Ce jour-là,on était venue la chercher directement dans sa forge.Ce qui n'était pas rare bien sûr puisque c'était son autre chez elle. On l'avait dérangée en plein milieu de son travail; au moment précis où elle détestait le plus être dérangée, celui où elle devait unir le tranchant de la lame au coeur de l'épée. Une opération de précision qui demandait toute son attention..celle-là même qui fait la réussite ou l'échec de la pièce. Ca l'avait mise en pétard bien sûr et si le jeune homme ne s'était pas empressé de dire les mots "compagnons" et "réunion" , il aurait pu être certain d'être mis en pièce sur le champs...Au lieu de ça il n'eut a subir qu'un roulement d'oeil agacé et un soupir de même essence. La jeune femme mécontente, s'était préparé à la hâte,prévenu son père et avait quitté les lieux rapidement, jetant un dernier regard au fer rougit qui gisait sur son établi....Un échec, pensa-t-elle morose..peu probable d'être rattrapé.

A peine pieds à terre, elle s'était précipité dans la cours, puis dans les couloirs...Non pas qu'elle soupçonnait quelque chose de grave ou qu'elle était pressée de revoir ses chers collègues, mais elle détestait arriver en retard d'autant plus qu'elle était une des seules filles de l'Ordre. Elle se devait donc doublement d'être à l'heure et ses pas ne faillirent pas. En revanche, en poussant la porte de la salle, la jeune femme se rendit qu'on ne pouvait visiblement pas en dire autant des nerfs de Joris.

Dès qu'elle pénétra dans la salle, elle la sentit..Cette atmosphère étrange et lourde, bien trop électrique pour être saine. Et que dire de ce désordre? Le coupable revient toujours sur les lieux du crime dit-on...Là il ne les avait pas quittés, apparemment et il leur tournait le dos..Mais qui aurait soupçonné Joris,le Chef incontesté de l'ordre et de la discipline?Et où étaient passé le reste des compagnons?Ils auraient du être là... Décidément quelque chose clochait..et quelque chose de sérieux. Fronçant légèrement les sourcils, la jeune femme croisa les bras et attendit qu'on leur donne des explications...

Elles ne furent pas longues à venir..Et elles arrivèrent toutes crues, aussi glacées qu'un hiver à Storghein et aussi tranchantes que la plus pure des lames...Elles n'épargnèrent rien sur leur passage..Rien ni personne. A commencé par la Reine, enlevée, peut-être morte, par on-ne-sait-qui,pour on-ne sait-quoi.. Puis,les compagnons qui l'accompagnaient, morts pour la cause.Et l'ordre enfin, son existence même mis sur la sellette et ses membres écartés de l'affaire..Un véritable génocide!! Il y avait de quoi être fou de rage!

Et le premier qui déchaîna sa rage,ce fut Chiko. Le prêtre que Kez' avait un peu titillée un soir se montra sous un autre jour, plus impressionnant qu'elle ne l'aurait jamais crut.Elle fut surprise de sa transformation, mais moins pourtant que de la chaise qu'il envoya valser du côté de Joris.Keziah avait avalés toutes ces informations comme elle aurait avalé des couleuvres.Elle était arrivée il y a un an à peine..Mais l'ordre des Compagnons était déjà sans doute plus ancrée en elle que chez certains membres plus âgés. Depuis que son père adoptif l'avait recueillie, il lui avait apprit ceux qu'ils étaient et lui avait inculqué les principes de l'ordre. Tant et si bien, qu'appartenir aux compagnons avait été comme une sorte d'idéal pour elle. Un idéal qu'elle avait enfin atteint et qu'elle refuserait de voir s'éteindre!! Elle aurait du éclater comme Chiko venait de le faire, son lui criait d'en faire autant.. mais elle se retint, consciente qu'un nouvel éclat de voix n'amènerai rien.Elle brima donc sa rage et serra lles poings.

Kez' déglutit péniblement et s'avança de quelque pas en direction de Joris. La tête haute et le regard assuré d'une dureté peu commune, elle prit la parole de son ton le plus égal possible:

"Commandant,fit-elle en retenant le tremblement de sa voix, vous dites que notre rôle est terminé...C'est faux.Nous sommes les Compagnons de la Reine.C'est à nous de la retrouver plus que n'importe qui d'autre..."

Elle ferma les yeux un moment en repensant à ses compagnons d'armes morts au combat...Elle s'imaginait son père adoptif au milieu d'eux.Certes jamais ce ne serait le cas, l'homme avait prit sa retraite.Mais si cela lui était arrivé...?Aurait-on dit de lui qu'il avait échoué à son devoir???Aurait-on traîné son esprit dans la boue comme ça? Jamais elle ne l'aurait accepté!!!Alors pourquoi l'accepterait-elle pour les autres?

Elle reprit d'un plus ton sec, empreint d'une colère contrôlée avec peine.

"Et il n'y a pas eut d'échec! Les compagnons qui sont morts, sont morts pour notre Reine!Ils se sont battus pour elle jusqu'à la fin!!!Maintenant c'est à nous, à ceux qui restent de poursuivre leur mission!!Je suis sûre que vous pensez la même chose..Alors,soyez-en sur, avec ou sans votre aide, Chiko et moi iront à sa recherche !!"

Elle fit une pause, pour reprendre son souffle et son calme.. Si elle avait été seule, elle aurait déjà tourné les talons et serait partie sur le champs!! Mais elle n'était pas seule..Son regard glissa vers Chiko...Il partirait certainement. A deux, s'il acceptait, ils seraient plus fort ce qui ne serait surement pas de trop dans cette histoire où neuf dès leur étaient morts.

Elle eut un long soupir et ramena son regard sur Joris

"La vraie question n'est pas qu'allons-nous faire : mais qui nous aidera?"

Ses compagnons n'étaient pas tendre avec lui.... Et Joris détestait l'échec.
Lui qui était l'exemple même du perfectionnisme, et de l'adage « Il faut vivre pour Travailler » se retrouvait confronté à la déception, les reproches, l'amertume qu'il venait de susciter par ses révélations.
Il ne fallait pas se voiler la face: des têtes devaient tomber, des têtes allaient tomber. Et comme toujours, le plus gradé était en tête de liste.
C'était irrévocable. Les engrenages étaient maléfiquement lancés contre lui. Et il devait sauver le peu de dignité qu'il lui restait.
Pour continuer de servir sa Reine jusqu'au bout.

« Compagnons... Mes... Non, vous êtes avant tout mes Soldats. J'assume l'entière responsabilité de cette échec, et je dois en tirer les conclusions pour le bien de notre Ordre. Je me retire, Compagnon. J'abandonne ma charge pour redevenir Joris, simplement Joris, Compagnon parmi d'autres. Il n'y aura pas de surprise ou de débat: la charge de Capitaine revient à mon ancien adjoint, Kris. »

Un peu surpris de cette soudaineté imprévue (la deuxième en quelques minutes), le nouveau Capitaine et chef des Compagnons regarda autour de lui ses collègues. Non pas qu'il cherchait à s'échapper de sa charge, non, c'était le poste le plus prestigieux après celui Consort. Juste que c'était très soudain.
Joris détacha sa broche étoilée et la tendit à Kris. L' Astorg de taille moyenne et aux cheveux blonds presque blancs la saisit dans sa main droite et lentement l'agrafa à sa tunique.
Les Compagnons avaient désormais un nouveau Leader.

Kris s'éclaircit la gorge et se positionna à l'endroit exact où se trouvait Joris qui venait de s'effacer, presque transparent à présent.

« Et bien, ce n'était pas exactement comme ça que j'imaginais mon obtention de ce poste... Mais l'heure est grave, et nous avons besoin d'un leader. Je serai celui qui vous guidera à présent, et je suis celui qui vous ramenera notre Reine, je vous le promets sur mon honneur. »

Kris semblait prendre enfin un peu d'assurance.

« Nous devons restés unis, et nous mettre immédiatement au travail. Je me fiche des ordres du Consort, c'est à nous que revient la charge de sauver Kriisten. Je vais voir de mes propres yeux ce qu'on cherche à nous cacher. J'ai besoin de quelques uns d'entre vous avec moi, les autres devront rester ici pour ne pas alerter les hommes de Meliant. Qui n'a pas peur de violer les ordres? »

Pauvre Chris, il avait atterri là au pire moment possible! Joris savait comment gérer ces coups durs, mais pas quand il se sentait à l'origine de ça. De toute manière, il avait abandonné son pouvoir. Et Chris en avait hérité, avec tous les problèmes que cela pouvaient engendrer.

« Heu... Chiko et Hichino, vous allez me faire le plaisir de ne pas vous insulter maintenant. On a des choses plus graves à gérer que des querelles de couleur de cheveux par Kalten! Sauver Kriisten n'est pas seulement le dû de notre métier, mais aussi notre devoir d'Astorg! Ceux qui s'attaque à notre Honneur devront le laver avec leur sang! »

Il s'était un peu laissé emporter... Mais voir un prêtre de trente kilogrammes se changer en ours sanguinaire l'avait quelque peu refroidie. Et l'idée de faire équipe un jour avec lui....
Brrrrr!
Surtout ne pas le regarder trop bizarrement!

« Mes Compagnons. Je vais sortir immédiatement pour la côte de Krisalys et voir par mes propres yeux ce que le Consort cherche à nous cacher. Je vous l'ai dit, si on se fait prendre on sera certainement emprisonné et radié de l'Ordre. L'équipe de Joris... Restera donc ici pour faire diversion et faire croire que nous sommes toujours là. Les plus discrets d'entre vous peuvent faire jouer leurs relations à Storghein et enquêter dans la Ville même auprès des voleurs ou assassins. »

Il se tourna devant le reste des Compagnons. Il fallait les répartir au plus vite, et Chris savait exactement quoi faire. Il était toujours très rapide et rigoureux dans ses décisions:

« Joris, Agath et Keziah restez ici, je sens que des ennuis ne vont pas tarder à arriver. Chiko, j'ai besoin que tu ailles voir quelqu'un de ma connaissance, cette personne pourrait savoir des choses. Le Barde et Haldarad avec moi. On se retrouve ici ce soir pour le diner. Respect et Honneur mes Frères.»


Et après avoir donné des consignes plus personnelles à Chiko, les trois enquêteurs sortirent en silence vers le côte mystérieuse.


[Désengagement de Chris, Chiko, Haldarad,Chiko et Hichino].
[Keziah reste sur place, je posterai la suite lorsque j'aurai du temps!]
[Si je me suis trompé dans les affectations, vous pouvez MP Jacen]

En réalité, il ne faisait pas bon de rester sur place.
C'était le début d'après-midi, Kriisten avait disparu depuis quelques heures. Le nouveau chef des Compagnons et ses deux alliés étaient partis depuis à peine une heure, lorsque la porte des Appartements s'était ouverte à la volée.

Deux gardes en Noir et Or entrèrent, de chaque côté des battants de la porte. A travers la lumière qui filtrait, un homme entrait.

La peau extrêment blanche, les épaules carrées et le port magistral. Un magnifique habit vert émeraude et une cape rouge. Des cheveux châtains tombant sur son visage. Un grand et très athlétique Astorg, au charisme écrasant.

Meliant venait d'entrer sur place.

"Dites-moi, où sont donc vos collègues?"

Sa voix était puissante, ébranlante. Comment vas-tu sauver tes camarades Keziah?

Les poings serrés, Joris bouillonnait presque au sens littéral du terme. Et Meliant se faisait un malin plaisir d'attiser le feu, lançant ses pics brûlants dans la plaie béante de l'ancien chef des compagnons. Ce sale type... quand allait-il se la fermer ? Comment pouvait-il, sans broncher leur envoyer de telles claques, à lui et ses compagnons ? N'avait-il donc aucun respect, aucune compassion ? Non, visiblement non. Il continuait de le chauffer à blanc, allant même jusqu'à les accuser, eux, de la disparition de la Reine. C'était plus qu'il ne pouvait en supporter ! Mais alors que Joris allait exploser – et je vous prie de croire qu'à côté, le ravage de la salle n'était rien – alors qu'à nouveau il allait s'enflammer, les derniers mots du Consort lui firent l'effet d'une douche froide. Et le sang qui bouillait dans ses veines et circulait à toute vitesse s'arrêta brusquement. Glacé.

Alors Joris se maîtrisa. Non sans effort, il s'obligea à se calmer, fermant les yeux quelques secondes. Savoir agir comme Consort hein ?

Je n'ai jamais prétendu le contraire. D'ailleurs, il ne me semble pas que ce soit agir comme Consort que de lancer des accusations stériles à tord et à travers plutôt que de chercher des explications et de fonder ensuite des hypothèses qui tiennent la route.

Sa voix grave était d'un calme déconcertant. Le ton de ceux qui savent se faire écouter.

Pourtant, ses sentiments lui criaient de se jeter sur ce sale rat. Mais pas même une lueur de défi dans ses yeux violets ne vint trahir ses désirs. Les traits de Joris restèrent impassibles, comme toujours, insensibles aux émotions qui se bousculaient en lui. Le terrain était miné, et à tout moment Meliant risquait d'exploser. Joris préférait donc battre en retraite, laisser venir pour mieux se défendre.

Ian et Vlad, restaient, appuyés contre un mur. En retrait ils regardaient leur frère tenir tête au Consort sans broncher. Les bras croisés contre sa puissante poitrine, Joris tenait bon, face au charisme écrasant de son adversaire. Sa cape gisait sur une des rares chaises ayant été épargnées, révélant ses habits de cuir aux couleurs chaudes et ses bras aux muscles aigusés. Bien que plus petit, il n'était en rien ridicule, et toisait fièrement Meliant.
Pourvu que la joute reste verbale...

[C'est un peu light, mais c'est pas évident de prendre un sujet en cours... C'est même franchement dur de jouer un personnage qui était déjà là et joué par quelqu'un d'autre... Donc laissez moi un peu de posts, ça va venir ^^. J'ai intégré mes PNJ, je trouvais pas ça incohérent, si c'est gênant, j'édite.]

- La Reine avait confiance en vous, voyez où cela l'a mené.

La réplique claqua envers Ran, dont le seul tord fut de s'adresser à Meliant au mauvais endroit et au mauvais moment. Le Consort était sûr de lui, très bon politicien: il ne se laissait pas dominer par ses émotions, même si les quelques moustiques en face de lui qui se débattaient dans la toile de l'araignée commençaient à lui donner des envies d'emprisonnement.
Patience.... Se dire qu'ils étaient en mauvaise posture, et que c'était le dernier venin qu'ils crachaient avant d'agoniser.

- Mes hommes, ma "sainte Garde" comme vous dites, mènent en ce moment-même une enquête approfondie. Si vous restez tranquilles et à votre place, nous vous tiendrons informés des suites de l'affaire. Votre travail était de protéger la Reine: il est à présent terminé. Laissez-moi faire le mien. C'était tout ce que j'avais à dire, Compagnons.

Le Roi, dans ses grands habits noirs, tourna alors les talons et ordonna à son escorte d'ouvrir la porte. Ceux-ci s'exécutèrent sans un bruit et entourèrent le Consort.

"Une dernière chose: mettez ce temps à profit pour recruter et entraîner de meilleurs hommes. Si cependant votre Ordre survit à cet épreuve."

Et la porte se referma.




Chris, chez des Compagnons, rentra quelques heures plus tard dans les appartements. La plupart de ses enquêteurs étaient à présent revenus, accompagnés de quelques personnes extérieurs à l'ordre.

"Chou blanc pour nous. La route était trop bien gardée, nous n'avons pu qu'approcher sommairement les cadavres. Et de votre côté Compagnons?"


[Chiko, Arzhel, Ran, Joris..... Vous pouvez raconter ce que vous avez appris ici]

Il en aurait pleuré de frustration ! Depuis que cet enflure de Meliant avait quitté la salle, Joris arpentait la salle en long et en large. Ses mèches rousses, son visage crispé et ses yeux, ses yeux où se mélangeaient désespoir, incompréhension, mais par dessus tout la colère...
Un véritable lion en cage.

« La Reine avait confiance en vous, voyez où ça l'a menée. »

La réplique cinglante avait fait mouche. Elle avait transpercé l'estomac de Joris aussi sûrement qu'une lance pour ne plus en ressortir. La douleur avait été telle qu'il n'avait pas relevé les remarques acerbes du Consort. Ses menaces, ses prédictions de mauvaise augure. Il n'avait pas bronché quand enfin le vautour s'était envolé. Ni même quand Chris et les autres étaient revenus. Bredouilles.

« La Reine avait confiance en vous, voyez où ça l'a menée. »

Le doute commençait à se frayer un chemin parmi les ravages causés par la colère. Avait-il surestimé ses hommes ? Aurait-il mal évalué le danger, en laissant la Reine avec une escorte trop petite ? … Avait-il négligé la sécurité de l'Oblat... ?

« La Reine avait confiance en vous, voyez où ça l'a menée. »

C'était vrai. L'ancien capitaine avait échoué. Lamentablement. Et par sa faute il avait perdu ce qui représentait tout à ses yeux. A Storghein.

Rien de nouveau jusque là. C'était pour cette raison que quelques instants auparavant il avait abandonné son poste. Mais entendre cette pourriture de Meliant être ainsi dans le vrai... Joris ne pouvait le supporter...

« La Reine avait confiance en vous, voyez où ça l'a menée. »

Le poison du Consort filait dans les veines du Compagnon, le paralysant totalement. Si bien qu'il faillit ne pas comprendre la piste que leur offrait Chiko. Les Zélotes ? A Storghein ? C'était à la fois si évident et totalement incongru. Qui d'autre que les Cydiens pouvaient être derrière tout cela ? La haine ancestrale qui les unissaient... si ça, c'était pas un mobile de taille ! Mais ça ne ressemblait pas aux querelles qui avaient éclaté jusque là entre leurs cités. Capturer la Reine de leur ennemi de toujours... La facilité déconcertante avec laquelle ils s'étaient débrouillés...

« La Reine avait confiance en vous, voyez où ça l'a menée. »

Et elle pouvait continuer à avoir confiance en eux ! En lui... Joris ne l'abandonnerait pas. Il allait trouver ces chiens, leur faire payer cher. Très cher. Parole d'Astorg...

« Trop facile. Trop évident. Ca m'étonnerait beaucoup que ce soit les Zélotes. Ne sont-ils pas sensés être faibles ? Leur ordre, si longtemps oublié se remet à peine de ses échecs passés. Comment pourrait-il tout à coup se retrouver assez fort pour passer en territoire Astorg, pénétrer dans la capitale et venir à bout de neuf Compagnons et de la Reine elle même... Car vous la connaissez aussi bien que moi, elle n'a sûrement pas tendus les poings afin qu'on les lui lie plus aisément... »

Le maître d'arme n'avait cessé de faire les cent pas. Il n'osait pas regarder ses Compagnons. Honteux. Honteux de sa faiblesse, de son échec, de la déception justifiée que pouvaient maintenant ressentir ses camarades. Il se serait même abstenu de donner son avis si cela n'avait pas été synonyme de lâcheté.

« Nous ne pouvons toutefois pas exclure une telle piste alors que tout laisse à penser que c'est celle-ci que nous devons suivre. Peut-être devrions nous nous rendre à Cydonia, pour essayer d'en apprendre plus. J'ai peur cependant que nous ne perdions notre temps et que tout ceci ne soit qu'un piège, qu'un coup monté par Meliant. Car je suis de l'avis de Chiko. Nul ne saurait douter de son goût pour le pouvoir... Chris ? Qu'en dis-tu ? »

Il avait relevé la tête mais s'obstinait à fixer le mur d'en face. Il sentait ses frères dans un coin de la salle. La détresse de Vlad était presque palpable. Il n'attendait qu'un instant de faiblesse pour se jeter sur Joris, pour le serrer dans ses bras. Le rassurer, le protéger. Comme il l'avait toujours fait. Mais son aîné ne lui en laissera pas l'occasion. Aussi impassible qu'un gros rocher, il semblait inaccessible, même à son jeune frère. Et à essayer d'étreindre un roc, on risquerait de s'écorcher...

Keziah était restée en arrière tout au long des échanges tendus entre Meliant et ceux qui constituaient tout ce qu'il restait de l'Ordre. Bien sûr, elle avait voulut répliquer aux piques de Meliant, aussi violemment que la rage qu'il avait réveillait en elle. Mais Joris l'avait devancée. L'ancien chef des compagnons, avait tenu tête au Consort malgré le sentiment de culpabilité qui devait l'accabler. Kez aurait pu s'en plaindre. Mais elle se rendit compte bien vite que l' intervention de Joris lui avait été bénéfique en deux choses: la première, c'est qu'elle lui évitait une gifle monumentale du Consort, -tout Consort que fut Meliant, la demoiselle n'aurait sûrement pas mâché ses mots-;la deuxième, fut qu'elle lui rappela le profond conflit qui opposait les deux hommes. Un conflit qui n'était pas des moindres: tout deux s'affronteraient bientôt pour la couronne. Autrement dit pour une Reine...et pour le pouvoir.

Une phrase fit écho dans l'esprit de la forgeronne...une réponse que son père lui avait faite, quand, plus jeune, celle-ci lui avait demandé s'il n'avait jamais rêvé d'être Consort.

« Rêver d'être Consort?Le rire sonore de son père résonnait encore dans sa tête .Oh que oui!!Comme tout homme rêve d'être au bras de la plus belle femme du monde!!! Mais...ma fille, je ne suis pas assez fou pour vouloir d' une couronne. J'ai déjà bien assez de soucis avec toi!Si je devais en plus m'occuper de tout un peuple, je ne me pendrai sûrement avant la prochaine Epreuve... (il avait but une gorgée de bière avant de la poser lourdement sur la table. Puis il avait reprit d'un ton plus grave) Mais.. méfie-toi des politiciens, ma fille. Le pouvoir fait perdre la tête aux hommes. Certains hommes feraient n'importe quoi pour l'obtenir...et encore plus pour le garder. »

A bien y réfléchir, on était pas si loin d'un changement de tête de couronnée. Meliant était vissé à son trône depuis tant d'années, que tous doutait de sa victoire à la prochaine Epreuve. Joris en revanche s'annonçait comme son succésseur.Et Meliant qui faisait tout pour écarter les compagnons de la Reine de l'enquête... La course au trône était-elle déjà lancée à ce point..? « N'importe quoi.. »,disait son père...Keziah n'avait nul doute qu'un homme tel que Meliant pouvait aller jusqu'au pire.

Elle jeta un regard énigmatique au Consort alors que celui-ci quittait la pièce. La réflexion de la forgeronne s'affinait, comme une fine lame s'aiguisait sous ses coups de marteau. Chaque seconde rendait la suspicion de la jeune femme plus vive, et c'est à un point critique que Chris revint suivit d'autres compagnons. Lui même n'attisa pas la méfiance de la jeune femme...mais Chiko, évoqua Meliant dans la liste des suspects en plus des zélotes. Joris, aussi ajouta son bois au bûcher mental des traîtres où Kez faisait cuire Mr le Consort.

Lorsque Chris prit la parole, le Consort était à point et Kez décida de se rapprocher de ses compagnons. D'un ton étonnement neutre, elle déclara:

« Je pense aussi qu'il est préférable, de ne rien dire à Meliant... Comme Chiko et Joris je n'exclurait pas le Consort,lui-même... Il est sur le trône depuis longtemps, mais cela ne le protège pas vis-à-vis des lois de successions. S'il veut rester sur le trône, il doit triompher de l' Epreuve. Mais il a vieillit. Ses réflexes sont moins bons et il a un sérieux concurrent que tous donnent victorieux...

Elle fit une pause, jeta un regard en direction de Joris, puis revint à ses compagnons .

« Son règne ne résistera pas à la prochaine Epreuve...Meliant le sait. Or s'il veut conserver le pouvoir, il ne lui reste que peu de solution. Au fond, l'Epreuve n'a d'intérêt que s'il y a une Reine sur le trône. Pas de Reine, pas d' Epreuve. C'est aussi simple que cela! Et vers qui nous retournerons nous s'il n'y a plus de Reine?....Il ne restera que Meliant à la tête des Astorgs...»

Silence...La perpespective d'un Meliant régnant en maître sur son royaume lui donnait autant de plaisir que d'avaler une dizaine de couleuvres toutes en même temps.

« Quant aux zélotes...,elle prit une courte inspiration,j'hésite à croire qu'ils soient réellement impliqués.. Si ce que je pense est juste, il faut bien que Meliant offre un coupable au peuple, histoire de détourner les soupçons... et quel meilleur coupable, que ceux que nous détestons naturellement?... A sa place, je n'aurais pas choisit mieux. »

Elle croisa les bras et attrapa son menton dans sa main droite, le temps d'une courte réflexion.

« Je suis d'avis d'espionner Meliant...discrètement bien sûr. Après tout s'il mène ses propres enquêtes, il doit bien avoir trouvé quelques indices utiles pour retrouver la Reine; s'il est coupable, nous serons aux premières loges pour voir ce qu'il projette de faire... Dans les deux cas, ce ne sera pas, je pense , une perte de temps....Après rien ne nous empêche de nous séparer afin de vérifier plusieurs hypothèses,non? »

Son regard pâle se redressa vers Chris. Impassible, elle semblait de nouveau aussi froide qu'à son habitude, attendant seulement les prochaines instructions de leur chef.

« Je pourrais espionner cette ordure de Meliant. »

Tous se tournèrent vers le fond de la salle, où les frères de Joris étaient adossés. Le franc parlé de Ian surprenait toujours, visiblement. Personne, à priori dans cette salle ne portait Meliant dans son cœur, pourtant, il n’y en avait qu’un pour le formuler franchement. Qu’il s’agisse du Consort, cela lui était bien égal. Cela n’excusait en rien son comportement, son dédain envers les Compagnons… Lui aussi les avait insultés, ouvertement, d’ailleurs. En y mettant les formes, sans utiliser de grands mots… Mais cela restait un manque cruel de respect envers eux.

« Chris ? »

Ian s’était avancé. Ses longs cheveux blonds recouvraient ses larges épaules, laissées nues par son haut sans manche. Malgré son imposante stature, sa démarche souple, presque féline n’échappa à personne. Il se déplaçait sans bruit, et personne jusqu’à présent ne lui avait réellement prêté attention. Son don qu’il avait pour passer inaperçu était un bon argument pour se voir accorder cette mission. Inutile pour lui de s’étendre dans de longues suppositions, des monologues sans intérêt. Seule comptait l’action, et c’était un temps précieux qu’ils perdaient en bavardages. C’est pourquoi il n’ajouta rien, se contentant de fixer le nouveau Capitaine des Compagnons de ses yeux clairs.

Vlad savait que son frère ne prendrait pas la parole, c’est pourquoi il se permit de s’avancer à son tour. Profitant de la parade que lui offrait Ian, il s’était approché de Joris et avait posé sa main sur son épaule. Puissante. Et chaleureuse. Le geste bref échappa certainement aux Compagnons. Pas à Joris. Vlad se planta ensuite aux côtés de ses frères et croisa les bras sur son torse. La ressemblance sauta aux yeux des Compagnons. En se tenant ainsi aux côtés de Joris, on aurait pu les prendre pour des jumeaux. Les mêmes cheveux roux, bien que coupés plus courts, les épaules carrées, son air déterminé, ses yeux violets…

« Il ne faudrait, en effet pas perdre de vue les Zélotes. Il y a une hypothèse que personne n’a relevé, et pour cause, elle semble improbable. Et si Meliant avait pactisé avec les Zélotes ? Ils sont faibles, de quoi oublier la haine qu’ils portent sur notre peuple. Un arrangement de ce genre aurait pu les intéresser. »

A aucun moment on ne douta du poids qu’il mettait de ses mots. Car si sa voix était douce, elle n’était en rien timide. Bizarrement, au fur et à mesure, il perdait peu à peu de sa ressemblance avec son frère. Si au premier abord, on aurait pu les confondre, dorénavant, personne n’était dupe. Alors que dans les yeux de Joris scintillait une flamme dure et fière, dans ceux de Vlad, luisait un éclat tout à fait différent. Son regard était tendre, généreux. Rieur.

« Je sais que cette hypothèse est un peu folle, mais elle n’est pas à écarter, ajouta-t-il avec un sourire désolé. » Et ce sourire acheva de casser les points communs qu’on lui trouvait avec son frère. Car qui pouvait se vanter ici d’avoir déjà vu Joris sourire ?

Ce dernier n’ajouta rien. Il avait déjà donné son opinion, et ce n’est pas parce que les autres l’appuyaient ou au contraire, nuançaient ses propos, qu’il allait revenir dessus. Cependant, il n’avait pu s’empêcher de tiquer en écoutant l’hypothèse de Keziah. Il avait toutefois attendu que les feux des regards arrêtent de lui piquer la nuque pour y réfléchir. Il était resté impassible lorsque inexorablement les Compagnons s’étaient tournés vers lui, à l’évocation du « sérieux concurrent ». Nul ne connaissait les motivations du maître d’arme, mais il était de notoriété publique qu’il se présenterait à l’Epreuve. Pourtant, Joris ne pensait pas passer pour l’un des favoris. L’idée que Meliant ait pu enlever sa belle Reine à cause de lui le mettait affreusement mal à l’aise. Cependant cela sous-entendrait que le Consort a drôlement perdu sa confiance en ses capacités. Or, au vue de la démonstration de puissance, de charisme et de prestance qu’il avait affiché, placardé, infligé aux yeux des Compagnons quelques instants plus tôt, cela perdait tout son sens…

Décidément, ce Meliant s’avérait un homme bien plus difficile à cerner que Joris ne le pensait. Il n’était pas seulement une ordure calculatrice et intimidatrice. Les prunelles prune du Vice Capitaine vinrent se poser sur son frère. Oui, il devait savoir qui était Meliant. Et ces informations-là, Ian pouvait lui offrir…