[DA] Ca faisait si longtemps (pv Asora)

Il y avait bien longtemps que Saoirse n'était pas sortie de chez elle. En dehors de ses cours chez son mécène, elle ne sortait que rarement du domicile familial, le plus souvent, elle se rendait sur le marché en compagnie de sa grande sœur pour l'aider à vendre les poissons, les récoltes ou les vêtements confectionnés par sa mère mais sans plus. La demoiselle n'aimait pas s'éloigner de chez elle, de peur qu'il n'arrive quelque chose et que son absence lui pèse. Sauf qu'en parlant d'absence, celle de son autre soeur, Asora, qui était partie au Temple depuis des années maintenant, lui pesait. Avec un soupir, la jeune fille se demandait quand elle reverrait son modèle et si un jour, elle pourrait la rejoindre à Tamawa. Elle savait qu'elle n'était pas ce qu'ils appelaient « une sensible », mais elle espérait tout de même pouvoir avoir sa place là-bas quoi qu'elle se sentait mieux avec les siens. Sao n'avait jamais compris pourquoi Asora était partie. On avait tellement besoin de bras et de connaissances à la maison … Le temps avait passé et la jeune apprentie n'avait pas eut l'occasion de revoir sa grande soeur depuis un petit moment déjà. Kiersi lui disait toujours que la Templier était mieux là où elle était et qu'il fallait qu'elle s'estime chanceuse d'échapper au travail. Aymeric trouvait la jeune fille égoïste mais comprenait tout de même son choix même s'il le critiquait souvent, quant à Friedrick, en réalité, il avait beau dire, il rêvait de prendre la place d'Asora et de quitter les lieux. Il taquinait souvent Sao à ce sujet, lui disant qu'elle avait de la chance de connaître « la liberté » pendant qu'eux travaillaient. Comme si elle même ne travaillait pas … La famille Braaden était connue pour son dévouement envers les siens mais aussi pour son travail et l'apprentie érudit ne faisait pas défaut à cette tradition, mettant toutes ses forces au service du clan familial. Elle avait cependant envie de revoir Asora qui lui manquait terriblement. Kiersi était trop vieille pour être un modèle et beaucoup trop grande gueule pour avoir une affinité plus poussée avec sa jeune soeur, quant aux garçons, ils étaient des garçons, taquins, enquiquinants mais incapables de la conseiller véritablement sur les problèmes de filles. Asora avait toujours été là elle, malgré leur grande différence d'âge, elle était la plus proche de Sao et leur complicité lui manquait un peu. La saison n'était pas spécialement propice aux récoltes, pas tout de suite du moins, et elle était tellement nulle en couture que ça ne ferait pas de grande différence si elle quittait la maison quelques jours. Sa mécène avait justement des choses à faire à Tamawa et, connaissant son affection pour la Templier, lui avait proposé de la suivre.

Le voyage fut long mais Saoirse était trop excitée à l'idée de revoir Asora qu'elle ne s'en rendit que très peu compte. Elle regarda défiler, nostalgique, les paysages. L'arrivée en ville fut comme un choc, Tamawa était très différente de ce qu'elle pensait et très différente de Storghein. Elle regarda le Temple de loin, le coeur serré. Sa mécène voulait aller dans la rue commerçante, du coup, elle la suivit en silence, se disant qu'elle aurait tout le temps pour rejoindre sa soeur après. Elle ne l'avait pas prévenue, voulant lui faire la surprise. Avec impatience, elle attendit de pouvoir s'éclipser. Deux heures après, elle eut quartier libre, sa mécène n'ayant plus besoin de ses talents de traduction. Elle essaya de trouver le chemin du Temple mais se perdit en route ...

Par un hasard étrange mais amusant, Asora faisait également un travail de traduction cet après-midi pour l'Ordre des templiers: un rapport à traduire en Astorg d'une intervention diplomatique pour les archives du village de Dakota ayant profité de l'intervention. Asora avait adopté depuis quelques années la maxime célèbre de la plume plus forte que l'épée qui, certes ne la comblait pas de bonheur, mais avait le mérite de l'attirer vers autre chose que la violence. Le rapport devait être écrit et recopié en deux exemplaires identiques afin que le Temple, comme à son habitude, en garde une trace pour ses archives personnelles. Son poignet gauche n'arrivait cependant pas à s'habituer aux mouvement étriqués de l'écriture intensives qu'elle devait produire plusieurs fois par semaine. Parfois, elle prenait même un retard considérable qu'elle ne rattrapait que bien des jours plus tard, recevant des réprimandes de plus en plus fortes au fur et à mesure que le retard s'accumulait.
Asora fit tourner sa main pour faire craquer ses articulations. Sa patience n'était en rien légendaire, et cette semaine avait été entièrement dévouée à rattraper son retard. Parfois, certains détails lui manquaient dans ses souvenirs, l'obligeant à passer subtilement certains événements sous silence ou inventer certaines parties. Cela demandait un travail intellectuel important ! Arriver à recréer des situations sans que cela ne soit trop voyant, trop gros, trop compremettant ! malgré tout, elle avait un plaisir particulier à écrire ce rapport dans sa langue maternelle. Les archives du Temple étaient rédigées soit en elfique, soit en Cydien : il était maintenant d'usage que le cydien était une langue plus universelle que l'astorg, du moins à propos de la littérature. Ecrire en cydien n'était pas une activité qu'elle appréciait particulièrement, les conjugaisons étaient plus complexes et moins intuitives.

Une fois son travail accompli, Asora profita de son temps libre pour aller prier au temple d'Esra, l'alter-ego de sa déesse, dans un coin excentré de la ville. Ce n'était pas le temple le plus fréquenté de la ville, et l'astorg y était bien connue sans pour autant qu'on la dérange dans sa dévotion. C'est à son retour qu'elle ressentit enfin la présence de sa soeur, une parmi tant d'autres qu'elle conservait dans un coin de son Esprit. La localiser ne fut pas difficile dans cette cité qu'elle connaissait bien.

"Chère soeur, c'est une agréable surprise que de te voir ici !"

La cité neutre était tellement vaste qu'il était difficile de trouver un point de repère pour la jeune apprentie. Elle aurait sans doutes mieux fait de demander à sa mécène si elle pouvait lui indiquer le chemin du Temple d'autant que si Saoirse connaissait très bien les faits attachés à ce dernier, elle n'en avait jamais vu la couleur. C'était donc vraiment difficile de faire son choix au fil des rues et l'adolescente avait plutôt l'impression de s'éloigner de son but qu'autre chose … La jeune fille pourtant timide se décida à demander son chemin, il était totalement idiot de persévérer ainsi et de ne risquer de ne pas parvenir à son but car dans quelques heures, elle devrait retrouver sa mécène pour la conduire à l'auberge et y passer la nuit sans parler du voyage qui l'attendait ensuite pour rentrer dans ses terres natales. L'Astorg n'avait pas le temps de se perdre, pas le temps non plus de gâcher de précieuses minutes en compagnie d'Asora, si tant est qu'elle veuille bien la recevoir. En fait, de cela, Sao' n'en doutait pas spécialement. Cela faisait si longtemps que les deux filles ne s'étaient pas vu … Intérieurement, la demoiselle espérait toujours que le don de l'Esprit s'éveille en elle et l'emmène loin de sa famille ou plutôt, près de la sœur qu'elle appréciait le plus, même si elle adorait les autres. Avec les années passant, cette idée et cet espoir se faisaient toujours plus minces.

Elle eut le réflexe de parler Astorg dans un premier temps avant de se rendre compte que la cité était plutôt habituée au Cydien. Elle se reprit donc et demanda son chemin avec toute la finesse et la politesse dont une femme pouvait faire preuve. L'homme sembla réfléchir un instant, comme pour jauger si elle se moquait de lui ou pas et soupira, lui indiquant la route à suivre pour se rendre au fameux Temple. Saoirse le remercia d'un sourire sincère et partit dans la direction indiquée. Les rues étaient sinueuses et elles ne semblaient jamais finir. L'apprentie faisait attention à ne pas croiser le regard des gens, de peur de s'attirer des ennuis mais lorsqu'elle entendit la voix de celle qu'elle cherchait, son cœur s'arrêta et elle manqua de se casser la figure de surprise. Elle se retourna et tomba sur Asora qui la regardait d'un air surpris.

« Comment tu as pu savoir que c'était moi ? » bafouilla-t-elle.

Avant de se souvenir que ce n'était pas bien difficile pour une Sensible de savoir qui elle avait en face d'elle. La jeune fille se dirigea vers son aînée et l'embrassa sur les deux joues avant d'ajouter d'un ton enjoué mais pourtant calme :

« Je suis venue ici pour affaire, j'avais du temps libre, j'osais espérer te trouver mais j'ai eu du mal à trouver ton fichu Temple ! »

Elle demeurait bougonne de ne pas avoir mis la main sur le Temple et pourtant heureuse de revoir sa grande sœur. Depuis tout le temps qui s'était écoulé depuis leur dernière entrevue, elle avait un peu grandie, ses cheveux étaient plus longs, ou plus courts, sa mémoire lui faisait défaut maintenant sur ce genre de détails. Elle semblait plus marquée par l'âge comme si les traces de son enfance avaient totalement disparues de son visage. Quoi qu'il en soit, elle restait Asora, la même ou presque que par le passé.

« Cela fait longtemps que tu n'es pas rentrée, comment te portes-tu ? » demanda-t-elle, une miriade d'autres questions en tête.

Autant que sa présence, sa première question était surprenante ! Bien sûr qu'il était facile pour Asora de repérer quelqu'un qu'elle connaissait depuis sa naissance dans une ville qu'elle connaissait bien ! Mais il était logique que les arcanes de l'Esprit soit étranger à sa soeur. Bien qu'elle soit de nature curieuse, tout cela devait être très, trop, abstrait pour elle, quasiment inaccessible. Asora avait toujours souhaité que ses frères et soeurs se découvrent Sensible, de pouvoir partager cela avec eux, se sentir moins seule entourée des siens et pouvoir les encadrer comme elle aurait souhaité être prise en main dès le début dans une cité où le parler cydien était la norme. Saorise devait, sur le moment, ressentir la même chose.
Asora embrassa sa soeur, lui rendant son étreinte. Elle reçut des cheveux dans la figure qui lui chatouilla un peu le nez et le cou. Saorise était plus grande, vraiment ! Asora n'avait pas souvenir que, plutôt, sa soeur avec une telle présence physique. Durant quelques secondes, Asora tenta même de se rappeler la dernière fois qu'elle avait embrassé sa soeur. Elle arrêta quand elle se rendit compte que cela devait faire trop longtemps. Asora se sentit soudainement envahie par un sentiment de honte: c'était à chaque fois pareil. Chaque semaine, elle se disait qu'elle devait écrire à sa famille. Puis, comme elle se retrouvait à écrire toute la journée pour les archives, elle remettait au lendemain, puis au sur-lendemain. Pour finalement ne jamais demander de nouvelles, encore et encore. Sans que cela ne la perturbe outre mesure, sauf en cet instant.

"Oui petite soeur, tu as raison, j'ai été très occupée. Le monde semble devenir de plus en plus fou, et demande de plus en plus de dévotion et de temps. Cela est même gênant de devoir se retrouver ici pour se voir. Mais je suis heureuse de te voir Sao. Quelles affaires t'amènent donc ici voyons ! Tu serais devenue une sorte de commerçante ? Tu dois êtres devenue quelqu'un d'important alors ! J'espère que tu continue bien tes prières, hein petite soeur ?"

Cela faisait très longtemps qu'elle n'avait pas vu sa chère grande sœur, de toute la fratrie, Asora était celle que la petite Astorg préférait. Proches en âge, beaucoup plus qu'avec ses autres frères et sœurs qu'elle aimait quand même et qu'elle appréciait malgré tout, Sao avait toujours eu tendance à beaucoup plus partager avec la templière qu'avec les autres. Aussi, quand la demoiselle avait quitté la demeure familiale, la jeune fille s'était sentie quelque peu seule et pour l'avouer, un peu trahie aussi parce qu'elle se sentait terriblement seule pour le coup ! Tout cela s'était évanoui les années passant. Plus encore, la demoiselle rêvait d'entrer un jour au Temple à son tour mais l'âge avançant, elle se doutait que ce ne serait plus possible et pourtant, elle priait tous les jours en ce sens et avait même adopté la déesse Astorg affiliée à cet étrange monde qui lui était fermé.

Le temps avait tellement filé depuis la dernière fois qu'elles avaient eu l'occasion de se voir … Tant et si bien que la jeune femme fut ravie de la savoir en bonne santé et toujours la même. Asora n'était pas spécialement câline mais elle s'était toujours montrée proche de Sao si bien que sa réaction ne la surprit pas et qu'au contraire, elle adora le fait de la savoir inchangée ! C'était marrant de voir à quel point les liens qu'elles avaient noués n'avaient jamais été brisé malgré la distance. Contente de la voir tellement en forme, Sao se dit que cela faisait longtemps qu'elle n'avait pas eu de ses nouvelles et aurait eu bien envie de lui en faire la réflexion mais connaissant Asora, elle devait avoir trente six mille choses à faire toute la journée !

« Ma mécène avait des affaires à régler ici et elle m'a demandé de l'accompagner, je n'allais pas manquer l'occasion quand même ! J'étudie pour aider nos parents, j'ai commencé des études d'érudit … mais ça fait un moment maintenant, depuis combien de temps n'as-tu pas pris de nos nouvelles ? » se moqua-t-elle avec entrain, « Tu avais quelque chose à faire ou tu rentrais au Temple ? »

Sao souriait avec sincérité, leur complicité lui avait énormément manqué, elle s'en rendait compte maintenant qu'elle avait l'occasion de discuter avec elle. Le temps passait trop vite et si la jeune fille s'entendait bien avec son frère le plus proche en âge, il était évident que ce n'était pas le même genre de relations qu'avec une sœur.

« Tu étais en mission ? »

Les questions venaient toutes seules, elle en avait tellement en tête qu'elle se demandait si elle n'aurait pas mieux fait d'écrire la liste qui lui trottait dans la tête pour qu'Asora réponde au fur et à mesure mais au final, si d'habitude elle n'aimait pas trop ce genre de discussion parce qu'elle se sentait toujours un peu décalée à poser toutes ces questions, là, elle était en confiance et ne se sentait pas autant gênée de la harceler autant.

« Tu m'as manquée tu sais, papa et maman s'inquiétaient de ne pas avoir de nouvelles mais ton maître a envoyé une lettre pour dire que tu avais une apprentie, ils étaient fiers tu t'en doutes ! Aymeric et Kiersi ont fait la fête en ton honneur et Friedrick pour changer n'a pas arrêté de te taquiner en disant qu'ils étaient fous de te confier quelqu'un enfin tu connais Fried' ! Elle est comment ton apprentie ? Tu me la présenteras ? »

Sao avait tellement envie de connaître tous ces détails, ceux d'une vie qu'elle ne pouvait pas connaître.

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