[DA] Une nuit aux chandelles (Privé Thétis)

Final Fantasy IX – Loss of me

L'ombre des nuages tombait sur les pavés de la cité, l'orangé du soleil s'effaçait laissant place une pâleur laiteuse qui se reflétait dans l'eau et le silence se faisait sur la place centrale. Ashelia était assise au bord d'une fontaine à écouter l'eau jaillir et retomber, elle attendait le son des cloches qui lui indiquerait l'heure à laquelle elle devait se rendre chez son hôte. Elle était séduisante en ce début de soirée, une robe en dentelle et en soie turquoise mettait en valeur le bleu de ses yeux, le vêtement lui donnait une finesse et une prestance digne d'une reine. Elle l'avait acheté dans le courant de la journée à un noble couturier qui par bonheur avait pu lui ajuster sa tenue avant la nuit. Ses boucles d'or tombaient en cascade le long de ses épaules, son teint de porcelaine et ses lèvres pulpeuses et rosées lui donnait une certaine sensualité, un air de princesse en quête du prince charmant.

Les cloches vinrent à sonner les neufs coups du soir, il était à priori vingt et une heure et il était maintenant temps pour la politicienne de se rendre à son rendez-vous. Elle avait revêtit une cape sombre pour se mêler à la pénombre des lieux et camoufler la moindre éloquence de sa part mais surtout pour dissimuler ses origines elfiques. Elle commençait son petit périple jusqu'aux appartements du P'yra et le cliquetis de ses talons sur les pavés raisonnaient partout où elle allait, elle était vraisemblablement seule dans cette cité immense. Elle n'y avait pas pensé auparavant mais ce tête à tête pouvait être un piège de la part de ce charmant Thétis, il s'était montré à de nombreuses reprises si courtois mais à quoi bon lui servirait la jeune femme ? Elle n'était qu'une simple conseillère astorg, elle n'avait rien d'une grande dirigeante ni d'une ministre silmarienne mais dans un excès de naïveté, elle avait décidé de se rendre à ce dîner pour voir de quoi il en retournait. La rues pourtant si active le jour, semblait comme éteinte la nuit mais elle ne put s'empêcher de remarquer qu'aucune boutique dite de nuit ne bordait son passage, une rue sans boutique était souvent synonyme de rue déserte. Celle que traversait la jeune femme l'emmenait jusqu'aux avants du Tribunat ce qui expliquait sûrement sa désertion nocturne, les tavernes étant bien plus plébiscité à ces heures tardives.

Le colossal bâtiment affichait une toute autre allure à l'ombre de la nuit et de la lumière des astres. Sa magnificence s'effaçait au dépend de la solitude, il semblait d'ailleurs beaucoup plus grand comme s'il n'y avait plus de limites à sa taille. Quelques lueurs de bougies se formaient aux fenêtres du monument, il était l'heure de manger pour un grand nombre d'habitants et les tribuns ne faisait pas défaut à cela. La jeune femme s'offrit d'ailleurs une pensée pour eux, que pouvaient ils faire en cette nuit-ci ? Voyaient ils eux aussi des gens dans le plus grand des secrets pour ce genre de rendez-vous ? La curiosité d'épier leur soirée était grande mais celle de découvrir la sienne l'était encore plus, elle n'avait jamais imaginé avoir la chance de dîner avec un personnage de cet acabit.

Il lui avait spécifié de ne pas rentrer par l'entrée principale mais de prendre la porte de services des domestiques qui n'était que peu surveiller aux heures de manger ce qui s'avérait d'ailleurs exacte vu la facilité avec laquelle elle s'était introduite à l'intérieur du Tribunat. Il faisait chaud dans la cuisine, les servantes s'afféraient à servir leurs maîtres et les cuisiniers à épicer, à frire, à saucer... Tout cela lui rappelait ses années enfantines au manoir Armstrong où elle fouinait dans les cuisines à la recherche de sucreries, l'un des seuls bons souvenirs dont elle arrivait à se rappeler. Elle se trouvait maintenant dans le hall du bâtiment qui était aussi désert que la rue pouvait l'être à l'extérieur ce qui n'était pas sans troubler la jeune femme qui ne l'avait jamais vu en pareil situation. Elle s'empressa de grimper les escaliers qui menaient au premier étage où résidait les personnalités politique de la ville et elle prit soin de rester le plus discret possible, ce serait bien malheureux de se retrouver en face de Méliant. Elle s'apprêtait à ouvrir la porte des appartements du P'yra lorsque celle ci s'ouvrit aussitôt et une main rassurante ne perdit pas une minute pour la faire pénétrer à l'intérieur. Thétis l'attendait, il était toujours aussi beau, charmant et courtois que tout à l'heure mais Ashelia ne put contenir plus longtemps sa joie d'être en sa compagnie en lui offrant un baiser pudique sur le coin de la joue.

"Heureuse de vous revoir Thétis, j'ai suivi toutes vos instructions comme vous le désiriez, j'espère ne pas nous attirer de problèmes. La rue et le Tribunat semblent être bien vides en ces heures tardives, je n'aurai sans doute jamais plus le plaisir de vagabonder au sein de ce bâtiment en de telles heures ! Je... Je vous remercie de m'avoir inviter à dîner avec vous."

Le jeune prince avait apprécié la rencontre avec la belle conseillère mais plus que tout, il avait également vu dans cette rencontre l'opportunité d'en apprendre plus sur la cité du nord et sur ses secrets. Conseillère auprès de l'Oblat, la jeune femme pouvait se révéler fort utile pour le Tribun qui espérait obtenir d'elle subtilement quelques informations cependant, il se rendit compte en regagnant ses appartements qu'il n'y avait pas que cela. Il avait sincèrement apprécié ces quelques heures avec elle, ayant réussi à oublier les tracas de son quotidien et se sentant différent d'avoir pu partager un peu de lui même avec une inconnue. Il se devait d'avouer qu'il était intriguée par la belle Astorg, si différente de celle qu'il avait eu l'occasion de rencontrer jusque là. Son jeune âge lui faisait parfois défaut et si ses connaissances étaient plus impressionnantes que celles du commun des mortels, il lui manquait bien souvent l'occasion de tester ces dernières « sur le terrain » comme disait si fièrement Talia. Aussi la rencontre avec la jeune noble était-elle une magnifique occasion à ses yeux d'en savoir plus sur ce peuple dont il ne connaissait que sommairement la culture. Meliant n'était pas quelqu'un qui acceptait facilement d'entamer la conversation et il n'avait pour ainsi dire jamais eu l'opportunité de faire la connaissance d'un autre Astorg jusque là. Certes sa chère Siobhan était-elle originaire de la froide cité mais elle vivait au temple depuis trop longtemps pour reconnaître le Consort en personne, mieux valait donc éviter de la mettre mal à l'aise en lui posant des questions auxquelles il savait qu'elle ne saurait répondre.

Malgré l'avancée de l'automne, il faisait relativement chaud dans les appartements du jeune P'yra. Sa mère avait prit la peine de demander qu'on y allume un feu qui crépitait tranquillement dans la cheminée. Attiré par les flammes, le jeune Almer s'assit dans le fauteuil le plus proche du foyer et son regard se perdit dans l'antre si bien qu'il ne remarqua pas le temps passer. Son esprit divagua de pensée en pensée, cherchant des solutions à des problèmes parfois trop complexes pour être partagés avec le commun des mortels. En premier lieu venait son mariage, si sa mère avait évoqué cette nécessité, il s'estimait trop jeune pour l'envisager sérieusement. Beaucoup le considéraient comme un coureur de jupons bien que cette réputation ne soit guère flatteuse et révélatrice de la vérité. Peu lui importait, l'homme ne faisait que peu de choses des rumeurs et s'en amusait même parfois, au grand damne d'Elmyre. Il n'osait pas avouer à sa mère que Titouan était un obstacle à ses épousailles, qu'elle que fut la prétendante qu'elle lui présentait, qu'elle fusse ou non à son goût. Le petit garçon était présenté comme son héritier mais jamais Thétis ne pourrait se résoudre à le laisser monter sur le trône. S'il avait appris à aimer le fruit impie des entrailles de l'ancienne Grande Prêtresse et de l'ancien P'yra qu'était son père, il savait que son demi-frère ne devrait jamais monter sur le trône. Son sang, loin d'être pur, ne pourrait lui offrir une telle opportunité cependant, le jeune homme avait beau tourné le problème dans tous les sens, il ne parvenait pas à trouver une solution satisfaisante. Evincer l'enfant n'était pas le problème, il fallait pouvoir le faire subtilement, et assurer à sa véritable descendance le pouvoir, car telle était la volontiers des dieux.

Les heures avaient filées sans qu'il n'y prenne garde et la porte s'ouvrit sur Titouan et Elmyre. Ils avaient dîner et le petit garçon ne tarderait pas à trouver le chemin de son lit une fois les prières prononcées. Comme chaque soir, il venait à la rencontre de son père pour partager quelques minutes en sa compagnie. Thétis avait fini par apprécier ces moments, en réalité, il n'avait que très peu de temps tenu rigueur à son demi-frère d'être ce qu'il était et il se prêtait même à croire qu'il était son véritable père plus souvent qu'il ne l'aurait souhaité. L'enfant pépiait et tentait péniblement de lui raconter sa journée tandis que le P'yra lui souriait et écoutait, attentif et patient. Elmyre ne tarda pas à mettre fin à l'entretient et envoya Talia coucher l'enfant, comme tous les soirs ou presque, promettant, comme par le passé avec son fils, de ne pas tarder à venir le border.

« Tu sembles soucieux mon fils » ne tarda-t-elle pas à lui confier.
« Certaines décisions me sont difficiles mère » répondit-il simplement.

Elle passa sa main sur son épaule et soupira. Le silence se fit plusieurs minutes durant avant que la jeune Almer ne se décide à reprendre la parole. Thétis avait toujours trouvé ses conseils précieux et les avait toujours écouté avec attention, n'hésitant pas à rétablir par exemple certains droits aux femmes ainsi que certaines libertés, sur conseil de cette dernière. Non qu'il soit particulièrement influencé par elle, Elmyre jouissait d'une logique et d'une franchise implacables qui plaisaient à son fils si bien qu'il estimait lui devoir beaucoup.

« Chacune de tes décisions sera difficile désormais, car c'est l'espoir de tout un peuple qui pèse sur tes épaules. Il serait sans doutes opportun de partager ce fardeau, qu'en penses-tu ? »
« Mère, je suis de ton avis, c'est d'ailleurs en ce sens que j'ai convié une invitée à partager mon dîner ce soir. »
« J'en suis forte aise mon fils, puis-je connaître l'identité de cette délicieuse jeune femme ? »
« Tu m'en vois navré maman, mais il me semble que ta mémoire te fait défaut, il s'agit de la jeune Ashelia Armstrong, elle ne devrait d'ailleurs point tardé, si tu veux bien m'excuser. »

Poliment, il sourit à sa mère avant de se retirer. Il devait se préparer et ne pouvait pas se permettre d'accueillir la jeune femme dans ses vêtements sales du jour. Il était quelque peu inconvenant de lui faire un tel affront aussi se changea-t-il et opta-t-il pour un ensemble de lin et de soie légère, le tout aux teintes bleu nuit pour le bas et beige pour le haut. Une fois prêt, le prince se dirigea vers les cuisines pour commander son repas, comme il aimait à le faire chaque jour, préférant se déplacer plutôt que d'obliger les commis à le faire à sa place. L'Almer avait pris la peine de réfléchir au dîner et son choix s'était porté sur une entrée légère, de la soupe de cucurbitacées ; un plat principal aux origines Astorg, du poisson en sauce accompagné de riz au lait et de légumes de saison et enfin, un dessert sucré car le jeune homme aimait à terminer ses repas sur une note plus douce. Son appétit s'était porté sur une crème brûlée au caramel, espérant que l'ensemble de ses choix satisferaient la belle Astorg.

Talia n'avait pas tardé à revenir une fois le jeune homme dans ses appartements et ce dernier lui avait demandé de faire le nécessaire pour sa jeune invitée. Il avait espéré lire dans ses yeux une once de jalousie mais un vide d'émotion l'envahissait. Habitué, il ne fit aucune remarque et la laissa s'acquitter de sa tâche. Lorsqu'il sut la jeune femme sur le point de pénétrer dans les appartements, il ouvrit la porte et s'inclina devant elle avec délicatesse et courtoisie avant de lui tendre la main pour l'inviter à entrer. Sa réaction le laissa quelque peu surpris, et il ne tarda pas à se reprendre.

« Madame, je puis vous assurer que je suis ravi de vous revoir cependant, je ne peux accepter de telles familiarités, il serait inconvenant que je profite de votre gentillesse. » débuta-t-il, un sourire charmé sur les lèvres dénonçant ce qu'il venait de dire, « Vous êtes en beauté ce soir et particulièrement magnifique. Votre présence a du émoustiller bon nombre de nos domestiques et être jalousée par bon nombre de femmes je puis vous en assurer. »

Lui offrant à nouveau son bras, il se permit de la mener à la table, située juste en face de la cheminée si bien que l'on sentait la chaleur des flammes. La robe turquoise de la belle était magnifique, tout comme les bijoux qu'elle portait et sa silhouette en général. Le prince en était charmé, il devait bien se l'avouer. Il tira la chaise pour lui permettre de s’asseoir et prit place en face d'elle avec un sourire calme sur les lèvres.

« Je vous en suis gré ma chère » répondit-il de prime abord, lui proposant un verre de vin blanc, sucré et tout aussi délicat qu'elle l'était elle-même, « Vous ne risquez en rien de m'attirer des ennuis, mes portes sont ouvertes à qui je l'entends très chère et je vous en prie, le plaisir était pour moi. Talia a veillé à ce que vous ne rencontriez aucun problème, j'ose espérer que vous ne m'en voudrez pas de l'avoir mandé pour vous suivre. Avez-vous passé une agréable fin de journée ? », il marqua une pause avant de continuer, tandis que la porte s'ouvrait sur les domestiques apportant l'entrée, « Je me suis permis de commander une soupe de potiron à la muscade pour l'entrée, j'ose espérer que vous aimerez. »

La lune était profitable à l'astorg, cette soirée-ci lui ouvrait les bras à de nombreuses possibilités mais ce dont la jeune femme désirait plus que tout, c'était d'un ami. Le genre d'ami à qui l'on pouvait tout dire, avec qui l'on pouvait avoir une intimité sans en être gênée et elle aimait penser à ce que le jeune P'yra soit cet ami tant rêvé. Ce n'était bien sûr que fabulation mais c'était ce dont elle rêvait depuis leur rencontre dans l'après midi, il incarnait à lui seul toutes les valeurs qu'elle aimait trouver chez un homme. Il était beau, bien fait, noble, charmant, intelligent et il savait avant tout comment parler aux femmes. C'était des qualités recherchées par de nombreuses femmes, mais cet homme là n'était pas le plus communs des gentilshommes, c'était le roi des almers et le représentant du Bénu sur terre.

"Cette fin de journée manquait d'un petit quelque chose que j'ai désormais retrouvé, ne parlons donc plus de chose si fade. Je vous remercie encore pour la douce après midi passée à vos côtés, si tous les hommes pouvaient être comme vous, le monde en serait grandement meilleure."

La blondeur d’opale affichait ses prunelles d'un bleu saphir avec fierté, elle n'était pas dupe au point de ne pas voir avec quel regard les hommes la regardait mais elle ne pouvait détourner le sien du beau Thétis. Il était intriguant de voir avec quelle facilité il arrivait à envoûter son auditoire et s'en était presque déroutant, il était doué pour la politique et il suffisait de lui adresser pour s'en rendre compte, un stratège mêlé à la belle parole, voilà ce qui décrivait en deux mots le plus puissant des almers. Il fît preuve d'une habituelle galanterie qu'il avait plutôt l'air de savoir pratiquer lorsqu'il était en présence de jolies jeunes femme, sûrement tenait-il cela de sa tendre mère.

"Vous êtes un homme charmant Thétis. Je ne saurai dire si dans ma vie j'ai déjà vu aussi gentilhomme que vous mais après tout, pourquoi toujours vouloir chercher l'impossible ? Je prédestine une merveilleuse soirée en votre compagnie, soyez en conscient."

Telle une muse qui baignait dans son océan, Ashelia était dans son élément, le relationnel était son domaine de prédilection bien qu'elle n'eut jamais la chance de pouvoir partager sa vie avec un homme mais ceci était un autre problème dont elle pouvait se passer la simple pensée, elle n'avait pas envie de gâcher son dîner. La porte se rouvrit avant même qu'elle ait eu le temps de s’asseoir à la table méticuleusement préparée par le P'yra, il l'installa confortablement à la place qui lui revenait et lui présenta le plat encore tout chaud qui venait d'arriver.

"Je me suis permis de commander une soupe de potiron à la muscade pour l'entrée, j'ose espérer que vous aimerez. "

Ce liquide orangé était donc une soupe de potiron, l'odeur qui s'en exhaler n'était pas mauvaise mais la jeune femme n'était pas friande de ce genre d'aliment. Elle appréciait davantage la saveur des fruits que celui des légumes mais bon, ce n'était pas tous les jours que l'on avait la chance de dîner en compagnie d'un si grand homme et il serait indélicat de renvoyer le plat qui lui avait été offert.

"Cette soupe m'a tout simplement l'air succulente, il ne nous reste plus qu'à en juger la saveur. Le potiron fait-il parti de vos légumes favoris ou n'était ce qu'une fantaisie que de nous faire servir ce plat ? J'ose espérer que votre imagination n'ait point fini de me surprendre, vous avez si bien commencé."

Elle était flatteuse avec le jeune homme mais une part de ce qu'elle disait exigeait des choses qu'une femme éprise attendait du bourreau de son coeur. Elle savait toute relation avec lui impossible mais elle ne pouvait s'empêcher de lui accorder une place si grande en elle même, était-ce donc ça que le sentiment si compliqué appelé amour ? Elle n'en savait rien mais c'était un obstacle au libre cours de son expression et de son imagination, elle n'aimait pas ça. D'un geste ample et léger, elle apporta la cuillère d'argent à sa bouche pour goûter à l'entrée si soigneusement cuisinée afin d'y apporter sa petite remarque, preuve de sa culture culinaire dans la restauration de qualité.

"Tout simplement excellent ! Une pointe de muscade agrémente parfaitement ce potage, un arrière gout poivrée excite mes papilles et m'ôte l'eau de la bouche si je puis dire. Votre chef cuisinier commence ce repas sur les chapeaux de roues, c'est une bien bonne qualité que de nourrir son suzerain avec une telledélicatesse. N'êtes vous pas de mon avis ?"

Le jeune prince n'avait jamais réellement manqué de rien, pour ainsi dire, il avait toujours vécu dans une certaine opulence ses jeunes années et si son apprentissage à l'école du Bénu avait été marquée par une certaine frugalité, le jeune homme aimait les belles choses et se plaisait à faire plaisir à son entourage, qu'il fusse plus ou moins proche de lui. Aussi avait-il pris soin de concocter un repas simple mais raffiné pour le plaisir gustatif de sa jeune invitée. Le p'yra avait en effet beaucoup apprécié leur rencontre et il espérait qu'il en soit de même pour la jeune conseillère. Il admirait les femmes de sa trempe, qui parvenaient à se hisser dans les plus hautes sphères de la société de par leur incroyable beauté mais également et surtout de par leur intelligence. Ashelia possédait ces deux qualités et il avait hâte d'entendre son histoire.

Le compliment de la jeune femme le tira de ses pensées, il profitait jusque là de la seule présence de la belle conseillère Astorg et espérait qu'elle en fasse de même. Il ne comprit pas de prime abord qu'elle le trouve différent des autres hommes, il ne se sentait pas différent pour sa part et estimait au contraire que son comportement était celui de tout à chacun. Thétis sourit avec douceur devant la candeur que pouvait dégager cette jeune femme, il se sentait bien en sa présence et plus encore depuis qu'elle avait accepté de passer cette soirée en sa compagnie. Rares étaient les femmes qui ne partageaient pas ses heures sans avoir des arrières pensées. Beaucoup espéraient qu'il les prennent pour reine ce qui le laissait particulièrement perplexe. Le jeune prince se contentait alors de s'emmurer dans les murailles de la Lumineuse, à l'abri des ambitions dévorantes de ces femmes, protégeant par là même son propre fils de leur portée. Il craignait que l'enfant ne soit mis en danger par son titre et par le lourd fardeau qui reposerait un jour sur ses frêles épaules.

« Ma très chère Ashelia, ce fut un délicieux après-midi en votre compagnie, il m'aurait été préjudiciable que de vous savoir errer seule dans le Tribunat. »

Le jeune Tribun n'était pas très à l'aise, pour la première fois de la journée, il se trouvait pris de court et ignorait quoi répondre en de telles circonstances. Pour lui dont la prose coulait naturellement dans ses veines, la jeune femme constituait soudainement une impasse, un mystère qu'il ne parvenait pas à percer. Bien entendu, cela émoustillait sa curiosité et son envie naturelle d'en savoir plus sur tout ce qu'il ignorait, à commencer par la jeune Astorg en personne. L'Almer n'avait que rarement l'occasion d'assouvir sa passion de l'inconnu et cette rencontre le poussait dans des retranchements qu'il lui était difficile d'appréhender mais le jeu en valait la chandelle à son sens. Le jeune homme se sentait quelque peu décontenancé mais il appréciait ce sentiment, cherchant à s'en défaire. Le plus naturellement du monde, il sourit à son interlocutrice pour évacuer ses doutes.

« Je suis fort aise de vous savoir heureuse en ma compagnie, je craignais que ma solitude ne vous soit effrayante » débuta-t-il pour toute réponse avant de reprendre d'un ton plus doux encore, qui sonnait presque comme un murmure, « Cette soirée ne peut qu'être agréable en votre présence ma très chère amie »

Sans doutes le jeune prince ne pourrait-il jamais l'avouer mais la jeune conseillère ne le laissait pas indifférent. Très belle femme, douce, charismatique, elle en était d'une attirance confondante et le jeune homme avait bien du mal sans doutes à le cacher. Il lui importait peu cependant qu'elle l'apprenne ou non, l'honnêteté passait avant tout dans l'esprit de ce garçon. Elmyre avait travaillé en ce sens dès son plus jeune âge et il ne l'en remercierait sans doutes jamais assez. La compagnie d'Ashelia était quelque chose d'étrangement agréable. L'Almer appréciait d'ordinaire peu les étrangères, quoi que la jeune Templière fusse une exception, mais il trouvait chez cette Astorg quelque chose de différent. Sans doutes son attrait pour la politique et son franc-parlé auraient-ils suffit à séduire les plus puissants hommes. A n'en point douter, elle devait être une adversaire redoutable.

Il se dégageait de la soupe une douce odeur d'automne que le jeune homme appréciait tout particulièrement. Peu friand en règle générale des plats salés, leur préférant leurs homologues sucrés, Thétis faisait néanmoins l'effort de manger équilibré pour que son fils ne prenne pas de mauvaises habitudes. Pris à son propre piège, il s'était pris d'affection pour les légumes de ces contrées et particulièrement pour le potiron dont le goût rappelait à s'y méprendre celui de la châtaigne dont il raffolait l'hiver.

« Je dois vous avouer Madame que je ne suis guère friand de plats salés, cependant, il est de mon devoir de montrer le bon exemple à mon fils. Le potiron n'est pas pour me déplaire, bien au contraire, même si je le préfère en dessert ! Mon garçon en est cependant friand, j'ose espérer qu'il en sera de même pour vous. »

Il parlait avec délicatesse de son fils, comme s'il parlait d'une femme qui aurait partagé sa vie. L'enfant avait su grappiller avec les années une place dans son cœur de plus en plus importante si bien qu'aujourd'hui, l'homme se sentait incapable d'imaginer la vie sans son demi-frère. Titouan était devenu un fils là où aurait du demeurer le frère mais peu importait, le prince l'aimait et il s'en rendait compte à chaque fois que la jeune femme amenait le sujet, consciemment ou non. Il sourit à cette réflexion avant d'observer la belle. Cette dernière mangeait avec parcimonie mais semblait apprécier la soupe ce qui ne manqua pas de le ravir à son tour. Il dégusta la soupe non sans une certaine impatience et sourit de plus belle à la remarque de son invitée.

« Les cuisines de la Lumineuse sont les plus renommées d'Azthia, à n'en point douter. J'ose espérer que la suite de ce repas sera à votre goût, je me suis permis de commander un plat typique de votre cité natale pour vous rendre hommage, du saumon accompagné d'une sauce à la vanille, de légumes et d'un riz au lait. » il marqua une pause avant de reprendre, la regardant droit dans les yeux, « Le chef m'a affirmé que la vanille des îles Nuas se mariait à merveille avec les poissons Astorgs quant au riz, je dois vous faire une confidence, je n'aime que le riz sucré ! »

Il rit doucement, se sentant quelque peu honteux de partager un tel secret avec une jeune femme aussi belle. En réalité, peu de gens connaissaient ce penchant pour le sucre du jeune p'yra, rares étaient ceux qui partageaient ses repas et beaucoup ne prêtaient pas attention à ce genre de détails. D'autant qu'en société, le jeune homme se montrait toujours poli, dégustant chaque met qu'on lui apportait, complimentant chaque plat servi. Néanmoins, le jeune prince n'en restait pas moins un fin gourmet qui appréciait les plus belles pièces sucrées. Enfant déjà, le riz au lait était parmi ses plats favoris, en grandissant, il avait rapidement refusé de manger ce riz qu'il jugeait fade sans accompagnement et si le chef cuisinier avait été quelque peu surpris de son choix, il semblait l'accepter sans mal, mariant les viandes et les poissons de son mieux avec cette petite fantaisie.

« Très chère, vous me semblez bien silencieuse, aurais-je commis un impair ? Ne soyez pas timide, sachez que nous sommes entre amis autour de cette table, vous pouvez parler le cœur libre. »

A présent, le jeune p'yra craignait d'avoir commis une erreur devant le silence de son invitée. S'était-il montré grossier ou discourtois ? Il n'avait pas souvenance d'un tel impair mais peut-être n'avait-il pas fait attention. Perplexe, il posa son regard ambré sur la jeune femme.

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