[D-E] Comment en sommes-nous arrivées là? [PV Annabeth FINI]

Un souffle de vent venu de la mer plaqua mes cheveux en arrière, et je réaffirmai ma prise sur mon manteau doublé de fourrure. Assise au bord du quai, les pieds dans le vide à quelques mètres de la surface de la mer, parcourant du regard la cité de glace et de cristaux qu'était Storghein, j'avais vraiment du mal à croire que c'était l'été ici aussi. J'avais de la chance, il ne neigeait pas, mais le temps était vraiment différent de la canicule subite à Muria. Que ce soit en raison du froid ou de l'heure, le coin du Port où je me reposais était désert. Enfin, si on omettait les divers passants qui entraient et sortait du bar un peu plus loin comme dans un moulin. Je me rappelais l'atmosphère chaleureuse du Bar Bu, la température toujours adéquate au temps extérieur, et si la tentation de me réfugier dans une salle chauffée était forte, je ne voulais pas faire de mauvaises rencontres dans un établissement qui n'était pas toujours, je le savais, rempli de bonnes gens parfaitement sobres et lucides.

Je souris à la mer couleur d'acier qui s'étendait devant moi, infiniment belle et immense. Je n'avais jamais vu la mer, et réaliser ce rêve lors de mon voyage en dehors du Muria était une occasion parfaite. Heureusement que j'avais apporté d'autres affaires chaudes avec moi, car en dépit de ma tunique longue, de mes bottes d'hiver montant presque jusqu'aux genoux, et de mon manteau, j'avais quand même un peu froid. Je souris de nouveau en voyant Mélo roulée en boule dans ma cape. Son flanc se soulevait lentement et profondément et je compris, à mon étonnement, qu'elle dormais à poings fermés (ou pattes fermées, en l’occurrence). Je rejetai mon écharpe en arrière et me frottai les mains en espérant les réchauffer à travers les gants, puis levai le nez vers le ciel. Il ne faisait pas nuit, mais les nuages qui s'amoncelaient au-dessus de Storghein réduisaient la lumière, et je n'avais pas envie de m'attarder dans un coin de la cité, même désert (surtout désert!). Avec d'infinies précautions, je pris la cape dans mes bras et l'enroulai autour du petit corps chaud de ma chatte de compagnie. Je ne savais pas encore où retrouver le groupe d'Amazones avec lequel j'étais venue, aussi me levai-je dans l'intention d'explorer un peu plus la ville. En passant devant la porte du bar qui venait de s'ouvrir, je me raidis légèrement, mais poursuivis ma route en glissant un regard à la personne qui sortais.

Je retins un hoquet de surprise en découvrant une jeune elfe blonde s'éclipser hors de la salle d'où s'échappait des rires dus aux conversations enjouées et à l'alcool. Je fus tellement abasourdie que j'oubliais que je marchais toujours, ce qu'un poteau me rappela cruellement lorsque je le percutais de plein fouet. Sous le choc, je lâchais un petit couinement et portais une main à ma tempe où je sentais déjà un semblant de bosse. Ma cape remua, m'indiquant que Mélo s'était réveillée (dans le cas contraire, j'aurais plutôt pensé qu'elle était un croisement de chat et de marmotte), et je regardais de nouveau l'inconnue. Mon coeur se serra en avisant la couleur bleue pure de ses yeux. L'espace d'un instant, j'avais vraiment cru... de loin, cette fille ressemblait tellement à Mayleen... Mais pourtant non, ce n'était pas elle. D'ailleurs, quel âge avait ma soeur, maintenant? Seize ans, peut-être dix-sept, je ne savais plus trop. Dans tous les cas, malgré un air infantile qui me rappelait étrangement moi-même, cette elfe-là était manifestement plus âgée.

J'étais encore là à me remettre de ma déception aussi soudaine que l'espoir qui lui avait succédé lorsque l'inconnue leva la tête. Nos regards se croisèrent, et, gênée qu'elle m'ait surprise à la dévisager, je tournai si violemment la tête que l'espace d'un instant je crus attraper un torticolis; cependant, à mes yeux toutes les rues se ressemblaient. Alors que j'aurais voulu m'engouffrer dans une ruelle ou une maison avec l'air sûr de celle qui sait où aller, j'étais plantée là, ridicule et incapable de choisir une direction.

[Dis-moi s'il n'y a pas assez d'ouverture, je savais pas trop comment engager le RP --']

« La conne, elle m'a cassé le nez ! »

« Et j'aimerais bien faire pareil avec le bras ! »

Annabeth se rassit calmement et croisa les bras et les jambes, avec un air provoquant. L'homme qui lui faisait face brandit un poing menaçant devant lui. Un sourire étira le visage de la ravissante mais dangereuse femme, et son adversaire battit en retraite, tenant entre ses mains son nez sanguinolent. Ses amis jetèrent des regards mi craintifs mi furieux vers la blonde. La journée avait si bien débuté...
La belle avait eu une longue journée qu'elle avait passé à faire son boulot, ce pour quoi elle était payée, puis, elle avait décidé de prendre une pause dans un bar, histoire de se reposer un peu. Ses muscles éreintés aspiraient au repos, et elle aussi. L'Elfe s'était donc emmitouflée dans sa cape, et avait sellé Espoir en quatrième vitesse.
Malheureusement, sa pause ne s'était pas déroulée comme elle l'aurait voulue, vu qu'un abruti lui avait cherché des noises. En réalité, elle était tranquillement assise en train de boire sa bière quand un homme qui semblait plus saoul que sobre s'était avancé avec le sourire qui signifie « ATTENTION, DRAGUEUR A DEUX BALLES EN VUE ! ». Pour éviter toute confusion, Annabeth avait utilisé son Illusion : elle avait effacé une chaise à la vision de l'homme pour la faire apparaître plus sur la gauche, résultat, il avait fini les quatre fers en l'air. Et une mine pas vraiment heureuse sur le visage. Quand il s'était relevé, il avait intercepté le regard insolent de celle qu'il avait voulu... Conquérir ainsi que sa remarque : « Eh bien mon gars, va falloir apprendre à s'assoir ! ». Evidemment, ca ne lui avait pas vraiment plu ! Et, comme tout se règle par les poings, il avait essayé de se venger.
Et avait récolté des os cassés.

Annabeth soupira. Elle appréciait ce bar. L'air y était certes, lourd, et chargé de divers parfums (dont certains peu agréables), les bourrins qui beuglaient comme des bêtes n'étaient pas rares, et plus d'une serveuse s'était attirée des regards appuyés. Même les non serveuses par ailleurs. Mais l'Elfe se fichait de tout cela. Les hommes, c'était son lot quotidien, elle était née avec eux, avait grandi avec eux. Et elle savait parfaitement se défendre. Les Illusions dissuadaient les plus craintifs, ses coups non retenus les plus endurcis. Fin de l'histoire. Les bières qu'ils servaient ici étaient trop excellentes de toutes façons pour qu'elle songe à ne plus venir. Et les avances de la plupart de ses soupirants finissaient souvent à reculons... Elle s'était déjà faite remarquée par plusieurs établissements et s'était forgée une solide réputation de fille qui se laisse pas faire. Ceux qui la connaissaient avaient cessé de tenter quoique se soit. Les autres... Ils suivraient l'exemple.
Mais ce soir-là, les oeillades peu amènes qu'on lui lançaient l'exaspéraient. Le patron du bar était un ami, et tolérait qu'elle règle son compte à ceux qu'elle appréciait le moins et qui l'énervaient, mais ce soir là, elle n'avait pas envie de profiter de cette autorisation. Avec un nouveau soupir, elle paya sa consommation, et tendit le poing pour que Flink vienne s'y poser, avant de s'avancer vers la sortie.
Soudain, elle trébucha, et ne put rétablir son équilibre qu'en se retenant à la table la plus proche. Furieuse, elle regarda le sol, puis le con qui lui avait fait un croche patte et qui la regardait avec un air joueur et méprisant. Agacée, Annabeth leva les yeux au ciel, et donna un coup de poing dans le visage du type, qui ne s'y attendait tellement pas, qu'il s'écrasa sur la table. Avec un regard glacial, elle ouvrit la porte du bar, et la claqua derrière elle. Raa, les hommes ! Toujours les mêmes !
Le vent marin la cueillit de plein fouet, refroidissant instantanément son corps. Le changement de température entre le bar surchauffé et le port était incroyable. En fait, il ne faisait pas si froid, pour la cité des Neiges, mais, le vent lui, était cinglant. Encore plus agacée, Annabeth referma sa cape tandis que les ailes de Flink effleuraient ses oreilles pointues. Lui aussi n'aimait que moyennement le vent...
Un petit bruit attira son attention : une petite silhouette emmitouflée venait de se prendre un poteau de plein fouet. La belle retint un rire et s'approcha, curieuse de voir qui était assez étourdi pour ne pas regarder par où il marchait. L'Elfe croisa le regard rose foncé de la silhouette : une fillette. Elle se demanda pourquoi celle-ci la dévisageait ainsi. Et pourquoi elle détournait si violemment la tête. Deux détails qui piquèrent la curiosité de la blonde.

« Eh, tu devrais regarder devant toi quand tu marches. »fit-elle avec un sourire maladroit.

Elle n'était pas habituée à parler à des enfants, et ne savait comment réagir. Son monde, c'était les adultes, voir les hommes. Pas les petites filles. Pendant une seconde, la belle repensa à Flowène, qui avait toujours su parler aux plus jeunes, même à son entêtée de soeur. Depuis toute petite, Annabeth n'avait jamais douté qu'elle serait une mère affective et douce, parfaite, et qu'elle fonderait un foyer. C'était ainsi qu'elle la voyait, même si l'Elfe aux cheveux azurés semblait éviter, pour une raison inconnue, mais que la blonde avait mis sur le compte de la timidité, les personnes du sexe opposé. Alors qu'elle-même, ne savait pas comment gérer les plus jeunes. Vu qu'elle avait toujours été avec des plus vieux. L'instinct maternel était un mot inconnu aux yeux de la ravissante Compagnon.

« Ça va, tu ne t'es pas fait trop mal ? »

C'est alors qu'elle remarqua les oreilles un peu pointues de son interlocutrice, ainsi que son teint pâle. On ne voyait pas souvent d'Elfes à Storghein. Encore moins une gamine.

« Tu n'es pas d'ici. » fit-elle, oubliant un instant ses propres origines.

« Eh, tu devrais regarder devant toi quand tu marches. »

Je comprenais mal ses paroles, aussi je marmonnai quelque chose qui ressemblait vaguement à un petit "désolée". L'air amusé presque moqueur de l'inconnue ne m'échappa pas, et je ne pu m'empêcher de penser à toutes ces fois où ma soeur me jouait de mauvais tours, s'en vantait copieusement auprès de ses amis puis s'excusait sincèrement avec ce petit sourire maladroit, le même qui étirait les lèvres de la jolie blonde. Rien qu'à la regarder, on savait que cette fille-là était faite d'entraînements et aussi de bagarres, à en juger l'agitation dans le bar que je pouvais apercevoir par la fenêtre. J'ignorais qui elle était, mais en revanche il était évident qu'elle n'avait pas côtoyé beaucoup d'enfants dans sa vie, et c'était vraiment une situation désagréable; à Muria, tout le monde était gentil avec les autres... (enfin je ne connaissait pas toutes les Amazones, mais je n'en doutait pas une seule seconde). Nous vivions ensemble et nous nous protégions toujours mutuellement, même les plus jeunes comme moi et même et même plus petites encore avaient leur part de choses à faire. J'étais habituée à voir Kiera tous les jours dans sa maison où je vivais avec elle, à travailler avec Flowène tous les jours aussi, que ce soit à l'entraînement ou au Bar Bu désormais, même à apprendre à maîtriser la glace avec Eléa, et aussi à retrouver Jelenna près de l'école, même si elle était partie pendant plusieurs mois. J'étais habituée à voir plein de gens tous les jours et voilà qu'en dehors du groupe de Sentinelles qui m'accompagnait à Storghein, je ne connaissais personne.

« Ça va, tu ne t'es pas fait trop mal ? »

Je me secouais un peu, autant pour me réchauffer que pour réactiver mon cerveau qui avait apparemment du mal à réagir aujourd'hui, lorsque je perçus l'air intrigué de la jeune femme qui remarquais mes oreilles à peine pointues. Réprimant un faible sourire, je soutint son regard bleu en serrant Mélo emmitouflée dans ma cape; après tout, ne l'avais pas dévisagée moi aussi?
Son regard, d'ailleurs. Elle avait des yeux d'un bleu azuré, pur, glacial, déroutant, des yeux qui me rappelaient ceux de Flowène qui me suivait du regard à travers le bar, ou dans la cour d'entraînement. Ses oreilles étaient pointues, sa peau claire, et malgré ses gestes et son comportement qui trahissaient un quotidien guerrier, sa silhouette fine et élancée ne laissait pas de doute sur son identité: une Elfe, une pure et dure.

« Tu n'es pas d'ici. » lança la jolie blonde.
« Toi non plus. » répondis-je au tac à tac.

Je rougis instantanément. La réplique avait fusée toute seule, sans que j'ai le tant de la retenir, sans même que j'ai le temps de la penser concrètement. Je me rendis alors compte que cette fois j'avais pu répondre, c'était parce qu'elle s'était adressée à moi en langue elfique. Et que je lui avais répondu en elfique. Pourtant, j'avais assez peu utilisé ma langue natale au cours de l'année passée à vivre au milieu des Amazones, privilégiant le cydien que je connaissais maintenant mieux. Alors pourquoi avoir répondu en elfique? Un réflexe, sans doute, mais le explications ne tenaient pas toujours des réflexes. D'ailleurs, ce n'était pas vraiment une phrase digne d'un grand aristocrate que j'avais prononcée. Peut-être pouvais-je aller plus loin?

« Excuse-moi de t'avoir regardée comme ça, repris-je d'un ton mal assuré, c'est juste que tu... tu...»

Je butais sur le mot. Mince, c'était quoi, déjà?! Quelle poisse que sont les trous de mémoire! C'était pas si compliqué quand même!

« ...tu... je t'ai prise pour quelqu'un d'autre, terminai-je en renonçant à retrouver le mot que je cherchais. »

« Toi non plus. »

La réponse franche fit rire la blonde. En effet elle en venait souvent à oublier ses origines. Storghein était réellement devenue SA cité. Les Compagnons la considéraient comme une Astorg à part entière. D'accord, son caractère trop bagarreur et pas très elfique pouvait aider à « l'intégration ». En général, les hommes, ou même les femmes qui n'étaient pas dans la société distinguée, ne mettait pas beaucoup de temps à l'adopter. Elle était sympathique, facile d'accès, sociable, et adorait se salir les mains. Bon, curieuse, irritable, et en venait facilement aux poings, d'accord, aussi, mais ceux qui ne la cherchaient pas réussissaient à s'en accommoder, de quelque sexe qu'il soit. A Storghein. A Silmarie, c'était autre chose. On pouvait se demander pourquoi la petite blonde traînait avec les rares « délinquants » de la cité pacifique. Juste parce qu'elle ne supportait pas les jeunes filles de son âge. Même les plus jeunes n'aimaient pas beaucoup traîner dans la boue. Elles mettaient de jolis robes coquettes, gloussaient comme des dindes. Annabeth foutait des coups de poings et faisaient des blagues douteuses. Ce qui n'était pas vraiment compatible. C'était en partie pour cela qu'elle était partie. Enfin, en plus du fait qu'elle avait une soif d'aventure instatiable, et envie de suivre l'exemple de Flowène.

« T'es marrante toi, j'aime bien ta franchise ! Mais crois-moi, je pense que je suis moins étrangère que toi dans cette cité. Moi, au moins, j'habite ici. Toi non, j'imagine ? A Storghein, on sait regarder devant soi quand on marche. »

« Excuse-moi de t'avoir regardée comme ça, c'est juste que tu... tu...»

Une lueur curieuse s'alluma dans le regard d'Annabeth. Pourquoi la petite ne finissait-elle pas sa phrase ? Elle semblait réfléchir intensément, comme si elle ne trouvait pas un mot... Même Annabeth, qui préférait souvent les poings aux mots, ne butait pas de telle façon.

« ...tu... je t'ai prise pour quelqu'un d'autre. »

Pour quelqu'un d'autres ? Parce que des Elfes blondes aux yeux bleus qui se baladent avec un faucon sur l'épaule et un arc de l'autre, à Storghein, c'était très commun ? D'ailleurs, qui était ce quelqu'un en question ?

« Moi qui pensait que j'avais un air original, j'en prends pour mon compte ! Et désolée de t'avoir déçue. »

Annabeth essaya de sourire d'un air décontracté, mais cette petite l'intriguait. Quelle était cette personne avec qui elle avait été confondue ?Pourquoi la jeune fille butait sur des mots ainsi ? Que faisait-elle à Storghein ?

« Au fait, moi c'est Annabeth. Et toi, tu t'appelles comment ? Tu viens d'où ? Et... Si c'est pas indiscret, avec qui m'as-tu confondue ? »

[Désolée, c'est pourri --']

« T'es marrante toi, j'aime bien ta franchise ! Mais crois-moi, je pense que je suis moins étrangère que toi dans cette cité. Moi, au moins, j'habite ici. Toi non, j'imagine ? A Storghein, on sait regarder devant soi quand on marche. »

Je fus rassurée après que l'inconnue m'ai adressé cette phrase. Un instant j'avais eu peur qu'elle prenne la mouche à cause de ma réponse... directe, c'était le moins qu'on puisse dire. Malgré ma frimousse toute mignonne qui me sortait souvent de situations délicates, on m'avait souvent reproché ce trait de caractère particulier, cette franchise dont je n'avait jamais réussi à me débarrasser. La vérité sort de la bouche des enfants, dit-on, et bien j'en étais un parfait exemple. Je n'étais pas totalement débile quand même, je savais quand j'allais trop loi et quand il fallait que je me la... boucle, mais ce genre de remarque avait tendance à fuser tout seul. Et avec les inconnus, ça donnait rarement une bonne impression.
Cependant, cette fille-là n'était apparemment pas comme les autres, puisqu'au contraire je l'avais fait rire.

« Moi qui pensait que j'avais un air original, j'en prends pour mon compte ! Et désolée de t'avoir déçue. »

Je redoutais un moment de l'avoir froissée, mais elle semblait bien rigoler. Malgré moi, mon insatiable curiosité ne put s'empêcher de remarquer que malgré ses formes féminines, cette fille était un vrai garçon manqué. Sa sortie fracassante le prouvait d'ailleurs très bien! D'un côté, je l'aurait un peu contredite: des blondes aux yeux bleus, aussi glacials soit-ils, c'était quand même plus commun que des filles aux yeux rouges et aux cheveux roses à pois violets; mais je me tus, me contentant de l'écouter reprendre la parole, non par politesse mais parce qu'il ne servait à rien de dévoiler mes pensées. Puis je notai la présence d'un faucon sur son épaule.
Ah d'accord. Moins commun, en effet.

La réponse de l'elfe me troubla. Je pourrais réagir de plusieurs manière différentes, clore la conversation, m'en aller, pourtant mon esprit analysa cette phrase sans plus me demander mon avis. C'est dire que je me contrôle à merveille.

Déçue? Je l'étais, c'était même peu dire. Pourtant, aurais-je vraiment eu une seule chance de tomber sur ma soeur? D'ailleurs, avais-je vraiment espéré la revoir un jour? Je ne voyais pas vraiment ma blonde à moi traîner dans cette cité des glaces. Pour elle, un endroit ne possédant pas de place ou d'un quelconque autre endroit où elle pourrait se faire remarquer était dépourvu d’intérêt. Donc, elle n'avais aucune raison d'être à Storghein. D'ailleurs, comment aurait-elle pu partir de Silmarie? Mr. Gros-qui-pue-de-partout ne l'aurait jamais permis. Alors, non, je n'étais pas vraiment vraiment déçue, pour l'être il aurait fallut déjà avoir un solide espoir.

« Au fait, moi c'est Annabeth. Et toi, tu t'appelles comment ? Tu viens d'où ? Et... Si c'est pas indiscret, avec qui m'as-tu confondue ? »

Je fis la moue lorsque certains mots compliqués parvinrent à mes oreilles, et c'est en un effort de mémoire monumentale que je réussis à comprendre la, ou plutôt les questions de la jeune femme.
Annabeth.
Quelle coïncidence. Je me rappelai que Flowène avait déjà prononcé ce nom, quelquefois. Ma patronne n'était pas très bavarde en ce qui concernait son passé, mais j'avais cru comprendre qu'elle était très attachée à sa soeur qu'elle avais quitté il y avait des années...

Pour l'instant, je devais surtout répondre aux questions qu'Annabeth me posait, qu'elle soit celle que je pensais ou non.
Mon nom? Il ne lui dirait rien, et cela pouvait être le point de départ d'une connaissance en dehors de Muria. Mais Muria justement. Pouvais lui dire que j'y habitais? Ce n'était pas vraiment un secret, l'ambassadrice résidait même ici, à Storghein, pourtant on ignorait toujours comment les gens réagissaient face à des femmes qui s'étaient enfuîtes de chez elles pour aller vivre chez de parfaites inconnues... Habiter à Muria en disait déjà assez long sur la personne concernée. Quant à lui dire avec qui je l'avais confondue...
Ma première pensée fut: "Pas question, non mais dit, oh, tu prends pour qui?" mais un je-ne-sais-quoi me disait que ce n'était pas vraiment approprié et un peu vexant. Juste un peu.

C'est dingue comme se cogner à un poteau peut entraîner tant de débats mentaux.

« Je m'appelle Livena, répondis-je d'une voix hésitante. Je... je suis en voyage avec des amies, je viens de Muria. Je... je t'ai confondue... avec... ma soeur. Tu lui ressembles fichtrement de loin! Mais vous n'avez pas les même yeux. Et puis, elle est plus jeune que toi.»

*Dis-moi, tu n'auras pas une soeur qui s'appelle Flowène, par hasard? Parce que c'est dingue, ma patronne elle a une soeur qui s'appelle Annabeth. Le monde est petit, comme qui dirait!*

C'est ça. Heureusement que je l'avais pensé das ma tête, sinon je serais déjà en route pour le service aux personnes ayant une neurone ou deux grillées. Plus fin, tu meurs.

« Je m'appelle Livena. Je... je suis en voyage avec des amies, je viens de Muria. Je... je t'ai confondue... avec... ma soeur. Tu lui ressembles fichtrement de loin! Mais vous n'avez pas les même yeux. Et puis, elle est plus jeune que toi.»

Muria ? Les Amazones n'étaient-elles pas censées ne pas dire ce genre de choses ?
Une seconde...
Muria ?!
…
Deux secondes....
MURIA ?!
…
Trois secondes...
FLOWENE !
Cette petite venait de Muria, cette même cité où logeait sa soeur !

« Tu viens de Muria ?! T'es sérieuse ? Tu connais une Elfe aux cheveux azurés et aux yeux qui ressemblent beaucoup aux miens qui s'appelle Flowène ? »

L'émotion submergea la blonde tandis qu'elle attendait impatiemment la réponse de son interlocutrice. Dans son esprit, il était impossible que la jeune fille réponde que ce nom ne lui disait rien. Flowène.... Elle allait enfin avoir de ces nouvelles ! Après toutes ces années passées à se demander ce qu'elle avait pu devenir ! La prêtresse de Silmaria lui avait bien communiqué le fait que sa soeur résidait à Muria, mais rien de plus. Sa chère soeur...
Un flot de souvenirs assaillirent l'Elfe. Flowène, qui discutait avec des amies, tandis que sa soeur jouait à chat avec les garçons. Toutes deux étaient très bien habillées (Anna avait une robe !). Beaucoup d'elfes étaient réunis dans une petite clairière avec des ballons, des banderoles, des tables recouvertes de nappes blanches immaculées... Soudain, la petite blonde se fait attraper par un garçon. Surprise, elle trébuche et tous deux se roulent dans la boue en riant, s'attirant les regards horrifiés de l'assistance et celui, désapprobateur, de Flowène.
Puis, les deux soeurs galopant ensemble, côté à côté, l'une au côté de l'autre, l'une montant Destin (le mâle de Destinée - très original comme nom, mais c'était leurs parents qui l'avaient trouvé- que la famille avaient vendu quand la jument avait eu son petit) et l'autre sa compagne. Elles riaient toutes deux, heureuses de partager ce moment unique avec l'autre. Insouciantes, elles s'éloignaient un peu de la maison pour la première fois de leurs vies. Beaucoup de ceux qu'elles croisent se retournent à la vue de ces deux fillettes à l'air libre et joyeux...
Tant de souvenirs, tous plus étranges les uns que les autres. Et pourtant si précis. Si présents...
Sa soeur lui avait tant manqué. Avant de partir à son tour, Annabeth n'avait jamais accepté que Flowène l'ait lâchée de façon si définitive. Car les derniers mots que lui avaient lancé sa soeur étaient bien « Papa et Maman sont déjà émus de me voir partir, moi, leur fille aînée. Ils ont encore besoin de toi. Veille sur eux pendant mon absence. ».La blonde avait obéi pendant deux ans, avant de partir à son tour. Mais elle au moins, revenait de temps en temps. Elle donnait de ses nouvelles, envoyait des lettres. Alors que sa soeur avait totalement disparu de la circulation.
Mais grâce à la dénommée Livena, elle allait enfin avoir des nouvelles !
Alors qu'elle allait reprendre la parole, son excitation retomba soudain : c'était plus compliqué que cela. La petite n'avait pas le droit de révéler la position de Muria. Annabeth ne pouvait pas aller voir sa soeur.
Merde.

« Oh, à ta soeur ? D'accord... Je... »

Inutile d'essayer de garder une certaine contenance...

« Excuse-moi, depuis que tu as dit Muria, j'ai décroché.... Flowène est ma soeur. Je ne l'ai pas revue depuis douze ans. »

« Tu viens de Muria ?! T'es sérieuse ? Tu connais une Elfe aux cheveux azurés et aux yeux qui ressemblent beaucoup aux miens qui s'appelle Flowène ? »

Mes soupçons se confirmèrent, et je fus soulagée de pas avoir à lui poser la question. En même temps, des elfes aux cheveux azurés et aux yeux bleus, y avait pas trente-six mille.
Alors comme ça, je me trouvais bel et bien en face de la soeur de ma patronne...
...
Wouah. Manque plus qu'il pleuve des Manticores.
Étrangement, si l'on excluait leurs yeux de ce bleu glacial qui pourraient figer un dragon en colère, Annabeth et Flowène ne se ressemblaient pas du tout. Dans le physique, déjà, mais aussi dans leur caractère... même si je ne connaissais la blonde que depuis... allez, cinq minutes? Pourtant, ses manières un peu brusques, cet air de garçon manqué, et surtout cette franchise qu'elle ne cherchait pas à cacher, tout ça était bien différent de la Flowène que je connaissais, la Sentinelle gentille, calme, instruite, qui se transformait en patronne pointilleuse et un peu maniaque, il faut l'avouer, le temps que quelques heures à travailler au Bar Bu. Cependant, elles ne s'étaient pas revues depuis douze ans, c'était normal aussi qu'elles aient grandi différemment... douze ans! Mais comment avaient-elles fait? Moi déjà après un an passé à Muria loin de ma famille je ne supportais plus de vivre cloîtrée dans la cité des Amazones.

« Oh, à ta soeur ? D'accord... Je... »

La remarque bancale d'Annabeth me plongea dans la mélancolie. Qu'était devenue Mayleen et Maman, seules avec ce gros porc de Squatteur? Se soutenaient-elles toujours, comme nous nous étions promis peu avant ma fuite? Sûrement, Mayleen ne l'aurait pas laissée tomber. Pas comme moi... A moins qu'elles n'aient réussi à se débarrasser de lui? Remarque, il aurait suffit de lui confier un baril de bière avec l'interdiction formelle de le boire, cinq minutes plus tard il aurait été ivre mort et il aurait suffi de la balancer dans la rivière... oh! non, pas la jolie rivière!! Heu... un ravin, alors. Où n'importe quel autre endroit d'ailleurs. Mince, j'aurais dû y penser plus tôt.

Je tentais de deviner où pouvaient être ma famille maintenant. Maman, elle n'aurait jamais bougé de Silmarie, elle aimait trop son travail pour ça. Mayleen en revanche ne tenait jamais en place, elle était sûrement partie. Où ça? Pas à Muria, je le saurais sinon. Tamawa? Encore moins, Mayleen n'était pas de ceux qui passaient leur vie à s'entraîner au combat et tout le tralala. Storghein? C'aurait mieux été l'ironie du sort! C'était sans doute la possibilité la moins... possible. Storghein, la cité des hommes et des guerriers? Après ce que le Squatteur lui avait fait? J'ai trop bu de jus de pomme, moi. L'idée n'aurait même pas dû m'effleurer. Sans compter que dans la cité des glaces, Mayleen n'aurait pas survécu très longtemps sans pouvoir bronzer. Erathia? Que-ce qu'elle aurait à y faire? Mais après tout, pourquoi pas. En fait, la possibilité la plus probable était sans doute Cydonia. Les cydiens étaient assez fiers, tout le monde le savait, ma soeur se serait sentie comme un poisson dans l'eau là-bas. Quel dommage que je n'y ais pas pensé plus tôt, alors que j'y étais il y avait quelques jours... J'aurais pu me renseigner. Mais peut-être que si je n'avais pas rencontré Annabeth, je n'y aurait pas pensé.

« Excuse-moi, depuis que tu as dit Muria, j'ai décroché.... Flowène est ma soeur. Je ne l'ai pas revue depuis douze ans.
-Non, désolée, moi aussi j'ai décroché, m'excusai-je en souriant. Je décroche souvent, d'ailleurs. Oui, je connais Flowène, c'est...»

Je m'interrompis brusquement. Que pouvais-je dire à Annabeth? Si j'avais l'impression qu'elle manquait à Flowène, je ne savais rien de leur séparation. Et si elle n'avait pas envie de revoir sa cadette? Mais si c'était le cas, j'aurais le mérite de lui donner de ses nouvelles. Que pouvais-je dire à la blonde sans l'accord de Flowène, qui était à des lieues et des lieues de là?

« C'est... heu... c'est ma... patronne. Enfin, je la connais, quoi. Ben ça alors, c'est... c'est... quelle coïcidence! »

L'Elfe se rendit compte de la stupidité de sa remarque que lorsqu'elle l'eut formulé. Livena semblait autant dans la lune qu'elle, si ce n'était plus. Mais elle ne s'en était pas rendue compte...

« Non, désolée, moi aussi j'ai décroché. Je décroche souvent, d'ailleurs. Oui, je connais Flowène, c'est...»

Annabeth sentit son coeur bondir dans sa poitrine. Livena connaissait sa sœur ! Elle osait à peine y croire ! Non pas qu'elle en ait douté, mais l'entendre directement de la bouche de la petite fille la remplit d'une immense joie, qui lui fit oublier le fait qu'elle n'était pas plus avancée. L'Elfe adressa une rapide prière à Silmaria, d'avoir mis Livena sur son chemin. Grâce à la petite, elle pourrait avoir des nouvelles de sa soeur, mais aller la voir, c'était autre chose. Ce n'était pas pour rien que l'on ne rencontrait que rarement des Amazones – d'ailleurs, la plupart du temps, on se ne rend même pas compte qu'on discute avec l'une d'elle – et que personne n'avait jamais entendu « Muria ? Oh, c'est facile, vous prenez tout droit, vous tournez à gauche, puis à droite, puis à gauche, puis encore à gauche, et après, c'est tout droit. Quand vous voyez des centaines de flèches pointées sur vous, vous êtes arrivé ! ». La Cité était cachée, les femmes n'en parlait pas par fidélité, quant aux hommes... Par une autre sorte de fidélité, on peut dire. Elle ne retrouverait pas sa soeur grâce à la brunette. Mais pour l'instant, avoir des nouvelles lui suffisait. Pour l'instant. Après cette rencontre, peut être qu'elle partirait de Storghein...
Non. Même si Annabeth espérait de tout son coeur arriver à se séparer de la Cité des Neiges, elle savait qu'elle n'y arriverait pas. Elle voyageait beaucoup, mais sa vie était ici à présent. Repartir à Silmarie était impensable à ses yeux. Quant à aller à Muria... Elle savait qu'elle pouvait toujours essayer, mais la cité cachée n'était pas son objectif. Comment un garçon manqué pouvait trouver sa place dans la cité des femmes ? Peut-être pourrait-elle y aller pour une petite visite chez sa soeur ? Les Amazones la laisseraient-elles repartir ? Elle ne connaissait rien aux règles de Muria, comme bon nombres de gens. Et même pour sa soeur, elle ne pensait pas avoir le courage de vivre là où elle savait qu'elle ne serait pas chez elle...

« C'est... heu... c'est ma... patronne. Enfin, je la connais, quoi. Ben ça alors, c'est... c'est... quelle coïncidence! »

Patronne ? Livena, qui devait même pas avoir 14 ans, travaillait ? Bon, à son âge, Annabeth était apprentie compagnon de la Reine, mais elle n'avait pas de « patronne ». Quel genre de boulot faisait Flowène ?
Et pourquoi Annabeth percevait-elle une retenue de la part de la petite ? Hésitait-elle à parler de sa patronne ? Pourquoi ?... Flowène avait-elle fait un portrait peu flatteur de la blonde ?

« C'est sûr ! Mais dis-moi, tu travailles ? A ton âge ? Et quel boulot Flowène fait-elle ? Et... »

Annabeth s'arrêta brusquement, consciente qu'elle s'emportait et qu'elle devait faire des pauses, pour ne pas désorienter sa jeune interlocutrice.

« Excuse-moi, tu dois te dire que je suis un peu trop curieuse... Mais ça fait si longtemps, elle m'a tant manquée ! Ca m'a fait un choc quand elle partie, sans que j'en sache la raison précise. Elle disait que l'atmosphère de Silmarie l'étouffait, mais je ne l'ai jamais crue. Si tu la connais, tu dois savoir qu'elle n'est pas le genre à chercher l'aventure. Puis, vu comme elle avait l'air malheureuse au moment du départ... »

Un sourire heureux apparut sur les lèvres de l'Elfe.

« On avait une grande complicité toutes les deux, même quand on se disputait, ce n'était jamais grave. Je te dis pas comme je me suis sentie seule quand elle s'en est allée ! J'imagine que c'est ça avec beaucoup de gens. Comme toi. Tu t'entendais sûrement très bien avec ta propre soeur... Non ? »

Elle aurait bien voulu ne parler que de Flowène, mais d'abord c'était très impoli. Ensuite, elle était curieuse de connaître cette petite, avec qui elle avait deux points commun : Flowène. Et toutes deux avaient une soeur.

[Je fais une pitite réponse rapide, vu que je pars et je ne suis pas sûre de pouvoir répondre pendant quelques jours, sauf si j'ai du temps.]

« C'est sûr ! Mais dis-moi, tu travailles ? A ton âge ? Et quel boulot Flowène fait-elle ? Et... »

Instinctivement, je resserrai ma prise sur Mélo, qui leva sa tête de siamoise vers moi. En d'autre circonstances, je lui aurait lancé une boutade sur le fait qu'elle ne se plaigne même pas que je la réveille, mais j'avais d'autres soucis pour parler à un chat qui ne comprenais pas l'elfique. Ou le cydien d'ailleurs. Et même l'astorg tant qu'on y est.
J'avais la désagréable impression d'en avoir déjà trop dit à Annabeth. Déjà, une amazone prudente ne se serait pas reconnue comme telle... elle n'aurait pas non plus livré des informations sur une de ses soeurs. A mon grand soulagement, Annabeth se tut brusquement; soulagement qui fut de courte durée puisqu'elle reprit la parole aussi sec, enchaînant phrase sur phrase. Maintenant je savais ce que ressentait mes amis quand je leur faisais un monologue. Brrr, quelle horreur. Remarque mes absences n'étaient pas tellement mieux.

« Excuse-moi, tu dois te dire que je suis un peu trop curieuse... Mais ça fait si longtemps, elle m'a tant manquée ! Ca m'a fait un choc quand elle partie, sans que j'en sache la raison précise. Elle disait que l'atmosphère de Silmarie l'étouffait, mais je ne l'ai jamais crue. Si tu la connais, tu dois savoir qu'elle n'est pas le genre à chercher l'aventure. Puis, vu comme elle avait l'air malheureuse au moment du départ... »

Un sourire naquit sur les lèvres de la blonde, et je me surpris à lui sourire aussi, alors que j'en étais encore à intégrer la deuxième phrase de sa tirade. Je n'aurais jamais cru qu'une jeune femme de 20 ans (allez, on va arrondir, hein!) et une enfant de 10 ans et demi (pas besoin d'arrondir) pouvaient avoir des réactions aussi proches. Il m'arrivait souvent d'enchaîner question sur question, sans même attendre d'éventuelles réponses.
Curieuse? Ah! ça oui, elle l'était! Mais en même temps, cela faisait tellement longtemps qu'elle n'avait pas eu de nouvelles de sa soeur, on ne pouvait pas lui reprocher de vouloir en savoir plus. Un choc? C'est simple... quand une personne qu'on aime nous quitte, ça fait toujours un choc. Je retins un petit gémissement en pensant à la peine que j'avais dû causer à Mayleen et à ma mère. Comment avais-je pu être aussi égoïste?
Ma langue natale étant trop loin derrière moi depuis mon départ, je ne compris pas le mot qu'Annabeth avais employé avant "Silmarie", mais je devinai que Flowène ne se sentais pas bien là-bas. ELLE, chercher l'aventure? Ou la la, son double dans une galaxie lointaine, alors.

« On avait une grande complicité toutes les deux, même quand on se disputait, ce n'était jamais grave. Je te dis pas comme je me suis sentie seule quand elle s'en est allée ! J'imagine que c'est ça avec beaucoup de gens. Comme toi. Tu t'entendais sûrement très bien avec ta propre soeur... Non ? »

Cela me rappelait avec tant de force ma propre relation avec ma soeur que je sentis les larmes me monter aux yeux. Il était évident qu'Annabeth ne voulait pas se montrer impolie en ne parlant que d'elle et de sa soeur, mais je ne voulais pas parler de May... Je ne pouvais pas évoquer cette complicité qui nous liait, cette complicité que j'avais brisée en m'enfuyant sans penser à ce qu'il adviendrait d'elle. Sans compter que la différence d'âge entre May et moi était bien plus importante que celle entre Flowène et Annabeth. J'étais née peu avant son septième anniversaire... je m'en souvenais parfaitement, parce qu'un jour où nous nous étions disputées pour savoir qui aller peler les patates, elle m'avait hurlé à la figure que la fête de ses sept ans avait été la pire de toute sa vie. Livena par-ci, Livena par-là... et qu'au moment où elle allait souffler ses bougies, Maman lui avait demandé de me bercer parce qu'elle devait aller préparé le dîner. J'avais énormément pleuré ce jour-là... pas pour son anniversaire quoi que c'était fort possible mais je ne m'en rappelais plus, non je parle du jour de l'engueulade avec pour seuls public des pommes de terre fraîchement cueillies. Puis elle était venue s'excuser et on avait joué à chat dans les rues de Silmarie jusqu'à la tombée de la nuit... où c'est moi qui était tombée. Dans la rivière, plus exactement.

Je me souvins soudainement qu'Annabeth m'avait posé une question et que je la faisais attendre en repensant à un souvenir plutôt arrosé qui datait de... pffiou, qui datait.

« Hein? Oui, je travaille... je suis serveuse au Bar de Flowène... c'est elle la propriétaire, et elle m'apprend à tirer à l'arc, aussi!! Pour ma soeur, oui, on peut dire ça... En fait elle ne m'aimait pas du tout au début. Une fois elle m'a dit que son anniversaire qui avait suivi ma naissance était le pire de toute sa vie. Mais bon, une fois qu'elle m'a acceptée, on est devenues inséparables. On n'était pas du tout sur la même longueur d'ondes, commençais-je en doutant du sens de la phrase en elfique, mais on faisait toujours les... les... comment ça se dit déjà? Ah! oui, les quatre cents coups! On faisait les quatre cents coups ensembles. On était très complices, même si elle était plus âgée que moi. Quand je suis partie...»

Ma voix se brisa, et je dus la maîtriser au maximum pour pouvoir finir ma phrase. Évoquer la peine et la honte qui m'avaient étouffée ce jour-là était une chose bien plus difficile que je ne l'avais imaginée.

« Quand je suis partie, je me suis dit que si jamais je ne la revoyais plus, si jamais elle finissait ses jours à Silmarie avec ce gros porc, alors qu'on été censées toujours se soutenir... je m'en voudrais toute ma vie!!»

C'en était trop. J'étais une lâcheuse, une peureuse, même pas capable de tenir la seule promesse importante que j'avais fait à ma soeur!! Elle devait sûrement me haïr, encore plus que ce maudit anniversaire...
Oubliant Mélo que je tenais dans mes bras, je laissais me cape dégringoler au sol et me pris la tête entre mes mains.

« Mayleen... Mayleen!! Pardonne-moi... »

« Hein? Oui, je travaille... je suis serveuse au Bar de Flowène... c'est elle la propriétaire, et elle m'apprend à tirer à l'arc, aussi!! Pour ma soeur, oui, on peut dire ça... En fait elle ne m'aimait pas du tout au début. Une fois elle m'a dit que son anniversaire qui avait suivi ma naissance était le pire de toute sa vie. Mais bon, une fois qu'elle m'a acceptée, on est devenues inséparables. On n'était pas du tout sur la même longueur d'ondes, mais on faisait toujours les... les... comment ça se dit déjà? Ah! oui, les quatre cents coups! On faisait les quatre cents coups ensembles. On était très complices, même si elle était plus âgée que moi. Quand je suis partie...»

Annabeth fixa la petite en se demandant si elle se fichait d'elle. Flowène dans un Bar ?! C'était comme de voir une souris verte à pois bleu et rouge danser joyeusement avec un chat, un joint à la bouche. Improbable. D'ailleurs, même sans les verbes et tout le tralala, la phrase sonnait bizarre. « bar » et « Flowène » dans la même phrase, ça sonnait bizarre. L'Elfe n'était plus sûre de rien. Sa soeur n'avait jamais émis le souhait de devenir barmaid. D'ailleurs, elle semblait bizarrement assez terrifiée quand elle s'approchait de taverne, d'où de la musique s'échappait, et n'avait jamais voulu y entrer. Annabeth passait beaucoup de temps dans ces établissements, certes, mais à l'idée d'y travaillait, elle avait envie de vomir. Surtout le genre qu'elle fréquentait. Quand on a dans les mains des plateaux surchargés, il est difficile d'esquiver des mains baladeuses... Porter des uniformes ? Ou même un simple tablier ? Beurk, quelle horreur ! Elle n'était pas une cuisinière, et ça lui convenait. De plus, elle n'était pas sûre de résister à l'envie de foutre un coup de poing dans la gueule au premier qui l'insultait ou qui, au contraire, lui proposait une « aventure dont elle se souviendrait toute sa vie »... Autrement dit, comme le client est roi, on la foutrait à la porte direct. Quelle horreur ! Bien évidemment, tous les établissements de ce genre n'était pas un repaire à pervers, elle le savait bien. Et si Flowène tenait un bar, il devait être agréable (déjà que voir la demoiselle aux fourneau et au service des gens lui restait en travers de la gorge). Surtout qu'à Muria, même si elle n'en connaissait pas grand chose, elle savait au moins que les fous dangereux étaient tenus en laisse...
Par contre, pour l'arc, c'était plus logique. Les deux soeurs s'entraînaient souvent ensemble, et Annabeth n'avait jamais douté qu'elle ferait de cette arme la sienne...
A la mention de la soeur de Livena, la blonde fronça les sourcils. Flowène ne lui avait jamais fait un coup bas pareil. Elle se disputaient, mais s'étaient toujours aimées.

« Je n'aurais jamais vu Flowène barmaid, mais passons... En tous cas, elle n'a jamais été aussi méchante avec moi. Comment ça s'est arrangé avec ta soeur ? »

« Quand je suis partie, je me suis dit que si jamais je ne la revoyais plus, si jamais elle finissait ses jours à Silmarie avec ce gros porc, alors qu'on été censées toujours se soutenir... je m'en voudrais toute ma vie!!»

Quel gros porc ? Mais de quoi parlait Livena ? Annabeth avait l'impression qu'elle sortait complètement de la réalité pour se plonger dans ses souvenirs, ce qu'elle appréciait moyennement...

« Euh Livena, ça va ? »

« Mayleen... Mayleen!! Pardonne-moi... »

Mayleen ? Etait-ce la soeur de Livena ? Sûrement. Mais pourquoi criait-elle ainsi ? Pas la peine d'en faire un drame, elle avait quitté sa soeur, et alors ? Flowène avait fait pareil et Annabeth ne lui en voulait pas...Enfin pas trop. Certes elle ne connaissait pas le passé de la petite, mais ça ne pouvait pas être si terrible...
La petite chatte (tiens, elle l'avait pas vue) tomba sur le sol tandis que la petite prenait son visage entre ses mains.
Annabeth fronça les sourcils et prit maladroitement son interlocutrice dans ses bras, ne sachant comment réagir. Sans réfléchir, elle tendit la main juste devant le visage de l'Elfe et ses doigts s'éclairèrent soudain. L'Elfe n'avait jamais utilisé ce pouvoir, qui, elle en était sûr, lui avait été communiqué par la Grand Prêtresse, sauf lors de cet incident malheureux avec Flink. C'était idiot d'y recourir, mais elle ne savait vraiment que faire..

« Euh Livena, ça va ? »

J'entendis la voix d'Annabeth, mais elle me paraissait lointaine, comme me parvenant de derrière un rideau de brume. Les souvenirs que je m'étais forcée d'oublier avec le temps resurgissaient, plus forts et plus violents, comme pour me punir de les avoir enfouis au fond de ma mémoire. Moi qui croyais avoir enfin échappé à la douleur qui m'assaillait à chaque fois que j'y repensais! Des milliers de phrases lointaines s'entrelaçaient dans mon esprit, me donnant le tournis. Je sentis les bras maladroits d'Annabeth m'entourer, tandis que des voix bien connues résonnaient dans mon crâne.

"Livena viens manger, c'est ta soeur qui a préparé le repas!
-Non merci, j'ai pas envie de mourir empoisonnée!
-Sale gamine! Viens ici tout de suite avant que je te fasse rôtir dans ma marmite!!!
-Très perspicace comme réponse, chère soeurette."

"Que-ce que tu fiches encore?
-Je couds, ça se voit pas?
-Tu veux que je te dises ce qui se voit?
-Très franchement, non.
-Ce qui se voit, c'est que tu massacre la robe préférée de Maman.
-Même pas vrai! J'ai juste raté l'ourlet.
-Oublie cette histoire Livena. T'as que 6 ans, t'es trop jeune pour travailler à la boutique."

"Mais c'est pas juuuuuste! Pourquoi moi quand je t'avais demandé tu m'as dit non?! Et dès qu'il s'agit de mademoiselle Livena, on accepte tout!!"

"Bon, d'accord, bienvenue à la boutique Livena.
-Toi tu mijotes quelque chose.
-Que nenni. Goûte-moi plutôt ce sublime cake.
-"Que nenni"? Mayleen, t'as échangé ta place avec un almer, ou quoi?
-Tais-toi et mange.
-Ah! non, c'est bien elle. Hmm, il a un drôle de goût ton cake. Pourquoi tu glousses comme une dinde?
-Hihi... tu sais ce qu'elle te dis, la dinde?
-Elle dis... OH LA CONNE, ELLE A MIS DU PIMENT!!!!!!!!!
-Hahaha!!!
-Livena, pas de gros sous mon toit!
-Mais M'man, c'est elle qui... *souffle* Aaaaah ça pique ce truc!
-Je plaisante. Quel est le châtiment approprié à ton avis?
-Mayleen!! Mange-moi ce gâteau!
-Nooooooooooooooon!!!!"

Une drôle de sensation me tira de mon souvenirs, et en essuyant mes yeux rougis je distinguai les doigts écartés d'Annabeth, tendus devant moi. Mais que-ce qu'elle faisait?
Je caressai distraitement Mélo tout en essayant de calmer mes hoquettements. Je n'avais pas été très maligne en me laisser emporter par l'émotion devant une nouvelle connaissance en pleine cité inconnu, surtout qu'Annabeth n'avais pas l'air très portée sur les sentiments réconfortants et maternels. Quelle idiote! Surtout qu'en plus je m'étais juré de moins dévisager les gens et de ne plus les mettre mal à l'aise. Enfin du moins essayer. Eh! ben, ça allait prendre du temps avant d'obtenir d'éventuels résultats!

"Je... je suis désolée Annabeth, je ne voulais pas... c'est juste que... repenser à ma soeur... ça fait longtemps que j'essaie d'oublier, et puis là je sais pas, je me suis rappelé de tout en même temps."

"Je... je suis désolée Annabeth, je ne voulais pas... c'est juste que... repenser à ma soeur... ça fait longtemps que j'essaie d'oublier, et puis là je sais pas, je me suis rappelé de tout en même temps."

Pourquoi l'Elfe tombait-elle toujours sur des émotionnels, ou des caractériels ?! Ou encore des myopes. Elle avait eu droit à Destan, qui avait passé son temps à l'insulter, après lui avoir versé une chope de bière dessus, un autre rencontré à Silmarie qui avait résisté à son Illusion et qui l'avait utilisée comme tremplin, Eybor le monologueur... Non pas qu'elle regrettait toutes ces rencontres... Enfin, si, pour Destan, elle regrettait, et c'était certainement le cas de Vlad également, qui avait dû pâtir sa mauvaise humeur pendant tout leur séjour à Tamawa. Il ne s'en était pas plaint, mais personne ne pouvait souffrir la colère de la terrrrrrrible Annabeth sans séquelle ! Heureusement, ses plus grandes colères étaient rares. Ses coups de poings un peu moins. En y réfléchissant, elle finissait par comprendre pourquoi elle tombait sur des gens spéciaux. Parce qu'elle avait le tact d'un sanglier en colère. Mais tout de même, ce n'était pas toujours sa faute... Non ?

« Livena, c'est sûr que si tu renies tes souvenirs, quand ils reviennent, ça fait mal. »

En ce moment, elle ne faisait que jouer les professeurs. Entre Tetsuko et Livena, elle commençait à se prendre pour une vieille peau pleine de sagessitude. Hors, la plupart du temps, c'était elle qu'on reprenait. Quand elle était petite par exemple, c'était Flowène qui jouait ce rôle. Les deux soeurs avaient toujours eu un caractère diamétralement opposé. L'une garçon manqué, l'autre coquette. L'une tête en l'air, l'autre maniaque. Bref, plus différentes, c'était impossible. Et voilà que la blonde se transformait ! Certes, son interlocutrice était petite, mais, mentalement, Annabeth était sûrement bien plus gamine qu'elle...

« Il y a des souvenirs qui font mal, mais plus tu essaies d'oublier, plus tu remues le couteau dans la plaie. »

Annabeth la serra un peu plus dans ses bras, avant de proposer, prise de court :

« Tu... Si tu veux, je peux t'emmener dans un bar et... T'offrir une bière ? Ou un chocolat chaud si ils en ont. »

Annabeth bien sûr, ne savait pas que les bars n'avaient que rarement des chocolats chaud. Vu qu'elle n'en commandait jamais. Et elle ne pouvait imaginer que qui que se soit n'aime pas les bières, elle qui adorait. Même une petite d'une dizaine d'années.

« Livena, c'est sûr que si tu renies tes souvenirs, quand ils reviennent, ça fait mal. »

Malgré moi, je dévisageai Annabeth, totalement interloquée. Voilà qu'elle se mettait à parler comme une grand-mère bienveillante!! Cet aspect sage et réfléchi ne collait vraiment pas avec la personnalité de la jeune femme, du moins ce qu'elle montrait d'elle. Mais en même temps, je m'étais emportée, c'était de ma faute cette histoire; n'empêche, se retrouver face à face avec celle qui est censé être l'opposé de sa soeur tout en se comportant comme elle... le monde ne tourne pas rond, à Storghein.

« Il y a des souvenirs qui font mal, mais plus tu essaies d'oublier, plus tu remues le couteau dans la plaie. »

Je voulus lui répondre qu'elle avait raison, que j'avais eu tort depuis le début et que maintenant je n'essaierai plus de refouler mes souvenirs, lorsqu'elle me prit de nouveau dans ses bras. Puis, sans doute autant prise de court que moi, elle me demanda:

« Tu... Si tu veux, je peux t'emmener dans un bar et... T'offrir une bière ? Ou un chocolat chaud si ils en ont. »

Je souris lorsqu'elle me proposa de m'offrir une bière. En tant que serveuse dans un bar, je savais qu'une petite de 10 ans ne buvait pas ce genre de boisson, et de toute manière Flowène m'avait plus ou moins interdit de profiter de mon travail au bar Bu pour expérimenter la chose. Un chocolat chaud serait le bienvenu, surtout que la Port Glacé n'était pas appelé comme ça pour rien, même si je n'avais pas vraiment froid (sans doute était-ce dû au fait que je manipulait la glace... il faudrait que je le demande à Eléa quand je serais rentrée).

« Oh chouette, merci Annabeth! J'ai envie de boire quelque chose de chaud... mais je prendrai plutôt un chocolat chaud, hein, parce que la bière... répondis-je en lui faisant un petit sourire entendu. »

L'ironie de cette situation, c'est qu'Annabeth semblait ne pas pouvoir imaginer que quelqu'un n'aime pas la bière, tandis que moi je ne pouvait pas imaginer un bar sans chocolat chaud, même dans une cité guerrière comme Storghein. Et ce pour en avoir servi à plein d'enfants... je n'étais pas très désireuse de savoir combien de chocolats seraient commandés en plein hiver.

« Oh chouette, merci Annabeth! J'ai envie de boire quelque chose de chaud... mais je prendrai plutôt un chocolat chaud, hein, parce que la bière... »

Ben quoi, parce que la bière ? Qu'est-ce qu'elle avait de spéciale, la bière ?! Livena n'aimait-elle pas cette boisson, si exquise ?!
L'Elfe fronça les sourcils, mais décida de ne pas répliquer. Elle adressa seulement une petite grimace à son interlocutrice et la conduisit à travers les petites rues de Storghein. La taverne dont elle venait de sortir était parfaite pour elle, et elle s'y sentait vraiment bien. Mais ce lieu n'était pas réservé aux enfants. Elle avait appris à se défendre contre les regards insistants, les avances ou même simplement les bagarreurs. Mais elle doutait que se soit le cas de Livena. Elle ne doutait pas de pouvoir la défendre, mais elle n'était pas sûre que ça plairait à la jeune fille... Et qu'il y aurait du chocolat chaud.
Annabeth sourit en trouvant l'établissement qu'elle cherchait. C'était un tout petit bâtiment, très simple, mais elle connaissait bien la barmaid. Déjà, le fait que se soit une femme qui le tienne était un avantage. Mais pas le genre sainte nitouche, hein ! Plutôt la grosse dame en embonpoint et à la poitrine très... énorme en fait. Mais Erma était si adorable ! L'Elfe ne doutait pas qu'elle aurait de quoi satisfaire la petite.
Elle ouvrit la porte et se glissa à l'intérieur du bâtiment. Aussitôt, son faucon (toujours sur son épaule) poussa un cri rauque et s'envola vers la gérante qui, fidèle au poste, se tenait à sa place habituelle, derrière le comptoir. Celle-ci tendit le poing avec une expression joviale, laissant le rapace se poser sur sa main, avant de lui gratter affectueusement la tête. Annabeth sourit. Erma adorait les enfants, tout comme les animaux. La première qu'elle était venue avec Flink, elle l'avait de suite adopté. Quant à l'Elfe, étant quelque peu gamine de caractère, bah, l'instinct très protecteur de la dame avait pris le dessus. De plus, au grand étonnement de la belle, son faucon n'avait pas tardé à se poser sur la main de la gérante. Et celle-ci n'avait même pas tressailli, signe qu'il s'efforçait de ne pas enfoncer ses griffes. Et il ne faisait ça que très rarement...
Flink toujours sur le poing, Erma se dirigea à grands pas vers ses nouvelles clientes :

« Annabeth ! Je suis si heureuse de te revoir ! Ca fait un bail que je ne t'ai pas vue ! Remarque, je préfère, car ta réputation te précède. Apparemment, tu as mis plusieurs bars sans dessus dessous... »

Un sourire complice illuminait le visage de la brave femme et elle serra son amie d'une étreinte chaleureuse. La belle se reprochait de ne pas venir la voir aussi souvent qu'elle le voudrait. C'était une femme si gentille, si douce... Enfin, sauf avec les gens qui attentaient à la tranquillité de son bar !

« Le plus souvent, on me cherche ! »

« Et tu réponds facilement ! »

« Mais non ! C'est faux ! De toutes façons, je fais une pause ce soir. Je t'amène un nouveau visage ! Qui aurait bien envie d'un chocolat chaud... »

Annabeth s'écarta pour révéler sa jeune amie. Aussitôt, une lueur maternelle embrasa le doux regard d'Erma.

« Salut ma belle. T'en fais pas, je pense que tu vas l'aimer mon chocolat chaud ! »

La patronne se dirigea vers son comptoir pour préparer la boisson chaude, lançant un bref :

« Ce sera comme d'habitude pour toi, Annabeth ?

« Oui, évidemment ! »

L'Elfe ne pouvait résister à une bonne bière bien fraîche. Erma la connaissait trop bien... Tandis que la gérante acquiesçait, les deux nouvelles clientes prirent place...

[Tu peux décrire le bar, si tu veux, hein, j'espère ne pas m'être trop avancée.]

[Désolée du retard, j'espère que tu comprendras pourquoi... --']

Je me laissais docilement guider par Annabeth, ce qui était plutôt rare. Les conseils de prudence dont on m'avait toujours farcie me revenaient vaguement, mais je m'en fichais pas mal cette fois.
Plus que d'habitude, je veux dire.

Même si je venais de rencontrer l'elfe par le truchement du hasard, celle-ci était la soeur de Flowène. Et elle était marrante. Deux raisons suffisante pour lui accorder ma confiance.
Et puis au pire, si les choses tournaient mal et qu'Annabeth n'était pas l'elfe blonde sympathique et innocente (aussi innocente que l'on pouvait être en se bastonnant dans les bars à ses heures perdues...), qu'elle semblait être, je pouvais toujours la faire glisser avec une plaque de glace et me trisser par les toits, comme au bon vieux temps.
Sauf qu'avec un faucon à ses ordres, sans compter sa connaissance du coin, je ne pourrais pas faire trois pas sans qu'elle me ramène par le bout des oreilles.
Oui, bon, en fait, vallait mieux s'en tenir à la version de la blonde innocente.

Annabeth me fit entrer dans un Bar dont elle semblait connaître la patronne. Pendant qu'elle échangeaient quelques formules de politesse (et que je suis contente de te voir, et que t'as encore fracassé un pauvre innocent dans un bar qui avait confondu sa bière avec la tienne, et qu'il m'avait cherchée...) je promenais sur le décor des yeux attentifs. Je n'étais pratiquement entrée dans aucun autre bar que celui où je travaillais, et donc ma surprise fut grande quoique attendue quand je me rendis compte que cela n'avait rien à voir avec la salle dont j'avais l'habitude. Encore que les clients avaient l'air un peu plus conscients que dans l'autre d'où était sortie Annabeth, et je lui en fus reconnaissante.

« Salut ma belle. T'en fais pas, je pense que tu vas l'aimer mon chocolat chaud ! »

Je souris devant l'air doux de la gérante; j'espérais bien l'aimer, son chocolat, car en tant que gamine de 10 ans et demi serveuse au Bar Bu, j'avais de l'expérience, rayon boisson chocolatée!

« Ce sera comme d'habitude pour toi, Annabeth ?
- Oui, évidemment ! »

Je pouffais silencieusement en entendant la réponse de ma "guide". Je ne la connaissais que depuis quelques instants, et pourtant je savais déjà qu'elle ne pouvait pas résister à l'appel de la bière...
Je sentis une boule de poils se frotter contre mes jambes, et quand je baissai les yeux je faillis m'étrangler de rire et voyant Mélo avec ma cape sur la tête, avec ce même regard qu'elle avait adressé à une boule d'algues de la plage de Cydonia, celui qui voulait dire "J'vais t'bouffer". Je poussai un petit "Oooh" attendri et pris ma chatte et ma cape dans mes bras en la caressant du bout des doigts.

« Heu... madame? risquais-je à l'attention de la barmane. Est-ce que je pourrais avoir un peu de lait pour mon chat s'il vous plaît? »

Je palis en me rendant soudainement compte que c'était sûrement Annabeth qui payait, et donc que je ne pouvais pas demander la lune en bouteille, mais trop tard, c'était dis. J’espérais que la blonde de m'en voudrait pas trop, parce que je n'avais pas vraiment envie d'expérimenter mon plan où figurait une plaque de glace, une course sur les toits et certainement un retour en fanfare escortée par ses animaux.

[Juste un détail, tu peux aussi contrôler la barmaid, tu sais, c'est un PNJ, c'est pas parce que c'est moi qui l'ait introduit que tu n'as aucun droit dessus ^^ Je tiens juste à te le préciser ^^]

Le sourire de la petite Livena mit du baume au coeur à Annabeth. De toutes façons, tout le monde était heureux entre les mains d'Erma. Elle avait un coeur gros comme le monde et un regard doux qui ne trompait pas. La petite Amazone semblait s'en être rendue compte.

« Heu... madame? Est-ce que je pourrais avoir un peu de lait pour mon chat s'il vous plaît? »

L'Elfe regarda la petite, puis son chat. Oui, il était vrai qu'il semblait affamé. Plutôt mignonne, la petite boule de poils. Mais elle semblait un peu inoffensive. Trop, inoffensive. Annabeth doutait de pouvoir un jour supporter d'avoir une telle entrave. A quoi ça servait, un chaton ? A être prise pour une mauviette. Une imbécile. Une gamine. Livena était une petite fille, et les petites filles adoraient le bestioles attendrissantes. Pas les adultes. C'était un des rares points sur lesquels l'Elfe était mature : elle n'aurait jamais l'idée de se balader avec une bestiole incapable de subvenir à ses besoins, qui ne feraient que l'ennuyer. Flink et Cristal chassaient tous seuls. Et ils n'attiraient pas des remarques moqueuses. Annabeth avait essayé plusieurs fois de faire rentrer la tigresse dans la cité, voir dans des bars (jusqu'à ce qu'elle y renonce, les tigres sont des animaux sauvages et doivent le rester !), et la plupart du temps, les soirées où l'énorme fauve l'accompagnait étaient plutôt calmes. Mine de rien, une bestiole à longs crocs, griffes, poils et tout l'attirail qui va avec, ça modère les ardeurs. Même Flink pouvait se montrer persuasif. Mais un chaton ? Même pas en rêve.
Livena sembla soudain gênée, après qu'elle eut prononcé cette phrase. Pourquoi ? Le prix ?

« Bien sûr ma chérie, pas de problème. Cette pauvre bestiole a l'air affamée ! Et ne sois pas gênée, je pense savoir ce qui te chiffonne. Pour le prix, ne t'en fais pas. Pour une petite fille aussi belle que toi, c'est gratuit. »

« Même pas en chanson, Erma, tu m'as offert le couvert bien trop de fois. Cette fois, je paye, et ce n'est même pas le peine de discuter. »

Annabeth jeta un regard chaleureux vers sa protégée avant d'ajouter :

« Vu le service que tu m'as rendu, quelques Talents dépensés ne sont absolument rien, crois-moi Livena. »

La belle faisait référence aux informations que l'Amazone lui avait donné sur Flowène. Peut-être qu'elle ne se rendait pas compte, mais c'était énorme à ses yeux d'en savoir plus sur sa soeur. Qu'elle était vivante. Heureuse. Même si le fait qu'elle vive dans une cité où les hommes n'étaient pas vraiment des rois, ça la titillait un peu. Pourquoi, parmi toutes, Flowène avait-elle choisi cette cité, si différente que celle qu'avait pris sa soeur ? Etaient-elles si différentes ? La belle avait vraiment quelque chose contre les hommes ? Bien évidemment, elle évitait de suivre sa petite soeur quand celle-ci rejoignait ses amis (tous au masculin), mais elle avait toujours une excellente excuse (« Je ne me sens pas bien, Maman a besoin d'aide à la cuisine, j'aimerais être tranquille... »). Et quand elle sonnait faux, Annabeth mettait cela sur le compte de la timidité. Pense bête : penser à interroger Livena plus tard.

« Se sera donc un chocolat chaud, un bol de lait, et une bière. Prenez place, je vous apporte ça tout de suite. »

L'Elfe hocha la tête et s'assit à une table.
Erma ne mit pas longtemps à revenir avec la commande, posant le bol par terre et le reste sur la table.

« Tiens ma puce, tu m'en diras des nouvelles. Quant à toi Annabeth, je ne vais même pas te demander de me donner ton avis, car je le connais ! »

L'Elfe accueillit la remarque avec un sourire mi-innocent mi-complice. Quand elle était arrivée à Storghein, Erma avait été une de ses premières amies. La gentille Astorg l'avait aidée à se faire une place dans la cité des hommes, à apprendre la langue, à se familiariser avec les coutumes, les règles (à connaître l'emplacement des bars...)... Sans elle, son histoire aurait été si différente. Elle avait un rôle de confidente, d'amie, de mère... Ca avait fait du bien d'avoir quelqu'un dans une cité inconnue, si loin de chez soi... Erma avait beaucoup d'enfants, tous aussi adorables qu'elle. Et quand, les premiers temps, Annabeth passait beaucoup de temps avec elle, ils l'aidaient eux aussi. Les expressions « foutre un pain », ou « ta gueule », ce n'était sûrement pas la douce Erma qui les lui avait apprises... Les enfants avaient été très instructifs de ce côté-là...

« Livena... Connais-tu la réelle raison pour laquelle ma soeur est partie ? T'as-t-elle dit ce qu'elle ne m'a jamais avoué ? »

Le regard suspicieux d'Annabeth en disait long sur ce qu'elle pensait de Mélo. Oui, bon, il est vrai qu'avec un un faucon aux serres d'aciers, ça vous fait un combat pas très équitable face à une pauvre chaton comme Mélo. D'ailleurs, bon nombre de gens, que ce soit à Silmarie ou à Muria, trouvaient que voyager sans autre protection qu'un chaton était un peu imprudent, voire assez suicidaire, mais tout le monde avait tendance à sous-estimer ma compagne... hormis Flowène, qui avait appris à ses dépends (et aux miens par la même occasion), combien cette boule de poils pouvait mettre un bar sans dessus dessous. D'ailleurs, tout le monde la prenait pour un petit chaton à peine sorti de l'oeuf, euh, du ventre, mais en vérité elle était simplement plus petite que la moyenne. Il ne fallait se fier aux apparence, elle avait son quota de griffures, la petite féline.
Griffures infligées aux coussins, j'entends.

« Bien sûr ma chérie, pas de problème. Cette pauvre bestiole a l'air affamée ! Et ne sois pas gênée, je pense savoir ce qui te chiffonne. Pour le prix, ne t'en fais pas. Pour une petite fille aussi belle que toi, c'est gratuit.
-Même pas en chanson, Erma, tu m'as offert le couvert bien trop de fois. Cette fois, je paye, et ce n'est même pas le peine de discuter. »

Tandis que j'écoutais les deux femmes se chamailler gentillement, je fouillais dans ma sacoche et en sorti un petit carnet que j'avais depuis ma toute petite enfance. Il était recouvert de photos, de dessins et de phrases bizarres en tous genres, et je ne l'avais pas ouvert depuis des mois, sachant juste qu'il était là, quelque part. Je pris une plume un peu froissée et une petite bouteille où il restait un fond d'encre, et écrivit sur une nouvelle page:

Note pour Bibi:
ne JAMAIS essayer de negocier avec Annabeth, surtout quand il s'agit de bieres.

« Vu le service que tu m'as rendu, quelques Talents dépensés ne sont absolument rien, crois-moi Livena.
-D'accord...»

J'hésitais un instant, ma plume en l'air au-dessus du papier, laissant tomber quelques gouttes sur ma page, avant de reprendre:

Demander de l'encre a Kiera, la jolie, couleur bleu nuit.

« Tiens ma puce, tu m'en diras des nouvelles. Quant à toi Annabeth, je ne vais même pas te demander de me donner ton avis, car je le connais ! »

Je levai la tête, souris à la remarque de la barman Erma puis rangeai en vrac mes affaires dans ma sacoche (encore plus en vrac que d'habitude, je veux dire...) pour prendre la tasse qu'on me tendais. Je la portais à mes lèvres et savourais ce moment de plaisir inné, car jamais je n'avais bu un tel chocolat, à part peut-être ceux que Maman préparait en hiver. Brûlants, sucrés et chocolatés comme je les aime... D'accord, je craignais bien plus la chaleur que le froid, à cause de mon don, mais j'étais comme ça et j'avais une préférence pour la nourriture brûlante, au risque de...

« Livena... Connais-tu la réelle raison pour laquelle ma soeur est partie ? T'as-t-elle dit ce qu'elle ne m'a jamais avoué ? »

... me crâmer la bouche.
La question me surpris tant que le liquide onctueux et surtout très chaud se déversa sur ma langue sans que j'ai le temps d'éloigner ma tasse. Les larmes aux yeux, je déglutis avec peine, sentant chaque goutte passer dans ma gorge, puis reposai ma tasse en secouant ma main comme pour la faire sécher.

«Ben c'est que je... en fait, je travaille avec Flowène, mais on n'est pas si proches que ça, tu sais... franchement, elle ne m'a pas fait un récit super-détaillé. Je me souviens juste qu'elle avait quitté Silmarie parce que quelque chose là-bas lui rappelait un mauvais souvenir... ça avait peut-être un rapport avec les hommes, je ne sais plus trop. Je suis désolée de ne pas t'aider plus que ça...»

Pendant la « dispute » qui opposa Annabeth et la barmaid, l'Elfe vit sa petite protégée sortir un petit carnet et une plume de son sac. Etrange... Elle griffonna quelques mots dessus. Que pouvait-elle bien noter ?

« D'accord... »

Elle nota encore un truc dans son carnet avant de le ranger en vrac dans son sac. Mais à quoi servait-il de se balader avec un carnet et une plume dans son sac ? Pour ne pas oublier ? Une sorte de journal intime ? Inutile aux yeux d'Annabeth. Elle n'était pas le genre à retranscrire ses pensées et ses déboires amoureux dans un livre. Déjà qu'elle n'aimait que moyennement les livres.... et surtout, elle n'avait aucun déboire amoureux à raconter. Non, vraiment : la belle n'avait jamais aimé de garçons. Enfin, si un, à huit ans. Seul problème, quand elle lui avait dit, il avait été tellement étonné qu'il s'était évanoui. Parce qu'à ses yeux, elle était un garçon. Et elle faisait tout pour d'ailleurs. Puis, soyons honnête, à cet âge-là, elle n'avait aucune forme, donc, aucun prétendant. Après ce refus, elle avait compris qu'il fallait qu'elle se féminise pour avoir un copain. Et qu'elle n'aurait plus la même relation avec. Donc, elle avait décidé de ne pas tomber amoureuse, et ça avait très bien marché. Vers quinze, elle avait même commencé à repousser les avances de la gent masculine. Maintenant, elle le faisait systématiquement. L'amour ne l'intéressait pas, elle préférait avoir de super amis, plutôt qu'un amant. Si elle prenait un exemple ; Vlad, le frangin de Joris. Elle l'appréciait énormément et le trouvait vraiment gentil et marrant. Il n'avait pas hésiter à l'accompagnée à Tamawa, une fois (ce qui lui rappelait la désagréable rencontre avec Destan... Lui, par exemple, elle était sûre de ne pas en tomber amoureuse !). Mais elle ne voulait pas que ça aille plus loin, ça lui allait parfaitement ainsi.
Donc, pas d'amour, une excellente mémoire, à quoi pouvait lui servir un carnet ?!

Sa question eut un effet peu agréable sur la petite : celle-ci sembla se brûler avec son chocolat chaud, alors qu'un instant, elle semblait le savourer comme si c'était une merveille. Bien sûr, on pouvait penser que le chocolat chaud d'Erma était une merveille. Le nombre de fois qu'Annabeth s'en était délecté... Même si à présent, elle préférait les bières !

«Ben c'est que je... en fait, je travaille avec Flowène, mais on n'est pas si proches que ça, tu sais... franchement, elle ne m'a pas fait un récit super-détaillé. Je me souviens juste qu'elle avait quitté Silmarie parce que quelque chose là-bas lui rappelait un mauvais souvenir... ça avait peut-être un rapport avec les hommes, je ne sais plus trop. Je suis désolée de ne pas t'aider plus que ça...»

Moui, ça c'était évident. Vu comme sa soeur sursautait à chaque fois qu'un homme s'approchait, sauf leur père...

« Je ne t'en veux pas, tu y es pour rien. »

Annabeth changea de sujet de conversation, pendant quelques minutes avant de demander :

« Mais dis-moi, tu es venue à Storghein toute seule ? Personne ne t'attend ? Il commence à se faire tard. »

[Faudrait conclure]

[Pas faux. Tu veux te désengager après mon post?]

« Je ne t'en veux pas, tu y es pour rien. »

Je fus soulagée, même si j'essayai de ne pas trop le paraître. Je savais bien que je n'y étais pour rien si Flowène ne m'avait rien dit de plus, mais j'étais le dernier espoir d'Annabeth pour comprendre ce qui lui étais arrivée, et je n'aurais pas été surprise de la déception de l'elfe blonde. Les gens font parfois des choses si bizarres quand ils sont hors d'eux... alors autant ne pas inscrire une guerrière comme Annabeth dans la liste assez longue en raison de nombreuses escapades, (~~et puis quand on fréquente la fameuse May croqueuse de garçon, il faut s'attendre à quelques représailles de la part de nombreuses jalouses au coeur brisé~~) de mes ennemis ou autre personnes à éviter pour cause d'un potentiel règlement de compte. Après tout, c'était déjà arrivé! A Silmarie, j'avais dû pendant des mois éviter le quartier où vivait l'une des plus importantes femmes d'affaires, déterminée et assez riche, mais surtout déterminée en fait (et dotée d'un caractère de cochon, avec ça!). Je ne vous raconte pas les détours qu'il fallait faire en rentrant de l'école pour ne pas croiser son chemin et celui de sa poêle à frire (j'ignore encore laquelle des deux il fallait craindre le plus...). Cette femme était vraiment tenace. D'accord, on avait ruiné le dîner qui devait promouvoir l'ouverture de sa nouvelle boutique, mais on s'étaient excusées de loin des tas de fois! On lui avait même écrit une lettre, mais on n'y était jamais allées nous-mêmes car dés qu'elle voyait une tête blonde et une autre plus petite brune, elle devenait plus incontrôlable qu'un dragon enragé et était capable de traverser Silmarie en long en large et en travers pour nous attraper. Croyez-en ma propre expérience. Jamais vu quelqu'un d'aussi tenace à sa vengeance! En plus, son dîner était vraiment ennuyeux à mourir.

Annabeth n'était pas tellement âgée, mais elle semblait assez tenace aussi dans son genre et la dernière chose que je voulais c'était qu'elle me poursuive dans les rues de Storghein, armée d'une poêle à frire ou d'une chope de bière, au choix.

« Mais dis-moi, tu es venue à Storghein toute seule ? Personne ne t'attend ? Il commence à se faire tard. »

Je pris quelques secondes pour finir mon chocolat, puis en ressortit la langue moins brûlante mais avec une moustache chocolatée que je distinguais sur mon reflet dans la vitrine.

« Je ne suis pas venue toute seule, des amies m'accompagnent! On s'est donné rendez-vous quelque-part au centre de Storghein, je devrais pouvoir le trouver toute seule. Et puis il ne fait pas si tard que... »

J'avisai le ciel assombri qui s'étirait au-dessus de la mer dans laquelle se reflétaient le peu d'étoiles qui perçaient les nuages, puis ravalai ma réplique.

« Ah! ben... si, il fait si tard que ça. Heu... je devrais peut-être partir.»

« Je ne suis pas venue toute seule, des amies m'accompagnent! On s'est donné rendez-vous quelque-part au centre de Storghein, je devrais pouvoir le trouver toute seule. Et puis il ne fait pas si tard que... »

Des amies ? Livena ne voulait sûrement pas lui en dire plus à propos de ses « amies ». Des petites filles de son âge ? Ce serait étonnant. Drôle d'escorte. Une jeune fille toute seule dans les rues de Storghein, ce n'était pas prudent. Où était ces fameuses amies ? Pas ici en tous cas. Un instant, Annabeth se félicita d'avoir pris la petite avec elle. Storghein n'était pas une ville pleine de danger, mais pas vraiment le pays du calme et de la sérénité non plus. Quoique... Annabeth n'était pas loin de l'âge de Livena quand elle était partie seule de Silmarie pour vivre sa vie. Mais bizarrement, son interlocutrice avait l'air bien plus frêle et fragile que ne l'était la blonde à l'époque. Elle, elle savait déjà se battre, et se trimballait déjà avec un arc et un faucon au poings quand elle était arrivée dans la cité des glaces. Savait-elle seulement manier une arme, ou se dé fendre ?
Pouvoir le trouver toute seule... Rien n'était moins sûr. La blonde ne connaissait pas la cité des Amazones (et n'avait pas envie de la connaître), mais elle avait l'air d'être plus calme que Stroghein. Peut-être que la réduction d'hommes aidait un peu à la tranquillité. Mais elle n'arriverait pas à se repérer dans le dédale des rues. Ou alors elle connaissait mieux la ville qu'elle ne le laissait paraître.

« Ah! ben... si, il fait si tard que ça. Heu... je devrais peut-être partir.»

Oui, sûrement. D'ailleurs, c'était aussi le cas de la Compagnon. Elle avait un entraînement aux horreurs demain. Et niveau ponctualité, pas sûr que Keziah était plus compréhensive que Joris à l'époque où il était Capitaine.
Annabeth hocha la tête.

« Je te ramène au port, quand même. Histoire que tu te repères. »

Annabeth s'approcha du comptoir, salua Erma et paya les consommations, avant de sortir du bar, accompagnée de Livena. Et du cri perçant de Flink. Il adorait Erma, et à chaque fois, l'empêcher de rester dans sa taverne relevait de l'exploit. Quant à la sympathique barmaid, elle les voyait tous deux partir avec une expression triste.

« Bon, je crois qu'il est temps de se séparer. »

Les deux Elfes avaient traversé Storghein pour revenir au port, exactement devant la porte du bar où elles avaient débuté la soirée. Annabeth regarda la petite avec une expression attristée. Il était temps en effet, et pourtant, elle avait envie de rester encore un peu avec la petite. Elle était vraiment mignonne, et sympathique. Puis, elles se ressemblaient dans leur côté direct. Et elle était VRAIMENT adorable. Mais elles ne pouvaient rester plus longtemps ensemble. Chacune à son âge avait sa vie, à mener.

« J'ai été vraiment contente de te rencontrer, ma petite Liv'. Et j'espère sincèrement que nos chemins se recroiseront à nouveau. »

L'Elfe se baissa pour prendre la petite dans ses bras et la serrer brièvement contre elle. Si elle avait eu une petite soeur, elle aurait voulu que se soit Livena. Flowène ressentait-elle le même sentiment pour son apprentie ? Etait-elle aussi proche de la petite que ne l'était devenue la blonde en une soirée ?
Et surtout, Livena appréciait-elle la jeune femme ? Se sentait-elle aussi proche d'elle ?

« Si tu repasses à Storghein, fais-moi signe. Moi... Je pense que je n'irais jamais à Muria, mais... Enfin, on pourra peut-être se revoir ailleurs. Au revoir. A plus Mélo. Prends bien soin de ta maîtresse. »

La petite minette miaula. Flink se posa sur la petite épaule de l'Elfe et lui donna un coup de bec affectif.

*Ce n'est qu'un au revoir.*

Oui, elle reverrait la jeune Amazone, c'était une certitude. La belle se détourna et s'engagea dans une ruelle qui montait vers le château des Neiges. Son faucon poussa un cri rauque et elle le caressa, avant de se retourner : la petite silhouette de Livena n'était plus visible. Elle avait dû rejoindre ses fameuses amies.
Annabeth sourit. Finalement, elle avait confiance. La petite saurait se débrouiller en cas de problème. Son caractère lui rappelait quelqu'un qui, bien qu'elle avait perdu sa soeur en Azthia, avait parfaitement réussi dans la vie...

[Merci pour ce RP !
Désengagées : Livena et Annabeth.]

Attention les louloutes, pensez à éditer le titre pour indiquer que le sujet est terminé ^^

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