dragon. Personne ne prononça le moindre mot, pendant une poignée de minutes qui parurent durer au moins six ans…
Il fixait finalement Katsuni avant de me pointer effrontément du doigt et de lancer d’un air brutal, en jinmen :

« - J'avais chargé les autres de s'en occuper, qu'est-ce qu'elle fait encore là ? Et comment tu as fait pour échapper à Baron ? »

Une pause courte, très courte, avant qu’il ne se retourne vers moi pour prononcer sur un ton plus neutre.

« - Bonjour, Karaleth... ça faisait longtemps. »

C’était vraiment mon frère ? Son comportement et sa façon de s’exprimer avaient complètement changées, depuis tout ce temps, je ne répondis pas tout de suite, profitant du fait que nous discutions pour amasser encore un peu d’énergie.

« - Kazuo, c’est bien toi ?
- Qui veux-tu que je sois d'autre, petite sœur ? »

Il s’était approché de moi, je pouvais remarquer qu’il se tenait exactement comme mon frère, ce n’était donc pas un leurre… Il passait aussi la main sur sa nuque, comme si il était stressé, malgré le petit ton moqueur que je lui reconnaissais. Je pris le temps avant de continuer la conversation avec un air un peu plus assuré.

« - Cela fait des années que je te cherche, des années que je lutte pour découvrir la vérité à ton sujet, des années que je prie les kamis de te protéger… J’imagine que tu sais pourquoi je suis là, tu n’aurais pas pris la peine de m’envoyer une dizaine d’assassins sinon…
- Pardon pour cette souffrance que j'ai imposée à notre famille... à ma chère petite sœur. Tu ne mérites pas ce que je t'ai fait subir. »

Il avait baissé la tête, bien qu’il soit toujours insondable derrière son masque j’avais l’impression qu’il était confus. Il s’approchait ensuite de moi, assez près pour pouvoir effleurer ma joue de ses doigts. La dernière fois que j’avais pu sentir son toucher, c’était il y a sept ans, une nuit ou je pleurais toutes les larmes de mon corps…
J’aurai aimé le prendre dans mes bras, mon cher frère, celui que je pensais perdu et que tout le monde accablait de conneries diverses. Malheureusement il s’exprimait assez vite et l’une de ses phrases ne provoqua chez moi que répulsion.

« - Mais tout va s'arranger, maintenant. Je suis bientôt prêt à retourner au Clan et j'éliminerai tous ces prétentieux dirigeants, ceux-là même qui ont osé me juger sans preuves et sans se soucier de l'honneur de notre famille. »

J’écarquillais les yeux, presque choquée de l’entendre dire de pareilles absurdités, mais Katsuni m’avais prévenue. J’avais repoussé sa main avec la mienne avant de le regarder avec un air moralisateur.

« - Par les kamis Kazuo, aurais-tu perdu l’esprit ? Tu comptes vraiment supprimer tous les dirigeants du clan ? Crois-tu que c’est ce que père aurait voulu lorsqu’il a donné sa vie pour toi ? Et Seijin, et mère… Et moi ? Je ne suis pas devenue samouraï pour rapporter ta tête au clan, je veux t’innocenter, que tu puisses retrouver ton honneur perdu, je sais que tu es innocent, je l’ai toujours su… Soit raisonnable et viens avec moi, allons réparer cette injustice ensemble… Ne souille pas le nom de notre famille à cause de ta croisade personnelle ! »

Katsuni avait fait un pas en avant et je pouvais entendre des pas non loin, ils arrivaient. Les pas devenaient de plus en plus bruyants tandis que Kazuo se décidait à enlever ce masque ridicule…
Malheureusement, je crois que mon désir de le revoir était le cadet de mes soucis, tant ce que je voyais me terrifiait, assez pour que je ne réagisse pas immédiatement lorsqu'il m'avait saisit le bras et semblait le tenir très fortement.

L’ordure.
Ma surprise laissa place à une envie profonde de massacrer ce salopard qui venait de se jouer de moi. Il m’avait prise par surprise, s’apprêtant à m’attaquer avec un tanto qu’il avait sorti de sa manche. Ce type semblait être le chef, il aurait logiquement du être Kazuo, d’après ce que Katsuni m’avait dit. Il n’en était rien, alors qui était-il ? Une doublure pour parer à des tentatives de meurtre ? Non je n’y croyais pas un instant, le mouvement qu’il amorçait était clair et visait vraisemblablement un point vital, ce type était un assassin également. Katsuni avait déjà des doutes lorsqu’elle l’avait vu, doutes que j’avais eus aussi au premier abord mais que j’avais mis de côté pendant que nous parlions. Elle sautait directement sur lui avec son air furibond et meurtrier, elle voulait sa mort et à présent, moi aussi.

En lui sautant dessus ainsi, il me lâcha et tout deux roulèrent un peu plus loin, se mitraillant de coups mais l’un comme l’autre n’arrivait à atteindre sa cible. Katsuni, tout en proférant de multiples insultes demandait ou était mon frère. C’est d’ailleurs le moment que choisit une autre personne pour faire irruption dans la pièce. Mais pas n’importe quelle personne, je pourrais reconnaitre ce tatouage de dragon entre milles, c’était Kazuo, mon frère ainé, le vrai cette fois ci qui venait de pénétrer dans la pièce en hurlant le nom de ma partenaire d’aventure. Il était armé, lourdement armé d’ailleurs. Il passait à côté de moi en me lançant mes armes et mes plaques d’armure mais je ne n’avais pas le temps de les remettre, le combat faisait rage.
Katsuni avait esquivé de justesse un coup de son adversaire, baissant sa garde au moment ou Kazuo avait prononcé son nom, elle laissa couler quelques larmes pour finalement retourner sa propre lame contre elle. Je ne comprenais pas la scène, pourquoi avait elle fait ça ? La manière dont elle avait procédé était assez évidente, le coup était mortel, elle ne s’en sortirait pas. Son geste stupéfia tout le monde, le dénommé Hatori y comprit. Kazuo se précipita pour la prendre dans ses bras, instinctivement je m’approchais de lui. A la fois sous le choc et désolée pour ce qu’il arrivait, j’avais beau ne pas aimer particulièrement Katsuni, je ne voulais pas que tout cela se passe ainsi. Ce même sentiment d’impuissance que celui que j’avais ressenti lorsque Kazuo avait été injustement accusé m’envahit de nouveau, m’emplissant d’une haine envers le principal coupable. Je remarquais également que Kazuo avait une mine déconfite, un air fatigué et faible que je ne lui connaissais pas. Katsuni m’accordait une énième révélation dans son dernier souffle, elle n’avait clairement pas la force de parler mais elle le faisait quand même, elle m’avouait qu’elle voulait que je l’aide à défaire l’ordure un peu plus loin qui nous regardais toujours sous le choc du déroulement de la scène. Mon frère et elles discutèrent un moment également, je comprenais enfin que l’amour réciproque qu’ils nourrissaient l’un et l’autre avait toujours été le même après toutes ces années. J’osais poser ma main sur l’épaule de mon frère tandis que Katsuni s’évanouissait, il la posa doucement au sol, sécha ses larmes et nous nous relevions ensemble. Il m’adressa un regard déterminé, je comprenais très bien que son unique but était de prendre la tête d’Hatori. Je voulais qu’il meure aussi, parce qu’il m’avait dupée, parce que Katsuni le souhaitait, parce que mon frère le souhaitait…
Je me rendais également compte de mon erreur vis-à-vis de Katsuni, je lui avais dit que les assassins n’avaient aucun honneur et pourtant elle avait choisi de vivre et de mourir pour l’honneur de quelqu’un et à mes yeux c’était aussi une preuve d’honneur. Je me devais de lui rendre cet honneur que je n’avais pas voulu lui accorder, c’était en quelques sortes mon devoir à présent.

Je décrochais ma main de l’épaule de mon frère, lui faisant un signe approbateur de la tête, il comprenait lui aussi que je n’étais clairement pas d’humeur à parlementer avec notre ennemi commun. Notre seule discussion se ferait via l’acier meurtrier de nos lames. Je prenais mes armes par le pommeau, toujours rengainées dans leur fourreau. Hatori nous regardait alternativement, se demandant lequel de nous deux allait frapper le premier. J’étais légèrement fatiguée, Kazuo était visiblement très fatigué également mais notre ennemi était aussi diminué par son récent affrontement avec celle qui, finalement, aurait DU être ma belle-sœur.

D’un geste franc et rapide, je balançais mes lames du haut vers le bas, dégageant les fourreaux qui virevoltèrent directement vers le Jinmen. Le mouvement n’était pas impressionnant, mais utiliser des fourreaux comme projectile n’était pas commun. Le coup était un succès, il les esquivait mais venait de perdre ses appuis, je fonçais vers lui comme une furie, suivie par Kazuo. Les premiers coups éclatèrent, le frottement des lames et le sifflement de l’air qui résultait des coups esquivés ou ratés envahissaient la pièce. Hatori était agile, presque autant que Katsuni, il esquivait si simplement les coups portés avec toute la haine que je contenais qu’il avait également le temps de parer les coups de Kazuo.
La pièce était vaste, nous étions pourtant non loin du mobilier, il était possible d’utiliser ceci à notre avantage. Je me désengageais quelques secondes pour jauger notre environnement, trouver quelque chose pour le piéger. C’est alors que Kazuo reçu un coup au bras, une entaille nette mais visiblement peu profonde, parce que si l’artère avait été touchée, il serait déjà aux portes de la mort. Il n’en était rien, il continuait à affronter son adversaire tandis que je venais enfin de trouver quelque chose, j’avais cependant besoin de tout l’espace possible.

« - Kazuo ! »

Mon frère ne me regardait même pas mais avait visiblement compris qu’il allait devoir bouger très rapidement. Je fonçais de nouveau sur Hatori, plaçant mes bras en croix, les lames pointées vers l’arrière de mon corps, comme si l’acier sortait littéralement de mes épaules. Cela faisait longtemps que je n’avais pas fait ces mouvements, la dernière fois je m’étais entaillée le bras très légèrement, c’était un style de combat dont je ne me servais jamais à cause de ce genre de désagrément, mais je m’en fichais dans le cas présent. Mes pas prirent la forme d’une danse, une danse mortellement dangereuse. Kazuo s’était éloigné en me voyant arriver, mes premiers coups déferlèrent sur Hatori avec la même brutalité que la pluie se fracassant sur une toiture. Il en esquivait deux, trois, quatre coups, mais le cinquième toucha sa cuisse, l’acier mordant de mon katana lui vola un large morceau de chair au passage. Le sixième coup toucha son poignet, celui qui tenait fermement la dague qu’il utilisait depuis le début du combat, celle la même avec laquelle il avait essayé de me tuer un peu plus tôt. L’arme lâchée, une jambe faiblissant, il semblait céder à une sorte de panique tandis que j’abattais ma rage avec la même violence et la même célérité que depuis le début de mon attaque. Le septième et huitième assaut le fit reculer, ne provoquant que de légères lacérations. Il se trouvait maintenant collé à une grosse armoire, exactement ce que je voulais, j’avais réussi à le repousser et maintenant qu’il ne pouvait plus reculer, mon attaque prenait enfin un sens. Kazuo chargeait à nouveau et c’est son arme et la mienne qui conclurent l’affrontement. Kazuo embrocha son épaule gauche du bout de sa lame avec une force suffisante pour que la lame pénètre le bois du meuble derrière. Mon katana fit de même pour l’épaule droite, mon coup fut cependant un peu moins fort mais ma lame se figea également dans le bois, Hatori devait souffrir le martyr et je dois admettre que j’en étais que des plus heureuses. Je lui voulais une mort douloureuse, lente et déshonorante comme tout Oyashima n’en avait jamais vu. Ce n’était certes pas vraiment dans l’esprit du samouraï, mais sur le coup je m’en fichais, j’étais également dans mon droit de vouloir sa tête dés le moment ou il avait tenté de m’abattre et il m’était libre de choisir la façon de le mettre à mort. D’autre part je pense que c’est ce que Katsuni lui aurait voulu, une mort lente. Pour le coup j’aurai voulu qu’elle soit juste à côté de nous, observant la scène, j’aurais même accepté qu’elle me lance une pique comme elle le faisait si bien, ou qu’elle glousse comme une folle à la vue de la brutalité de la scène.

Je pris d’abord la parole, avec un ton agressif que Kazuo n’avait pas vu depuis des années. Je m’adressais cependant à Hatori, dans notre langue natale.

« - N’espère pas t’en tirer comme ça je ne compte pas te laisser mourir sans explications, je ne compte même pas te laisser mourir si vite. Je vais t’accorder une agonie si lente que tu prieras les kamis de prendre ta vie avant que je ne me décide enfin à y mettre un terme. Alors parle, et fait le bien ! »

Devant son air amusé, je secouais légèrement le manche de mon katana que je tenais encore fermement, le mouvement de la lame, bien qu’imperceptible, attisa un nouveau hurlement de douleur et, pour une fois, je devais admettre que je prenais mon pied à voir souffrir ce salopard.
Kazuo ne disait rien sur le coup, il n’est pas impossible que mon comportement le choque au premier abord, il m’avait toujours connue calme et posée, même si j’avais de fâcheuses tendance à lui désobéir, ce qui m’avait valu ce sobriquet de « Fleur Insolente ». En y repensant bien, je pense que si j’avais vraiment du être une fleur, j’aurais été une rose, cerclées d’épines. Hatori avait deux épines plantées dans le corps, je pense qu’il ne m’aurait pas contredit sur ce coup. Il saignait beaucoup mais pas assez pour mourir d’ici les trente ou quarante prochaines minutes dans la mesure ou nos lames faisaient aussi un effet de compression sur les plaies qu’elles avaient causées, limitant ainsi son saignement.
En parlant de saignement, je ressentais un fort picotement au bras. Pas vraiment étonnant, je n'avais pas mes plaques d'armures et il n'était pas étonnant que je m'entaille moi-même lorsque j'oubliais le principe même du calme et de la sérénité. Si Feng m'avait vu, il m'aurait encore réprimandée. Je fixais Kazuo, qui tenait fermement sa lame et Hatori, dont le sang coulait lentement et que la douleur semblait rendre étrangement silencieux au premier abord.

Si il ne voulait pas parler, j’espère qu’il était patient…

La fin.
Hatori rendait l'âme dans une longue agonie, c'est tout ce qu'il méritait. Kazuo n'avait finalement pas changé, il était toujours aussi sanguin lorsque l'on s'attaquait aux personnes qu'il connaissait. Malgré sa blessure il avait trouvé assez de force pour retirer la lame de l'épaule de l'imposteur. Il avait esquivé mon regard et n'avait réagi qu'à la raillerie de l'ennemi, un geste brusque et expéditif, c'était sur, Kazuo était toujours ce frère que j'avais connu.
J'essuyais également mes lames avant de rengainer, Kazuo ne me laissa pas le temps de parler qu'il m'attrapait la main et m’entraînait dans le bureau à côté. Un homme arrivait un courant, ils n'échangèrent qu'un bref signe de tête et je le voyais aller vers Katsuni. Qui était-il ? Un guérisseur ? Katsuni était elle en vie ? Je n’eus pas le temps de vérifier ce qu'il faisait que Kazuo me prenais déjà dans ses bras, je ne m'y attendais pas le moins du monde. Nous n'avions jamais été si proches, Kazuo était l'ainé, il avait été soumis à une forte éducation déjà au moment je venais au monde et nous n'avions pas partagé beaucoup de moments agréables tout les deux, contrairement à Seijin.

Et pourtant, pour la première fois depuis des années et des années, il me serrait dans ses bras. Je n'espérais plus avoir le droit à ceci depuis longtemps. C'est cependant soulagée de le savoir sain et sauf que je lui rendais son étreinte tout en retenant mes larmes. J'étais heureuse de le revoir après tout ce temps, soulagée de savoir qu'il n'était pas l'instigateur du complot en question. Du moins tout n'était pas sa faute, c'était tout ce qui comptait à mes yeux. Katsuni ne m'avait pas menti enfin, pas sur tout, elle m'avait bien expliqué que Kazuo avait une envie de vengeance elle n'avait cependant pas précisé qu'il n'était pas celui qui commandait réellement. Katsuni avait tout sacrifié pour mon frère, jusqu'à sa propre vie, je ne pouvais que la respecter pour cela. Je n'avais jamais supporté cette vipère et maintenant que j'apprenais tout ça, j'avais des remords en repensant à tout ce que je lui avais dit et comment je l'avais traitée. Elle aurait mérité de vivre encore aux côtés de mon frère, heureuse avec son dragon.
Kazuo me relâchait pour faire un pas en arrière, esquivant de nouveau mon regard, par honte sûrement.

« Regarde ce que je suis devenu... j’ai tout perdu par envie de vengeance, tout perdu parce que je pensais pouvoir leur prouver que je suis un homme bien. Jamais la mort de Père ne pourra être honorée par un homme comme moi, jamais je ne pourrai regarder ceux qui m’ont pointé du doigt à nouveau... j’ai honte, tellement honte, Karaleth... je ne suis plus qu’une loque...
Je t’en prie, tu es la seule à pouvoir le faire... tue-moi ! J’ai réussi à éliminer Hatori... laisse-moi mourir en homme blessé mais bon... tue-moi, Karaleth ! »


Il avait cédé aux larmes, à genoux devant moi, mes mains dans les siennes il venait de me demander l'inconcevable.
Il l'avait fait, il le voulait, il voulait que je le tue. Il voulait mourir des mains de sa propre sœur mais moi, je ne voulais pas, je ne pouvais pas faire ça maintenant.
Katsuni avait donné sa vie pour qu'il vive heureux, notre père s'était sacrifié pour le même motif il y a six ans. Sa demande, je la trouvais égoïste. Il venait de mettre fin au complot qui allait à l'encontre du clan, il avait tué leur chef. Bien qu'il ait été l'instigateur du mouvement, il était celui qui avait empêché de lourdes conséquences dans notre clan. Peut être avait-il cru que j’étais ici pour cela ? Ou peut être ne voulait il pas affronter ceux qui l’avait accusé ? Non mon frère n’était pas un lâche. Je ne voulais pas le tuer, certainement pas après avoir traversé tout ça. Une larme coula le long de mon visage tandis qu’il me fixait avec un regard si déterminé qu’un instant, j’ai eu peur qu’il prenne mon katana pour mettre fin à ses jours lui-même. Je me posai a genoux en face de lui, jetant mes armes plus loin et le prit à nouveau dans mes bras et commençait à dire, la voix tremblotante et étouffée :

« - Crétin… »

Je crois que ça aussi, ça faisait longtemps que je ne lui avais pas dit. Mes sanglots entrecoupaient mes phrases mais je parvenais à rester compréhensible.

« - Je ne t’ai pas cherché toutes ces années pour t’entendre me dire des choses pareilles… Je t’ai cherché pour t’aider, t’aider comme je n’ai pas pu le faire il y a six ans. Je refuse de te tuer, Katsuni voulait que je te sauve et je ne trahirais pas son souhait. Père s’est sacrifié pour toi, il voulait que tu vives et que tu deviennes fort, que tu affrontes tous ces gens qui te pointaient d’un doigt accusateur. Ils ont voulu te briser, pendant des années tout le monde a cru qu’ils avaient réussi, mais maintenant que je suis là et que j’ai vu tout ceci, je sais que tu n’as jamais abandonné. Rappelle toi ce que disait père : « La vérité est le prix de l’honneur et elle flâne derrière le mensonge ». »

Mes paroles semblaient avoir un impact sur lui, peut être comprenait il ce que je voulais qu’il fasse, ce que notre père et Katsuni voulaient qu’il fasse.

« - Je t’aiderai, tu es mon frère, tu es Kazuo Shuzen. Je ne laisserai personne entacher ton honneur et rendre le sacrifice de Katsuni vain, je te le jure… Sur mon honneur ! »

Mes larmes coulaient et j’arrivais de moins en moins bien à m’exprimer, je ne voulais pas que mon frère finisse comme ses accusateur le souhaitaient. Kazuo savait que j’étais déterminée, il ne m’avait d’ailleurs jamais vu pleurer comme ça…