[F-H] Réunion au sommet (intrigue Meliant, Anatoli, Jiven, Jacen, Kriisten, Jillian) (fini)

La grande bataille de Cydonia avait été une sorte de victoire. Pour les amazones, la simple déroute du Cavalier ne pouvait être considérée comme une victoire mais puisque tout Cydonia la considérait comme telle, la reine amazone n'avait rien dit. Elle s'était contentée d'aller à la rencontre d'Anatoli Clari à la fin de la bataille, en compagnie du maitre Templier Jiven. Tout trois se félicitèrent du respect de l'alliance par les amazones puis fut décidé qu'une réunion était de mise. Il fallait prendre des décisions et les bonnes et seules les cinq cités réunies autour d'un arbitre telle que le Temple pouvaient le faire. Les deux anciens ennemis s'étaient mis d'accord et la jeune femme s'en était allée, avec la lourde mission d'écrire à Silmarie et à Storghein au nom de leur alliance avec Muria.

« Inutile de prévenir Ptot Tàh, vous n'êtes pas sans savoir que la cité n'existe plus. »

La réalité était parfois cruelle, mais il faudrait passer outre les Almers et leur cité perdue pour cette fois-ci, d'autant que de toute façon, il faudrait débattre de leur sort et plus particulièrement, de celui de Tutnesi. Si ce dernier avait réellement été enlevé comme le lui avait soufflé Eléa, dans ce cas, il n'y aurait d'autre choix que d'organiser sa libération.
La souveraine s'en était allée et s'était empressée de se mettre au travail. Plutôt que d'envoyer une missive aux elfes, elle avait préféré envoyer Kiera. Philéa savait qu'elle en demandait beaucoup à sa Chef des Sentinelles mais elle n'avait confiance essentiellement qu'en elle. Pour plus de sureté, elle envoya également Eléa. Restait donc Storghein et Meliant … Philéa prit le partie de ne prévenir Kriisten qu'une fois qu'elle aurait convié l'homme Astorg à la fête. C'était un choix délicat mais nécessaire, car pour le moment, la cité des neiges était troublée et par dessus tout, l'Oblat avait disparue à ses yeux.
La dame commença donc à rédiger la missive de sa plus belle plume.

« Cher Meliant,

vous n'êtes sans doutes pas sans savoir que le fléau se répand de cité en cité et afin qu'il ne touche plus aucune d'entre elles et n'atteigne vos portes, nous avons pris la décision de nous rendre à Tamawa en ce premier de Souffleglace pour décider de l'attaque que nous lui porterons. Je vous convie donc, vous, Meliant, à cette réunion et ce, en tant que représentant de Storghein la fière, au nom de l'alliance que Kriisten et moi chérissons depuis tant d'années. Autour de cette table ne se trouverons que des amis soyez-en sur.

Dans l'attente de votre réponse,
Philéa.

J'ose également par cette missive vous proposer mes services en ce qui concerna la nécessaire traduction en Cydien. »

La jeune femme ferma la lettre et la cacheta. Elle en avait profité pour la joindre à une seconde, destinée à ses amazones restées sur place, leur demandant de rentrer dès qu'elles en auraient l'occasion. Elle savait d'avance que ces dernières ne se feraient pas prier. Lorsqu'elle eut confier la missive à une amazone sure, elle se rendit dans les quartiers de l'Oblat. Fatiguée, la reine amazone espérait que les choses se passeraient vite. Elle était déjà l'oiseau de mauvaise augure qui avait annoncé tant de mauvaises nouvelles à Kriisten, sans compter les plus récentes concernant Chris et Joris, qu'elle n'avait pas envie, une nouvelle fois, d'être la méchante de l'histoire. Elle frappa un coup sec à la porte et lorsque son amie l'invita d'entrer, elle le fit.
Lorsqu'elle sortit de la chambre, elle avait eut le temps d'annoncer la nouvelle de la réunion, décidée à la fin de la bataille, et éventuellement également, de négocier le retour de l'Astorg chez elle. Celui-ci aurait lieu durant la réunion, à laquelle elle interviendrait si la situation était sure pour elle. Philéa était tout à fait d'accord, elle comprenait parfaitement que Kriisten veuille rentrer chez elle et cette réunion semblait le moment le plus propice pour cela.
Quelques jours plus tard, les nouvelles parvinrent de Silmarie. Eléa et Kiera avaient la mine sombre et lui expliquèrent tant de choses. La cité avait été défigurée par le Cavalier de la Mort, Nalween avait été enlevée mais la clameur parlait d'une nouvelle Prêtresse. Les filles n'avaient pas bien compris ce point. Un vieillard dirigeait la cité mais avait refusé de la quitter pour cette réunion, affirmant que ce n'était pas son rôle mais celui du Capitaine Galathil.

« Mère, elle a tué Erendar et Celyween et il … il n'y a plus d'armée. »

La voix de la princesse s'était faite triste, presque assommée qu'elle était par de si mauvaises nouvelles. Philéa connaissait l'importance d'Erendar et sa mort en était déplorable, mais plus que tout, elle était en colère et triste concernant celle de Cely. Elle connaissait l'importance de la jeune elfe pour son mari certes, mais pas seulement. Désormais, elle comprenait beaucoup mieux l'état d'esprit dans lequel s'était trouvé Jiven durant la bataille de Tamawa. Il devait être au courant de tout.

« Et ton père ? »

Eléa eut un sourire. Philéa pu, l'espace d'un instant, craindre le pire.

« Il est rentré à Tamawa avec le petit Aerin, tu recevras bientôt une missive de sa part. »

Philéa congédia les deux femmes pour réfléchir en paix. Aller à la rescousse de la Grande Prêtresse n'était pas prévu mais il faudrait le faire. Avec une telle arme entre les mains, Azael prenait des forces, mieux valait couper court à cela au plus vite. Si Silmarie n'avait plus d'armée, les choses étaient également tendues. Entre les Almers et les elfes … ne restaient plus que les armées Astorg, Cydienne et Amazone, ainsi que les Templiers et la milice de Tamawa. Les choses n'étaient pas au beau fixe.

La missive de Jacen aida la jeune femme à retrouver quelque peu le sourire.
Celyween était malheureusement décédée et avait laissé Jiven dans un trouble profond mais pour autant, le retour de son fils lui permettait de surmonter l'épreuve. L'enfant quant à lui n'allait pas vraiment mieux mais il semblait trouver en son père la force de vivre. Mais le plus important dans cette lettre était sans doutes ce que son mari avait à lui annoncer. Jelenna était en vie, il en avait eu la preuve à Silmarie. La petite fille l'avait aidé à sortir du labyrinthe de Mort et la logique voulait que si elle savait le faire pour lui, elle savait le faire pour elle. Elle était en vie et en forme. Philéa était tellement soulagée. La petite fille lui manquait tant.

~

Le jour J était arrivé plus vite que prévu. La reine amazone avait refusé que Jacen vienne la chercher, elle était tout à fait apte à venir seule. Une nouvelle fois, elle laissa la cité entre les mains d'Eléa mais y ajouta Kiera. Les deux femmes ensemble feraient des merveilles si la cité se faisait attaquer, pas d'inquiétude à avoir. Non, la reine amazone craignait surtout cette réunion, elle qui n'était pas vraiment encline à aller à la rencontre des autres peuples. Il lui avait fallu faire des sacrifices et refouler ce défaut pour le bien de sa cité. Elle aurait vendu son corps pour sauver Muria s'il l'avait fallu ! Une couche fut mise à la disposition de l'Oblat mais cette dernière préféra une monture. Philéa lui proposa la sienne en signe d'amitié et pour sa part, elle s'installa sur la couche. Les petites vies qui poussaient dans son ventre arrondi ne la laissaient que rarement en paix et monter à cheval était désormais exclu.
Le voyage ne fut pas aussi long que la dernière fois. Elles arrivèrent bien vite à destination et ce fut encore une fois Philéa qui prit la parole. Elle avait emmené Kriisten auprès de Jiven sans même attendre l'arrivée de son époux.

« Jiven, mon vieil ami. »

Le voyage se faisait sentir mais elle tint bon et poursuivit :

« Je te présente mes condoléances pour Celyween, Jacen m'a appris sa disparition. Je suis désolée de ne pas avoir le temps de faire plus mais la situation ne m'en laisse pas l'occasion ».

Elle se tourna vers Kriisten et annonça :

« Je te présente Kriisten, Oblat de Storghein, pourrais-tu lui trouver une chambre ? »

La reine amazone avait fait exprès de prendre ce ton détaché et amusé. Elle ne tenait pas à s'éterniser et si les deux avaient à parler avant le lendemain, ils pourraient le faire en dehors de sa présence, pour sa part, elle estimait avoir accompli son devoir jusque là et n'aspirait qu'au repos. Elle remercia le Templier pour son hospitalité et s'excusa de ce comportement si peu digne mais elle avait bien trop mal pour rester debout. Presque inconsciente de ce qu'elle faisait, elle se dirigea par instinct vers la chambre de Jacen. Il était tard, l'après-midi avait déjà commencé à décliner et l'homme écrivait à son bureau.

« Et bien, quelle honte de ne pas venir accueillir sa propre femme ! »

Elle avait voulu faire de l'humour mais le voyage l'avait tellement fatiguée qu'elle n'avait plus de forces. Elle manqua de tomber dans l'embrasure de la porte et Jacen la rattrapa à temps. De la sueur perlait sur son front. Elle en avait fait trop, comme toujours. Elle avait beau être dévouée à Muria, elle ne savait pas encore où étaient ses limites.
Lorsqu'elle s'éveilla, le Templier était toujours là à ses côtés, il s'était visiblement endormi en la soignant ou en la veillant. En tout cas, la reine amazone se sentait mieux et était pleine de vie, dans tous les sens du terme. Elle posa sa main sur la joue de son époux et lui sourit avec tendresse lorsqu'il s'éveilla.

« Il est temps. » murmura-t-elle doucement.

~

Philéa avait revêtu sa robe immaculée aux liserés noirs qu'elle affectionnait tant. Cette dernière avait été reprisée pour s'adapter à ses nouvelles courbes. Un serpent en or cerclait son bras gauche tandis qu'elle avait préféré ne prendre ni couronne ni arme avec elle. Elle entra la première en compagnie de Jiven et de Jacen, qui avait insisté pour être présent. Il fallait que tous viennent, c'était la condition de leur victoire sur le dieu malsain et la seule condition pour qu'elle puisse retrouver sa précieuse Jelenna.

[ Excusez-moi si j'ai manipulé vos personnages, j'ai essayé de le faire le moins possible mais je n'avais pas le choix, dans tous les cas, j'ai essayé de vous laisser le maximum d'ouvertures possibles au cas où vous voudriez rejouer les passages que j'ai décris. Si cela vous pose problème, n'hésitez pas à me le dire, j'éditerai. ]

Les rumeurs courraient bon train à Storghein. Meliant n'y pouvait pas grand chose. Malgré son annonce publique, le doute planait sur la véracité de ses propos. La traitrise de Chris, l'incertitude sur le cas de Joris. C'était un peu trop pour le peuple astorg. La disparition de Kriisten avait déjà affaibli la cité et savoir que la Reine avait été trahie par son propre clan n'arrangeait en rien les choses. La position du Consort se trouvait affaiblie. La confiance des gens s'effritait doucement. On était encore loin de la révolte, mais il fallait faire quelque chose. Retrouver la trace de l'Oblat. Donner quelque chose aux habitants de Storghein, sans quoi... La cité allait se retrouver démunie si Erathia venait à attaquer. Voilà où en étaient les préoccupations de Meliant lorsqu'il reçu la missive de la Reine de Muria. Ce fut une surprise et pas des moindres. Ces deux là ne se portaient pas spécialement dans le cœur. Enfin, il devait reconnaître que Philéa était grande Reine, qui passait outre ce fait pour le bien d'Azthia. Il ne fallut pas beaucoup de temps de réflexion à Meliant, avant de lui envoyer sa réponse.

Chère Philéa,

Comment ne pas le savoir. Les choses semblent aller de mal en pis sur Azthia. Votre décision est la bonne. Il est grand temps de mettre nos rancœurs de côté pour assurer un avenir meilleur aux peuples de ce monde. Il serait regrettable que ce qui est arrivé à Ptot Tàh se reproduise de nouveau et touche une autre cité. La passivité conduirait à notre perte à tous, c'est pour cela que je serais présent à Tamawa le premier souffleglace.
Malgré l'absence de Kriisten, je m'engage de représenter au mieux la Fière Storghien.

Cordialement,
Meliant.

J'accepte avec plaisir votre aide quant au traducteur.

Une bien belle réponse, hypocrite à souhait, sachant que Maliant ne pensait, à dire vrai, qu'à sa propre cité. Enfin, on ne pouvait lui en vouloir, n'est ce pas ? C'était dans sa nature. Ses préoccupations ne pouvaient dépasser les limites de la cité. Sa propre personne l'accaparait déjà tellement qu'il aurait été presque indécent de lui demander d'éprouver de la compassion ou de l'inquiétude pour un autre peuple que le sien. Cydonia aurait pu être réduite en poussière qu'il n'aurait même pas sourciller. D'ailleurs, cette histoire de traducteur suscitait chez lui une certaine réticence quant à ce déplacement. C'était dans la nature astorg d'exécrer ce genre de rencontres avec leur ennemi. Enfin, il fallait s'y résoudre. Azthia avait besoin de la force Cydienne. La survie de Storghien en dépendait tout autant. Une chose bien difficile à admettre, mais Meliant avait beau être fier, il n'était pas totalement con.

Le Consort n'arriva que le jour convenu. Il n'avait ressenti aucune envie à dormir au Temple et son carrosse était bien assez confortable pour ne pas faire peser sur ses épaules la fatigue du voyage. L'accueil, qu'on lui fit, fut plutôt sobre. Presque inacceptable pour une personne de sa trempe. Enfin, on ne pouvait attendre autre chose d'une cité « presque en ruines ».
Toujours aussi confiant et élégamment vêtu, Meliant fit son entrée dans la salle, abandonnant son somptueux manteau de fourrure à un quelconque être de passage, sans se soucier qu'il fut templier ou simple domestique -si domestiques il y avait en ce pauvre lieu.
Philéa était déjà là, en compagnie des deux Maîtres Templiers, et à la grande surprise de l'homme, son ventre semblait plus rond que dans ses souvenirs. Enfin, ce que la Reine Amazone faisait n'avait pas de particulier intérêt aux yeux du Consort. D'une démarche souple, il s'approcha d'elle et appliqua sur sa main un léger baisemain, pour ensuite, saluer Jacen et Jiven d'une inclinaison polie de la tête.

« Bonjour. C'est plaisir de tous vous revoir. Sommes nous les seuls participants de cette réunion ? »

Meliant se doutait bien que non, mais cela faisait partie du personnage, cette manie de lancer des petites piques d'ironie, toujours avec le sourire et extrême politesse. Il suffisait juste d'y faire abstraction.

« Sachez que j'attends, comme vous, beaucoup de cette rencontre. Espérons qu'elle sera fructueuse. »

Il savait qu'il viendrait.
Et il préférait de loin l'agneau à la louve. L'Oblat disparue, certainement morte, avait laissé Storghein sous pression. Et un Meliant affaibli était tout ce qu'il voulait voir.
Certes, la cité des neiges n'avaient pas encaissé de siège, de bataille. Mais l'instabilité politique, sur Azthia, était parfois pire qu'un problème militaire.

Ce qui était le cas également de Silmarie et de Ptot Tàh. En fait, de toutes les cités d'Azthia, il n'y avait plus que Cydonia, Muria et Storghein qui avait de la puissance. Voilà sur quoi aller se porter la réunion: équilibrer les forces entre les trois. Qui pouvait encore défendre les intérêts d'une cité morte Almer, ou d'Elfes sans armées? Clari avait toujours tenu en grand respect Ayaween, Nalween et Silmarie. Mais était-ce le cas des Astorgs également? Muria n'aurait-elle pas tout intérêt à étendre son influence vers le sud? Anatoli était venu défendre les intérêts d'Azthia avant tout, mais il ne pouvait en dire autant de la part de Meliant. Il allait falloir jouer finement. Anatoli ne doutait pas de la victoire, sinon il ne serait pas là. Mais que se passerait-il ensuite? Qu'arriverait-il à Azthia et à sa cité si l'armée de Cydonia se faisait saigner face à Erathia contrairement à celle de Storghein?
Et qu'arriverait-il si Anatoli n'était pas réélu consul en ouverture d'année?
Non, il lui fallait absolument revenir avec une victoire. Pour Azthia, pour Cydonia... Et pour son avenir.

Il prit tout son temps pour venir. Il connaissait bien le Temple d'Ankdor, mais il flâna un peu comme s'il n'avait jamais vu les lieux. Arriver en dernier était un signe fort, il était celui sans qui la séance ne commencerait pas.
Il fit tout pour arriver en dernier, sans être trop en retard. Attendre surtout que Meliant passe avant lui.

Puis, il entra.
Il regardait fixement devant lui, marchait lentement dans sa toge blanche. La gratin était là, ses amis, ses anciens ennemies... Et l'Autre.
Il salua profondément, louant la promptitude et le mérite de Philéa a réunir ces personnes autour d'une même table.

"C'est un grand jour." Conclua-t-il humblement.

Il n'avait pas oublié Meliant. La bienséance l'obligeait d'ailleurs à lui passer un message:

" Cher Meliant, mes espoirs accompagnent la recherche de votre femme. J'ai été très attristé d'apprendre sa disparition. L'enlèvement semble être devenu une bien triste arme de nos jours", ajouta-t-il enfin en écho à Philéa et Jacen.

Et en cydien, bien entendu.
La Reine amazone traduisit rapidement la tirade d'Anatoli dans la langue Astorg. La rencontre se déroulerait en Cydien. C'était ainsi.

"Je vois les Astorgs, les Amazones, les Templiers"

(Les citer par politesse bien sûr, ils étaient présents dans la salle malgré la petitesse de leur armée)

"et les Cydiens. Je crois que nous pouvons commencer."

Jiven savait que la réunion aurait lieu sous peu et s'attendait donc à recevoir dans cette cité en reconstruction suite au passage des Cavaliers les dirigeants des autres forces de ce monde. Pour sa part, le Templier savait qu'il y avait bien longtemps que les siens ne faisaient plus parties des grands de ce monde. Lorsque la reine amazone arriva, Jiven fut surpris de la savoir en compagnie de l'Oblat. Il avait eut vent de la disparition de cette dernière mais ignorait que la Dame avait trouvé refuge dans la cité amazone. Il s'étonna également de ne pas avoir eu vent de cette précieuse information mais sans doutes Philéa avait-elle ses raisons. Mieux valait sans doutes que ce genre d'informations ne circulent pas trop … Quoi qu'il en soit, Jiven accueillit l'Astorg avec le sourire malgré son étonnement. Il inclina la tête devant les deux femmes, ajoutant :

« Très chère Philéa, Dame Kriisten, soyez les bienvenues ! »

Si le maitre Templier avait pu se demander bien souvent depuis la bataille de Cydonia ce qu'il en serait de cette réunion, si les pires scénarios s'étaient dessiné dans son esprit, il n'avait jamais pensé que la jeune reine des glaces puisse être présente aujourd'hui. Sans doutes cela allait-il changer la donne et plus que bien ! Meliant serait surement fou de rage de voir sa femme présente là où il pensait représenter son peuple. Pourquoi Philéa avait-elle conduit Kriisten au Temple en sachant pertinemment qu'elle serait la réaction du Consort ?
L'homme écouta ensuite Philéa qui continuait à parler. Celle-ci lui présenta ses condoléances quant à la disparition de sa moitié. Jiven savait que la reine amazone, malgré les apparences que lui imposait la bienséance, était sincère. Par le passé, les deux femmes ne s'étaient pas toujours entendues certes mais elles éprouvaient un respect mutuel l'une pour l'autre. Celyween avait eu du mal à accepter certains penchants de Jiven pour la belle Cydienne tout comme elle n'avait que peu accepté que Jacen la choisisse elle plutôt que ses vieux amis. Philéa quant à elle avait d'autres rancœurs aujourd'hui oubliées avec la mort de l'elfe. Ce mot fit se serrer le cœur du pauvre amour éploré. Il ravala ses sentiments pour répondre, avec autant de prestance qu'il le pouvait, à son interlocutrice.

« Je te remercie de ta sollicitude Philéa. Les temps ne se prêtent pas en effet à ce genre d'effluve. »

Jiven était conscient que l'heure n'était pas encore venue de pleurer sa femme disparue. Il fallait qu'il veille à présent sur Aerin et sur l'avenir du garnement encore choqué par ce qu'il avait vécu. Pour cela, il fallait que cette réunion ai lieu.

« Asora vous guidera à votre chambre Dame Kriisten. » annonça-t-il avec respect.

Oh dieux du Bénu et d'Ilith, faites que tout se passe bien sinon, Celyween se serait sacrifiée pour rien. Les deux femmes le quittèrent, l'une partant en compagnie de l'élève de son meilleur ami, l'autre, en direction de la chambre de l'ami en question. Jiven envia l'espace d'un instant son vieux compagnon de combat. Sa femme était ravissante, enceinte, pleine de vie dans tous les sens du terme alors que la sienne avait du se sacrifier. Mais le vieux Templier se ravisa. Certes Jacen avait Philéa mais il n'avait pas eu la vie facile que ce soit concernant son couple ou sa vie de famille. Sa fille cadette avait disparue sans parler d'Eléa qui leur vouait une haine que lui-même avait eu du mal à apaiser. Et puis, il y avait le risque de perdre Philéa en couche, sans parler de tous les risques que la jeune femme avait pris pour être là aujourd'hui. Jacen n'avait rien à envier et Jiven chassa cette idée d'un revers de la main en laissant filer l'amazone.

Pour sa part, le Templier se rendit dans sa chambre où avait élu domicile son jeune fils. Ce dernier relisait avec attention un vieux grimoire dans lequel Jiven avait noté toutes les grandes étapes de son enfance. L'enfant écarquilla les yeux brulants de sommeil lorsque son père entra dans la pièce. Jiven sourit pour l'apaiser. Aerin ne tarda pas à s'endormir alors que Jiven continuait inlassablement d'écrire sa journée, tout en retouchant ici et là les passages de la bataille de Cydonia qu'il venait de terminer la veille.

Le lendemain arriva si vite que le Templier avait l'impression de n'avoir rien dormi. Il quitta la chambre en silence, veillant à ne pas réveiller son fils qui dormait dans le coin opposé. Un dernier regard à l'enfant et il se décida à rejoindre Jacen et Philéa qui l'attendaient déjà devant la salle. Il s'était douté que son ami serait présent. Déjà à Cydonia, il avait insisté pour l'accompagner, délaissant pour l'occasion ses obligations envers Asora. Il était normal qu'il s'inquiète, sa femme accoucherait sans doutes bientôt s'il avait bien tout compris. Le stress de ce genre de réunion n'était pas vraiment conseillé dans son état. Ils furent les trois premiers à entrer. Jiven savait qu'il devrait faire jouer son éternelle patience car ce n'était pas avec Philéa, Meliant et Anatoli à la même table qu'ils pourraient obtenir grand chose. Chacun étant surement près à défendre bec et ongles les siens.

Lorsque le premier convive entra dans la pièce, Jiven s'étonna une fois encore de voir Meliant. En effet, il avait plutôt pensé à Anatoli, lui qui semblait si pressé d'affirmer sa puissance. Il répondit poliment d'un signe de tête à l'Astorg. Le maitre Templier répliqua avec calme à la demande de Meliant, un léger sourire planant sur ses lèvres.

« Nous espérons également beaucoup de cette rencontre, elle sera surement la clé de la victoire face à Azael. Tâchons donc de ne pas gâcher cette chance qui nous est offerte. »

Jiven commençait à comprendre pourquoi Philéa avait caché la présence de Kriisten dans les lieux et peut-être qu'au fond, il avait particulièrement envie de voir la suite des évènements et surtout, le face à face entre les deux amants. Si Jiven était particulièrement ouvert aux autres peuples, il fallait tout de même avouer que la suffisance qui se dégageait du Consort avait tendance à le faire douter de l'intérêt de sa présence autour de cette table. Si l'amazone savait que l'Oblat était en vie, puisqu'il en déduisait qu'elle devait avoir vécu cachée à Muria, pourquoi avoir invité Meliant en sachant qu'il pouvait tout faire chavirer ? Le Templier se posait beaucoup de questions mais l'arrivée du dernier convive invité ne lui laissa pas le temps de pousser la réflexion.
Le maitre Templier laissa le Consul s'installer et prendre la parole. Pour sa part, le Templier n'avait pas relevé les politesses de l'homme vêtu d'une toge immaculée. Il savait ce qu'il allait se passer et savait également qu'il serait incapable de mentir. Il s'abstint donc de commentaires. Par l'Esprit, il put néanmoins sentir à quel point l'hypocrisie semblait dégouliner de Meliant et d'Anatoli. Ce n'était sans doutes pas aujourd'hui que l'histoire entre ces deux là seraient réécrite.

Jiven préféra ne pas relever le ton désobligeant du Consul comme sa pique envers le peuple Almer dont il était issu. La perte de Ptot Tàh avait éveillé en lui bien des sentiments. Il y avait bien longtemps que le Templier n'y était pas allé et sans doutes ne s'était-il jamais senti vraiment Almer plus qu'autre chose mais le passage du Cavalier avait signifié la mort de ses parents ce que sans doutes la plupart des gens autour de cette table ignorait. Quant au passage de Mort à Silmarie, il lui avait enlevé son âme sœur. De ces attaques, Jiven n'en était pas sorti indemne mais pour autant, il ne dit rien, il préféra laisser la parole à Philéa. Après tout, c'était elle qui les avait convié à cette réunion. C'était son rôle que de lancer les négociations et puis, Jiven s'en doutait, il n'était là non pas pour représenter une nation en tant que telle, devant les armées Cydiennes, Amazones ou Astorg, les Templiers étaient risibles, mais pour faire tampon entre ces entités.

Philéa n'était pas connue pour sa patience mais surtout pour la ferveur dont elle faisait preuve envers ses amazones et plus largement, envers ses engagements, quels qu'ils soient. Ainsi, elle défendait les siennes mieux que quiconque par le passé et avait su, en quelques années, faire de la cité des femmes libres une cité reconnue par les autres politiquement parlant. Mais plus que tout, la dame était connue pour son incroyable charisme lorsqu'il s'agissait de défendre Muria et de la dresser au dessus des autres. Philéa n'était pas folle, elle savait que l'esprit de conquête ne devait pas animer les âmes amazones, elle était toutefois consciente qu'il lui faudrait avancer bon nombre de cartes pour que Muria ne soit pas l'oubliée de cette histoire. Les amazones participeraient à cette bataille, non pas pour seulement pour leur survie, mais pour leur princesse, elle n'en doutait pas, mais elle n'était pas prête cependant à sacrifier son peuple pour la folie de quelques uns. Si les amazones combattaient durant cette bataille, elles ne le feraient pas pour être sacrifiées vainement et ne le feraient pas non plus pour permettre aux autres de survivre à leur dépends. Philéa était la reine amazone, elle avait certes conscience qu'il faudrait être unis dans cette bataille mais savait aussi ce qu'elle avait à faire.
Défendre les siennes. Défendre Muria.
Et pour cela, il fallait que tous les convives répondent à l'appel. Elle savait que Jiven et Jacen seraient présents à ses côtés et sans doutes son mari ferait-il en sorte de la calmer ou tout du moins, d'essayer de le faire. Sans doutes aussi Jiven servirait-il de tampon entre les forces de ce monde. Philéa comptait bien faire partie de ces forces et non des faibles tels que Silmarie et Ptot Tàh. D'ailleurs en parlant de cela, elle ferait en sorte que les elfes ne soient pas les oubliés à leur tour de ce jeu de pouvoirs. Elle avait une dette envers la Grande Prêtresse mais surtout, elle avait promis sa fille en mariage à leur ex-capitaine. Chose que bien sur, elle éviterait d'ajouter.

Meliant fut le premier à entrer dans la pièce. Philéa le connaissait peu, elle avait plus vu Kriisten en tant que femme que le Consort pourtant, elle savait des choses sur lui, de part son intuition, mais aussi de part les informations relatées par ses fidèles Sentinelles durant leur séjour à Storghein. Ainsi, la reine amazone savait parfaitement que l'homme en face d'elle, qui venait outrageusement de lui faire un baise-main, était un hypocrite qui n'hésiterait pas à l'assassiner s'il le pouvait pour récupérer sa cité. Pour sa part, Philéa lui avait réservé une surprise de taille qu'il n'oublierait pas de si tôt.
Dans un songe, Philéa essuya sa main salie par l'odieux personnage sur la jambe de Jacen, mais cela n'était qu'un conte. En réalité, elle s'était contentée de sourire le plus paisiblement possible et avait posé sa main sur ses genoux. A la réponse de son interlocuteur, elle répondit calmement, gardant sur son visage son délicieux sourire :

« Je suis ravie que vous ayez répondu à mon invitation, j'espère de même que cette réunion sera des plus fructueuses, notre avenir semble en dépendre ».

Peu de temps après l'entrée du Consort, le Consul fit la sienne et la jeune femme le soupçonnait d'avoir fait exprès de venir en dernier. Enfin le croyait-il. La jeune femme ne réagit pas à la pique lancée par le Consul, elle le trouvait exécrable mais après tout, pour le moment, il n'était pas bienvenue de relever la moindre de ses attaques. Ce ne fut que lorsqu'il eut fini de parler que Philéa se décida à entamer la discussion. A vrai dire, elle avait imaginé de nombreuses choses, elle avait entrevu de nombreuses possibilités et de nombreux déroulements mais au final, elle avait préféré amener Kriisten tout en sachant pertinemment que cela poserait des problèmes. Mais l'Oblat n'était-elle pas la plus légitime en ces lieux ? Philéa n'avait eu d'autres choix et de toute façon, elle préférait largement avoir une femme de plus à la table !

« Mon cher ami, permettez-moi de vous reprendre, voulez-vous bien ? »

Devant les regards interrogateurs de l'assemblée, elle poursuivit sur un ton calme, posé mais faisant preuve de tout le charisme qu'elle avait à disposition.

« Tout comme vous, je vois en effet les Cydiens de par votre présence, les Templiers avec nos chers amis Jiven et Jacen et les Amazones en ma présence. Permettez-moi d'émettre un doutes sur la présence des Astorgs, j'y reviendrai plus tard, pour moi elle n'est qu'incomplète pour l'heure, ne vous offusquez pas mon cher Meliant. Quant à vous mon cher Anatoli, me semble-t-il que vous oubliez les Elfes dans votre calcul ».

Les convives, à nouveau, semblèrent étonnés par la réaction de la reine amazone.

« En effet, si nous ne pouvons plus rien pour les Almers et si Nalween a été enlevée par les démons, cela ne signifie pas pour autant que nos alliances s'en voient brisées. Aussi, je me permettrais de représenter le peuple de la grande Dame durant son absence. Quant aux Astorgs, mon cher Meliant, vous me voyez ravie d'avoir accepté mon invitation mais soyez donc soulagé et heureux d'apprendre qu'entre temps, votre chère femme, Kriisten, a trouvé refuge dans ma cité. Ainsi, si les Astorgs sont représentés à cette table, sans doutes est-ce de part vos présences réunies. N'êtes vous point d'accord ? Je pense qu'à vous deux, vous serez plus à même de prendre la bonne décision pour pour votre cité. »

Sans attendre leur réaction, elle se dirigea vers la porte. L'amazone avait pris le soin de traduire tout ce qu'elle disait en Astorg pour que Meliant puisse la comprendre après avoir parlé en Cydiens pour les autres. L'ouvrant non sans cérémonie, la dame amazone s'inclina poliment devant Kriisten en ajoutant, cette fois-ci uniquement en Astorg :

« Ma chère amie, me semble-t-il que votre place est parmi nous. »

Sur ce, elle retourna prendre place autour de la table, posant sa main sur celle de Jacen pour lui faire comprendre que malgré les risques, elle avait tout calculé. Enfin en ce qui concernait l'entrée de l'Oblat, le reste restait quelque peu flou mais l'amazone savait qu'il était de son devoir d'affirmer que par sa présence, elle comptait faire respecter les alliances même en faveur des absents. Elle se devait également de remettre Kriisten à sa juste place, au nom de leur amitié, de leur alliance comme au nom d'une justice qui semblait s'oublier ces derniers temps …

Philéa était une reine qui avait habitué ses compères à des coups de théâtre. Les femmes en générale en Azthia étaient maîtresses dans cet art. Alors quand les deux dames les plus puissantes du continent s'alliaient, cela se transformait en feu d'artifice.
Celui qui montra le plus son étonnement était certainement Jacen. Bouche bée, les yeux rivés sur la chevelure si reconnaissable de l'Oblat qu'il rencontrait cependant pour la première fois, il resta tétanisé quelques secondes tandis que, pleine de grâce et d'assurance, la souveraine des Astorgs prenait place à la table. Comme il était de coutume, les gens se levèrent avant qu'elle ne s’assoit, mais la surprise générale avait empêché cette politesse de s’exécuter dès son entrée. Dirigeant ses pensées vers sa femme, Jacen lui lança un message résumant en gros "c'est quoi cette blague?" et "tu aurais pu me le dire" en un ou deux mots.

L'ambiance générale d'ironie et d'hypocrisie avait totalement disparue, la balance étant à présent totalement déséquilibrée. Dans quel sens? Peut-être le bon enfin. Que pouvez-faire à présent Anatoli ou Meliant pour retourner la situation à leur avantage?

"Je doute qu'être à deux aide vraiment à se décider pour leur cité. Néanmoins, tant qu'une cité ne donne qu'une voix..."

Puis, se tournant vers Philéa, puis vers les Astorgs:

"Malheureusement, je doute que nos amis Elfes aient quoique ce soit à nous proposer de... Pertinent. Nos pertes à nos portes sont finalement bien moins élevées que nos craintes. Est-ce-que toutes les cités sont néanmoins prêtes à participer à part égale avec le sang que nous avons et que nous allons verser?"

[Tour de Meliant]

A la vue de Kriisten, Meliant fut prit d'une soudaine colère. De celle qui vous tordait le ventre, mais qu'il était impossible d'exprimer à voix haute. D'extérioriser par un grand cri de rage et un regard foudroyant. Cette situation était insupportable. Non seulement, le grand Consort devait supporter la pénible présence d'Anatoli, mais en plus la Reine Amazone venait de le mettre plus bas que terre, en introduisant ainsi son épouse disparue. L'homme venait de se faire reléguer au second rang en quelques secondes et se faire passer pour un imbécile doublé d'un incapable. C'était quoi leur but, à tous ? Le dé-crédibiliser au yeux du monde ? Quelle adorable attention...
Meliant aurait dût se réjouir de cette réapparition soudaine, mais son orgueil le lui interdisait. Il n'était plus indispensable à cette réunion. Il n'avait plus aucun rôle à jouer. Sa parole n'avait plus aucun poids, Kriisten étant là pour représenter leur peuple. En gros, il venait de récolter le titre d'escorte de sa majesté la Reine de Storghein. Youhou ! Quelle place magnifique ! Il en rêvait depuis tellement longtemps, il fallait l'avouer. C'est pas comme si son but avait été de briller lors de cette réunion et en mettre plein la vue à ces imbéciles de Cydiens. Non, du tout. Il était tellement mieux comme simple consultant de l'Oblat, bon qu'à lui murmurer à l'oreille quelques idées dont elle ne tiendrait compte que si l'envie lui prend. Oh oui. Une situation bien plus valorisante pour celui qui aspirait toujours à mieux.

Meliant avait vraiment envie de hurler. De manifester son mécontentement, mais son titre d'époux épris et de fidèle Consort l'en empêchait. L'homme peignit donc, soigneusement, sur son visage une grande surprise qui se voulait être agréable. Elle était vraie, après tout, mais la joie -qui aurait dû être sa douce compagne- venait de prendre des vacances pour une durée indéterminée. Les sentiments d'humiliation et de colère restaient seuls maîtres de ce corps raide. Doucement, Meliant étira ses lèvres. Ce sourire pouvait passer presque pour sincère. Après tout, la situation était drôle à en mourir. A en pleurer, plutôt.
Ce qui énervait l'homme, le plus, en fait, c'était qu'il n'avait pas été mis au courant. Bien entendu, le Consort n'était pas digne de confiance. Bien entendu, il n'avait rien foutu pendant ces mois d'absences de la Reine. Non, il n'avait rien fait pour essayer de la retrouver. Il n'avait absolument pas démasqué le coupable, hein ! Elle pouvait se permettre de débarquer ici comme une fleur et voler la vedette du grand Consort après une telle absence. C'était dégueulasse. Dégueulasse ! Kriisten n'avait pas le droit de lui faire un coup pareil. Le faire passer ainsi pour un pauvre con qui avait été incapable de la retrouver. De même pour Philéa. Lui qui s'était abaissé, au point de lui faire un baisemain... Meliant avait envie cracher dans la figure de cette bonne femme calculatrice.

« Kriisten, je suis si heureux. Malgré ma curiosité, quant à votre fuite, je pense que le moment est à des sujets plus graves. »

Mensonge. Le Consort aurait été satisfait s'il avait pu la retrouver lui-même. Sa réapparition soudaine ne lui apportait rien. Après tous ces efforts, le goût de la défaite n'était que plus amer.
L'homme se leva comme les autres, transpirant d'une joie aussi mielleuse que fausse. Au fond de lui, il n'avait même pas envie de savoir comment elle avait pu s'échapper. Cette information n'avait aucun intérêt pour son acensions sociale. Le comment du pourquoi et toute cette merde inutile... C'était secondaire. Tout ce qu'il voyait, c'était sa dégringolade phénoménale vers la abysses de l'inutilité. S'il avait su... Si seulement on l'avait mis au courant, jamais il n'aurait bouger son précieux postérieur et venu à cette réunion qui, loin de lui donner de l'importance, le reléguait au second plan.
Meliant se rassit comme les autres. Il aurait pu se précipiter vers l'Oblat et lui saisir les mains, l'air soulagé, mais cela aurait fait trop, n'est-ce pas ?

« Storghein se battra, répondit-il simplement. »

Il ne consulta même pas la Reine du regard. C'est ce qu'elle devait vouloir entendre, de toute façon. Et puis, cette liberté qu'il venait de prendre le rehaussait un tout petit peu dans son estime de soi. Il lui fallait bien ça -plus, en fait- pour avoir l'impression de renforcer sa position.
Dans sa tête, il était indispensable, mais il fallait que cette idée se matérialise dans celle des autres.

L'entrée en scène de l'Oblat avait eut l'effet escompté même si Philéa regrettait l'attitude de Meliant et d'Anatoli à son égard. Elle s'était imaginée le premier déconcerté et le deuxième bien mal à l'aise de voir ses plans ainsi mis à l'eau. L'un comme l'autre avaient réagi avec la dignité et la politesse qui leur incombait de par leur rang. La reine amazone sourit, il était vrai qu'aucune effusion de sang ou même aucune parole de travers ne pouvait être tolérée en ces lieux alors que tous les dirigeants encore en vie et en état de se battre étaient réunis dans une même pièce, leur inimitié mise de côté. La belle dame sourit à sa compagnon des derniers mois et la salua respectueusement à défaut de pouvoir se lever lorsqu'elle prit place à table. La grossesse fatiguait outre mesure Philéa et il lui faudrait toutes ses forces pour énoncer ce qu'elle avait à dire devant les autres. Elle attendit donc que Kriisten s'assoit et que les murmures et autres phrases de politesse se soient tus. Elle posa sa main sur celle de son époux comme pour lui faire comprendre qu'il n'était pas suffisamment discret et important pour qu'elle ai eut à partager ce secret avec lui et observa ensuite le reste de la scène qui se jouait sous ses yeux.
Philéa sourit à la pique d'Anatoli. Si elle déplorait l'homme, elle appréciait son fin stratège et ses remarques toujours pertinentes. Il était vrai que les elfes avaient été grandement affaiblis entre la disparition de leur Grande Prêtresse et celle de leur précieuse armée déjà peu nombreuse à l'origine. La reine amazone réfléchit à la formulation de sa réponse, elle ne devait révéler que les points essentiels et ne pas montrer l'étendue des dégâts chez le peuple pacificateur. Tout laissait croire pourtant que la cité des brumes ne s'en sortirait pas indemnes, peut-être avait-elle finalement de la chance dans le malheur des autres car Cydonia et Storghein étaient à présent bien trop occupées par la bataille qui se profilait pour avoir envie d'envahir le peuple elfique. Retirant sa main, elle la ramena sur son bras avant d'ajouter d'un ton calme mais qui n'admettait aucune réplique :

« Sachez mon cher Anatoli que si Azael récupère la Grande Prêtresse, tout le sang Cydien et tout le sang Astorg réunis ne suffiront pas à arrêter son armée. Si le dieu fou a mis la main sur Dame Nalween comme nous le craignions, alors craignez pour vos vies. »

Ses yeux n'avaient pas quittés l'Astorg et le Cydien et elle comptait désormais sur Kriisten pour faire la traduction au Consort. Sans même attendre de réponse, elle poursuivit son discours :

« Les elfes ont été saignés comme votre cité l'a été. Ils participeront à la hauteur de leur moyens pour récupérer leur guide. Peu importe la quantité des soldats et le sang versé, seule la qualité des combattants compte, le fin stratège que vous êtes l'oublierait-il si facilement ? Votre si grande armée aurait-elle pu faire face seule aux Erathiens ? »

La dernière réplique était surement de trop mais l'alliance qui liait Muria à Silmarie obligeait la jeune femme à agir de la sorte. Si elle avait toujours défendu avec hargne son propre peuple, elle comptait bien donner un infime morceau de cette hargne aux elfes en difficulté. En réalité, leur sort lui importait peu, mais si Nalween n'était pas ramenée vivante, alors Jelenna serait sacrifiée et cela lui était intolérable. Les elfes étaient officiellement sous la protection de la cité des femmes, elle ne pouvait se défaire comme elle l'entendait de ses alliances sans quoi sa cité serait reléguée au rang de traitre, comme par le passé.
Ce fut contre toute attente Meliant qui intervint après la tirade de la reine amazone. Bien droite sur sa chaise, elle s'attendait à ce que l'Astorg la défie, lui qui prenait bien souvent un malin plaisir à jouer les hypocrites et mettre les autres dans l'embarras. Il était évident qu'ils ne l'aimait pas et fort heureusement pour lui, c'était réciproque. Ce ne fut pas pour la défier qu'il prit la parole mais pour énoncer simplement un fait évident : sa cité se battrait quoi qu'il arrive. Philéa n'en était pas étonnée tout comme elle ne fut pas étonnée non plus par l'approbation silencieuse que donna l'Oblat Kriisten à cette réplique du Consort. Visiblement, si son arrivée n'avait pas tout à fait eut l'effet escompté, les pièces étaient désormais en place. Ce n'était pas plus mal au vue de la fatigue de la reine amazone. En effet, elle devrait bientôt prendre congé avant de devoir montrer ses faiblesses à ses deux anciens ennemis. Agir vite, maintenant, c'était tout se ce qui comptait. Pour Muria comme pour Jelenna.

« Puisque nous sommes tous d'accord pour participer à cette dernière bataille côte à côte, dans ce cas, oublions un instant nos inimitiés pour mettre à profit le temps qu'il nous reste et mettre en place une stratégie. »

La reine amazone marqua une pause, se demandant encore si ce qu'elle s'apprêtait à dire était une bonne chose. Devait-elle cacher des éléments ? Devait-elle se contenter de les laisser faire et ensuite, d'intervenir ? La jeune Cydienne prit le partie de ne rien faire de la sorte, si elle laissait les Astorgs et les Cydiens mettre en place une stratégie, nul doutes qu'ils chercheraient inconsciemment à se mettre en valeur ou à écraser l'autre. Philéa avait passé des heures à peaufiner la stratégie, à réunir des éléments sur Erathia comme sur les autres cités. A se faire une idée de leur force … il était évident qu'elle était la plus à même de proposer quelque chose plutôt que de laisser les débats se prolonger à n'en plus finir. Mieux valait prendre la parole et ne pas s'éterniser.

« Ma chef des Sentinelle m'a rapporté la configuration de la cité Erathienne et je sais de source sure que votre flotte a été plus ou moins anéantie lors de la dernière bataille Anatoli. Les elfes quant à eux ne peuvent offrir plus d'une cinquantaine d'hommes valides et entrainés quant à moi, je suis enceinte. Il apparaît donc évident que les chances ne sont pas toutes de notre côté. » précisa-t-elle dans un petit rire ironique.

Elle ne laissa pas le temps à qui que ce soit de parler et poursuivit, d'un ton très sérieux, usant de tout le charisme qu'elle avait à sa disposition pour que ses paroles traversèrent l'épaisse couche d'inimitié qui les liait d'ordinaire.

« Je pense que le plus judicieux est d'employer la méthode que je m'en vais vous proposer. En étudiant chaque caractéristique de nos armées, chaque détail de la cité que Kiera a pu me rapporter, j'ai compris que nous n'avions qu'une seule solution … les prendre en tenaille et par surprise. », elle souffla un instant et reprit de plus belle, « Azael est un fou mais un fou éclairé, il s'attend à notre réaction mais sans doutes l'attend-t-il plus tôt que prévu. Nous pouvons le surprendre, notamment en arrivant en masse. »

Elle marqua une pause, réfléchissant à nouveau à ce qu'elle devait dire et dans quel ordre elle devait le faire. Ce jeu de politique l'agaçait, surement du fait de ses hormones de femme enceinte, toutefois, elle avait envie de jouer cartes sur table. Depuis ces derniers mois, elle s'était rendue compte que cela était beaucoup plus efficace que le mensonge dans certains cas. Cette réunion ne faisait pas exception.

« Attaquer de nuit est inconcevable et se révélerait être un inconvénient pour nos armées plus qu'un avantage. Nous attaquerons à l'aube. »

Une fois encore, le ton était sans appel. Sans doutes Philéa oubliait-elle à qui elle avait à faire ou alors au contraire, elle n'en avait que trop conscience.

« Je suggère mon cher Jiven de reprendre la même méthode que lors de la bataille de Cydonia en ce qui concerne les soigneurs. En arrière de la bataille, protégés par ma tornade. Elle s'est révélée efficace et si l'un de vos Templiers accepte de me soigner en continu, je devrais pouvoir tenir suffisamment longtemps malgré mon état de fatigue. »

Avouer cette faiblesse pourrait lui couter cher mais s'ils ne remportaient pas cette bataille, quelle importance ?

« Bien sur, vos soigneurs seraient les bienvenus même s'il me semble plus judicieux que certains restent avec vos troupes pour le cas où rapatrier les blessés vers moi serait impossible. » conclut-elle avant d'enchainer, sentant la fatigue pointer le bout de son nez, « Storghein devrait attaquer par le fleuve quant à Cydonia, il serait judicieux d'attaquer par les plaines. Muria, Tamawa et Silmarie constitueront l'attaque frontale ainsi, nous acculerons l'armée d'Azael contre les montagnes. »

Son plan était minutieux et elle prit la peine de dessiner ce qu'elle avait en tête tandis qu'elle parlait. Pour finir, la reine amazone ajouta :

« Reste plusieurs problèmes à régler à partir de là. Le premier est la présence évidente d'élémentaires dans les rangs ennemis. Il serait inutile de tenter de les combattre séparément. Nos élémentaires devront partir avec l'armée Astorg et du fleuve, ils pourront contenir l'attaque de nos ennemis. Cela éviterait sans doutes bien des pertes inutiles et cantonnerait à un périmètre ce genre d'attaques. Bien évidemment, mes Sentinelles devront attaquer en premier, pour attirer l'armée contre nous, vos archers prendront la suite et lorsque les Erathiens se rendront compte de ce qu'il se passe, il sera trop tard, ils seront pris en tenaille et incapables de se libérer. »

Philéa se tut l'espace d'une seconde pour planter son regard dans celui de ses convives. Elle conclut son monologue d'une voix forte et pleine d'assurance comme elle savait si bien le faire :

« Il faudra dépêcher des escouades pour libérer la Grande Prêtresse ainsi que le P'yra et ma fille. Pour ma part, je choisirais parmi mes meilleures éléments et notamment en envoyant Eléa. Il faut également prendre en compte que les Cavaliers seront présents. Bête, Mort et Guerre. Nous savons comment vaincre la Mort et je ne laisserais cet honneur à personne d'autres qu'à ma fille. » Elle jeta un regard de défi à Jacen, lui soufflant par là même que son choix n'était pas discutable puis poursuivit, « Bête ne peut être tuée qu'avec l'aide d'un Templier si mes sources sont exactes quant à Guerre ... », Philéa posa son regard sur Kriisten avant d'ajouter, « Il nous faudra réunir un représentant de chaque race et cela ne sera possible qu'avec la rose de saphir que notre chère Oblat a en sa possession. Les amazones seront représentées par Kiera. »

Maintenant qu'elle avait tout exposé, il était évident que les autres allaient réagir et sans doutes pas dans de bonnes conditions.

« Je me doutes de vos réactions. Je ne vous dicte pas vos actes et je ne me permettrais pas de saper votre autorité sachez simplement que je vous présente ce qui me semble être l'attaque la plus complète qu'il soit avec les informations à notre disposition. Prenez le temps de réfléchir à tout ce qui a été dit avant de me faire part de votre réponse. Pour ma part, je tiens cette réunion pour terminée. Veuillez m'excuser, mais je me retire, nous verrons les détails demain. »

La reine amazone se leva, fatiguée de la journée. Elle observa une dernière fois ses convives et quitta la pièce sans un mot de plus. Sa réaction pourrait être prise pour un affront mais les plus avisés comprendraient son choix. En laissant le temps de réfléchir aux dirigeants, elle leur permettait de prendre une décision non pas hâtive et motivée par leur querelles ancestrales mais posées et réfléchies. De toute façon, elle était bien trop fatiguée pour continuer à jouer le jeu et bien trop lasse de tout ceci pour rester une minute de plus dans la pièce. Se retirer était sa meilleure option et c'était pour cela qu'elle l'avait prise. D'autant plus qu'elle savait que son mari ne manquerait pas de contester son choix quant à la personne qui devait aller libérer Jelenna. Une autre bataille l'attendait donc, bien moins effrayante que l'épreuve qu'elle venait de subir avec cette soit disant réunion mais toute aussi épuisante.

[ Désengagée ]
[ Désolée d'avoir pris les choses en main mais ça fait 2 mois que ça traine. ]

La Reine Amazone sortit de la salle, droite et fière, écrasant de son charisme quiconque croisait son regard. Et pas seulement parce qu’elle pesait plusieurs kilos de plus ! Jillian, planquée derrière un pilier, la laissa filer sans l’interpeller. Elle savait de source sûre qu’elle ne devait pas se frotter à cette femme-là ou du moins pas encore. Elle n’avait pas perdu une miette de la réunion, Meg grâce ses dons pour se fondre dans le décor, avait pu suivre la conversation entre les Grands sans être vue. Elle venait de confier dans les grandes lignes le plan que projetait Philéa. Attaquer Erathia, rien que ça ! Les hormones devaient lui monter à la tête à celle-là ! Mais bon, puisqu’il devait en être ainsi…

« Oyé oyé, braves gens ! »

C’est tout ce que trouva à dire notre Jillian, qui manipulait les mots mieux que n’importe qui, qui intimidait un colosse enragé d’un simple regard menaçant et qui était connue pour son charisme et son éloquence. Elle venait de pénétrer dans la salle du Conseil, après avoir baratiné les Templiers qui gardaient les portes. Cette intrusion serait certainement perçue comme un affront – quoi ? une roturière à notre table ? – mais il ne serait pas dit que les Saltimbanques resteraient sur la touche, à faire les clowns dans des théâtres vides, alors que tout se jouer aux portes d’Erathia.

« Jillian Torrez, Meneuse de la Troupe, enchantée de faire votre connaissance ! »

Elle s’assit sans attendre d’y être invitée sur une chaise laissée vacante entre Meliant et Anatoli – pourvu que ça ne soit pas celle de Philéa. Je ne sais pas si ces gens hauts placés avaient une quelconque idée de ce qu’était la « Troupe » mais Jillian était certainement fidèle à l’image qu’on pouvait s’en faire… avec une dose d’extravagance en plus ! Un sous-pull sombre moulait ses courbes parfaites avec ostentation, qu’un voile vert et bleu n’avait su dissimuler. Le tissu transparent flottait dans son sillage et rendait ses gestes élégants et fluides. Un pantalon noir asymétrique était resserré à la ceinture par des cordelettes de couleurs froides, tandis qu’un bandana bleu marine rassemblait ses longs cheveux prune, finissant de lui donner un air à la fois décalé et impressionnant. Si beaucoup aurait porté un tel accoutrement avec un ridicule affligent, personne ne pensa une seconde que Jillian manquait de goût, au contraire.

« J’ai cru comprendre que vous alliez avoir besoin de bras et si possible avec un truc coupant au bout ! La Troupe a plus de guerriers que Silmarie et plus d’habitants tout court que Ptot Tàh. J’ai donc ma place à cette table ! »

Ce n’était pas une proposition, ni même une question, une simple évidence sans appel. Elle se garda bien d’ajouter que son retard n’était dû qu’à la présence de la Reine Amazone à cette même table. Cette dernière l’aurait certainement descendue en flèche, elle et ses Saltimbanques, pour s’être invitée à une réunion d’une telle importance. C’était une information précieuse que Meg lui avait glissé avant ce rassemblement. Comment elle l’avait appris, c’était un mystère mais après avoir trouvé une excuse pour arriver plus tard sans évoquer Philéa, Jillian avait fini par suivre ses conseils.

« J’ai dans ma manche des élémentaires, des magiciens, quelques médecins et beaucoup d’acrobates. Oh, je vois de là vos sourires ! Si vous préférez réveiller l’armée de Silmarie, perso, je m’en fous ! Même si beaucoup ont du mal avec les armes, ce sont des pro pour la magie. Osez dire que ça ne vous servira à rien ! »

Elle préférait prévenir que guérir et s’il est souvent crétin de penser que la meilleure défense c’est l’attaque, lorsque l’on se trouve en terrain miné, comme Jillian à présent, on n’a pas vraiment le choix. Assurance et agressivité sont les maîtres mots pour garder une certaine prestance, et surtout un minimum de crédibilité. Elle dévisagea tour à tour Anatoli et son air méprisant, Meliant qui transpirait la suffisance, Kriisten à la beauté glaciale et fière de son peuple, un homme qu’elle ne connaissait pas, un Templier certainement. Elle les défiait du regard, tous autant qu’ils étaient, un sourire carnassier sur les lèvres. Jillian avait un don pour manipuler les mots, je l’ai déjà dit et celui qui pensait qu’éloquence rimait avec belles paroles, il comprendrait maintenant qu’il faisait fausse route. Le vocabulaire de la Meneuse était… simple dira-t-on, pourtant elle dégageait une telle confiance, un tel charisme que même les plus Grands de ce monde se laisserait convaincre. [Il s’agit là de ma capacité spéciale, vous n’êtes pas obligés d’être totalement convaincus, mais vous ne pouvez ignorer Jillian et sa prestance et la véracité de ses paroles. A vous de voir comment vous réagissez cependant.]

Ses yeux émeraude s’arrêtèrent sur Jiven. Le maître des lieux semblait effacé, alors qu’on lui devait en partie cette réunion. La Meneuse avait eu vent de ce qu’il traversait, il tenait bon, avec une noblesse tout à fait à son honneur. C’est donc à lui qu’elle s’adressa, avec une familiarité certaine, qui ne manquait pourtant pas de respect.

« Je te confie mes bébés. Je te laisse déterminer leur place sur le champ de bataille. T’as pas intérêt de faire de conneries avec ! »

Un sourire confiant sur les lèvres pour adoucir la brutalité de ses paroles. Et un tutoiement qu’elle n’arrivait à chasser de son vocabulaire. Pas sûr qu’il apprécie le Maître Templier. Lui exposer des soldats inespérés sur un plateau doré n’était pas suffisant pour prendre ce genre de ton avec quelqu’un de sa trempe. Mais c’était Jillian. Un diamant, certes. Mais à l’état brut.

Nombre aléatoire (1,10) :: 10

Il était évident que si Philéa avait pris la peine de cacher la présence de l'Oblat et ce, même à son mari, c'était certainement parce qu'elle s'attendait à ce que la présence de la belle rousse fasse son petit effet. En réalité, l'effet tomba bien et Jiven s'en étonna. Ni Anatoli ni Meliant ne semblaient vraiment perturbés par la présence de la dirigeante de la cité enneigée. Jiven ne put s'empêcher de penser qu'il aimait sa position de maitre du Temple qui le préservait plus ou moins des jeux politiques ... jamais il n'aurait pu être aussi stoïque, sans doutes était-ce pour cela que la reine amazone était venue le prévenir la veille de la présence de son amie. Le maitre du Temple écouta d'une oreille distraite les joutes verbales entre le Consul et la reine avant de se concentrer sur ce qu'avait à annoncer Philéa. Il était évident que la Cydienne avait pris le temps de réfléchir avec attention avant de venir autour de cette table. Quelque part, Jiven enviait le réseau d'informations dont bénéficiait l'amazone et son éternel charisme qui imposait de lui-même le silence.

Tandis que Philéa parlait, Jiven réfléchissait, se faisant mentalement un plan de la bataille telle que leur interlocutrice le présentait. Il était vrai que Philéa avait étudié avec attention la cité ennemie, les avantages des armées des cités. Il apparaissait également évident que son plan, faute de mieux, était pour le moment leur seul espoir. Jiven réfléchissait en même temps qu'elle parlait, cherchant visuellement les failles dans le plan d'attaque de l'amazone et s'il en voyait quelques unes, le maitre du Temple se doutait qu'elles seraient comblées par le nombre et par le talent des différents soldats présents. Pour sa part, Jiven ne doutait pas du courage de ses templiers, il doutait simplement qu'on ne l'autorise à les mener vers une nouvelle bataille dans laquelle la chance de victoire était plus que mince. Jiven était lui même fatigué et si le plan de Philéa lui semblait tout à fait légitime, il était cependant perplexe. N'était-ce pas mener des innocents à la mort ?

Philéa tenait à la présence des elfes et des quelques survivants Almers aux côtés des armées des cités réunifiées pour l'occasion ... mais restait-il seulement un soldat digne de ce nom à Silmarie ? Sans compter la question fatidique aux yeux de Jiven à savoir si Storghein et Cydonia seraient capables de se prêter main forte alors que des décennies de haine les séparaient. Jiven en doutait mais la réunion du Consul, du Consort et de l'Oblat autour de la même table relevait du fantasme alors pourquoi pas se battre côte à côte. Philéa sortit après avoir dévoilé ses pensées et Jiven la regarda quitter la pièce, Jacen sur les talons. Il se retrouvait donc seul au milieu des dirigeants et cela le fatiguait par avance ... il était certes là pour faire tampon entre les grands de ce monde mais pas fou au moins de servir de bouc émissaire. L'homme allait se lever pour prendre congé quand une jeune femme entra, les hélant comme une poissonnière sur un marché, cherchant à s'attirer des clients. La comparaison était fort peu intéressante et tout ce qu'il y avait de plus déplacé mais Jiven se ravisa. Cette nouvelle venue avait des choses à dire et il préférait encore l'écouter elle plutôt que de voir Cydonia et Storghein se taper dessus après les révélations de l'amazone. Dire que Muria était un exemple de mélange entre Cydiennes et Astorgs ...

La nouvelle venue se présenta comme la meneuse de la Troupe. Jiven savait qu'une troupe de saltimbanques s'était installée aux portes de la cité neutre et il en fit le rapprochement. La seule chose qui l'étonnait n'était pas la présence de cette femme à la table des dirigeants, puisque lui-même n'en était pas un, mais le fondement de sa venue. En réalité, Jiven ne la jugeait pas, peu importaient les origines à ses yeux, mais il était curieux de voir ce qu'elle aurait à dire et se voyait déjà en train d'écrire dans son journal de vie cette étrange rencontre. Une chose était sure, cette rencontre était bien incongrue et le personne qui s'était désormais assis entre Cydonia et Storghein était haut en couleurs !
Jillian parla sans s'arrêter, avait-elle peur qu'on l'interrompe puisqu'elle n'avait pas été conviée à cette réunion ? D'ailleurs ... comment pouvait-elle être au courant pour Silmarie ? Et comment les avait-elle trouvé ? Toutes les précautions avaient pourtant étaient prises, Philéa insistant sur la nécessité de ne pas prendre de gardes pour ne pas attirer l'attention. Certes la réunion était connue de tous, le Consort, la reine amazone et le Consul ne passaient pas inaperçu mais une chose embêtait Jiven, c'était celle de savoir comment la Troupe avait pu savoir quel jour exactement était cette réunion et où. Outre ces questions, Jiven se demandait si Anatoli, Kriisten ou Meliant n'allaient pas intervenir. Un tel aplomb à leur table ne passerait surement pas ... d'autant que la Troupe n'était pas une cité et Jillian pas un dirigeant si on suivait le parallèle or Anatoli avait déjà peur de voir Storghein avoir deux voies avec la présence de l'Oblat et du Consort. Jiven se contenta de suivre les évènements en silence.

Jillian présenta son offre. Des élémentaires, des magiciens, il était vrai qu'ils ne seraient pas inutile seulement la meneuse de la Troupe eut une parole malheureuse. Sans doutes Anatoli et Meliant partageraient-ils l'avis de Jillian sur l'état de Silmarie mais Jiven quant à lui sentit une vague de colère et de culpabilité traverser son Esprit. Philéa avait insisté sur la nécessité d'avoir les Elfes à leur côté et lui-même avait perdu sa femme dans cette stupide bataille ... si le maitre Templier avait tendance à ne pas mélanger son devoir et sa vie personnelle, Jillian avait appuyé sur une blessure encore béante et il se permit d'intervenir d'une voix sans émotion particulière :

«Ma femme et nombre d'elfes ont été sacrifiés pour que vous puissiez offrir votre aide aujourd'hui. Si vous souhaitez obtenir le respect, tâchez de ne pas souiller leur mémoires.»

Sans attendre ce que les autres avaient à dire, Jiven poursuivit. Il était sans doutes étonnant de le voir prendre la parole lui qui n'était là que pour rappeler la neutralité de cette réunion.

«Jeune femme, votre proposition est alléchante mais en l'absence de Philéa, je ne peux prendre aucune décision car c'est l'unanimité nous lie. De plus, je ne suis là que pour maintenir la neutralité.»

Il n'était pas un chef de cité, Jiven le savait bien et prendre partie causerait surement des problèmes avec Meliant et Anatoli ou encore avec l'Oblat. Jiven n'y tenait pas.

[ Est-ce-que je suis désengagé ? ]

La reine amazone avait donné sa version des faits, son plan d'attaque visiblement murement réfléchi et si ni Anatoli ni Meliant n'étaient prêt à l'admettre, ils n'avaient pas mieux. Kriisten avait fait partie des rares personnes au courant de ce plan avant qu'il ne soit divulgué en ces lieux et si Anatoli ne supportait pas vraiment le fait que ce soit Philéa qui prenne les choses en main, forcé était de constater que la dernière stratégie de la dame avait fait ses preuves. Faute de mieux, il s'abstint de prendre la parole. Meliant quant à lui était perplexe. Maintenant que Kriisten était revenue, son titre de Consort redevenait aussi ridicule que lorsqu'il était un pantin dans son ombre. Maintenant que Kriisten était revenue, il allait retourner à l'ombre et cela ne l'enchantait guère. Tout absorbés à leur pensées, ils laissèrent la reine amazone et son époux quitter la salle sans un mot. Elle avait raison, mieux valait y réfléchir la tête reposée et aviser ensuite. Ce fut donc un Anatoli prêt à partir, un Meliant en pleine réflexion et une Kriisten en pleine discussion polie avec Jiven que rencontra Jillian. Son entrée théâtrale avait surement surpris les convives mais seul un le montra, les autres, fins politiciens qu'ils étaient, habitués au jeu et à la tactique, se muèrent dans le silence.

Tous semblaient ailleurs, seuls Jiven et Kriisten t'écoutaient avec attention, le premier intrigué par ton accoutrement et tes paroles, la seconde, par respect pour ton courage d'être venue en ces lieux affronter les Titans. Anatoli quant à lui n'était resté que parce qu'un Cydien ne recule pas devant un Astorg. Il craignait surement de manquer quelque chose de crucial qui aurait pu profiter à la cité adverse, même si officiellement cette dernière était devenue une alliée. Seul Jiven prit la parole et ce dernier n'était visiblement pas prêt à se mouiller pour prendre une décision. Meliant était tout tourné vers lui même et tentait de répondre à la question de savoir comment il reprendrait le pouvoir. Anatoli quant à lui se leva et annonça qu'il prendrait sa décision le lendemain, Kriisten en fit de même et la réunion prit fin, bien plus vite qu'elle n'avait commencé.

[ Le lendemain ]

Trois des dirigeants étaient devant la salle et nul n'aurait pu dire si la nuit leur avait porté conseil ou non. Philéa arriva en compagnie de Jiven qui n'avait sans doutes pas manqué de lui raconter l'épisode de la veille, ce à quoi la dame n'accorda aucune attention. Elle avait convié quatre personnes à cette réunion, avait repoussé son honneur et sa fierté bien au delà de leur propres limites, cette Jillian n'était donc pas sa priorité. Lorsque la dame arriva et que tous entrèrent dans la salle, Jillian était déjà présente, assise sur une des chaises vacantes.

« Je vois cinq chaises autour de cette table, c'est donc que l'un d'entre nous est en trop. Veuillez sortir, vous n'avez rien à faire en ces lieux. »

Le ton froid et sans appel de la dame ne sembla pas surprendre la saltimbanque qui sans doutes allait répliquer lorsque le Templier intervint.

« Philéa ma chère, vos alliances démontrent votre tolérance, il serait bien imprudent de chasser cette jeune fille, surtout après la proposition généreuse qu'elle a fait la veille. Prenez mon siège. » ajouta-t-il.

Jiven était bien trop tolérant aux yeux de Philéa mais elle n'émit pas d'objection. Tant que la réunion n'aurait pas pris fin, elle ne serait pas tranquille et si cette fille voulait rester, qu'elle le fasse mais qu'elle se taise. Les autres prirent place et chacun s'accorda sur le fait que la stratégie proposée la veille était la meilleure à leur disposition. Quelques détails furent apportés au plan initial sans pour autant consister en de grands changements. Lorsque vint le moment de parler de la proposition de Jillian, ce fut, contrairement à ce qu'aurait pensé surement Jiven, Anatoli qui prit la parole le premier :

« Je pense que vos 50 saltimbanques seront plus utiles en première ligne que sur les planches d'un théâtre. »

Kriisten donna également son accord mais Jiven préféra garder le silence et précisa simplement qu'il suivrait la majorité. Ce fut donc à Philéa de conclure, cette dernière n'avait pas ouvert la bouche depuis la proposition et semblait chercher avec soin ses mots.

« Je ne doutes pas de vos capacités, simplement de celle d'être utile quand vous ne savez pas protéger vos propres membres. Peu m'importe, ce conseil vous a déjà donné son aval, je ne vous conseillerai qu'une chose, de vous tenir éloigner de mon armée. »

Visiblement, Philéa n'aimait pas la saltimbanque mais peu importait. Cette réunion était un succès. Les cités à nouveau réunies sous un même étendard, dressées contre un ennemi commun.

[ Désengagés ]
[ Je me suis permis de manipuler tous vos personnages pour vous désengager plus vite. J'espère que cela vous plaira.]

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