Sora était arrivée au palais des neiges quelques temps après le début de la soirée. Il faut dire que suite au message de l’ambassadrice qu’elle avait reçu quelques jours à peine auparavant, elle avait dû faire tous ses préparatifs de voyage à vitesse grand V. Enfin, le plus dur avait surtout été pour elle de choisir La bonne tenue à présenter à la cour de Storgein. Au grand damne d’Aden, sa patronne avait passé trois jours à mettre sa villa (et plus exactement son dressing légèrement plus grand que le salon d’apparat) sens dessus dessous, transformant l’habitation en véritable bazar ou tissus soyeux et draperies trainaient au sol en compagnie des pierres les plus précieuses et des bijoux les plus fins. Aaaah ! Qu’est-ce qu’elle aimait se faire belle ! Ça lui faisait oublier un instant sa quête impossible du savoir absolue. En gros, elle compensait son manque en achetant des paires de chaussures. Et des robes. Et des bijoux. Et des tas d’autres trucs qu’elle ne porterait sûrement qu’une fois voir jamais. Mais comme elle pouvait se le permettre, pourquoi pas ?

Elle avait donc finit par choisir (décrochant un soupir de soulagement assez impressionnant chez Aden) une robe en soie turquoise (tissus tout droit débarqué d’Oyashima), simple mais terriblement élégante, cintrée à la taille par un ruban brodé de fils d’or. Son décolleté était subtilement mis en valeur par une fine chaîne dorée d’où pendaient quatre perles de tailles assez importante venant directement des huîtres perlières cydiennes. Un châle ondulant entre le turquoise, le nacré et l’or venait compléter sa tenue, lui évitant si nécessaire, d’attraper froid en ce début d’automne.

En arrivant au palais, Sora avait croisé la princesse amazone : Eléa. Au cours de ces quatre dernières années, elle n’avait eu que très peu d’occasions de revoir la jeune femme et sa sœur, la charmante et si jolie Jelenna. Ce soir-là quand elle la croisa au détour d’un couloir, elle avait sa mine des mauvais jours peinte sur le visage. Vu qu’elle portait ses habits ordinaires, Sora en déduit qu’elle n’était pas franchement là par plaisir et se ravie intérieurement de n’avoir aucune responsabilité envers personne. Eléa aussi l’avait remarqué mais les deux femmes se contentèrent d’un signe de tête pour se saluer. Elles n’avaient jamais été vraiment proche, bien qu’aillant combattu côte à côte contre Azael et ses cavaliers (surtout Eléa et les autres… Sora se contentant de noyer ses ennemis dans des injures de son jus). Bien qu’elle admirait la jeune femme et était persuadée qu’elle ferait une grande reine, leurs … caractères ne s’accordaient pas franchement. Eléa passait son temps à penser aux autres alors que Sora en parfaite égoïste ne pensait qu’à elle (et elle en était fière). Enfin bon, au moins l’amazone allait elle bien malgré ses contrariétés momentanées.

Sora avait donc finit par rejoindre la salle de bal. L’Oblat qui s’intéressait de près à ses recherches sur le passé de Storgein n’était hélas pas approchable vu la queue de courtisans (qu’elle avait sûrement envie d’empaler un à un) qui voulaient la saluer. De toute façon elle n’était pas là pour faire des courbettes mais plutôt par curiosité de découvrir ce qu’était cette « demande peu banale » dont une certaine ambassadrice lui parlait dans son invitation. En reparlant de cette missive, le passage qu’elle avait préféré était décidément le « une légende telle que vous ». Rien que ça. Sora gloussa faisant sursauter le serveur qui passé derrière elle. Elle en profita pour lui voler une des coupes de champagne qu’il tenait en équilibre sur son plateau. Elle y trempa ses lèvres et clos ses paupières de plaisir. On savait recevoir à Storgein, pas de doute !

Quand elle rouvrit les yeux ce fut pour découvrir un joli brin de femme vêtu d’une robe qui semblait flotter autour d’elle lui donnant des allures d’ange tombée du ciel. La génétique faisait décidemment des merveilles sur ce cher petit monde. Quand elle ouvrit la bouche pour déverser son flot de questions et de politesses Sora découvrit que cette gamine n’était autre que la dire conseillère qui l’avait invité. Quel âge avait-elle ? Vingt ans tout au plus ! Comment une femme aussi jeune pouvait-elle déjà être ambassadrice ? Soit elle connaissait les bonnes personnes, soit elle était très douée. A moins que cela ne soit les deux ? Tout ce qu’espérait l’almer était qu’elle n’allait pas lui demander de tremper dans quoi que ce soit de politique. Brrr… Il n’y aurait rien de plus désagréable.

Acceptant la proposition de la jeune femme de prendre des « délectations », elle finit sa première coupe déjà bien entamée et la remplaça par une seconde bien plus pleine. Ce champagne était vraiment exquis. Alors qu’elles arrivaient sur le balcon, Sora réajusta son châle pour mieux savourer le petit vent frais qui parcourait la nuit sans pour autant attraper froid. Aden détestait qu’elle attrape fois car il n’y avait rien de pire qu’une Sora enrhumée qui hurlait des insultes à tout bout de champs en parlant du nez (ce qui la rendait complètement incompréhensible même si sa colère restait palpable notamment à cause des nombreux objets qu’elle se mettait à balancer au travers de la pièce) parce-qu’elle ne supportait plus le nez qui coule etc. etc. etc.. La vie d’un garde du corps, c’est dur.
Enfin bref, je m’égare un peu.

-Le voyage s’est très bien passé merci.

D’un œil expert, Sora étudiait les courbes de la jeune femme. Miam. Cette jeune et frêle jeune fille était décidément à croquer dans sa petite robe claire. Un rien naïve et rêveuse et pourtant déterminée –sinon elle ne serait pas à ce poste-, avec son petit air fragile et ses grands yeux bleus, elle devait collectionner les prétendants. L’idée qu’elle devait rougir facilement gambada dans l’esprit de l’almer, imprimant un léger sourire sur son visage.

-Et bien, si cette affaire vous tient tant à cœur, expliquez-moi donc ce que je peux faire pour vous jeune fille.

[La robe de Sora que j'ai rapidement croqué. Par contre mon scanner ne marche plus ! Désolée pour la mauvaise qualité de la photo ! ><
Ici]

-Naviguez-vous très chère ?

A ces mots, un rictus rempli de mauvais souvenir apparu sur les lèvres de Sora. Si elle… naviguait ? L’espace d’un instant elle se rappela les contorsions que son estomac avait subies lors de son dernier voyage pour les îles du Nord. Elle en frissonna d’horreur. Sûr que longtemps encore ses matelots chanteraient avec quelle grâce elle s’était vidée sur le ponton sitôt après avoir mis un pied dessus, avec quelle ardeur elle s’était accrochée à la rambarde –plus morte que vive- pour lutter contre des roulis qui semblaient venir tout droit de la fin du monde, avec quel maintient elle avait discuté avec le capitaine, grelotant et tremblant sous les hauts le cœur, le visage passant du blanc au vert à intervalles réguliers et ne rêvant que de rejoindre la terre ferme. Vous l’aurait compris, Sora avait le mal de mer. Si tant est qu’on puisse nommer ainsi l’état semi cadavérique fortement sujet aux convulsions dans lequel elle était.
Donc non, elle ne naviguait pas tant qu’elle n’y était pas fortement obligée pour raison de fin du monde ou de découverte historique. Car oui, ces dernières années, son obsession pour les choses du passé était devenue telle qu’elle arrivait à se convaincre à monter sur ces maudits rafiots. Ce qu’elle regrettait d’ailleurs aussitôt (mais elle n’avait alors plus assez de forces pour fuir). Par contre, si elle avait un navire, ça oui elle en avait un ! Cette satanée coquille de noix qui lui en avait fait voir de toutes les couleurs restait une petite merveille astorg en matière de navigation. Et vu qu’elle n’était pas prête de retourner vider son estomac dessus, autant qu’elle le refile à quelqu’un qui saurait mieux l’apprécier.

-J’ai peut-être quelque chose qui pourrait vous intéresser en effet. Et pas plus loin qu’ici même à Storgein.

Sora but une gorgée du délicieux nectar qu’elle tenait dans sa main. Ses yeux se perdirent vers le port de la citée. Les voiles des navires attendant là que quelqu’un les fasse voyager ondulaient dans une douce lumière dorée provenant des tavernes et habitations encore en pleine ébullition à cette heure de la soirée. La jeune femme eu une pensée pour la bière astorg.

¬-Un navire de très bonne qualité et si vous le souhaitez, l’équipage est déjà présent.

L’almer lança alors son regard d’or vers Ashelia, faisant rebondir au passage quelques-unes de ses boucles brunes. Sous la lumière des étoiles, la gorge de la gamine était tout à fait adorable, presque palpable. Et ses yeux auparavant bleus semblaient à présent hésiter entre l’or de la salle de réception et la blancheur de la Lune. Elle fit un pas en avant de manière à ce que seuls leurs souffles les séparent. Du bout des doigts, elle ramena une des mèches délicieusement rebelle de la jolie elfe afin de mieux admirer ses prunelles azurées. Elle plissa légèrement ses yeux, comme pour mieux discerner ce qu’il se passait derrière le visage si pur d’Ashelia.

-Mais ce genre de discussion peut bien attendre l’aube n’est-ce pas ? Laissons les affaires et profitons plutôt de cette nuit merveilleuse comme il se doit.

Ses doigts ayant quitté la mèche d’or, ils s’égarèrent un instant sur la gorge de la jeune femme avant de rejoindre son épaule et de glisser le long de son bras telle une brise légère. Sa peau brune et chaude rencontrant à peine celle plus blanche et pur d’Ashelia. Elle se pencha alors imperceptiblement vers sa compagne, rapprochant leurs lèvres à moins d’un souffle de distance, mais finalement préféra se retirer, comme s’il ne s’était rien passé. Comme un souvenir lointain…

-A moins bien sûr que vous ne préfériez reprendre un de ces délicieux verres de champagne pour aller discuter affaire dans un coin un peu plus intime comme votre bureau bien sûr.

Arf. Dommage. Visiblement la jolie blonde n’était pas vraiment intéressée. Ou en tout cas, pas par ses charmes. Et même si la jeune femme en restait terriblement sensuelle et attirante, elle avait oublié que Sora aussi était une experte en la matière. Elle avait parfaitement conscience du petit jeu dans lequel elle voulait l’entraîner. Et n’était pas disposée à y entrer surtout en pensant à l’absence de récompense. Elle observa une dernière fois la peau de lait de la demi elfe avec envie puis tira définitivement un trait dessus. Tout du moins pour l’instant. Car si visiblement la jeune femme n’avait aucune envie de passer la nuit avec elle, l’avenir restait ouvert. Elles pourraient très bien, un de ces jours, se rencontrer de manière plus… intimes.
Mais le moment n’était plus aux fantasmes mais aux affaires comme l’avait si bien fait remarquer Ashelia. Bien qu’elle ait été déçue par le tournant qu’avait pris la soirée (bien loin de ses prévision… quel dommage !), Sora savait rester professionnel. Elle accepta de bonne grâce la coupe de champagne que sa cliente lui proposa donc tout en pensant qu’elle s’y croyait vraiment c’te gamine avec ses « merveilleuse soirée » et « accord commercial ». Bon ok, elle n’avait peut-être pas si bien digéré l’épisode de « tu ne m’auras jamais mais regarde comme je papillonne bien des cils pour te faire signer mon contrat ». On parlait d’un bateau hein ! D’un de ces fichus rafiot qui coulait pour un oui ou pour un nom si tant est qu’on les secoue un peu. Et dieu seul savait à quel point elle détestait quand on les secouait. Alors de là à parler d’un accord commercial ! C’était un rien pompeux.
Sentant que la mauvaise humeur la gagnait de manière un peu trop importante à son goût, elle décida de se concentrer sur les faits et s’accouda au balcon.

- Il s’agit d’un petit trois mats de 36m de longs. Idéal pour le transport de voyageur et de marchandises légères et donc, il me semble, pour ce que vous recherchez chez un raf… navire. Sa vitesse de pointe est de 18 nœuds et sa coque est en bois doublée intérieurement de fer. Bien sûr l’équipage sera compris dans le prix.

Blablabla… Décidément elle n’aimait pas les bateaux. Et cette soirée commençait à l’ennuyer. Les lumières du port continuaient de danser dans la nuit, l’hypnotisant un rien. Les auberges devaient être bondées par cette belle nuit d’automne. Les chants des marins devaient résonner fort et haut dans les gorges alcoolisées. Mais ici, on n’entendait rien d’autre que la musique, le bruit ininterrompu des conversations et le cliquetis incessant des chaussures sur les belles dalles de pierre du palais.
Sora fit la moue en se retournant vers le beau visage de son hôte. Vraiment, quel dommage. M’enfin bon. La soirée n’était pas forcément totalement gâchée. Le champagne était bon, la musique agréable et certains des invités avaient tout de gravure de mode. Ce qui devait d’ailleurs sûrement être le cas pour certain d’eux.
Elle but une gorgée de champagne et tandis la main que tenait la coupe vers la jeune femme. Son index tendu frôla une nouvelle fois le bras d’Ashelia.

- Vraiment quel dommage. Prévenez-moi si vous changez d’avis.

Elle tourna alors les talons et repartie vers la fête, abandonnant le balcon et son air frais pour la chaleur confinée de la salle de bal. Elle se sentait un rien frustrée ce soir.

- Vous me payerez demain et il sera à vous.