8 Tombepluie.

Avez-vous déjà cru en quelqu'un au point de lui prêter votre propre main ? Au point véritablement de donner de soi dans une réelle dévotion prête à vous consumer ? Au point de savoir que vous êtes son protecteur, son bras, et que vous êtes prêts à tout pour son bien ? Car quand le destin s'en mêle, tout ce sur quoi vous reposiez s'écroule sous vous et votre foi devient la source de votre plus profonde peine.

Le jeune métisse avait pour habitude de se rendre sur la tombe de sa mère et c'était de plus en plus souvent qu'il le faisait ces derniers temps. Le voyage vers la cité brumeuse avait été prévu depuis un moment déjà et il comptait rentrer au plus vite au Temple pour voir Jelenna. Le regard de l'enfant se posa instinctivement sur le chat qui se tenait au bout du cimetière et ses muscles se raidirent aussitôt. Le chat noir était le symbole d'Ilith, sans doutes s'attendait-il à ce qu'il se transforme sous ses yeux comme la dernière fois mais il n'en fit rien, au contraire, il plongea son regard dans celui du gamin. Ce fut à cet instant que la biche sortit du bois qui bordait les pierres tombales. Le chat feula de longues secondes à son encontre avant de déguerpir. La biche posa son regard un instant au loin et disparu.
Ce fut à cet instant précis que l'Amazone apparu derrière l'enfant. Elle ne savait pas réellement pourquoi elle était venue jusqu'à ce cimetière mais peu importait après tout, ses pas l'avaient conduit là où elle devait être. La chef des Sentinelles l'avait envoyée en mission dans la cité des brumes, le but étant d'accompagner une enfant de la cité au Temple de Silmaria pour qu'elle y devienne prêtresse de la déesse. « Une mission de la plus haute importance » avait-elle précisé et ce n'était pas faux. Une petite prêtresse prête à tout pour servir la déesse, et donc par là même la Grande Prêtresse de la cité, était une clé dans l'alliance des deux cités. Une fois la petite Amazone d'origine Elfe délivrée au Temple de sa déesse, Méléane avait senti le besoin, tel un appel intérieur, de ce rendre dans ce cimetière. Bien qu'elle soit incapable d'expliquer pourquoi, elle avait suivi ses pas jusque là et, quand leurs regards se croisèrent, ils comprirent tous les deux pourquoi ils étaient là. Les dieux n'avaient cure des amitiés, des alliances ou de tous ces sentiments humains.

Si vous saviez une chance, une simple opportunité de saisir ce en quoi vous avez toujours cru, la laisserez-vous passer, ou vous consumera-t-elle ?

Règles :
- interdiction de tuer, blesser un personnage (sauf si consentement)
- votre adversaire décide du succès ou de l'échec de votre action / attaque (en restant logique)
- le Mj peut intervenir à tout moment
- interdiction de contrôler votre adversaire (sauf si consentement)
- le combat prend fin avec le vote du jury ou l'abandon (3 tours minimum avant d'abandonner)
- si vous avez une question, envoyez un MP au Mj ayant posté votre topic (cf "demande de mission")
- Pour des soucis d'équité, le combat ne peut inclure des PNJ animaux ou humains. Cela concerne également les faveurs divines comme Diane.

Bon jeu et bon courage !

[ Je me suis laissée emporter ... désolée ^^' ]

Le souvenir de sa mère avait beau rester ancrer dans sa mémoire et dans sa peau, le gamin craignait toujours autant de l'oublier un jour … Il aimait à se remémorer les nuitées passées à regarder les étoiles, sa mère lui apprenant avec patience, même si elle râlait tout de même souvent pour l'embêter, le nom de tel ou tel astre, lui contant les légendes affiliées à celui-ci ou celle-là. Aerin s'endormait alors en paix, heureux et en sécurité. Ces sentiments semblaient depuis son départ l'avoir délaissé voire même totalement abandonné. S'il se sentait relativement en sécurité auprès de son père, il regrettait que leur relation ne soit pas aussi fusionnelle que celle qu'il avait pu avoir avec Celyween du temps de son vivant. Là, seul devant cette pierre tombale, le jeune homme se sentait plus seul que jamais.
Le voyage vers la cité des brumes avait été planifié depuis un moment déjà. Désireux de revoir sa mère, ayant surtout peur que son visage ne s'efface de sa mémoire s'il n'allait pas sur sa tombe lui parler un peu, Aerin avait pour la première fois de sa jeune vie insisté auprès du Directeur du Temple pour faire le voyage seul, ou plus exactement, en dehors de sa compagnie. Non pas que l'enfant veuille se séparer de son père, bien loin de lui cette idée cependant, le métisse avait ressenti le besoin de se recueillir totalement seul comme s'il craignait que ce lien encore infime qui le reliait à elle ne disparaisse au fur et à mesure que les gens entraient dans sa vie et, plus généralement, dans son cœur. Dans un coin sombre de son esprit, l'enfant était apeuré à l'idée que sa mère disparaisse, qu'il ne subsiste d'elle qu'un prénom qu'il prononcerait vaguement le jour de ses vœux. Il avait par dessus tout peur qu'elle ne quitte totalement ce monde qu'elle avait pourtant tant aimé. Chaque fois qu'il pensait à Jelenna, il se reprochait instantanément de ne pas penser à Celyween, comme si la belle princesse voulait remplacer sa mère dans son esprit. Il se sentait coupable de penser plus souvent à Thémis Clari qu'à la Crépusculaire.

Au fond de lui, ce que Aerin craignait le plus, c'était de ne plus se souvenir de sa mère.
Sa voix semblait déjà s'être effacée de sa mémoire, moins claire, moins précise.
Son image, souriante et douce, tendait à se faire parfois distante, comme si un voile lui volait les derniers sourires de sa mère. Son cœur quant à lui se serrait de ne pas être en mesure de se souvenir de la couleur préférée, de la fleur préférée ou plus simplement, de ce qu'elle aimait en général. Toutes ces choses que les vivants ne prennent jamais la peine de demander, ne se doutant pas une seule seconde que la faucheuse pourrait briser leur quotidien si tranquille et si bien rangé. Il y a cinq ans de cela, jamais le petit n'aurait pensé perdre sa mère. La lame qui avait figé à jamais le regard de la vaillante Templier avait détruit ce jour là l'innocence d'un enfant mais également fait voler en éclat toutes ses certitudes. Dans ce monde, on ne pouvait être sur de rien, car, du jour au lendemain, tout pouvait basculer. « Tout ira bien » avait assuré Jacen puis Jiven à son tour et tous ces adultes ensuite … mais rien n'allait. Depuis que Celyween était partie, depuis que ses pas guidaient le monde astral, ce monde qui lui était inaccessible, il avait l'impression de ne plus savoir dans quelle direction aller.

Était-ce la trahir que de pactiser avec la fille d'Anatoli Clari en personne ? Serait-elle en colère d'apprendre qu'il était devenu un apprenti élémentaire et qu'il avait étudié au Monastère ? Penserait-elle qu'il n'était qu'un faible d'avoir accepté le marché d'Ilith sans même défendre sa vie ? Le verrait-elle comme un sot d'être tombé amoureux d'une princesse Amazone à qui il ne pourrait jamais offrir ou avouer son amour ? Celyween l'aimerait-elle encore aujourd'hui qu'il avait grandi sans elle ? Lui pardonnerait-il de ne plus penser aussi souvent à elle ? De ne plus pleurer lorsqu'il s'éveillait, seul ? De ne plus vouloir la rejoindre dans l'immédiat ? Approuverait-elle ses choix ?
L'aimerait-elle seulement encore ?

Il avait cruellement de réponse et plus encore de se rassurer aussi son père prit-il la difficile décision de lui accorder cette visite sur la tombe de Celyween … sans lui. Ce qu'ils partageaient jusque là ensemble devait être brisé pour le bien du petit et le père n'en était que trop conscient aussi ne dit-il rien, laissant l'adolescent partir avec le Templier de son choix. Aerin pour sa part n'avait aucune envie de demander à Iréa ou Auween de l'accompagner, l'une se sentirait obligée de le materner pour le protéger et l'autre, de parler pour combler le vide et tenter de l'apaiser. Il n'avait ni envie de rire, ni besoin d'une mère. Il hésita longuement mais fini par envoyer une missive à son unique parrain dans l'espoir que ce dernier comprendrait sa requête. C'était lui qui l'avait emmené au Temple ce jour-là, il lui paraissait logique que ce fut-ce lui qui le ramène sur la tombe de son amie d'enfance. L'homme accepta sans dire un mot et le voyage se fit en silence, l'un respectant le besoin de l'autre de se sentir seul, de se recueillir. L'enfant était totalement déboussolé, peut-être aurait-il du au final demander à l'une des filles, cela aurait sans doutes été plus simple … moins … douloureux que cette solitude qu'il avait pourtant lui-même imposé.

Une fois dans la cité des Elfes, Aerin se retrouva seul, son parrain préférant qu'il se recueille en dehors de sa présence. Sans doutes Jacen avait-il également des choses à confier à sa vieille amie, lui qui de par ailleurs, n'avait que peu l'occasion d'aller la voir dans sa dernière demeure. Le gamin n'avait pas emmené Nyméria, et, si la louve lui en voulait visiblement lorsqu'il était parti, il était persuadé qu'elle finirait par comprendre. Il crevait de peur que cette infime place dans son cœur réservée à sa mère ne disparaisse et c'était en partie de la faute de cette dernière si c'était le cas. Depuis leur rencontre, l'animal n'avait cessé de lui rappeler à quel point il était important qu'il s'accroche à la vie, à quel point il était nécessaire qu'il continue d'avancer, de respirer, parce qu'elle avait besoin de lui, parce qu'elle ne pouvait pas vivre sans lui et que son futur dépendait du sien.

Il tomba à genoux devant la pierre. Grise, perlée de rosée, froide. Comme si Celyween avait réellement quitté cette terre. Comme toujours, la réalité était cruelle et ne faisait pas de distinction. Jeune ou vieillard, elle n'épargnait personne. Le cœur serré, le gamin posa sa main sur le caveau et il eut comme la sensation qu'elle était là. Un instant même, il cru la voir avant de se rendre compte que ce n'était que son propre reflet que la pierre lui renvoyait. « Elle sera toujours dans ton cœur » lui avait un jour murmuré sa tante en songe … alors pourquoi se sentit-il si seul ? Pourquoi n'était-il plus capable de la « sentir » près de lui ?
De colère, il se mit à pleurer. Encore et encore, de longues minutes durant, les larmes roulèrent sur ses joues d'enfant. Il avait beau jouer les adultes, se montrer aussi fort qu'il le pouvait, rêver de devenir un soutient, il n'était rien de plus que ce jour-là, rien qu'un gamin pleurnichard totalement perdu et incapable de savoir ce qu'il devait faire. Elle l'avait toujours guidée et s'il pouvait faire croire à tout le monde qu'il était sur de lui désormais, l'illusion tombait lorsqu'il se retrouvait seul le soir dans sa chambre. Il voulait réaliser le rêve de sa mère. Réellement ? Instinctivement, son esprit chercha la douceur de celui de Jelenna et lorsqu'il entra en contact avec elle, ce fut comme un électrochoc. Le mur qui protégeait ses pensées se dressa devant lui, imperméable et la liaison fut rompue.

ELLE était là. Les yeux posés sur lui. La promesse lui revint en tête.
« Et tu si sur de n'avoir rien à perdre ? Es-tu si sur d'être seul ? »
« Je vous serez fidèle, corps et âme, car je vous appartiens, Ô déesse parmi les immortels. Je serez le cœur et la main qui jugera les infidèles. En votre nom, je laverais par le sang les affronts, je purifierais les âmes et je trancherais les cœurs. En votre nom, Ô ma douce Ilith, je serais l'ombre de vos désirs »
Il avait promis pour les protéger, il avait juré devant la déesse des ombres qu'il veillerait à lui obéir en échange de quoi cette dernière ne ferait rien à ces qu'il aimait. Terrifié, il resta pétrifié lorsque l'animal plongea son regard dans le sien. Savait-elle ce qu'il venait de faire ? Avait-elle découvert le subterfuge ? Son cœur se serra et soudain, il se sentit totalement démuni.

« Mère...pitié » appela-t-il misérablement, espérant encore et toujours que sa mère viendrait le sauver, comme par le passé.

Mais Celyween ne viendrait pas.
Parce que, même s'il se refusait à l'admettre, elle avait bel et bien disparu et ne demeurait plus désormais que dans son cœur, dans la mémoire de ceux qui l'avaient connu et aimée. Le monde avait oublié la Crépusculaire et il en était de même des dieux. Qu'était une vie mortelle pour eux après tout. Les mains toujours posés sur la pierre tombale, le gamin s'attendait à tout moment à ce que l'animal prenne forme humaine mais il ne dit rien, incapable de parler de peur que son pire cauchemar ne prenne forme devant lui.

Alors qu'il s'attendait au jugement divin que, à l'image de la fois précédente, il s'attendait à ce qu'elle prenne forme humaine et le châtie, lui, l'infidèle, il remarqua un mouvement derrière le petit animal. Une magnifique biche sortit du bois d'un pas lent, son regard ambré se posant avec douceur sur le petit bonhomme. Le chat sentit immédiatement sa présence et feula avant de finalement déguerpir. La biche quant à elle sembla poser son regard sur lui avant de disparaître à son tour.
Tout s'était passé comme dans un rêve et Aerin mit un certain temps à s'en remettre. Il avait la fâcheuse impression de s'être endormi et d'avoir cauchemardé et pourtant, il n'avait pas bougé d'un cheveu. Le temps semblait s'être figé pour lui. Son esprit embrumé tentait de faire la relation entre ce qu'il venait de voir et le reste et il ne lui fallut que peu de temps pour comprendre. Diane avait pour symbole la biche et Ilith, la déesse Almer, le chat noir, devait-il comprendre que l'une avait chassé l'autre en sa faveur ? Etait-ce un signe des dieux ? Sa mère elle-même qui tentait de lui faire parvenir un message ? Devait-il comprendre qu'il avait le droit de choisir Jelenna ? Devait-il y voir une réponse de Celyween ou des dieux ?

Il sentit derrière lui une présence et le temps reprit son cours. Lentement, il se retourna et lorsqu'il croisa son regard, il eut l'impression que tout cela n'avait été qu'un jeu. Un vaste jeu du destin qui s'était plu à le mettre sur son chemin. Il avait déjà vu l'Amazone qui lui faisait face du temps où il avait vécu à Muria, il savait même qu'elle était Sentinelle car elle avait parfois était en compagnie de Kiera mais il ignorait jusqu'à son prénom et pourtant, en la voyant, bien droite face à lui, il comprit. Il n'y avait aucun signe là dedans, il n'y avait rien de plus que le destin. Implacable et froid. Il n'y avait rien de plus que les dieux et leur bataille stupide.

Alors, en croisant son regard, le métisse comprit le poids de sa promesse. Il savait en son cœur que ce jour viendrait mais il avait espéré que de tous ses fidèles, Ilith décide d'en tourmenter un autre. Le chat noir et la biche n'étaient pas là pour lui mais uniquement pour eux. Ensemble. Pour savoir qui, de la déesse de la nuit à celle de la forêt, remporterait ce combat. Si l'adolescent sentait qu'il allait devoir l'affronter, il n'était cependant pas en mesure de le faire. Surtout pas devant sa mère. Encore moins contre celle qu'il aimait. D'instinct, il chercha comment faire pour essayer d'éviter le drame, peut-être tout ceci n'était-il que le fruit de son imagination ? A moins que …

« Il est arrivé quelque chose à la princesse Jelenna ? » demanda-t-il soudain anxieux.

Peut-être qu'il interprétait mal le symbole, peut-être que tout ceci n'avait eut pour but que de lui faire comprendre que Jelenna était en danger ! Mais pourquoi Ilith se donnerait-elle cette peine … Pour le punir ? Pour le tester ? Trop anxieux pour y penser, Aerin resta figé, accroché au mince espoir qui sortirait de la bouche de l'Amazone.

Muria était forte. Elle avait su s'imposer auprès des autres nations sous le règne éclairé de Philéa et si les Amazones pouvaient vivre dans une ville prospère et florissante, c'était en partie grâce à leur Souveraine. Cette dernière avait réussi a forger de solides alliances profitables à la Cité Amazone, notamment avec Storghein et son Oblat. Les relations avaient toutefois à être entretenues, sans quoi elles mouraient en emportant la fragile paix qu'elles garantissaient. Muria avait beau s'être hissée parmi les plus grandes villes du continent, une guerre ne lui profiterait pas. Aussi avait-on confié à Méléane l'importante mission de faire un « cadeau » à Silmarie en lui apportant une jeune Elfe, vouée à devenir une prêtresse de la divinité principale de ce peuple.
Du point de vue de la Louve, la Cité Brumeuse n'avait rien à apporter à la sienne. À vrai dire, les Silmariens n'étaient pas une menace pour Muria mais n'apportaient pas grand avantage non plus. Enfin, Philéa désirait maintenir l'alliance entre les deux nations, aussi Méléane obéirait-elle sans discuter. Elle était Soldate, pas politicienne, ces affaires-là ne la concernaient pas.

La future prêtresse et elle avaient pris la route en cours de matinée afin de ne pas arriver trop tard à destination. Dans tous les cas, la lancière ne pouvait assurer l'aller-retour en un seul jour, mais elle préférait s'acquitter de sa mission au plus tôt. Pourquoi l'avait-on choisie elle, qui pourtant avait bien de quoi s'occuper de par ses fonctions ? Elle-même ne le savait pas mais le fait qu'on la charge d'une certaine manière de maintenir la bonne entente entre Silmarie et Muria l'honorait ; Philéa savait mettre sa rancœur personnelle de côté pour voir le soldat loyal présent en Méléane.
La petite Elfe parla beaucoup pendant le voyage, tant et si bien que la Louve fut vite lassée de la situation. Elle n'était pas bien méchante mais elle parlait beaucoup trop, moulin à parole étant un terme trop faible pour la qualifier. Elle lui avoua être très fière d'être formée pour honorer correctement sa déesse puis lui donna des tas d'informations sur sa vie, ses parents, ses amis, ... Bref, des sujets dont Méléane se fichait totalement, bien qu'elle fit l'effort surhumain de lui répondre, même si ce fut de manière laconique.
L'enfant fut confiée à une prêtresse du Temple qui l'accueilli et lui montra les lieux car après tout, c'était ici qu'elle vivrait durant les prochaines années, loin de sa cité natale. Méléane suivit le groupe, profitant de l'occasion pour voir à quoi ressemblait l'endroit où logerait la petite Elfe. Elle discuta aussi un petit moment avec la prêtresse en question à propos de ce qui attendait la gamine et d'autres détails dans ce genre-là.

« Vous n'allez pas déjà nous quitter tout de même ? » demanda-t-elle lorsque la Louve annonça son départ, « Laissez-moi vous offrir l'hospitalité pour cette nuit. Muria est bien trop éloignée pour que vous repartiez déjà »

Elle n'avait pas tout à fait tort. Il fallait compter au minimum sept à huit heures de trajet d'ici jusqu'à la Cité Amazone, ce qui impliquait qu'elle n'arriverait pas avant la nuit. Si cela ne constituait pas un problème à proprement parler, le fait qu'elle ait beaucoup sollicité Kalane ces derniers jours jouait aussi. La jument avait déjà montré des signes de fatigue pour l'aller, inutile de la forcer pour le retour, elle méritait un peu de repos. Ainsi, la Vice-Capitaine accepta l'invitation avec politesse, sans doute était-ce mieux que d'aller traîner dans une taverne à vider des chopes toute la soirée – ce qu'elle aurait fait si la prêtresse ne lui avait pas fait cette offre.
Néanmoins, elle prétexta vouloir jeter un œil en ville afin de s’éclipser momentanément. Non pas que la demoiselle la mettait mal à l'aise, elle ne souhaitait juste pas rester cloîtrée dans cet endroit jusqu'au soir, autant qu'elle en profite pour faire quelque chose, mais quoi ? Il n'y avait à ses yeux pas grand chose à faire à Silmarie, il était probable qu'elle aille boire un verre À La Belle Étoile ou, pourquoi pas, au Chant de Brume. Elle ne rejoindrait la prêtresse qu'en fin d'après-midi.

Il n'en fut cependant pas ainsi. À peine fut-elle sur le parvis du Temple qu'elle ressenti comme l'inexplicable besoin de se diriger dans un autre direction. Elle ignorait pourquoi mais elle savait qu'il y avait quelque chose là-bas, quelque chose vers quoi on la poussait. Elle sentait qu'il était indispensable qu'elle y aille, sans qu'elle ne puisse toutefois trouver une explication rationnelle à ces sensations. Elle devait y aller, voilà tout. Ainsi, poussée par bien plus que son instinct, elle marcha vers le cimetière de la ville, ne comprenant toujours pas pourquoi elle était appelée à se rendre là-bas.
Pourtant, elle comprit quand elle le vit. Tout devint limpide, comme si le nœud du problème disparaissait pour laisser place à une réponse évidente. Son geste n'avait été orchestré ni par ses désirs ni par sa raison, elle venait juste d'être désignée comme joueuse à la grande lutte que les dieux menaient entre eux. Tout s'expliquait à présent... elle avait été insérée dans leurs dessins sans même s'en rendre compte et maintenant, elle n'avait plus le droit de revenir en arrière, du moins pas sans décevoir Diane. Fière de pouvoir servir sa déesse de la sorte, Méléane n'aurait de toute façon pas tourné les talons. Puis, penser que la perspective d'un combat la ferait fuir était bien mal la connaître. Non, lutter contre quelqu'un ne la dérangeait pas du tout, le soucis était plutôt la personne contre laquelle elle aurait à se battre.

« Un gosse ? » grommela-t-elle tout bas en arrivant sur les lieux.

C'était une blague ou... ? Elle qui s'attendait plutôt à voir un Gardien lui faire face, voilà qu'on l'envoyait se battre contre un petiot. Était-ce là toute l'étendue de la confiance que lui portait Diane ? Peu importait au final, une mission divine lui avait été donnée et elle s'en acquitterait.
Une biche et un chat noir – symbole d'Ilith, si elle avait bon souvenir – déguerpirent aussitôt quand elle commença à s'approcher, comme si Diane et Ilith avait décider de laisser le conflit être réglé par la main de mortels.

« Ô Diane, déesse de la nuit et des forêts,
Puisses-tu me venir en aide, moi qui œuvre aujourd'hui en ton nom »

Les mots avaient quittés ses lèvres presque silencieusement. Par cette courte prière, elle marquait sa décision quant à ce qu'elle allait faire : lutter pour sa déesse. Ses doigts se resserrèrent autour de sa lance quand elle se décida à couvrir les derniers mètres. Le petit fini par se retourner alors qu'elle n'était plus qu'à quelques pas de lui...
Quelle ne fut pas sa surprise lorsque son visage fut révélé. Cet enfant, elle l'avait déjà croisé à Muria, en présence de la Princesse Jelenna. Elle ne se souvenait pas de son nom et, en vérité, n'y accordait aucune importance mais la colère de voir le gamin se balader dans sa Cité était toujours bien présente. Elle n'avait jamais rien dit ni entrepris mais voilà quel était le fond de sa pensée.

Deux regards se croisèrent et le petit comprit qu'il n'avait pas simplement affaire à une personne de passage. L'enfant semblait peu sûr de lui, il hésitait à propos de ce qu'il allait faire. La brune lui montra bien ne pas être là pour s'amuser, son air en disait long. Droite, armée et le visage n'exprimant rien d'autre que de l'indifférence, elle paraissait prête à tout et pourtant, elle-même ne savait pas comment elle allait agir. Méléane n'était pas une femme réputée pour sa douceur et sa gentillesse, elle était pourtant incapable de tuer un gosse, quand bien même le malmener un peu ne lui poserait pas de réels problèmes. Elle n'était pas une meurtrière et même s'il deviendrait un homme dans quelques années, elle ne se sentait pas capable de lui ôter la vie de sang-froid.
Il savait pourquoi cette rencontre avait lieu, aucun doute là-dessus, il tenta malgré tout de changer de sujet dans un tentative puérile pour ne pas avoir à affronter la réalité.

« S'il arrivait quelque chose à la Princesse, tu le saurais par le biais de ton père. N'espère pas qu'une seule Amazone se donne la peine de se déplacer jusqu'ici pour un gamin »

Bien entendu, elle espérait qu'il n'arrive rien à Jelenna seulement, si cela venait à se produire – un accident était si vite arrivé – le petit pouvait toujours courir pour qu'on vienne le lui annoncer. Il n'était aux yeux de la Louve pas une priorité : c'était juste un enfant mâle, qui s'embêterait pour lui ? La Princesse l'avait peut-être en haute estime mais il serait bien naïf de croire que toutes à Muria l'acceptaient, qu'il arrête de se faire des illusions !

« Que fait le rejeton du Directeur du Temple ici, seul ? » demanda-t-elle sans qu'elle ne s'intéresse vraiment à la réponse qu'il lui fournirait, « Ilith t'a envoyé un signe, tu sais donc pourquoi je suis ici, n'est-ce pas, petit ? »

Sans cesser de le fixer, elle couvrit les derniers pas la séparant de l'enfant. Elle le toisait avec toute l'indifférence du monde. Si elle semblait guetter un signe d'agressivité de la part du garçon, elle cherchait juste comment elle allait s'y prendre pour la suite.

Il avait suffit d'un regard pour que tout vacille. L'enfant se demandait sincèrement si quelque chose était arrivé à sa précieuse amie, à celle qui dans son cœur, serait à jamais son âme sœur, mais à peine posait-il la question à la jeune femme qu'il se sentait déjà un pied dans la tombe. Dans ses yeux courait la détermination qui se disputait néanmoins avec l'hésitation quoi que cette dernière ne demeura pas longtemps. Le visage de l'Amazone semblait dénué d'émotions, comme si au fond, elle se moquait totalement que ce soit lui ou un autre en face d'elle mais l'ombre d'un instant, Aerin avait cru y lire l'incompréhension, comme si elle se demandait pourquoi sa chère déesse l'envoyait prendre la vie d'un enfant. L'enfant ne voulait pas croire à cela. Il était improbable, totalement impensable même que Diane ai cherché sa perte n'est-ce-pas ? Jelenna était la réincarnation terrestre de la déesse sylvestre, jamais elle n'aurait permis que l'on puisse lui faire du mal … N'est-ce-pas ? Quand tout semblait fuir la logique et quand ses propres sentiments n'étaient plus que cendre, le jeune métisse se sentait désemparé. Devait-il voir dans le combat du chat et de la biche celui qu'il s’apprêtait à affronter ? Les dieux avaient-ils tracé pour eux un destin qu'il ne serait jamais en mesure de contrer ?

Tout avait vacillé dans ce simple échange. Pas un mot. Pas un bruit n'était venu troublé la scène.
Plus Aerin y réfléchissait et plus il voyait dans la présence de l'Amazone un symbole, celui de sa mort imminente. Les dieux décidaient de leur sort et Ilith, dans sa grande mansuétude, avait décidé que son heure avait sonné. Enfin. Non ! Il n'avait pas le droit d'abandonner n'est-ce-pas ? Ou peut-être que si … peut-être qu'au fond, la déesse Almer lui offrait le repos éternel en guise de punition là où lui n'y voyait que présage et songe d'été. Depuis quatre longues années qu'il rêvait de quitter ce monde, la déesse lui offrait enfin la possibilité de … L'image de la princesse de Muria s'interposa, luttant contre cette pensée futile. Ses yeux étaient embués de larmes, son visage rougie par la peine et ses mains, jointes dans une ultime prière qu'elle semblait incapable de prononcer. Magnifique malgré le deuil, Jelenna le toisait d'un regard dur et pourtant si mélancolique … Ilith ne pouvait l'avoir amené à ce combat dans l'espoir de le voir perdre. Au contraire ! Il y avait, à bien y réfléchir, fort à parier que la divinité se soit joué de lui. En le forçant à s'opposer ouvertement à une fervente de Diane, dont la biche était le symbole, l'Almer forçait le petit à s'opposer à Jelenna. Ainsi, elle s'assurait de sa fidélité.

« Je serez le cœur et la main qui jugera les infidèles. »

La promesse était solennelle bien qu'il n'en pensa et n'en penserait jamais un mot. Il avait juré de purifier les âmes des infidèles, de purger par le sang le cœur de ceux qui se refusaient à Elle mais au fond de lui, il ne souhaitait que la voir disparaître et être libéré. Ce serment n'avait pour but que protéger Jelenna et par extension, la jeune Eloween, car l'apprenti élémentaire savait parfaitement que l'ombre s'abattrait sur elles s'il n'obéissait pas.

Un seul regard, et tout avait vacillé.
A peine eut-il posé sa question qu'il comprit qu'elle était vaine. Jamais Ilith n'aurait permis qu'il s'inquiète pour une princesse de Muria, jamais n'aurait-elle permis également qu'il pose cette question et surtout, jamais elle ne lui aurait offert la vision de sa propre défaite face à celle qu'elle croyait fragile, faible et inférieure … Ce présage n'était rien de plus que l'annonce d'un combat et tout dans la posture de la jeune femme trahissait ce fait. Cependant, le garnement refusait d'y croire, il s'accrochait à l'infime espoir que la Sentinelle rejetterait ce cruel destin et lui offrirait la rédemption.
Droite, armée et prête visiblement à s'en servir, la jeune femme aux cheveux de jais le toisait, impassible, comme figée par le temps. Ses traits ne trahissaient rien de plus que ce qu'elle laissait voir, de l'indifférence. Une vie n'était rien pour elle sans doutes songea le jeune Elfe avait crainte. Aerin ne voulait pas se battre, il ne devait pas. Il lui avait promis de n'offrir sa vie et son arme qu'à une cause juste et cette promesse était plus importante à ses yeux que toute autre.

Le visage de la jeune princesse s'interposa à nouveau devant lui tandis qu'il se souvenait de ce jour précieux où, dans le palais même de Muria, il avait donné sa parole de gardien à la petite fille. Trahison parmi les trahisons, il avait offert sa vie pour la sienne et lui avait juré fidélité en silence bien qu'elle n'en demanda rien. Le jeune Almer se souvenait parfaitement de ses yeux clairs plantés dans les siens, il se souvenait de son doux sourire et son délicat parfum. Ce jour-là, dans le tombeau du silence, dans ce caveau où dormaient les anciennes femmes libres tombées au combat, la petite Jelenna était devenue la personne la plus précieuse à ses yeux. L'idée même qu'il lui arrive quelque chose lui été inconcevable.

La voix de la jeune femme le tira de ses pensées. Peu de temps s'était écoulé en réalité depuis qu'il avait ouvert la bouche bien que cela lui parut une éternité. Quelques secondes, une minute peut-être à peine et pourtant, il avait l'impression qu'ils étaient là depuis des heures. Son cœur se serra lorsqu'elle évoqua la « Princesse » mais il tenta de repousser le flots d'émotions qui voulait le submerger une nouvelle fois. L'enfant était conscient face à la rudesse des paroles de la jeune femme qu'il devait jouer sa vie sur autre chose que sa force. Elle était déterminée et sa résignation ni changerait rien. Il fut blessé par sa réponse mais songea qu'il aurait du s'y attendre. Rares étaient les Amazones de l'âge de la Cydienne qui appréciaient les hommes, bien souvent, c'étaient celles de la génération suivante qui tentaient de faire évoluer la vision déformée de ces dernières face à la gente masculine. Toutefois, l'adolescent avait espéré qu'elle prendrait en compte le fait qu'il connaissait la petite et qu'elle se poserait ainsi des questions mais force était de constater que ce n'était pas le cas …

Le gamin resta silencieux de longues minutes, cherchant désespérément ce qu'il devait faire. Devait-il réellement voir un signe de sa déesse dans la présence de la jeune femme ? Ilith était une femme perverse, il ne doutait pas un seul instant qu'elle eut pu faire quelque chose de ce genre mais Diane incarnait la sagesse à ses yeux et il lui semblait impossible que Jelenna ai pu demander une telle chose … Son cœur se serrait de plus en plus, il ne réagit pas lorsque son interlocutrice parcouru les dernier pas qui les séparaient. Pour lui, tout ceci n'était rien d'autre qu'une farce et il allait bientôt se réveiller.

Telle la flamme de la bougie au vent, l'illusion vacilla en même temps que l'espoir lorsqu'il croisa à nouveau ce regard, plein d'indifférence.

« Je m'appelle Aerin » cria-t-il presque, brisant le silence.

Il ne supportait pas qu'elle l'appelle autrement, encore moins « gamin » ou « petit ». Relevant le menton, il planta son regard dans celui de la Cydienne. Il n'y avait aucune animosité dans ses prunelles, simplement de la fierté et une pointe également de timidité. A moins que ce ne fut de la peur, ce qui était grandement probable ! Néanmoins, il ne supportait pas qu'elle le considère comme le « rejeton du Directeur du Temple », d'autant plus devant la tombe de sa mère !

« Vous foulez la tombe de ma mère » se contenta-t-il d'ajouter pour toute réponse et pour unique menace bien que ce n'en fut pas réellement une, « Elle mérite mieux »

Celyween était là, quelque part, derrière lui. Morte, vivante, esprit, peu importait, elle était là et elle ne devait pas voir cela. Il se refusait à se montrer faible devant le tombeau de sa mère, par fierté, par bêtise, peu importait, cela lui donnait un semblant de force.

« S'il arrivait quelque chose à Jelenna, je le saurais forcément. Avant vous. » poursuivit-il calmement non sans une pointe de défi dans la voix, « Je suis reliée à elle, que cela vous plaise ou non ... »

La fin de la phrase était plus hésitante, Aerin prenant soudainement conscience qu'il avait tout intérêt à ne pas énerver la Sentinelle s'il tenait à rester en vie. Il réfléchissait le plus vite possible pour reprendre la situation en main mais la réplique l'avait profondément blessé et il avait réagi comme un enfant, sous le coup de la colère. Quitte à trahir une ultime fois Ilith, il devait le faire en protégeant Jelenna et non en faisant éclater au grand jour son amitié pour elle ainsi que sa promesse. Il avait longuement redouté cet instant, celui où la déesse Almer lui demanderait l'impossible, le mettrait à l'épreuve, sans doutes parce qu'il savait qu'elle n'hésiterait pas à lui faire choisir entre sa propre existence et celle de l'une des filles, de préférence l'Amazone.

Le signe … avait-il seulement reçu un signe songea-t-il soudain. En dehors de la biche et du chat, y avait-il seulement autre chose qui avait pu lui parler et lui faire comprendre pour quoi elle était là ? Perdu, perplexe,le gamin ne voyait rien d'autre que ce regard. Tout devait vaciller certes, mais peut-être le signe représentait-il la liberté et non la mort ! Oui mais … La biche … la biche était le symbole de Jelenna, elle était l'incarnation même de Diane ! Et si c'était …

« Je n'ai reçu aucun signe » mentit-il avec l'énergie du désespoir, son esprit embrumé par le flot de questions sans réponses qui le taraudait, « Vous voyez dans une querelle animale un signe de notre mort prochaine ? Moi non » déclara-t-il avec sérieux.

L'enfant était perplexe, perturbé. Les lieux ne prêtaient guère à ce qu'il fut calme, le moment non plus. Il était déjà totalement à l'ouest depuis qu'il avait mis les pieds près de la tombe aussi la Cydienne n'aidait-elle en rien à ce qu'il puisse trouver des réponses à ses questions et bâtir sa propre voie, au contraire, elle semblait résolue à entraver sa route et défaire, pierre après pierre, le peu d'équilibre qu'il avait rudement assimilé ces derniers temps.

Dans un monde où rien ne semblait vouloir demeurer à sa place, où chaque brique s'effondrait tandis qu'il faisait tout pour bâtir de solides murailles et un chemin sûr vers l'avenir, l'enfant se sentit soudain pris au piège. Peu importait ce qu'il y avait derrière cela, il était totalement au bord du gouffre.

« Est ce Jelenna qui vous envoie ? » demanda-t-il soudain, le cœur lourd.

L'enfant eut une pensée pour la belle princesse. Une autre pour sa louve. Une dernière pour sa mère ... Tandis que son coeur semblait à l'agonie dans l'attente de la réponse tant attendue. Et tant redoutée.

[ Désooooolée pour le retard >.< ]

L'enfant était agaçant. Il avait beau n'être qu'un pré-adolescent, son comportement lui promettait déjà de devenir un être détestable, comme tout homme qui se respecte. Comment osait-il lui tenir ce genre de discours, avait-il seulement conscience des risques ? Ce gosse n'avait sans doute pas conscience qu'il suffisait d'une seconde à la Louve, d'un geste net et précis, pour qu'il aille nourrir la terre de ses entrailles. Ce ne serait de toute façon pas une grande perte. Qui pleurerait sa mort, après tout ? Son père ? Comme si elle s'en souciait. Jelenna ? Ce n'était encore qu'une enfant, elle oublierait bien vite l'existence de ce misérable et au moins serait-elle épargnée du mal que pourrait lui faire cet homme plus tard.

« Petit insolent » lâcha-t-elle sèchement, « L'absence de ta mère t'a-t-elle donc fait oublier toute forme d'éducation ? »

Le ton n'était pas agréable, loin de là. Néanmoins, si elle devait lui accorder quelque chose, c'était que feue sa mère méritait mieux ; un gosse un peu mieux éduqué, oui. Ne lui avait-on jamais appris le respect, encore plus envers ses aînés ? Méléane était certes un peu vieux jeu mais il s'agissait là de valeur qu'elle avait à cœur. Elle se montrait rarement irrévérencieuse avec d'autres gens – excepté les hommes, bien entendu – bien que sa façon de parler, directe et sans détour, puisse choquer. Il fallait dire qu'elle n'avait pas sa langue dans sa poche, dès que quelque chose clochait, elle le disait, quitte à ce que cela ne plaise pas. Ceci dit, elle connaissait aussi les règles de la bonne société et était capable de se comporter comme la plus distinguée des femmes mais c'était là une facette qu'elle réservait à la famille royale et à quelques autres chanceux.

« Si tu es capable de savoir avant moi si oui ou non il lui est arrivé quelque chose, pourquoi viens-tu de me poser la question ? »

Le visage de la Vice-Capitaine demeurait impassible, figé comme du marbre et pourtant, la froideur de sa voix trahissait son mécontentement. Elle n'appréciait pas beaucoup les enfants, tout juste bon à geindre et à quémander de l'attention mais celui-là l'énervait déjà après quelques minutes. Ses réactions infantiles lui donnaient l'impression d'être face à un gosse âgé tout au plus de huit ans.

Pourquoi Diane l'envoyait-elle combattre ce môme ? Jelenna n'avait apparemment rien contre lui, alors pour quelles raison la déesse sylvestre demandait-elle à sa championne de le combattre ? Diane n'avait prononcé aucun mot mais Méléane ne doutait avoir saisi son ordre. Plus qu'un sentiment, c'était l'instinct qui l'avait poussée à la rencontre du jeune métis, comme si cet acte était le plus naturel du monde. Pas une seconde elle ne se remit en question afin de savoir si oui ou non elle exécutait la volonté de sa divinité. Intimement convaincue d'agir comme il le fallait, elle battrait ce petit serviteur d'Ilith, restait à savoir comment : elle ne pouvait décemment pas le passer à tabac et encore moins attenter à sa vie. La Louve n'était pas connue pour sa douceur et si remettre un mâle à sa place ne la dérangeait pas, sa morale l'empêchait de faire du mal à un gamin, même s'il appartenait au mauvais sexe. De plus, porter atteinte à Aerin amènerait à coup sûr la Princesse Bis à l'apprendre et puisqu'ils étaient amis, la Soldate risquait bien plus qu'une réprimande. Elle n'avait donc d'autre choix que de le faire plier sans employer la force. Seulement, faire entendre raison à cet enfant ne serait pas une mince affaire ; Jelenna était un sujet qui le touchait, exploiter cela semblait être une bonne idée et la seule façon de procéder.
Diane l'avait choisie, soit, elle lui prouverait que sa foi était inébranlable et accomplirait sa mission quoi qu'il en coûte. Elle avait été mise à l'épreuve et comptait bien se montrer à la hauteur.

« Ne joue pas au plus malin avec moi. Tu sais comme moi comment nous en sommes venu à nous retrouver ici. Je ne crois pas aux coïncidences et encore moins aujourd'hui ; la biche et le chat noir ne se sont pas rencontrés par hasard »

Si ses traits n'exprimaient toujours que de l'indifférence, elle avait retrouvé une certaine sérénité. Elle avait foi et ainsi déterminée, elle retrouvait le calme. Ce n'était qu'un môme, à peine adolescent, cela valait-il la peine de s'emporter contre lui ? Non, le mieux était de garder la tête froide. Néanmoins, peu importe l'effort qu'elle faisait pour demeurer calme, elle ne pouvait s'empêcher de pense qu'elle aurait mille fois préféré se retrouver face à quelqu'un d'un peu plus âgé : un coup de lance bien placé et sa mission aurait été accomplie... Diane avait cependant l'air de vouloir la mettre à l'épreuve, de la confronter à un dilemme entre sa morale et sa loyauté envers sa déesse.

« Oui » répondit-elle, laconique, « La Princesse, qui est la réincarnation de Diane, m'envoie. Elle a sa volonté et je l'exécute. Tu aurais été en sécurité si tu n'étais pas dévoué à Ilith » elle marqua une pause, laissant ses mots s'imprimer dans la tête d'Aerin, « Jusqu'où va ta foi pour ta déesse ? Vas-tu faire abnégation de tes sentiments pour t'opposer à Diane, et donc à la Princesse Jelenna ? »

La fille de Philéa était pour ainsi dire la seule carte que Méléane pouvait jouer et probablement était-elle aussi celle qui avait le plus de chance de fonctionner. Ce serait à la Louve de trouver les mots pour déstabiliser le gamin, puisqu'elle se refusait à lever la main sur lui. Qu'il prenne garde, toutefois, elle mettrait vite ses intentions non-violentes de côté s'il avait le malheur de se montrer agressif.

« Réfléchis bien à ma question et aux conséquences de ta réponse avant de parler »

[ Purée, je suis désolée pour le temps de réponse, entre la fac et le diplôme universitaire, je n'ai pas eu de temps à moi … Ce n'est pas une excuse, j'en conviens. Ma réponse est pitoyable en prime, je me suis bloquée toute seule et pour couronner le tout, je n'avais pas le temps alors j'ai du la faire vite fait avant mon partiel =x ]

Il n'avait pas encore perçu la portée des réponses qu'elle pourrait lui apporter. Aerin se sentait fébrile, plus que tout, il se commençait à se demander comment il réagirait si l'Amazone lui annonçait que c'était bel et bien la jeune princesse qui l'avait envoyée pour défendre les couleurs de la déesse dont elle était la réincarnation. Le jeune homme sentait son cœur battre à vive allure et craignait de plus en plus la réponse. S'il avait pu revenir en arrière, ne serait-ce que pour quelques minutes, il se serait abstenu de poser cette question dont il appréhendait tant la réponse désormais … L'enfant observa la jeune femme qui lui faisait face, nul besoin de l'Esprit pour constater qu'elle ne le portait pas en son cœur ou encore, qu'elle prendrait en compte sa considération d'enfant pour épargner sa vie. Pourtant, étrangement, Aerin n'avait pas peur. Au fond de sa tête murmurait une voix douce qui le poussait à ne pas craindre la mort. Il l'avait désirée, attendue lorsque sa mère était partie puis il l'avait repoussée pour suivre le chemin que Jelenna avait ouvert pour lui. Mais aujourd'hui, alors que n'importe quel garçonnet dans sa situation aurait craint de trépasser, lui attendait. Son cœur battait la chamade certes, mais plus par peur des réponses qu'elle pourrait bien lui apporter, car dans son esprit, il savait que son sacrifice sauverait les deux réincarnations. Tel était le pacte d'Ilith.
Les dieux ne revenaient jamais sur leurs paroles n'est-ce-pas ?
Non, les dieux étaient liés par des serments supérieurs aux hommes et une parole donnée était une parole inscrite dans les temps. Un dieu qui trahissait sa promesse n'appartenait plus au royaume des divinités. N'était-ce pas ce que lui avait appris Jelenna une fois ? Silmaria avait trahi la promesse ancestrale du royaume divin pour sauver les âmes de ses fidèles et c'était, selon la Grande Prêtresse, pour cela qu'elle avait été bannie et punie. Si cela marchait dans un sens, le métisse espérait que cela fonctionne dans l'autre. Il avait offert son existence à la déesse des ombres pour sauver l'âme de ses amies, pour sauver leurs vies. Pourquoi ? En réalité, il n'en était pas certain. Au départ, il avait songé au fait qu'il appréciait les filles, parce qu'elles l'avaient sauvé mais plus encore, parce que le lien qui les unissait était particulier à ses yeux. Désormais, il avait tendance à penser que c'était Jelenna en particulier qu'il avait cherché à préserver en promettant de devenir le bras armé de la jumelle du Bénu.

« Es-tu sur de n'avoir rien à perdre ? »
La voix le hantait toujours. S'il n'avait pas compris sur le coup pourquoi la déesse féline avait tant insisté sur ce point, il commençait à appréhender les choses en adulte à présent. Il percevait enfin ce que la déesse avait tenté de lui faire comprendre non pour son propre bien, mais pour le manipuler et en faire le fruit du destin. Plus les minutes passaient, plus son angoisse montait en fonction du silence de la Sentinelle, plus il comprenait. Il avait beaucoup à perdre. Il avait promis non pas par altruisme, mais pas pur égoïsme, de peur de perdre celle qu'il aimait. Ce mot le surpris mais pas autant qu'il ne l'aurait cru. Aerin avait aimé sa mère sincèrement, profondément et il aimait son père avec le même respect mêlé de sincérité cependant, la petite princesse bis était particulière à ses yeux. Quand il pensait à elle, son cœur se serrait, l'idée même qu'il lui soit arrivé quelque chose ou qu'elle tente de lui faire du mal le rendait fou. Là était la vérité, s'il était prêt à se sacrifier, ce n'était pas pour le salut des deux réincarnations mais bel et bien pour sauver sa bien-aimée.

La voix de Méléane le tira de ses pensées et tout ou presque fut clair en cet instant.
Froide, tranchante, telle fut la manière dont il perçut sa réplique. D'ordinaire, il se serait énervé de cette insulte mais à présent qu'il avait compris ses réelles motivations, il savait qu'il ne fallait pas s'engager dans cette voie et ce, même si ce n'était pas l'envie qui lui en manquait. Ses poings se crispèrent et il faillit encocher une flèche mais il s'abstint. Jelenna ne voudrait certainement pas qu'il fasse du mal à l'une de ses précieuses Amazones et plus encore, elle n'aimerait sans doutes pas qu'il s'agace aussi facilement alors qu'ensemble, ils faisaient un énorme travail sur ce point pour lui permettre d'avancer dans la vie. Une vie qu'il abandonnerait sans doutes dans quelques minutes, heures tout au plus mais peu importait.

« Ne prétendez pas connaître ma mère ni l'éducation qu'elle m'a donnée, cela ne vous concerne en rien. » lâcha-t-il, tentant de garder son calme même si son ton prouvait le contraire.

Il se força à respirer lentement et profondément, comme on le lui apprenait au Temple, pour ne pas exploser. Il fallait garder son calme, pour la seule raison qu'un affrontement direct ne servirait à rien et qu'il n'avait aucune certitude qu'Ilith ne toucherait pas Jel' ou Elo' s'il perdait. S'il voulait l'emporter sur cette brute, il lui faudrait se montrer prudent et plus malin qu'elle. Le principal étant déjà de la garder à bonne distance de lui afin de pouvoir utiliser ses flèches. Ses autres dons lui seraient très utiles également mais il était conscient que sa force n'égalait en rien celle de la Cydienne, bien plus grande et plus âgée que lui.

L'Elfe ne prit pas la peine de répondre à la remarque suivante. Il savait que sa réflexion était stupide mais c'était la réaction de la Sentinelle qui l'avait agacé et qui l'avait poussé à rétorquer bêtement qu'il avait un lien privilégié avec sa supérieure hiérarchique. Si c'était la stricte vérité, cela n'empêchait en rien qu'il soit totalement inutile et stupide de le souligner. Quoi que … A cet instant précis lui vint une idée des plus saugrenues mais qui pourrait peut-être lui assurer la victoire et, plus important à ses yeux, la vie sauve pour sa petite princesse. Jelenna était la Clé et l'évidence même était de jouer sur ce point. En portant atteinte à lui, Méléane portait atteinte à sa princesse qui avait annoncé officiellement à quel point elle l'appréciait en l'amenant dans la cité des femmes libres ! C'était un pari risqué vu son adversaire mais peut-être l'une des seules solutions à sa portée.

« Les chats ne sont pas rares dans les cimetières, et les biches encore moins dans les forêts, il n'y a pas de hasards dans la vie, juste des opportunités. »

Cette réponse l'étonna lui-même, en réalité, elle n'était que l'écho lointain des leçons de morales de sa mère. Cette pensée le fit sourire à l'évocation de la grande dame qu'avait pu être Celyween. La biche et le chat était un signe pour celui qui voudrait y voir là-dedans un signe mais pour le voyageur, ils ne seraient qu'une biche et un chat se disputant un lopin de terre. Le gamin tenta de réfléchir le plus vite possible, sachant qu'il ne gagnerait pas indéfiniment du temps.

La réponse tant attendue vint. Le cœur de l'adolescent s'arrêta une seconde et reprit douloureusement sa marche de la vie, réalisant le sens de ce que la jeune femme venait de lui dire. La jeune princesse Amazone était donc à la source de cet affrontement … Il avait peine à le croire, plus encore si Jelenna avait su qui sa chère soldate allait devoir affronter. Aerin aurait pu poser la question directement à l’intéressée par l'Esprit au nom du lien qui les unissaient mais il était tellement perturbé qu'il n'y pensa même pas. Pourquoi Jelenna aurait-elle voulu lui faire du mal ? Plus le silence s'installait entre eux, plus les mots se gravaient un à un dans son esprit et le torturaient, mettait à mal sa résolution et sa volonté farouche de sortir vainqueur, mort ou vif, de ce duel. Lorsque Méléane reprit la parole, il avait les larmes aux yeux même s'il tentait de le cacher et le trouble était palpable dans son regard. Ce furent cependant les mêmes mots de la Sentinelle qui le sortirent de sa torpeur.

« Jusqu'où va ta foi pour ta déesse ? »
Sa foi allait jusqu'à se sacrifier au nom de la vie de Jelenna. Il n'avait cru en Ilith que par égarement, parce qu'elle était là dans les moments sombres. Certes, mais il avait compris que ce n'était pas la déesse mais bien la réincarnation qui l'avait sauvé ce jour-là. Elle même qui lui avait tenu la main, lui avait offert un toit, s'était arrangée pour qu'il reparle enfin, pour qu'il s'ouvre au monde. C'était grâce à elle enfin qu'il avait trouvé goût à la vie en adoptant Nyméria, en vivant chez Thémis. Tout ce qu'il était devenu jusqu'à présent, ce n'était pas à Ilith mais bel et bien à Jelenna qu'il le devait et c'était pour cela qu'il avait accepté le marché de la déesse des ombres, pour protéger celle qu'il aimait et qui avait voué son existence à le sauver corps et âme après le décès de sa mère.

Là était la réponse.

« Ma foi va jusqu'à offrir ma vie pour Jelenna en échange de la sienne » répondit-il avec un calme retrouvé, une détermination palpable, « Peux-tu en dire autant de la tienne ? Donnerais-tu ta vie pour ta princesse ? Ou prendrais-tu la mienne pour satisfaire tes croyances ? »

Sa foi était le rempart entre Ilith et Jelenna, entre Ilith et Eloween. Là était la réponse, là était la clé. Il devait gagner, pour elles. Que sa foi soit fondée sur de mauvaises raisons ou de bonnes, peu importait, il ne pouvait plus reculer. Que la princesse ait envoyée en personne la Cydienne pour ce combat, là encore, ce n'était qu'un détail, son cœur avait fait une promesse.

« Serais-tu prête à tuer ta princesse pour honorer le pacte qui te lie à Diane ? Réfléchis bien, car si tu me tues, si tu me blesses, ce n'est pas seulement les larmes qui couleront sur les joues de ta princesse ... Nous pouvons nous battre, tu peux me tuer à ta guise, mais cela fera-t-il de toi la vainqueur ? », il marqua une pause à son tour et reprit plus posément, le cœur battant à tout rompre comme jamais, « Puisque nous savons tous les deux ce qu'il adviendra d'elle si je meure, ce combat est-il vraiment nécessaire ? Je suis prêt à prendre les armes et je me battrais jusqu'au bout, pas pour ma déesse, mais pour la promesse qu'elle m'a faite de ne pas toucher à Jelenna. »

Le gamin semblait vouloir la contredire quand elle fit remarquer que la présence à la fois du chat et de la biche était une étrange coïncidence, pourtant ses dires appuyaient ceux de la lancière.

« C'est exact, il n'y a pas de hasard dans la vie. N'essaie pas de me faire croire quoi que ce soit, je suis déjà sûre de moi. »

C'était trop gros pour être du « hasard », de plus la sensation qu'elle avait eu en arrivant était assez explicite. Sans vraiment pouvoir l'expliquer, Méléane était persuadée que Diane l'avait menée ici. Elle devrait défendre les couleurs de la déesse des forêts et Aerin serait son adversaire. La confronter à un enfant était déjà une difficulté en soit : Si elle n'était pas une tendre, elle ne pouvait violenter un gosse. Un coup de lance bien senti aurait réglé le problème en deux temps trois mouvements mais sa conscience en aurait sans doute pris un coup. Elle n'était pas un monstre, après tout.
Le pire dans cette histoire était que le gamin s'obstinait à lui tenir tête, comme si l'idée qu'il puisse être en danger n'effleurait même pas sa petite caboche d'adolescent pré-pubère. Ne se voyait-il pas être en position de faiblesse ? Essayait-il de prouver quelque chose, de jouer les héros ? C'était stupide ! Elle n'avait qu'à brandir son arme et tout serait fini. Il n'y avait pas âme qui vive aux alentours, personne n'en saurait jamais rien... et le meurtre resterait impuni. Enfin, ça, c'était le scénario qu'elle aurait adopté si seulement son adversaire avait eu cinq ou six printemps de plus. Tiraillée entre sa conscience et l'idée de mettre un terme à tout cela en quelques secondes, l'Amazone tendait visiblement à faire céder le gosse sans le toucher. S'il entendait raison, peut-être abandonnerait-il. Remarque, ce serait mieux pour lui, au moins s'en tirerait-il sain et sauf avant que la brune n'ait perdu patience. Là encore, rien de certain, qui sait comment son esprit immature allait réagir ? Méléane savait à quel point un enfant réfléchissait peu, était borné et capricieux, celui-là ne devait pas faire exception à la règle.

Ils l'avaient compris tous les deux, Jelenna avait un rôle extrêmement important à jouer et la victoire reviendrait à celui qui saurait le mieux utiliser ce nom. Sur ce point, la Louve pensait avoir la balle dans son camp, restait à jouer correctement. N'étant pas la plus diplomate des femmes, l'affaire n'était pas encore réglée.

« Offrir ta vie, hein ? » demanda-t-elle en insistant sur chaque mot pour montrer qu'elle prendrait cette phrase à la lettre, « Réfléchis à ce que tu dis, la Princesse n'est pas en danger, je ne suis pas en train de parler de choisir entre ta vie et la sienne. Si tu lui es si dévouée, explique moi donc pourquoi tu refuses d'abandonner et t'opposes à sa volonté ? Admets ta défaite et tout ce passera pour le mieux. Il ne t'arrivera rien, à la Princesse non plus.»

Les actions d'Aerin étaient contradictoires : il voulait s'acquitter de son devoir envers Ilith, sachant que cela l'amènerait à combattre la Championne de Diane – et donc de Jelenna, au final – alors qu'il ne semblait voir personne d'autre que la Princesse. Ce n'était pas compliqué de tourner le dos à sa divinité, s'il tenait tant que ça à la deuxième fille de Philéa. La Vice-Capitaine avait du mal à le comprendre, la meilleure issue pour lui tenait de l'évidence même ! Quiconque avait un peu de sens commun s’apercevrait que la résistance du petit n'avait aucun sens.

« Je ferais ce qu'il faut pour honorer mon allégeance à Diane, et je n'aurais pas besoin de tuer la Princesse pour cela. »

Où allait-il chercher des idées pareilles ? Peu importait, en fait, sûrement était-ce une nouvelle tentative pour gagner du temps.

« Je pourrais te tuer, oui, j'aurais pu le faire des dizaines de fois depuis notre rencontre. Qui aurait été au courant ? Personne. Cette lance, vois-tu, t'aurait ôté la vie avant même que tu ne t'en sois rendu compte. Tu aurais rendu l'âme depuis longtemps, si cela ne tenait qu'à moi. Je t'ai laissé en vie uniquement parce que tu es une connaissance de la famille royale. Considère que la Princesse Jelenna t'as déjà sauvé la vie »

Elle mentait mais il n'était pas utile de lui faire part de ses états d'âme. Aerin vivait parce que son ennemie n'avait pas le cœur à abattre un môme de sang-froid, elle se fichait éperdument de sa relation avec la petite sœur d'Eléa. En tout cas, si elle mentait, son visage demeurait impassible et la vérité semblait suinter de ses paroles.

« Or, ma patience a ses limites. Voudrais-tu gâcher ce cadeau ? Si tu meurs, je ne gagnerais peut-être pas grand chose mais toi, tu perdras absolument tout.»

Comme pour appuyer ses dires, la brune serra la hampe de son arme avec fermeté. S'il fallait en arriver là, soit, le temps pourrait apaiser sa conscience quand bien même elle préférerait vraiment éviter de faire cela... Elle avait déjà pris de nombreuses vie, est-ce qu'une de plus allait changer quelque chose. Tentative vaine pour se persuader, elle croyait à peine à ce qu'elle pensait. Pourtant, l'échange verbal arrivait tout doucement à son terme et si Aerin refusait d'entendre la voix de la raison, elle n'aurait plus le choix. Hors de question qu'elle fuie le combat. Elle était une soldate, une arme. Quand elle avait une mission, elle n'avait pas à réfléchir au bien-fondé de ses actes. Si on lui demandait de tuer, elle tuait. Point final. Néanmoins, elle laissait parfois son humanité s'exprimer et il pouvait s'en estimer heureux.

« La Princesse n'est pas n'importe qui. Je te rappelle qu'elle est la réincarnation de Diane. Penses-tu vraiment qu'Ilith puisse lui faire du mal ? Ouvre les yeux, petit, elle s'est jouée de toi. Ne pas toucher à Jelenna ? je doute qu'elle en soit même capable si elle le voulait. »

Le pourquoi du comment de cette promesse entre Ilith et l'adolescent n'était pas clair à ses yeux mais elle ne voulait pas en savoir plus. Elle se foutait des détails, elle avait juste la nette impression qu'Ilith s'était bien payée la tête du gamin, manipulable à souhait à cause de son jeune âge.

« Décide-toi ! Si tu veux te battre, vas-y, mais pense aux conséquences. Ce combat est inutile et tu le sais. Il ne sert à rien de persister à vouloir servir Ilith, tu as dis toi-même ne pas te battre pour elle. N'est-ce pas déjà une trahison ? Souhaite-tu en plus t'opposer à Diane ? Si tu veux le bien de la Princesse, alors pars »

Le ton était sans appel, il s'agissait de l'ultime semonce. Elle venait de place Aerin au pied du mur. Fuir ou combattre, il avait une décision à prendre. S'il faisait le mauvais choix, il ne pourrait s'en prendre qu'à lui, ce ne serait pas faute d'avoir été prévenu. N'était-ce pourtant pas évident qu'il n'avait aucune chance ? Le gamin était dix ans trop jeune pour être une menace. Comme lui, une demi-portion, pouvait-il simplement imaginer pouvoir tenir tête à une guerrière bien entraînée et rodée au combat ?
Elle transperçait du regard ce petit être à qui elle avait offert le choix entre la vie ou la mort. Les lèvres pincées, signe qu'elle ne patienterait plus éternellement, Méléane attendait la réponse du garçon.

[Mille excuses pour le retard. J'espère que ça t'ira, n'hésite pas à me contacter si je ne te laisse pas assez d'ouvertures !]

La peur avait quelque chose de grisant. Devant cette femme prête à tout pour défendre sa déesse, y compris à prendre la vie d'un adolescent comme lui, Aerin se sentait grandi. Il avait l'impression cruelle d'avoir mis le pied dans un engrenage qu'il ne comprenait pas tout à fait mais plus encore, qu'il avait grandi. Physiquement, il entrait doucement dans l'âge adulte, ses muscles s'affinaient, il avait subi une première poussée de croissance qui lui avait fait gagner quelques centimètres de sorte qu'il dominait maintenant Jelenna et Eloween lorsqu'ils se retrouvaient et ne tarderait pas dans quelques mois à rattraper les adolescentes du Temple. Son caractère changeait également, plus posé, plus réfléchi, le métisse se sentait beaucoup plus stable qu'à l'époque où sa mère l'avait abandonné. S'il ressentait toujours les effets de cet abandon comme une sorte de trahison, il parvenait désormais à comprendre qu'elle ai agi pour sa cité natale mais aussi pour lui, en le protégeant de sa propre existence. Désormais, le jeune homme se sentait prêt à affronter le monde et plus encore, il se sentait prêt à protéger quelqu'un à son tour. En ce sens, Aerin avait bel et bien grandi, il serait bientôt en âge de penser comme un adulte et de prendre part à des décisions importantes. Dans deux ans tout au plus, il serait considéré comme un homme par beaucoup de monde, et quelque part, cela lui tardait. Que son père soit fier de lui, qu'il puisse voir en lui un héritier digne de son nom, telle était la volonté secrète du petit même si l'aspect puérile de la chose la rendait ridicule.

Les signes étaient présents, il en était pleinement conscient cependant, il ne souhaitait pas les interpréter comme l'Amazone. Que la biche ai fait fuir le chat était quelque chose de naturel, de passablement logique mais quand bien même interpréterait-il les signes comme des manifestations divines, il ne trouverait pas les mêmes arguments que la jeune femme. Pour lui, si Diane devait s'incarner dans la biche, elle n'avait pas vaincu le chat représentant Ilith. La déesse Almer était libre, cruelle et féroce, elle attaquait la nuit et dans l'ombre tandis que la déesse sylvestre était l'image de la justice, de la paix et de la prospérité. Elle n'était pas fourbe mais au contraire bien trop honnête et ce n'était pas une victoire qu'elle venait d'emporter sur le chat mais un avertissement. Une requête plus exactement, dans un coin de son esprit, Aerin ne pouvait pas s'empêcher de penser que Diane avait voulu lui faire comprendre d'abandonner sa macabre déesse. Si seulement le garçonnet avait pu choisir, il aurait offert volontiers sa vie pour la belle princesse Amazone et c'était d'ailleurs sa résolution si Méléane se décidait à l'attaquer. Ilith était sérieuse, elle n'hésiterait pas un seul instant à tuer Jelenna pour satisfaire sa jalousie mais quelque part, l'apprenti Templier savait qu'il n'était pas l'arme la plus puissante de l'immortelle. Il n'était encore qu'un adolescent, un enfant au passé si lourd qu'elle avait pris plaisir à le torturer et sans doutes prenait-elle plaisir à le manipuler. Sa mort n'apporterait rien à la déesse, de cela, il en était certain mais elle aurait le mérite de faire changer les choses, de faire perdre cet ascendant que cette dernière pouvait avoir sur lui et de mettre à l'abri les deux réincarnations.

Ce combat, il le savait, était perdu d'avance par la force. Sa seule chance était soit de prendre de vitesse l'Amazone soit de la faire fléchir par la parole mais s'il était le fils des deux célèbres Templiers qu'avaient pu être et était encore Jiven et Celyween, l'Almer n'avait en rien hérité des dons d'éloquence de ses parents. Il parlait avec le cœur mais cela ne suffirait pas, c'était évident et sa jeunesse prenait le pas sur la raison, sa colère et ses doutes lui faisant faire des erreurs que ni l'un ni l'autre n'auraient commis. Il savait de toute façon que la Sentinelle n'hésiterait pas longtemps à l'attaquer, qu'elle préférerait sans doutes la colère de la petite princesse que celle de sa déesse même si l'une et l'autre ne faisaient désormais plus qu'un. Pourtant, il osait croire qu'elle choisirait la vie de la petite cadette car tout le monde aimait Jelenna, pour sa douceur, sa gentillesse et son altruisme sans limite mais également pour sa vivacité d'esprit, son intelligence et son intégrité. D'aucun s'accordaient à dire qu'elle était l'héritière qu'il fallait à Muria même si beaucoup aimait également son aînée mais, plus posée et plus souple que cette dernière, Jel' avait sans doutes moins de mal à s'attirer la sympathie des foules.

Il était d'accord avec la jeune femme, ce n'était pas un hasard mais ce n'était pas non plus un avertissement destiné à lui faire comprendre que ce combat était perdu d'avance. Bien au contraire, dans son obsession de se rapprocher de lui, la Cydienne s'était mise en danger à porter de ses flèches et si le gamin se sentait incapable de tuer il y avait encore quelques mois de cela, aujourd'hui, la donne avait clairement changer. Aerin était désormais prêt à offrir son être tout entier à la princesse Amazone bien qu'il sache parfaitement que cela le conduirait à se faire détester d'elle post mortem.

Aerin s'attendait à ce qu'elle contre chacun de ses arguments, du peu qu'il avait vu de ce monde d'adultes, il savait qu'ils prenaient un malin plaisir à démonter l'argumentaire adverse pour imposer le leur cependant, il n'était pas un adulte et là résidait à ses yeux son avantage. Qu'elle veuille jouer le jeu de la « diplomatie » auquel s'adonnait si souvent son père ne le concernait pas, ses convictions intimes étaient bien cachées dans son cœur et rien ni personne ne pourrait l'en dissuader. Il avait tenu tête à Ilith en personne et offert sa vie à la déesse en échange de celle de Jelenna, ce n'était pas aujourd'hui que l'adolescent ferait marche arrière, pas après tout ce qu'il avait traversé. Les années à Cydonia lui avait forgé un caractère solide et avaient ancré en lui ses propres convictions. Il l'écouta sans broncher, sentant au fond de lui qu'il était sur la bonne voie, qu'elle ne faisait que reprendre ses arguments pour les retourner à son avantage, preuve qu'elle était incertaine et plus encore, qu'elle avait perdu pied. Il avait pris l'avantage et c'était le principal.

« Tu joues au jeu des dieux et tu prétends ne pas voir le danger ? » lâcha-t-il avec une ironie malsaine, « Crois-tu sincèrement que cette guerre s'arrêtera à notre combat ? Crois-tu qu'Ilith tolérera la présence de Diane une fois ma défaite consommée ou la tienne ? »

Ilith avait osé défier son frère pour prendre le pouvoir et Méléane espérait vraiment qu'elle s'arrêterait à une victoire ou une défaite de ses ouailles ? Peut-être la jeune femme ne connaissait-elle pas l'histoire de la déesse Almer mais chaque membre de son peuple savait à quel point Ilith était la plus obscure des déesses. Capricieuse, elle maniait les âmes à sa guise, changeante comme la brise d'été. Votre vie tenait entre ses mains et pouvait la contenter le matin pour l'ennuyer le soir venu si bien qu'elle se débarrassait de vous. Rien n'avait plus d'importance que le pouvoir aux yeux de l'Immortelle et tout à chacun le savait chez lui. Pourtant, il avait été séduit par sa fragilité, par son « innocence » et son air si paisible dans son enfance. Il avait été séduit par son ambition également et par sa volonté farouche de vivre. Aujourd'hui, il était dans une situation étrange vis à vis de sa déesse mais plus encore parce qu'elle l'avait choisi. Il croyait de moins en moins à l'innocence d'Ilith mais trouvait encore en elle cette fragilité et cette volonté de vivre qui l'avait tant séduit à l'époque. Plus encore désormais, il avait quelqu'un à protéger et, il devait se l'avouer, à aimer.

« Ilith tuera quiconque se mettra en travers de son chemin et ce n'est pas m'opposer à la volonté de Jelenna que de vouloir la protéger. Tu n'es pas capable de voir le danger, comment tu vas la protéger ? »

Il rit à la deuxième réplique de l'Amazone, incapable qu'il était de contrôler en cet instant sa fureur :

« Il vaut mieux pour toi que tu ne la touches jamais »

C'était une menace, puérile certes, mais une menace réelle. Plus le combat avançait, plus le gamin était déchiré entre devoir et ce qu'il comprenait de plus en plus comme de l'amour envers la princesse de Muria. Il était évident désormais que ses choix n'avaient été motivés que par l'amour qu'il portait à la jeune fille, ce même amour qui lui faisait craindre pour sa vie et qui l'avait poussé à renier plus ou moins sa déesse. Ce même amour encore qui le torturait au point de craindre d'en oublier celui qu'il avait pour sa propre mère. Il aimait Jelenna, d'un amour pur et sincère, de celui que seuls les enfants peuvent partager. Son désir de la protéger n'était mué que par cela et il le sentait au plus profond de lui. Ce n'était pas Diane mais Jelenna qu'il voulait sauver. Il ressentit dans l'esprit de son adversaire une sorte de confusion et il n'eut aucun mal à comprendre qu'elle mentait. Méléane avait beau dire, ses états d'âmes la trahissaient mieux que n'importe quelle arme et cela conforta le gamin. Il se concentra, prit le temps d'évacuer la colère qui l'envahissait à chacune des remarques de la Sentinelle et il analysa la situation. Il n'était qu'un apprenti, un adolescent sans talent particulier comparé à ceux qu'il avait pu voir à Cydonia ou ailleurs mais il avait la foi, et plus encore, il s'accrochait à ses convictions. Il avait peur, c'était évident, mais il avait tellement côtoyé la mort qu'au final, ce n'était pas tant la fin qui l'apeurait que l'après.

« Je n'ai plus rien à perdre » lâcha-t-il avec froideur.

Il était plutôt amusant de voir qu'il avait eu la même discussion avec sa déesse. A l'époque, l'Elfe avait menti, il avait encore beaucoup à perdre mais aujourd'hui, il était calme, droit comme un I et tout à fait maître de ses pensées comme de ses paroles. Aerin avait vraiment grandi ces derniers temps et sans doutes sa mère aurait-elle été fière de lui. Il savait que sa fin ne tarderait pas, si ce n'était pas aujourd'hui, ce serait demain mais l'important n'était pas la mort mais la façon dont on mourait. Si son trépas pouvait servir à préserver ce qui lui était cher, il était prêt à ce sacrifice. Aujourd'hui, les paroles d'Ilith raisonnaient dans son esprit, il n'avait plus rien à perdre en effet, parce qu'il était déjà le plus heureux des hommes.

« T'as rien compris » répondit-il, méprisant cette fois, « Tu crois qu'Ilith a quelque chose à faire de vos murailles et de tes armes ? Elle est une déesse, si elle veut prendre une vie, elle la prend. Il serait peut-être temps de sortir de ta cité pour le comprendre. »

Il se força à se calmer et reprit :

« Je me fous de Diane, seule Jelenna compte. » et c'était la vérité, au fond, Diane pouvait bien crever n'est-ce-pas ? « Je ne trahis pas Ilith puisque je porte ses armes. »

Son conflit intérieur prenait forme réelle. Il était sur de lui et pourtant si pleins de contradictions, perdu entre ses devoirs, sa foi vacillante, son amour naissant et ses convictions. La Sentinelle avait raison, ce combat n'avait aucun sens bien au contraire et plus il avançait, plus le gamin se perdait, totalement incapable de savoir s'il trahissait réellement l'une pour l'autre.

Aerin devait faire un choix, il le savait mais ce choix était déjà ancré dans son cœur. Il prit la flèche lentement entre les mains, comme si son corps ne lui appartenait pas tout à fait et l'encocha. Il savait qu'elle n'aurait pas le temps de parcourir la distance nécessaire avant que la flèche ne l'atteigne, il savait également qu'elle aurait sans doutes le temps tout de même de lancer son arme sur lui et de lui porter un coup fatal, il savait enfin que jamais Jelenna ne lui pardonnerait son geste mais tout ceci était obsolète. Il était prêt.

Il allait tirer et Méléane allait réagir quand la biche apparu. D'un bond, elle s'était placée entre les deux jeunes gens et regardait l'Elfe avec une insistance dérangeante si bien qu'il était à deux doigts de poser son arme mais il ne pouvait pas non plus réellement s'y résoudre. Il ne put non plus s'y résoudre lorsque, deux longues minutes après que la biche soit apparue, Jelenna les héla, essoufflée. Son regard se posa tour à tour sur le jeune homme et sur la guerrière mais ce fut vers Aerin qu'elle se dirigea.

La gifle raisonna comme un coup de tonnerre et il ne put que lâcher la flèche tandis que la biche quittait les lieux, son travail accompli. Il n'y avait pas de hasard dans la vie, l'animal était apparu au bon moment, à la convenance de la jeune fille qui visiblement tentait de les trouver depuis un moment. Elle avait très certainement du se douter de ce qu'ils s'apprêtaient à faire et était venue en conséquence. Aerin s'en voulait désormais non pas de ce qu'il s'apprêtait à faire mais du souci qu'il pouvait lire sur ses traits tirés. Elle demeurait cependant tellement belle dans sa colère contre lui qu'il avait envie de tout lui avouer.

Le regard de la douce Amazone en disant long et les mots ne pouvaient exprimer à quel point elle leur en voulaient mais plus particulièrement à lui, d'avoir songer mettre leur vie dans la balance. Elle prit la parole après un silence qui parut une éternité.

« Ce combat n'a jamais été ma volonté, je devrais vous faire pendre tous les deux pour cette folie. Que serait-il advenu de moi sans vous deux à mes côtés ? »

Il était vrai que Jelenna ne connaissait que peu la Gardienne des Soumis mais pour autant, comme chaque Amazone de sa cité, elle la traitait comme une sœur en qui elle pouvait avoir pleinement confiance et que la disparition ferait souffrir au même titre que si Eléa ou Philéa disparaissaient. Elle aimait ses semblables voire chaque être vivant sur cette terre plus que tout et ne supportait pas l'idée que l'un d'entre eux puissent disparaître, surtout si elle le connaissait bien et avait partagé un bout de chemin avec lui.

« Baissez vos armes et j'accepterais de vous pardonner »

Aerin ne pouvait pas s'empêcher de penser qu'elle avait tout d'une princesse, l'allure comme la force de persuasion. Elle était tellement impressionnante qu'il sentit ses forces le quitter et laissa choir au sol son arme.

Le gamin était convaincu désormais qu'il avait eu tord et en ce sens, il posa son regard sur son adversaire qui n'avait que baissé son arme. Il comprit alors qu'il n'avait jamais eu aucune chance et que Jelenna lui avait vraiment sauvé la vie. Rien ne valait la vie pas même une action aussi noble qu'elle puisse paraître. Méléane avait gagné ce combat, elle l'aurait sans doutes gagné quoi qu'il arrive, il ne le saurait jamais.

[ … ]

Ils avaient rejoint en silence la cité des brumes et Jelenna n'avait accepté de lui parler qu'une fois qu'il eut pris un bain et se soit changé. Il avait déposé son arc et ses flèches dans sa chambre et avait revêtu ses vêtements de tous les jours sans vraiment y faire attention. Nyméria n'avait pas hésité à le mordre en le voyant rentrer comme pour le punir d'avoir osé penser qu'il pouvait quitter ce monde sans elle. Quelque chose comme ça puis elle s'était roulée en boule dans un coin et avait refusé ses caresses en grognant. Le cœur battant, le gamin avait frappé à la porte et était entré uniquement quand la princesse l'y avait invité. Il savait qu'elle n'était pas contente et plus que tout, qu'il l'avait déçu et son cœur se serrait d'autant plus lorsqu'il croisant son regard plein de reproches et de tristesse mêlés.

La discussion fut pénible pour le jeune Almer qui se sentait coupable mais plus encore lorsqu'il dut lui avouer sa rencontre avec la déesse et les troubles qui l'habitaient encore.

« Tu es un idiot » conclut avec force Jelenna, « Je t'interdis de mettre ta vie en péril de la sorte. Tu m'es précieux Aerin, tu ne peux décider de mourir aussi facilement sans faire attention aux conséquences. »
« Je pensais bien faire »
« Tu aurais du m'en parler, nous arions trouvé une solution ensemble ! » le rabroua-t-elle, d'une voix beaucoup plus douce.

Ils discutèrent encore longuement du sujet et les larmes ne tardèrent pas à rouler sur les joues de la jeune Amazone ce qui ne manqua pas d'accabler encore plus son jeune ami. En la voyant ainsi troublée, il ne put s'empêcher de lui avouer tout ce qu'il avait sur le cœur depuis trop longtemps déjà.

« Du premier jour où tu es venue à ma rencontre, j'ai su que nos destins seraient liés. Tu m'as sauvé ce jour-là, et tellement d'autres fois. Tu as toujours été la lumière qui me guidait après la mort de ma mère » sa gorge se serra, « J'ai offert ma vie en échange de la tienne parce que je pensais que cela apaiserait mon esprit mais j'avais tord, je ne l'ai pas fait pour toi, pour te sauver mais uniquement pour moi parce que je t'ai toujours aimée »

Il savait qu'il n'aurait pas du mais il continua tout de même.

« Je n'aurais pas tué Méléane, je savais qu'elle avait l'avantage sur moi, plus encore, que ma mort t'attristerait mais je ne pouvais pas non plus abandonner cette promesse. Je crois qu'au fond, j'étais incapable de choisir entre Ilith et toi, je le suis encore aujourd'hui. Je confonds tout mais j'ai compris une chose en te voyant me sauver la vie, jamais je ne pourrais combler une existence sans toi. »

Il aurait du se taire et pourtant, il ne pouvait pas s'en empêcher, il fallait qu'il partage cela avec elle et Jelenna ne faisait rien pour l'en empêcher. Il s'agenouilla devant elle et continua, la voix tremblante d'émotions.

« Je ne suis qu'un faible incapable d'abandonner ses illusions d'enfant », il parlait de sa foi envers Ilith mais savait que la princesse comprenait ce qu'il sous entendait, « Pourtant, je me mets à genou devant toi et t'offre mon arme comme ma vie. Je jure de te protéger, quoi qu'il m'en coûte et de te rester fidèle et loyal toute ma vie. »

Il était sérieux, elle dut le sentir. Elle ne répondit rien mais il sentit sa main sur son épaule qui l'invitait à se relever ce qu'il fit. Jelenna avait les yeux brillants d'émotion et elle murmura en Elfique quelque chose qui resterait gravé à jamais dans son cœur. Non contente d'accepter son allégeance, elle lui assurait comprendre son trouble et lui promettait de tout faire pour l'aider mais plus encore, elle lui interdisait de mourir. Il inclina légèrement la tête pour l'en remercier, conscient de l'aspect solennel du moment. Son cœur battit la chamade lorsqu'elle le prit dans ses bras. Le combat était loin dans son esprit, comme s'il n'avait jamais vraiment eu lieu et l'instant semblait comme figé par le temps si bien qu'il eut préféré qu'il dure toujours. Que ses doutes s'éloignent toute sa vie et qu'ils restent ainsi à jamais.

« Tu te souviens m'avoir demandé si nous pouvions être amis malgré nos croyances ? » murmura-t-elle à son oreille sans relâcher son étreinte.
« I remember » répondit-il en Elfique, comme si la langue lui paraissait plus appropriée en cet instant, ce qui la fit sourire.
« Je ne t'ai jamais répondu » ajouta-t-elle, ramenant sa tête à son niveau pour planter son regard dans le sien.

Il était vrai que ce jour-là, en enfants qu'ils étaient, elle n'avait pas répondu de peur de briser leur amitié naissante et ce lien aujourd'hui si présent entre eux. Depuis, il n'avait eu de cesse de se tourmenter à ce sujet, faisant toujours primer la vie de sa bien aimée sur ses croyances ancestrales. Plus encore, ces derniers temps et pourtant, il se sentait incapable d'abandonner sa foi, de laisser Ilith et ne parvenait pas à la voir autrement que comme une femme fragile et tourmentée qu'il aurait aimé aider. Perdu dans ses propres tourments, il ne comprit pas dans un premier temps ce qui lui arrivait mais la douceur des lèvres de Jelenna sur les siennes le rappela à la réalité. Le visage de la belle princesse était si adulte et pourtant si emprunt de jeunesse lorsqu'elle s'empourpra en croisant son regard, perplexe.
Aerin ne comprenait pas vraiment. Tout d'un coup, toutes ses pensées lui semblèrent n'être plus rien. Les excuses qu'il comptait présenter à Méléane, la discussion qu'il souhaitait avoir avec elle et ce qu'il voulait lui demander à savoir l'entraîner, tout cela ne comptait plus. Pas plus que ses tourments concernant sa religion, ses devoirs et l'amour osé qu'il avait formulé devant l'Amazone bien qu'il soit tout à fait conscient qu'il n'en avait pas le droit. Tout avait disparu dans les yeux de la belle Amazone. Il hésita une seconde encore, presque à se pincer pour être sur que tout cela n'était pas un rêve mais la réponse de la jeune fille se lisait ouvertement dans son Esprit comme sur son visage. Il passa instinctivement sa main derrière son dos et l'embrassa.

Loin de ce monde trop adulte encore pour eux.
Loin des dieux et de leur guerre.
Loin de tout.

[ Désengagés ]
[ Désolée, j'ai profité de la fin pour faire intervenir Jelenna et pour jouer ce passage important dans la vie du petit bout de chou, cependant, je suis sérieuse quand je parlais du fait qu'Aerin voulait reparler avec Méléane aussi si tu es d'accord, ça me tenterait bien de faire un topic avec elle à ce sujet ! ]