Une elfe à peau sombre entra dans l'autel. Ses longs cheveux couleur corbeau noués en une queue haute lui allaient jusque dans le milieu du dos. Ils étaient bien lisses, brillants et sentaient bons, la jeune elfe en prenait visiblement soin. Des mèches plus courtes retombaient gracieusement sur son visage. Ses yeux noirs et vifs firent rapidement le tour de la pièce. Un haut de cuir à col rond soulignait joliment sa poitrine, grâce à un lien que l'on pouvait resserrer sous celle ci. Elle était en manche courtes, et un pantalon foncé tout simple en coton sur des bottines de cuir finissait l'ensemble. Elle aurait pu ressembler à une vraie dame de Silmarie ; elle aurait pu. Si l'on faisait abstraction de sa carrure athlétique, de ses nombreuses cicatrices à divers endroits et surtout à l'épée qui était visiblement dans le fourreau qu'elle portait à sa droite. Voici plusieurs jours qu'Ilmarë était rentrée, elle avait pu discuter avec son père et avait apprit une chose troublante. Tout comme elle-même, le corps de son fils n'avait pas été retrouvé. Etait-il toujours vivant ? La jeune femme associait cette bonne nouvelle à sa décision de rentrer dans sa cité. C'était forcément un signe, elle devait revenir. Tout comme cette rencontre avec ce prêtre, suivie par celle d'un jeune elfe blond ressemblant à son défunt mari, et son rejet d'Erathia : tout l'avait poussée à revenir ici. Elle avait beaucoup repensé aux paroles de Reyan. Elle avait eu la bénédiction de son Dieu, il lui fallait maintenant celle de sa propre Déesse. C'est pourquoi elle se trouvait ici aujourd'hui. Elle avait laissé son éternel manteau noir chez elle, non seulement par souci de confort - car il faisait toujours chaud pour la saison - mais aussi par souci de respect pour sa Déesse. Elle n'avait rien à lui cacher, que ce soit ses pêchés ou son visage. Elle se dirigea directement vers l'autel, au centre de la pièce, et s'agenouilla devant.

*Pardonnez moi, Déesse, car j'ai pêché. La vie m'a ôté ce que j'avais de plus cher, ce qui comptait plus que tout au monde pour moi. Ils se sont fait tuer sous mes yeux, sans que je ne puisse rien faire. J'ai été impuissante, incapable de les aider. J'ai ensuite dédié ma vie à massacrer tous ceux qui ressemblaient de prêt ou de loin à mes bourreaux : agissant ainsi comme eux. J'ai prit conscience il y a peu de mes actes, j'étais aveuglée par la vengeance. Je ne suis plus qu'une âme en peine à la recherche de votre pardon. On m'a offert une chance de me racheter. Et vous , m'accorderez-vous la rédemption ? Mon bras et mon épée seront vôtres si vous le souhaitez. Utilisez-moi, mettez moi au défi de faire quoi que ce soit, je suis prête à me mettre à votre service de n'importe quelle des façons. Dites-moi simplement comment, et j'obéirais.*

L'elfe, agenouillée devant l'autel, adressait sa prière muette à Sa Déesse toute puissante. Elle ne savait pas elle-même si elle attendait vraiment une réponse. Le simple fait de venir lui avouer ses actes à son autel apaisait quelque peu ses souffrances.

Une présence la tira de ses muettes pensées. Une jeune elfe, une enfant même, était arrivée elle aussi à l'autel. Elle était vêtue simplement d'une robe, assez jolie, et d'un bracelet. La simplicité de sa tenue pourrait faire croire d'elle qu'elle était une enfant du peuple, mais sa façon de se tenir et de marcher disaient le contraire. De plus, la robe était assez travaillée. De même, ses cheveux avaient été laissés au gré du vent mais on voyait qu'ils étaient bien entretenus. L'enfant en elle-même portait à confusion, ce n'était presque plus une enfant et pourtant elle était encore loin d'être une adulte. Elle l’intriguait, sans savoir pourquoi. Ilmarë avait l'habitude de deviner beaucoup de choses sur les personnes d'un simple regard, mais là, cette enfant était une énigme. Puis elle se rendit compte de son regard appuyé sur la jeune elfe et le détourna vers l'autel. Ainsi donc, des gens de tous horizons, de tous âges venaient se recueillir et prier ici. La Déesse acceptait tout le monde, peut-être accéderait-elle à sa requête ? Son regard se tourna encore une fois vers la nouvelle arrivante. Elle était seule. Se pourrait-il qu'elle aussi aie perdu des êtres chers, et qu'elle prie pour leur salut ?

* Bien trop de souffrance, encore et toujours de la souffrance. Et moi qui n'ai fait que la perpétrer ! Aurais-je la chance un jour de me faire pardonner, d'expier mes fautes ? Te sens tu seule, jeune fille ? Désires-tu discuter ? Discuter... Je ferais une bien piètre interlocutrice ! *

Elle se releva, et entreprit d'observer la pièce où elle se trouvait. En se déplaçant le plus discrètement qu'elle le pût. Elle voulait s'imprégner de la quiétude de ce lieu, sentir sa Déesse. Regarder chaque détail pour s'en souvenir et se rappeler de cet endroit pour l'apaiser dans ses moments d’égarement.

Eloween n'avait jamais été une enfant particulièrement difficile à vivre, bien au contraire, dès sa plus tendre enfance, dont elle n'avait visiblement plus aucun souvenir ou presque, elle s'était révélée être une enfant relativement docile et douce. Etait-ce pour cette raison que l'âme de Silmaria l'avait choisi, elle et non une autre ? L'enfant l'ignorait et, quelque part, elle préférait ne pas trouver la réponse de peur d'être déçue ou de ne pas comprendre. Les dieux avaient leur raison et les humains ou les Elfes n'étaient pas censés interférer. Telles étaient les lois de ce monde n'est-ce-pas ? Sans plus penser à rien, la petite fille ouvrit son Esprit au monde et, sans hésiter, elle se mit à prier.

* Silmaria, mère de tous, protège le faible comme le fort, l'opprimé comme l'aisé, l'enfant comme son père. Silmaria, déesse parmi les dieux, que ton amour enveloppe notre âme, que ton courage anime nos cœurs meurtris … *

La Grande Prêtresse sentait autour d'elle la détresse mêlée à la satisfaction, l'inquiétude ou encore, l'apaisement. Le temple dédié à Silmaria, tout comme celui voué au culte d'Esra avait toujours le don de rassembler les sentiments et les émotions de ceux qui foulaient son parvis. C'était dans cet univers que la petite demoiselle se sentait le mieux, en effet, ce n'était qu'ici qu'elle se sentait bien. Dans ce tohu-bohu de sentiments, la jeune prêtresse se sentait utile. Elle envoya des ondes pacifiques et douces envers chaque être présent dans la pièce. Si les dieux lui avaient confié un don aussi précieux que l'Esprit, sans doutes était-ce uniquement pour cela, pour apaiser le monde et amener la paix, du moins l'enfant l'interprétait-elle ainsi.

En parcourant chaque personne présente, l'Esprit de la petite s'attarda sur celui de la jeune femme près d'elle, qui s'était levée entre temps, se déplaçant en silence dans les lieux. Etonnée, Eloween resta doucement plus longtemps sur son cas et, sans savoir pourquoi, se sentit envahi de diverses émotions allant du remord, de la culpabilité à la tristesse. Ouvrant les yeux, la demoiselle ne put s'empêcher de se sentir touchée par la situation de la jeune inconnue. Sans doutes le bon sens général aurait-il voulu qu'elle ne s'approche pas de cette dernière, du moins pas seule sans savoir d'où elle venait et qui elle était mais la petite réincarnation de Silmaria n'avait jamais eu ce genre de bon sens. Sans hésiter une seule seconde, elle s'approcha de la jeune femme et, posant instinctivement une main sur le bras de cette dernière, avec une infinie douceur, elle s'exprima calmement :

« Que Silmaria te protège. »

L'enfant aurait été bien incapable de dire pourquoi elle s'était exprimée ainsi tout comme elle aurait été totalement incapable d'expliquer pourquoi elle se sentait attirée par la jeune femme mais peu importait le pourquoi du comment, seuls les actes comptaient et tout ce qu'elle savait, c'était qu'il fallait qu'elle lui parle. Qu'elle la comprenne.

« Je m'appelle Eloween »

Elle n'osait pas demander son prénom à cette jeune femme mais peu importait, le lien était créé désormais.

[ Désolée, c'est court ^^' ]

Haaaa mais j'avais pas vu que tu avais répondu, quelle boulette!

La main qui se posa sur son bras la sorti de sa contemplation. En temps normal elle aurait prit ce geste comme une agression et aurait réagi au quart de tour. Mais la main s'était posée avec une agréable douceur, et la voix qui l'accompagnait l'était tout autant :

- « Que Silmaria te protège. »

C'était la petite fille qui était entrée après elle. Sans savoir s'expliquer pourquoi ni comment, sa présence à côté d'elle et ce contact apaisaient ses pensées. Était-ce une signe ? Les paroles paraissaient bien adultes dans la bouche d'une si jeune enfant, mais elle avait l'air tout à fait à l'aise.

- « Je m'appelle Eloween »

Eloween ? Un bien joli prénom, qui lui disait quelque chose. Mais quoi ? Elle était certaine de l'avoir déjà entendu. Et que c'était important. Mais elle eut beau fouiller dans ses souvenirs elle ne trouva pas. Elle sentait que quelque chose lui échappait. Cette petite fille était bien étrange, elle avait une attitude et un langage d'adulte, sa présence l'apaisait et son prénom lui était familier. Mais elle n'avait pas le temps de chercher, elle attendait une réponse et il était malpoli de la faire patienter plus longtemps. Ilmarë lui sourit et s'inclina pour répondre à sa présentation. Elle posa timidement sa main sur celle de l'enfant, toujours posée sur son bras. Cela la recouvrit presque totalement. Une petite main douce et chaude qui lui prenait le bras... Melian. Il lui manquait énormément. Qu'était-il devenu ? Si quelqu'un était entré à cet instant, il se serait sûrement demandé à quoi jouaient les deux elfes. Soudain, elle se rappela. Eloween, c'était le prénom de la nouvelle prêtresse ! Cette enfant en face d'elle, qui était venue lui parler n'était autre que la grande prêtresse ! C'était un grand honneur de lui parler directement et qu'elle soit venue la voir en personne.

* Déesse Silmaria, est-ce donc là votre réponse ? *

Tout était clair, elle savait parfaitement quoi faire. Elle retira doucement sa main et son bras, et sorti son épée de son fourreau. Elle espérait ne pas faire peur à Eloween en faisant ce geste, mais elle ne risquait rien, et surtout pas dans un tel endroit. Elle mit un genou à terre devant la prêtresse, et lui présenta son épée à plat sur ses deux mains tendues vers elle.

* Prêtresse, permettez moi de me racheter. Je suis venue prier en ce temple pour chercher ma voie. Et la Déesse vous a envoyée à moi. Permettez moi de mettre mon épée à votre service, je jure de vous protéger au péril de ma vie. Je n'ai plus rien à perdre, vous si. Vous êtes ce que Silmarie a de plus cher, permettez moi de protéger votre peuple en vous protégeant. Je comprends aussi toutes les langues d'Azthia, pas parfaitement il est vrai mais assez pour comprendre et déjouer les complots. Je sais aussi guérir de l’empoisonnement. J'ai lu bon nombre de livres dans la bibliothèque et je sais comment marche la politique. Personne ne se méfiera de moi, je serais votre ombre muette, toujours à vos côtés. Permettez moi de me racheter en étant votre plus fidèle alliée et vous ferez de moi la plus heureuse des elfes. *

Ilmarë attendait sagement une réponse de la prêtresse. La petite n'était pas stupide, même si elle ne pouvait lui dire pourquoi elle faisait ça de vive voix elle avait sûrement dû comprendre la symbolique de ce geste.

[ XD ]

Eloween était une enfant étrange, la plupart du temps, elle était totalement inconsciente du danger qu'elle encourait ou des risques qu'elle prenait mais pour autant, elle était attentive au moindre changement dans la personnalité de quelqu'un et surtout, elle allait au devant de tout ceux qu'elle estimait avoir besoin d'elle. Si les débuts avaient été difficiles, la demoiselle prenait désormais pleinement conscience de son rôle de Grande Prêtresse et en comprenait enfin le sens. Elle n'était pas là pour autre chose que pour guider un peuple vers la lumière. Son propre peuple qu'elle aimait par dessus tout. Il lui avait fallu près de quatre longues années pour le comprendre, et certes elle avait toujours du mal à l'assimiler, mais peu importait, au moins était-elle heureuse de pouvoir faire le bien autour d'elle et surtout, de pouvoir aider au maximum ceux qui comptaient sur elle. Comment et pourquoi ces changements étaient-ils apparus en elle, la réponse n'avait que peu d'importance, tout ce qui comptait était de faire le bien.

La petite fille sentit sous ses doigts délicats que la jeune femme se contractait légèrement avant de se détendre. Pas un seul instant n'avait-elle pu songer que la demoiselle pourrait réagir violemment à sa démarche, pas un seul instant Eloween n'avait pensé que la jeune femme pourrait considérer son acte comme une agression. Pour l'enfant, tout ça n'était que pure instinct, elle n'agissait jamais dans ce genre de situation en obéissant aux lois de la logique et de la prudence, ou si peu que Arwen, sa Tutrice, finissait par s'en arracher les cheveux. Un sourire calme et paisible étira les lèvres rosées de la petite Elfe tendit que son regard noisette plongeait dans celui de son interlocutrice.
Il était des choses que seul l'Esprit pouvait ressentir quand les mots ne suffisaient plus pour le traduire. Eloween était une enfant perspicace et si son don s'était éveillé à elle beaucoup trop tôt, ou encore, si elle n'avait que rarement l'occasion de tenter de le maîtriser plus d'une heure avec un maître Templier, elle parvenait à en comprendre les tenants et les aboutissants même si elle n'en maîtrisait pas tout. Aussi, elle sentit la vague d'émotions étreindre la jeune femme et se demanda ce qu'elle avait provoqué car, de toute évidence, c'était elle la cause de ce « désagrément ». Ce sentiment laissa place à la surprise et à quelque chose comme de la fierté ou tout du moins, un sentiment que la petite avait du mal à décrire et à analyser si bien qu'elle cessa son intrusion pour finalement attendre.

La jeune femme retira en douceur son bras et sa main si bien que la gamine ne s'en offusqua pas et attendit au contraire la suite. Après des présentations quelque peu étrange mais pour autant naturelles, la petite demoiselle se demandait pourquoi son interlocutrice ne lui adressait pas la parole. Intriguée sans pour autant vouloir la brusquer, elle se contenta de sourire à nouveau, attendant la suite des événements. Lorsqu'elle sortit son épée de son fourreau, la Grande Prêtresse eu un doutes, pour sur, mais pour autant, elle ne bougea pas et au contraire, resta bien droite face à la menace. Arwen lui avait dit que la meilleure défense dans son cas était la fuite mais la petite fille s'y refusait, estimant qu'il était de son devoir de faire face à l'adversité. Si la Grande Prêtresse en personne se refusait à affronter le danger, quand bien même serait-elle morte de peur intérieurement, quelle image donnerait-elle à ses fidèles ? Elle était le guide et cela, la petite l'avait parfaitement intégré même si pour l'heure, elle ne faisait pas la fière pour autant.

La demoiselle fut clairement étonnée de voir la jeune femme s'agenouiller tandis que déjà, des gardes accourraient pour la secourir. Elle fit un geste de main pour les arrêter en pleine course, son regard leur intimant très clairement de ne pas aller au devant de leurs intentions. La jeune femme ne parlait pas mais elle demandait clairement d'être « adoubée » si Eloween comprenait bien le geste. Elle avait lu quelque part dans ses ouvrages que ce genre de symbolique était normalement réservée aux chevaliers qui offraient leur vie à leur seigneur pour les protéger. Si elle comprenait bien, la jeune femme mettait son épée à son service non ?

« Aurais-tu tant souffert que tu ne parles plus ? » demanda dans un premier temps l'enfant avant de reprendre plus doucement, faisant en sorte que sa voix ne trahisse plus ou le moins possible l'étonnement, « Silmaria éclaire la vie de ceux qui marchent pour elle, si tel est ton choix, accepterais-tu de marcher à mes côtés ? Les journées sont longues et semées d’embûches, une épée comme une amie seraient mes plus fidèles alliées. »

La petite ignorait pourquoi elle réagissait ainsi. Après tout, cette Elfe lui était totalement inconnue et lui proposait peut-être son épée uniquement pour mieux l'amadouer et l'attaquer ensuite, sans doutes Arwen dirait-elle cela d'ailleurs -même si elle devrait au final se plier au choix de la Grande Prêtresse- mais peu importait, Eloween sentait qu'elle devait agir de la sorte et que c'était le mieux à faire. Au fond d'elle, la petite en était persuadée.

« Relève-toi, à cœur pur l'on ne demande de s'agenouiller. Quel est ton nom ? Suis-je sotte, tu ne sais sans doutes pas parler, saurais-tu l'écrire ? Ou me le faire deviner si tu préfères. »

Voilà qu'on sentait dans ces quelques mots la malice d'une jeune enfant. Deviner un prénom voilà qui était une proposition totalement décalée avec l'ampleur de la discussion présente n'est-ce-pas ? Eloween s'en moquait, si elle comprenait son rôle, elle n'en restait pas moins une enfant de dix ans à peine qui ne souhaitait pas être amenée à grandir plus vite qu'elle ne le devait déjà.

« J'accepte ton épée comme ta présence, souhaites-tu devenir ma dame de compagnie sang de mon sang ? »

Tiens, cette formule de politesse, c'était à Isil qu'elle l'avait appris ! Elle signifiait beaucoup pour les Elfes Jinmens et pour elle en conséquence. Quant à la proposition, elle était totalement sincère et totalement improvisée, il fallait bien l'avouer.

L'enfant avait toujours été spéciale, depuis sa plus tendre enfance, elle n'avait eu de cesse d'entendre sa mère lui souffler ces quelques paroles mais encore trop petite pour le comprendre, elle n'en avait jamais tenu compte. Sa mère se doutait-elle ne serait-ce qu'une seconde du destin qui s'offrirait à elle quelques années plus tard, peu après sa mort ? Sans doutes que non mais outre que l'âme de Silmaria l'ai choisie elle, petite Elfe de cinq ans à peine, Eloween avait un don qui dépassait ce simple fait. De tout temps, à toute époque, aussi loin que remonte sa mémoire, l'enfant avait toujours su apaiser le cœur meurtri des autres. Sans que personne ne lui dise quoi que ce soit, elle avait toujours été capable de deviner le mal qui rongeait quelqu'un ou tout du moins, de le « sentir ». Empathique, l'enfant avait grandi en apportait la paix autour d'elle et la joie, sans doutes était-ce l'une des raisons qui avait poussé l'âme de la déesse à se loger dans son cœur. Quoi qu'il en soit, la petite Elfe avait senti que son interlocutrice avait besoin d'elle. Certes aurait-elle été bien incapable de lui dire pourquoi ou encore comment elle avait senti cela mais peu importait dans le fond, seuls comptaient les actes n'est-ce-pas ? En l'occurrence, elle sentait que la jeune femme avait besoin d'elle et, plus que tout, elle ne souhaitait que de l'aider.

Il n'y avait aucun courage, aucune folie non plus dans les actes d'Eloween, seulement une sagesse et un instinct qui lui soufflaient sans qu'elle ne puisse l'expliquer d'agir de la sorte. D'aller au devant de ceux qui souffraient, de les aider autant que possible mais plus encore, de les accompagner, de leur dire non pas que tout irait bien, mais qu'ils ne seraient plus jamais seuls. Elle n'avait rien d'une dirigeante, loin de là, et, malgré son jeune âge, la jeune Elfe était consciente que jamais elle n'aurait le cran et la ténacité de sa prédécesseur … En revanche, elle était tout à fait à même de comprendre qu'elle serait un guide, que ses pas la diriger vers ce destin étrange et inconnu qu'elle acceptait parfois à reculons. Guider un peuple vers la lumière, tel était ce que Nalween avait tenté de faire maladroitement, serait-elle plus à même de remplir cette mission ? Eloween en doutait mais elle sentait en elle une force qui la pousser à avancer malgré tout, à aller de l'avant sans trop y penser.

L'Esprit était également un don qui avait fait défaut à Nalween, la jeune femme, trop peur sure d'elle, avait été incapable de « ressentir » son peuple comme pouvait le faire la jeune Prêtresse. Si elle vouait une admiration sans borne à la jeune femme, elle comprenait cependant que cette lacune lui avait été fatale. Son propre peuple s'était détournée d'elle et de ses décisions car il était incapable de les comprendre comme de les entendre et la pauvre jeune femme n'avait su faire confiance aux siens, elle n'avait pas été en mesure de comprendre les sentiments qui animaient son peuple si bien qu'aujourd'hui, certains la voyaient encore comme une félonne. Aux yeux d'Eloween, la jeune Tribun avait tout fait pour eux, jusqu'à sacrifier sa virginité et son honneur et ce n'était que mal lui rendre ses innombrables sacrifices que de réagir ainsi mais le passé était intouchable, elle ne pouvait qu'espérer changer le futur.
Ses paroles eurent un impact qu'elle ne soupçonnait pas chez la jeune femme. Eloween sentait en elle des sentiments bouleversés et une profonde cicatrice laissée par la tristesse. Si l'enfant ne parvenait pas à en deviner les raisons, elle était cependant en mesure de sentir le trouble de son interlocutrice et, plus encore, un espèce d'espoir qui naissait en elle.

Silmaria était la déesse des Elfes, elle protégeait ceux qui réclamaient son aide, bénissaient ceux qui marchaient dans ses pas et ce n'était pas pour rien qu'elle avait mis cette jeune femme sur son chemin, de cela, Eloween en était persuadée même si au fond, elle n'aurait pas su expliquer pourquoi. Le sourire doux et chaleureux de la jeune femme valait toutes les réponses du monde. « Ce que mot ne peut dire, le corps le fait à la place » lui avait un jour murmuré sa mère tandis qu'elle boudait en silence pour une part de gâteau mangée par erreur. Un sourire valait toutes les réponses et l'enfant ne put s'empêcher d'y répondre à son tour. Elle était à genoux certes bien que cela ne plaise pas à la Grande Prêtresse mais plus que tout, elle acceptait sa proposition.

Sans doutes Arwen la sermonnerait-elle, de cela, Eloween en était même certaine mais peu importait, elle avait senti au fond d'elle le besoin d'agir de la sorte, la nécessité même de sauver cette âme qui ne demandait qu'à retrouver le chemin de la lumière. Tout le monde ne pouvait pas être sauvé certes mais tous en avaient la possibilité, en eux, ils ne leurs manquaient bien souvent qu'une main tendue dans leur direction, un sourire rien que pour eux. La petite demoiselle laissa sa nouvelle dame de compagnie fouiller dans sa sacoche pour en sortir un petit ouvrage. Intriguée et curieuse, elle ne put s'empêcher de manifester de l'intérêt et suivit du regard le doigt de la jeune femme. « Ilmarë », c'était son prénom.

« Ilmarë … C'est un magnifique prénom. » répondit-elle avec douceur et chaleur, un léger sourire flottant sur ses lèvres.

Silmaria ne mettait pas sur son chemin par hasard cette jeune femme, de cela, la Grande Prêtresse en était convaincue et elle aurait désormais tout le temps de découvrir les raisons qui avaient poussé la déesse sylvestre à mener cette âme perdue vers elle.

« J'ignore les chaînes qui entravent encore ton cœur Ilmarë, mais nous serons désormais deux pour les briser » précisa-t-elle d'un ton doux mais néanmoins sérieux, posant ses mains d'enfant sur celle de la jeune femme.

Il ne restait désormais qu'à convaincre sa tutrice du bienfait de son choix mais Eloween était confiante à ce sujet, elle savait que de toute façon, Arwen finirait par plier, non sans râler certes, mais parce que le choix qu'elle venait de faire était d'une logique implacable. Elle avait besoin d'une amie, d'une mère, d'une protectrice et de tout un tas d'autres choses et Silmaria avait mis sur sa route Ilmarë. Ce n'était pas un hasard, c'était le destin, le choix des dieux eux-mêmes que nul, pas même Arwen, ne pourrait contester.

« Je dois te présenter sang de mon sang, afin que personne ne te fasse plus de mal car désormais, nos vies comme nos âmes sont liées. Suis-moi, Arwen doit déjà nous attendre. »

Ce n'était en aucun cas un ordre, plutôt une invitation. On sentait dans la voix de la gamine à la fois l'excitation et l'appréhension. Si elle savait que l'Elfe plierait à sa volonté, elle craignait cependant sa réaction, surtout vis à vis de sa protégée car dans l'esprit de la petite, ce n'était pas Ilmarë qui allait la protéger, mais bel et bien l'inverse.

« As-tu faim ? J'ai envie d'une tarte aux pommes, celle de Mirella sont tellement bonnes qu'il faut absolument que tu en goûtes une ! » conclut-elle, les yeux pétillants de malice et de gourmandise.

[ Désengagée ]
[ Merci pour ce rp ! ^^ ]

Avait-elle, l'espace d'un instant, regretté ses paroles? Avait-elle réfléchi aux conséquences de cet engagement? Si tel était le cas, la jeune prêtresse n'en laissa rien paraître. Elle semblait sûre d'elle même et de son choix. Elle lut la phrase manuscrite et lui fit un compliment sur son prénom. C'est vrai qu'il était très joli, et c'est sa mère qui l'avait choisi, elle ne pouvait que l'aimer.

- « J'ignore les chaînes qui entravent encore ton cœur Ilmarë, mais nous serons désormais deux pour les briser. »

C'était une belle invitation. Elle fut suivie par deux petites mains chaudes qui se posèrent sur les siennes. Un contact une nouvelle fois agréable. Ilmarë apprécia ce geste. C'était comme un scellement de pacte. Elle se promit de protéger, d'aider, d'aimer du mieux qu'elle le pouvait cette petite enfant qui lui faisait face. Et comme elle n'avait pas su le faire pour un, elle le ferait doublement cette fois ci. Son instinct maternel lui disait de prendre soin de cette petite comme de sa propre fille, et c'est ce qu'elle ferait. Silmaria lui avait trouvé un nouveau sens à sa vie, à elle d'assumer, à elle de s'en montrer digne. De se montrer digne de cette nouvelle chance qui s'offrait à elle.

- « Je dois te présenter sang de mon sang, afin que personne ne te fasse plus de mal car désormais, nos vies comme nos âmes sont liées. Suis-moi, Arwen doit déjà nous attendre. »

A ces mots, la jeune elfe rangea son livre dans sa sacoche, et emboita le pas à la Prêtresse. Elle était désormais sa dame de compagnie, et c'était effectif dès maintenant. C'était bien plus que tout ce qu'elle avait pu espérer. Quelqu'un de confiance à qui obéir, quelqu'un qui prendrait des décisions à sa place, et des bonnes. Eloween, malgré son âge, était bien plus mûre qu'elle pour certaines choses, notamment pour décider quoi faire, de la marche à suivre. Ilmarë avait voulu choisir sa voie, seule, et s'était perdue. Si pour revenir dans le droit chemin elle devait obéir à une petite fille de dix ans alors ce n'était pas cher payé. elle était curieuse de savoir la réaction de cette Arwen face à elle. Qu'allait-elle penser de cette alliance assez étrange? Son regard serait certainement empli d'incompréhension, tout comme ceux des gardes en ce moment.

- « As-tu faim ? J'ai envie d'une tarte aux pommes, celle de Mirella sont tellement bonnes qu'il faut absolument que tu en goûtes une ! »

Cela la fit sourire, c'était tellement hors de propos, tellement loin de toutes ces grandes paroles émises juste avant. L'aspect de petite fille d'Eloween pointait son nez. Tant mieux si elle se sentait en confiance et se permettait d'être à l'aise avec elle. Il est vrai qu'Ilmarë ne refuserait pas une bonne part de tarte! Depuis quand n'en avait-elle pas mangé? Elle n'en avait pas prit depuis son retour, et n'avait certainement pas pu en consommer durant son périple de ces dernières années. Qu'elle soit bonne ou non, cette tarte lui semblerait sans nul doute délicieuse. Il faudrait qu'elle fasse attention à sa ligne, à l'avenir. Juste avant de sortir de la chapelle, Ilmarë se retourna vers l'autel et adressa une dernière fois quelques mots silencieux à l'intention de la Déesse.

* Merci, Silmaria.*

Puis elle suivit de nouveau Eloween, vers la route de son destin.

[Désengagée]
[Merci beaucoup à toi!]