Assit sur une table extérieur de l'auberge « De l'Or bleu», Ithilion profitait paisiblement des rayons de soleil matinal. Les températures étaient plutôt fraiche dans les plaines environnant Tamawa; , le jeune cydien, après avoir passé une longue période à Ptot Tah , n'était plus habitué à de si basse chaleur.
Sa présence ici était dû à la grande bibliothèque de la cité. Il s'agissait de la plus important du d'azthia en vu de la neutralité de Tamawa. Autant dire qu'elle devait renfermer d'innombrables secrets et trésors historiques ou scientifiques. Cela alléchait fortement son appétit insatiable de connaissance. Ces deux ans passées avec Exca Manvyn l'avait transformé en bien des choses, ou plutôt l'avait fait évoluer. Cependant, une bonne partie de sa personnalité s'était conservé, inaliénable aux caprices du temps et à la philosophie tordu de son maître.
Mais visiter la bibliothèque pour lire le maximum d'ouvrage possible ne justifiait pas totalement son passage chez les tamawiens. Lors de son entrainement à Ptot Tah, Ithilion se découvrit une nouvelle passion. La cité était le théâtre de nombreux crimes et fraudes importantes. Surtout dans les bas-fonds, car ces quartiers pauvres abritaient le repère de mafias, de gangs de brutes en tout genre qui étendaient leurs territoires sous la terreur et avec violence. Et parfois, cet vague de criminalité touchait les quartiers bourgeois amenant meurtres, vols, violes, kidnapping en série. Malheureusement, bien souvent la justice n'arrivait pas à rattraper les fautifs pour les juger ou les empêcher de réitérer leurs noirs desseins. Suite à la mort sanguinaire de trois jeunes almers dans les ruelles marchandes de la cité, Ithilion décida d'aider la milice à coincer ce tueur. Il essaya de se mettre à sa place, de comprendre les motifs de ses actes. Puis, il tenta d'établir une relation entre chacun de ses crimes. Que ce soit au niveau du lieu, de l'heure, de la façon, du choix de la victime. En rassemblant tout ses facteurs et en utilisant les données qu'il avait pu glaner, il avait réussit à intercepter l'homme de justesse en ayant interpellé au par avant les gardes de Ptot Tah pour la capture. Ce petit jeu plut beaucoup à Ithilion. Il s'agissait d'une sorte de défie entre lui et le criminelle. Une confrontation mobilisant toute son intelligence, sa logique et son sens de déduction. De plus, il permettait à la justice de rattraper ceux qui s'étaient égarés du bon chemin. Ce qui rendait la chose d'autant plus jouissif. Donc, cette affaire terminé, il s'était lancé immédiatement sur d'autres. Ses résultats furent incroyables. Une seule affaire jusqu'à ce jour lui résista. Et pourtant, presque personne n'entendit parler de lui car par mesure de prudence, il envoyait toutes ses informations, toutes ses directives par missive. Son aide multiple et efficace fût tout de fois récompensé par la milice almer. On lui laissa un petit insigne en or représentant un aigle. Cela lui garantissait l'aide des gardes almer en cas de soucies.
Sa venue à Tamawa s'expliquait donc par un mystère qui planait autour de la bibliothèque. Depuis environs un an, des livres disparaissaient la nuit. Dérobés par un voleur plus discret et insaisissable que l'ombre étant donné le dispositif de vigilance important déployé dans la bibliothèque. Cela ne se produisait pas tout les jours, mais des ouvrages précieux reposaient au sein des archives, il ne fallait absolument pas que le voleur mette la main dessus. Pour le moment, Ithilion n'avait aucune hypothèse. Des qu'il aurait terminé sa tasse , il filerait dans la bibliothèque commencer son investigation.
La bibliothèque de Tamawa méritait bien sa renommée. Des étagères de livres à pertes de vue, aussi bien en longueur qu'en hauteur. Des milliers de bouquins classées par auteurs, par sujet formant un véritable labyrinthe. Un bout de paradis sur terre pour les êtres comme Ithilion. Pour pénétrer à l'intérieur, il avait dû répondre à une multitude d'interrogatoire et s'était fait prendre son sac de voyage en guise de caution. Il n'y avait pas foule dans les allées. Quelques personnes encapuchonnées dans une longue cape bleu, donnant l'étrange impression d'avoir atterrit dans une secte, traversaient silencieusement les couloirs avec les bras chargés de livres.
Au comptoir principale, une vieille femme s'affairait à classer ses dossiers. Lorsqu'il arriva à sa hauteur, elle réajusta ses lunettes pour mieux considérer à qui elle avait à faire. Aucune méfiance sur son visage, elle attendait juste que ce jeune homme se dépêche de lui expliquer ce qu'il voulait savoir. Ithilion sortit de sa petite sacoche en cuir l'insigne almer et le posa sous le nez de la secretaire. Celle-ci parût reconnaître la broche et dévisagea une nouvelle fois Ithilion, l'air stupéfaite.
-Je viens de Ptot Tah. s'expliqua alors l'enquêteur. J'ai eut vent des vols que vous subissiez ici. Comme vous l'indique cet insigne, la milice almer m'a envoyé ici enqueter et arrêter le voleur. Cette bibliothèque est un patrimoine contenant d'important trésor à ne pas perdre.
Un sourire amusé s'étira sur le visage ridé de la vieille femme. Une voix douce et mélodieuse, totalement opposé à son apparence, lui répondit avec une pointe d'ironie :
-Un almer ? Voyez vous ça. Vous m'avez l'air plutôt pâlichon, êtes vous malade ? Bien sur, vôtre insigne n'est pas un faux, je le vois bien. Mais je vois mal les almers à le donner à n'importe qui.
-Que vous imaginez vous ? Que je l'ai volé? demanda le cydien en lui retournant son sourire. Vous pouvez envoyer un courrier à Ptot tah si l'envie vous en prend. Cependant d'ici la, votre magnifique collection de livres aura encore rétrécit. Écoutez, je vous propose cela. Vous me laissez enquêter ici en me donnant carte blanche. Pendant ce temps la, vous enverrez votre courrier pour demander confirmation. Je m'engage à ne pas sortir de ce bâtiment tant que vous ne l'aurez pas reçu. Cela vous va-t-il? Vos gardes ont mes affaires, cela devrait vous rassurer dans votre choix.
A nouveau, il fût balayé de la tête au pied par le regard perçant de son interlocutrice. Une impression désagréable d'être mis à nue. Tout se passait pour le mieux. Elle hésitait encore à lui faire confiance, mais au moins ce doute pouvait aboutir positivement.
-Bien, déclara t-elle finalement en posant ses verres sur son papier. Je ne décèle pas de mensonge en vous. Je veux bien vous donnez une chance. Cependant si vous enfreignez votre promesse ou si je découvre à la suite de mon courrier que vous m'avez mentie. Je vous promets que vous ne quitterez jamais cette bibliothèque après tout le mal que vous vous serez donné pour y rentrer.
L'avertissement était clair, telle une épée flottant soudainement au-dessus de la tête d'ithilion, vouée à le transpercer de part en part au premier faux pas. Celui-ci ne s'en fît pas le moins du monde puisqu'il ne lui avait confié que la pure vérité. Mentir et usurper son identité aurait été plus long et complètement inutile. Il lui restait seulement une chose à rajouter pour éviter tout malentendus éventuels :
-Par contre mon cas est un peu compliqué. Mon nom et ma description physique ne servira à rien vu qu'ils ne me connaissent pas. Dans votre message, demandez si vous avez remit leur insigne à un enquêteur inconnu suite à l'affaire « des cinq cinglantes ». Rajoutez que j'ai trouvé cette insigne, comme convenu, sous la souche dans la ruelle prêt du marchand de pastèque.
-Et bien voyons. soupira la secrétaire. Je me demande vraiment pourquoi je vous fait confiance. Venez avec moi,poursuivit-elle en descendant de son comptoir. Je vais vous mener à une personne qui vous donnera toutes les informations que vous souhaiterez pour votre enquête.
D'un geste de main agacé, elle le pria de la suivre en direction d'une petite allée à sa droite. Mais avant qu'elle ne soit trop loin, Ithilion l'interpella encore une fois pour lui demander une dernière faveur :
-Attendez ! J ai un dernier point à voir avec vous. Si vous voulez mettre toute les chances de notre côtés. Il faudrait que personne, hormis vous, ne connaisse le véritable motif de ma présence ici. Autant partir de zéro et tant que je n'aurais pas de preuve, même les employées de cette bibliothèque seront des suspects potentiels. Dans ce cas, il vaudrait mieux ne pas me rediriger vers quelqu'un d'autre. Faites moi passer comme un stagiaire pour une courte période.
La grande dame se figea sur place. Pendant un instant, Ithilion crut qu'elle allait exploser de fureyr et ensuite l'expulser de la bibliothèque avant qu'il n'ait le temps de comprendre ce qu'il s'était passé. Quand elle se retourna, aucune trace de colère sur son visage, juste une expression un peu pincée.
-Comme vous le voudrez. Allons à mon bureau dans ce cas, nous y serons plus à tranquille pour tout poser à plat.
Trouver ses repères dans un pareil dédale de couloirs devait demander un certain temps. L'idée d'imaginer les nouveaux employés se perdre au beau milieu de tout ces volumes amusa beaucoup Ithilion. Lui même ne perdit pas un instant pour discerner le chemin emprunté et prendre le plus de marque possible. Car il risquait de passer un bon moment ici, et marcher pendant des heures pour trouver ce dont il avait besoin ne l'intéressait guère. Peut être lui donneront-ils un plan pour faciliter son investigation.
Arrivée devant une porte métallique , la secrétaire sortie un trousseau de clés dans un concert de cliquetis. Elle trouva une petite clé argenté tordu qu'elle fit glissé dans la serrure. Une fois la porte ouverte, elle l'invita à entrer dans la pièce. Aucune fenêtre donnant sur l'extérieur, seulement un grand bureau en bois massif et de multiples étagères bien ordonnées à l'image de la propriétaire de cet espace. La vieille femme se plaça à sa place habituel tandis qu'ithilion prenait place en face d'elle.
-Et bien, commença alors la secrétaire en joignant ses deux mains au dessus de la table. Comme je vous l'ai annoncer tout à l heure, je suis prête à me fier à vous. Que souhaitez vous savoir ? Et dites moi ce dont vous aurez besoin.
Le cydien hocha de la tête pour la remercier de lui faire confiance. Il se mordilla pensivement l'ongle du pouce le temps d'une ou deux secondes avant de lui répondre :
-Pour le moment, il me faudrait la liste des livres volés, les dates du cambriolage les plus précises possibles et un plan des lieux. Si possible, il faudrait m'indiquer sur ce plan l'endroit ou était disposé les livres. A partir de cela, nous allons déjà pouvoir établir des relations, si relation il y a, et nous lancer dans nos premières hypothèses.
-Très bien, je vais vous apporter cela. Attendez moi ici quelques minutes, j'ai laissé tout ça sur le comptoir.
Elle se leva en vitesse et disparut derrière la porte dans une envolée de cape noir. Seul dans la pièce, Ithilion en profita pour fouiller sur le bureau de la secrétaire. Peut être y trouverait-il quelque chose d'intéressant. Non pas qu'il soupçonnait déjà la vieille femme. Mais si il commençait son enquête en mettant dés le début une éventualité de côté, la résolution de l'affaire avait des chances d'être compromise. A l'intérieur d'un tiroir, il tomba sur un épais manuscrit d'où des dizaines de feuilles débordaient légèrement d'entre les pages. En prêtant bien attention à ne pas tout renverser par terre, Ithilion le posa sur le bureau et ouvrit une page au hasard.
Le contenu de ce gros cahier recensait ,avec une précision déconcertante, les informations sur les employés travaillant dans la bibliothèque. Cela allait de leur visage dessiné sur une feuille indépendante à leurs résidences, en passant par leurs activités extérieures. Ce qu'Ithilion ne comprit pas immédiatement, c'était cette image d'un individu vêtu de vêtements absurdes, trop grand pour lui, aux couleurs variées. Ses cheveux bouclés se divisaient en deux pointes diamétralement opposées avec au milieu un petit bonnet ridicule. Sur son visage rond, un immense sourire débile, voir hystérique, donnant au personnage une certaine allure de psychopathe. Le sourcil droit du cydien se leva sous l'intrigue que posait ce dessin. Un clown ? Ici? Cette bibliothèque, avec une si grande renommée, laissait travailler un clown dans leurs rayons? Décidément, Ithilion était bien loin d'avoir vu toutes les surprises que lui réservait la vie.
-En tout cas, rien le fait qu'il soit un clown le classe dans les principaux suspects. dit-il amusé par cette étonnante trouvaille.
En tournant la page, une fiche s'échappa du livre pour se retrouver par terre. Ithilion se pencha pour la ramasser. Une autre peinture représentant un autre employé. Cette fois il s'agissait du visage d'une femme plutôt jolie. Une elfe même, à en juger par ses cheveux argents et ses oreilles effilés. Au verso, il avait été marqué au tampon « TEMPORAIRE » en grosses lettres rouges. Il mit l'image de côté et se pencha sur son dossier. « Volesprit Tawaren . Age : vingt ans. Profession :... »
Il n'eut pas le temps de poursuivre plus loin, l'on venait de pousser le loquet de la porte. Rapidement, Ithilion referma l'épais volume et le refourra à sa place.
Lorsque la tamawienne entra dans la pièce, son regard noir foudroya Ithilion, debout derrière son bureau, un livre à la main. Celui-ci releva la tête vers elle et lui présenta ce qu'il lisait avec un sourire d'excuse :
-Je me suis permit de vous emprunter un livre pour patienter. Archin Kevald était un écrivain à la plume d'or.
Puis il le reposa sur l'étagère, entre « Le visage de la lune » et « Le dieu aux mille visages ». La vieille femme soupira avant de se rendre à son bureau. Quand à lui, Ithilion reprit sa place et attendit patiemment qu'elle relance la conversation. Dans ses mains toutes ridées, elle tenait une épaisse enveloppe qu'elle poussa sous les yeux du détective.
-Voila les informations que vous m'avez demandé.
Ithilion saisit l'enveloppe et en sortie son contenue. La première chose à lui tomber sous la main fût la liste de tout ce qui avait été volé. Soit une cinquantaine de livres pour l'instant. Les noms étaient classés par auteurs, puis par titre et enfin par genre. Du très bon travail qui faciliterait ses recherches. Cela lui fit vraiment plaisir. Sur les clinquantes ouvrages, seulement six auteurs différents. Bien qu'ils n'opéraient pas du tout dans le même registre. Une série des livres traitaient de sujets scientifiques tandis qu'une autre n'était qu'une littérature purement lucratif. En tout cas, le voleur ciblait ses vols. Il ne choisissait clairement pas son butin au hasard.
-Est ce que les livres faisant partie de cette liste sont d'une plus grande valeur que d'autres présent dans la bibliothèque? demanda Ithilion s'en pour autant détacher son regard de la feuille.
-Et bien oui, ces ouvrages ont une certaines valeurs par rapport à une grande partie des livres que nous possédons. lui répondit la secrétaire en se levant.
Elle se dirigea au fond de la pièce en tirant avec elle un tabouret. Elle monta dessus pour tirer un gros pavé poussiéreux du haut de l'étagère.
-Elmyn Archiste, Alva Dy'Pte, Edwin Galya, Silmaeh Thread, Pither Pedighrer et Chred Iagrickhol , cita la vieille dame en feuilletant rapidement avec son index. Tout les six appartenaient à une communauté de savants qui avait pour but d'instruire le Tiers-État dans les cités. Ils avaient fondés « L 'Effervescence ». Leurs œuvres sont reconnus et encore utilisés par les plus grandes écoles. Voilà !rajouta-t-elle en posant le livre ouvert sur le bureau.
Sur les deux pages jaunit par le temps, l'encre effacée au fil des années rendait les textes difficiles à lire. Le portrait de quatre des écrivains concernés étaient dessinés. Et à côté devait être rédigé une brève biographie de leurs vies. Le premier visage représentait Il N'Yran. , un chimiste célèbre ,selon le paragraphe adjacent, pour avoir découvert les méthodes d'extractions. Ensuite venait Pither, poète célébrissime. Beaucoup de ménestrels s'inspirent de ses œuvres encore aujourd'hui hui. Les deux écrivains suivant étaient Chred Iagrickhol et Silmaeh Thread. Ithilion s'en désintéressa pour le moment et prit la seconde feuille. Il s'agissait des dates des différents vols. Le premier avait eut lieu le 25 Soufflevent an 139, il s'agissait de Cause à effet d'un bilan molaire, d'Edwin Galya. Et le dernier remontait à une semaine. Le 17 SouffleGivre an 140, avait disparut L'anatomie audio-visuel, et reproduction sexuée chez le drosophile d'Alva Dy'Pte.
Aucune régularité dans les dates. Et le nombres de livres dérobées variaient à chaque récidive. Cependant une chose attira l'attention d'Ithilion. Presque indécelable, il aurait très bien pu ne pas s'en apercevoir aussi vite.
-Et bien ça par exemple ! -Que ce passe -t-il ? s'enquit la secrétaire,
-Rien. Rien. s'excusa l'enquêteur de façon rassurante. Je ne veux pas m'avancer pour le moment. Est ce que je peux garder ceci sur moi pendant mon enquête ? Je vous le rendrais une fois cette affaire finie.-Vous m'avez l'air bien sur de vous quand au résultat de votre mission. Mais oui, bien sur ! Gardez ça avec vous. Si cela peut vous aider.
-Merci beaucoup. remercia Ithilion en rangeant l'enveloppe dans sa sacoche. Ne vous inquiétez pas, j ai résolut la quasi totalité de mes affaires. Celle-ci ne dérogera pas au lot. Bon maintenant, j'aimerais inspecter un peu les lieux. Auriez vous une carte, un plan de cette structure?
La tamawienne se frotta lentement les mains en secouant négativement de la tête.
-Je suis désolé, mais je ne peux vous fournir de tel document. Vous comprendrez surement pourquoi. Cependant, je vais vous mettre quelqu'un à disposition. Je vous ferais passer pour un nouveau employé ici.
-Très bien, accepta le cydien en se levant de sa chaise. Je ne vois pas d'inconvénient à votre proposition.
La secrétaire le mena jusqu'à un escalier en colimaçon qui s'enfonçait dans les sous-sol. Sur leur chemin, ils avaient croisés, à la grande stupéfaction d'ithilion, le clown qu'il avait vu sur le registre. Dans sa tenu de spectacle ridicule, il était la entrain de ranger un rayon en chantonnant une petite musette. Et cela semblait ne choquer personne. Ithilion ne comprenait vraiment pas les personnes. A leurs yeux, il apparaissait souvent comme un fou venu d'ailleurs. Mais lorsqu'un ménestrel travaillait dans une immense bibliothèque sapé d'une façon si inadéquate, cela ne choquait que lui.
Il se promit d'étudier la situation psychologique de ces courageux qui mettaient toutes leurs dignités de cotés pour tenter de faire rire. Ce qui pour Ithilion n'était qu'une tentative vouée à l'échec. Et pourtant cela marchait. Pourquoi les enfants ne se sauvaient-ils pas en criant lorsqu'il croisait un type avec une telle allure ? Ces clown étaient tout, sauf net ! Il fut d'ailleurs rassuré que la bonne femme ne l'ait pas choisit pour lui faire visiter.
Arrivé en bas des marches, la secrétaire le tira de ses songes pour lui signaler qu'ils allaient entrer dans les archives. Une grande pièce comportant des rangées d'anciens manuscrits ou de grimoires. Il régnait dans la pièce la forte odeur caractéristique du vieux papier poussiéreux. Alerté par les bruits de pas, une tête émergea d'une table ou était empilé des colonnes de paperasses. Une chevelure argentée tout aplatie contre un visage aux cernes marquées par la fatigue. Le cydien reconnut immédiatement ce visage pour l'avoir aussi vu après celle du clown. Lorsque son regard noisette se posa sur eux, il sentit une immense intelligence ainsi qu'une grande sagesse résider à l'intérieur de cette magnifique silhouette fine. Ithilion tomba immédiatement sous le charme. Il n y avait aucun sentiment romantique la dedans, il voulait juste en apprendre d'avantage sur cette femme. Et si elle était telle qu'il le pressentait, il aimerait grandement devenir son ami. Cela serait la première fois qu'il rencontrerait quelqu'un lui ressemblant.
-Je vous présente Volesprit Tawaren, ministre des renseignements Silmarienne. lui présenta la tamawienne. Elle vient très souvent ici pour s'occuper de nos archives. Et obtenir les informations dont elle a besoin. Demoiselle Tawaren, je vous présente...
Ne lui ayant pas dévoilé son identité au début de son entretient, Ithilion prit la parole à la place de la secrétaire accompagné d'une légère courbette :
-Süré. Forven Süré pour vous servir.-Oui, c'est cela, reprit son accompagnatrice un peu gêné. Ce jeune homme va bientôt travailler pour nous. Cela serait-il possible que vous le preniez en charge ?
La ministre dévisagea un instant ce nouvel arrivant aux cheveux peu soignés d'un bleu azur. Puis, elle s'alluma tranquillement une cigarette avant de souffler un immense nuage de fumée à l'odeur écœurante. Ithilion sentit la secrétaire se raidir instantanément, Rien d'étonnant, une pierre à feu ou même les cendres d'une cigarette n'étaient pas trop recommandée dans ce genre d'endroit hautement inflammable. Tout de fois, Volesprit ne semblait s'en soucier guère. Après avoir libéré une nouvelle bouffée de fumée, elle répondit enfin :
- Et biieeenn. Il me reste quelques dossiers à finir. Mais je pense que je pourrais m'occuper de lui dans un trentaine de minutes, si il veut bien se donner la peine d'attendre.
-Cela ne me dérange pas de patienter un peu, lui assura Ithilion qui ferait tout pour rester en sa présence.
-Très bien ! conclut la secrétaire l'air satisfait. Je vais donc pouvoir retourner à mon travail. Je vous souhaite une bonne fin de journée. Et une bonne réussite parmi nous, rajouta t-elle en appuyant son regard en direction de l'enquêteur.
Sur ces mots, elle retourna sur ses pas. Laissant Ithilion et Volesprit seul à seul dans un silence de plomb. Des qu'elle eut fini sa cigarette, la jeune elfe se remit tout de suite à son travail. Ne souhaitant pas la déranger, Ithilion s'installa confortablement sur une chaise puis croisa les bras. Trente minutes, ce n'était pas si long que ça.
-Vous savez, je ne suis pas idiote. Je peux écrire et parler en même temps. Si vous avez des questions n'hésitez pas.
La réplique totalement inattendu de la ministre tira un petit sourire à Ithilion. Rien que cette réaction prouvait une forte personnalité chez cette femme. Si il voulait s'entendre correctement avec elle, il allait devoir ne pas manquer de tact.
-Vous avez beau affirmer cela; avoir la tête sur deux sujets différents demande un plus grand temps de réflexion. Je n'aimerais pas qu'a cause de moi, votre demi heure de dure labeur ne se prolonge.
Un rire cristallin s'échappa de la bouche de Volesprit. Celle-ci releva la tête dans sa direction pour rajouter avec un jolie sourire:
-Je pense que nous allons bien nous entendre.
Cette rencontre était sans doute la plus importante qu'Ithilion est jamais faite de toute sa vie. Au plus profond de lui même, il savait qu'elle avait joué un rôle important dans ce qu'il était devenu aujourd'hui. Pas seulement du point de vu de l'Ordre. Mais même au niveau de son soit intérieur.
Lors de cette rencontre, il était encore loin de s'imaginer à quel point elle influencerait sur les chemins qu'il emprunterait. Peut être était-ce réciproque ? Pour une fois, Ithilion n'en avait aucune idée. Toujours était-il que sans elle, la suite de l'aventure aurait-été beaucoup plus fade qu'à présent.