[Inutile de dire que mon inspiration ait été très capricieuse. Désolée >_<]

Chiko se réveilla brutalement. Pourtant, il n'avait ni fait de cauchemars, et le silence maintenait son règne. D'ailleurs, il ne se souvenait même plus de son rêve. Encore fatigué, ses muscles étaient quelques peu douloureux. L'aurore n'avait pas encore fait son apparition, laissant aux ténèbres de la nuit un court répit. Il laissa libre court à son imagination qui ne tarda à le tarauder sur ce même sujet. 30 ans. Il avait bel et bien 30 ans. Déjà au service de sa Majesté depuis de nombreuses années, il ne pouvait s'empêcher de penser que rien n'avait changé. S'allongeant tranquillement sur le dos, l'homme se recouvra mécaniquement le corps avec son linge. La fraîcheur automnale commençait à prendre ses marques dans l'atmosphère humide de la pièce. Il était toujours le même, toujours ce Compagnon dévoué à sa Reine, quasiment invisible parmi les autres. S'emmitouflant dans sa chaude peau de bête, il ne pouvait compter que sur elle pour le réchauffer. Son cœur battait la chamade dés qu'il pensait à sa Lionne des neiges. Il avait eu la chance de la côtoyer plus que la grande majorité des citoyens. Il était privilégié. Il se retourna rapidement du côté droit. Pour autant, seuls Méliant, puis son ancien camarade Joris faisaient, à son goût, parti des privilégiés.

Il se remit sur le dos. Il lui fallait plus. Beaucoup plus. Mais il ne pouvait pas prendre le risque de tout perdre, il se perdrait lui même. Se levant d'un geste énergique, il contracta ses muscles et s'assit au pied de son lit. Il avait échoué lors de l'épreuve des consorts. Il avait été surpassé par Joris, bien plus musclé et viril que lui. Chiko avait accepté sa défaite depuis bien longtemps. L'Oblat en avait décidé ainsi, et elle avait raison. Elle savait mieux que quiconque ce qui était mieux pour elle, et elle avait rendu son verdict en conséquence. L'homme blond regarda le soleil sortir de sa torpeur et s'aperçut brutalement qu'il avait froid. S'habillant en hâte, la pensée de ses trente ans lui revint encore une fois en tête. Il avait certes gagné un peu de respect de ses compatriotes par son expérience, son sang froid, et sa technique ; il n'était pour autant pas celui qui tapait à l’œil de sa Reine.

Son amie Keziah n'étant chef des compagnons depuis peu, il espérait avidement que ce poste lui reviendrait. Cependant, rien ne pouvait l'assurer que cela se passerait d'une telle manière. Il aurait beaucoup plus de responsabilités, mais un tel tremplin ne peut se refuser, pour quelque raison qu'il soit. Il devait se montrer parfait. Beau, grand, fort, viril, confiant, gentleman, séduisant, efficace... L'homme, toujours aussi déterminé pour sa Lionne des neiges se laissa tomber quasiment jusqu'au sol, pour se rattraper au dernier moment et commencer ses exercices solitaires de musculation. Ses muscles réclamaient de plus en plus d'oxygène, sa respiration s'accélérait d'autant plus qu'il élevait la difficulté de ses exercices à chaque instant. Il avait certes trente ans, mais il restait ce jeune homme puissant qu'il avait toujours été. Pendant ses exercices, il adressa une prière à Benu, qu'il continua lorsqu'il cessa tout effort.

Il fallait qu'il reste opérationnel pour la journée. Il essuya lentement son torse, et s'habilla chaudement. Cette journée d'automne était anormalement froide remarqua-t-il, avant d'enfiler sa dernière épaisseur. Il poussa énergiquement la porte de sa chambre pour rejoindre la salle commune afin d'aller déjeuner. Il serait le premier levé pensa-t-il dans un premier temps, avant de s'apercevoir que la porte se dirigeait violemment dans la tête d'une de ses collègues. En essayant de la rattraper tant bien que mal, il glissa, et après quelques figures digne d'un contorsionniste, manqua de tomber. Il balbutia, rugissant de honte :

« Aoutch, désolé ! Heu, tout va bien ? ... Tout va bien ? »

Pour se faire remarquer, il avait réussi. En plus de montrer ses qualités d’acrobate, il était sur le point de s'attirer les foudres des collègues... Tout ce qu'il faut pour attisé la crainte, et donc le respect en tant que chef des Compagnons ! Ce qui l'importait plus restait dans un premier temps la santé de son compagnon, mais aussi la peur de perdre ce qui ressemblait le plus pour lui à un ami. Il n'était que très peu sorti ces derniers temps, et la solitude pouvait être aussi pesante qu'un glacier sur un lac gelé.

[Je ne sais pas du tout si le post va te convenir, je ne savais pas trop comment faire avec la modération de Zihaha, j'ai supposé que Siana avait un regard relativement optimiste sur elle-même, et qu'elle ne voyait pas son véritable état, j'ai aussi fait une autre supposition dans la suite du post concernant la rumeur sur le mari, les compagnons étaient-ils au courant de ton histoire ? J'ai supposé que non, encore une fois, si ça ne va pas, n'hésite surtout pas à m'envoyer un MP!]
[Parce qu'en fait, j'ai écrit mon texte avant tes modifs >_<", j'avais pas vu, mais il me semble plutôt cohérent face à ces dernières !]

Finalement plus de peur que de mal. Chiko avait heureusement réussi à rattraper la lourde porte en pleine course, qui évita de justesse la demoiselle qui se trouvait juste derrière. Il doit avouer qu'il était plus sous le choc que la potentielle victime. Il était certain qu'à quelques centimètres de plus, son nez fin aurait été fracassé. Reprenant ses esprits au plus vite, il mit un certain temps à reconnaître Siana, vêtue d'une ample robe grise qui cachait ses formes. Elle portait pourtant très souvent des vêtements trop larges, qui laissaient deviner une certaine maigreur, ou un état de fatigue très avancé. Il ne savait d'elle que quelques rumeurs, concernant son mari qui aurait lui aussi été au service de l'Oblat quelques années auparavant. Peut-être Chiko l'avait-il connu ? Il ne savait rien d'autre de sa vie. L'homme blond n'était pas de nature curieuse, il avait vécu de manière assez solitaire ses derniers temps, depuis l’enlèvement de sa Reine. Rien qu'à en voir ses cernes et ses joues, la vie de la demoiselle Siana n'a pas dû être simple tous les jours. Elle semblait tellement frêle, et si fragile, qu'il se demandait parfois si elle n'allait pas se briser comme de la porcelaine.

C'est peut-être inconsciemment pour ces raisons que Chiko lui demanda si elle allait bien d'une manière si précipitée et tendue qu'elle en sembla surprise. Oui, il y avait plus de peur que de mal. Du moins, il essayait de s'en persuader en inspectant minutieusement les traits de sa collègue. Son visage avait l'air fatigué, même épuisé. Comme si elle n'avait que très peu dormi ou si elle a eu une nuit agitée. Peut-être était-ce le rythme soutenu des entraînements, la concentration qu'il fallait mettre à l'usage à chaque instant lors des missions, qui lui faisait perdre du poids. Il avait toutefois du mal à s'en convaincre, lui même était très mince, certains le trouvaient même maigre, mais il n'avait jamais vu sur son corps de telles marques de fatigues et de faiblesse. Cela donnait une impression plutôt étrange au jeune homme : jusque là, il se souvenait plutôt de la jeune femme comme quelqu'un d'efficace, concentré et investi. Un danger potentiel pour lui concernant le poste vacant de chef des compagnons. Et là, il devait se persuader qu'il s'agissait de cette femme, cette même femme qui avait l'air exténuée. Exténuée dés le petit matin...

Elle lui répondit d'une manière relativement incertaine, sous l'effet de surprise très probablement. Il répondit d'une voix plus faible qu'il ne l'avait imaginé :

« Je vais bien, merci»

Il ne savait pas quoi dire. Devait-il se soucier ouvertement de l'état de Siana ouvertement, au risque de la vexer ? Ou estimer qu'il avait remplit son rôle en tant que collègue : après tout, même si la question concernait directement la porte, elle aurait pu lui parler de ses problèmes. Un silence apparut dans la couloir. Bien que Chiko était habitué à ce vide, celui ci le mit mal à l'aise. C'est l'une des premières fois qu'il ressentait cela. Sa conscience le tiraillait, et son manque de charisme ne l'aidait pas à prendre une décision.

La jeune femme semblait également vouloir combler ce vide, et beaucoup plus extravertie continua la conversation, et lui demanda où il allait. Un peu perdu dans ses pensées, il répondit après quelques secondes :

« Je vais au réfectoire,... Prendre un petit déjeuner. D'ailleurs, d'habitude, je suis le premier,... Quelque chose t'as réveillé ? »

Le ton était maladroit, hachuré. Mais la fin de la question n'était pas totalement anodine. Il doutait que la jeune femme à ses côtés lui confit ce qui la rendait si fatiguée, mais rien ne lui coûtait d'essayer. Pour éviter qu'un nouveau malaise ne s'installe, il décida de continuer la conversation, tant bien que mal. Plutôt mal d'ailleurs, voire très mal :

« Au fait, on m'a dit que ton mari était un compagnon, c'est vrai ? Pourquoi il a arrêté ? Il s'appelait comment ? »

Il enchaîna toutes ces questions comme une mitraillette, sans se douter une seule seconde qu'il s'agissait d'un des malheureux compagnons qui se trouvaient à l'endroit où la Lionne s'est faite kidnapper. Chiko n'avait pas du tout eu la moindre appréhension, ni peur, en posant ces questions, mais peut-être allait-il faire plus de mal qu'il ne pensait...

[Désolée pour le retard : nouvelle école, beaucoup de soirées, et CV plus lettre de motivation à faire à la dernière minute ! J'ai pas trop réussi à rebondir u_u']

La faim. Ce mot sonna étrangement aux oreilles de Chiko. C'était la première fois qu'il l'entendait avec une telle intensité, pour autant il ne sonnait pas juste. Comme si quelque chose était enfoui sous ce besoin banal de chaque être humain. Elle sourit, ce qui renforça cette impression de maigreur au niveau de son visage. L'atmosphère régnait bizarrement dans le couloir. Comme si elle voulait insister sur quelque chose de différent, pas vraiment une nouveauté, mais quelque chose d'exceptionnel. Un éclair figea très peu de temps sa conscience. Depuis combien de temps ne l'avait-elle pas vu se rendre au réfectoire ? S'était-elle réellement levée pour cette raison : manger ? Alors qu'il était clair qu'elle rationnait sa nourriture. Peut-être désirait-elle réduire la taille de son estomac, ou était-elle malade. Il sourit nerveusement, si bien que ses traits fins paraissaient sévères pendant un bref instant.

L'homme blond ne s'attarda pas su cet aspect ; la jeune femme à ses côtés ne semblait pas en si mauvaise santé. Elle semblait d'ailleurs mieux se porter depuis quelques temps. Il continua la conversation, et c'est là qu'il comprit qu'il avait fait une gaffe. Son teint passa au rouge pivoine lorsqu'il entendit la réponse. Déjà, il n'avait aucunement souhaité faire revivre cet épisode douloureux à sa collègue, elle était en assez mauvaise santé pour cela. En outre, revivre lui même cet instant, cette attente, cet échec, cette peur lui coupa littéralement l'appétit. Il tourna la tête violemment à l'opposé de la direction de la demoiselle, de telle sorte qu'elle ne distingue pas ses traits. Il grogna très légèrement, si bien qu'il ne sut pas si son râle d'ours avait dépassé le stade de sa conscience. Sa métamorphose ne commença que très peu, et quelques seconde plus tard, Chiko se calma et répondit de la manière la plus posée qu'il pût :

« Je m'en souviens. C'était un type bien. Il n'a pas mérité le sort qu'il a subi. »

Peu après, Siana continua de sourire et lui proposa d'aller manger. Il acquiesça silencieusement. Elle s'était très probablement aperçue que ce souvenir touchait aux entrailles de Chiko, si bien qu'elle décida de changer de sujet. Malheureusement à elle, la demoiselle n'avait pas choisi le bon. Cependant, en y réfléchissant, Chiko si elle avait pu en choisir un, un bon sujet. Le moindre sujet de la vie quotidienne ne faisait que souligner la solitude du jeune homme. Elle était comme ancrée en elle, s'était incrusté dans le moindre de ses organes. Elle lui donna un violent mal de ventre, et lui coupa encore plus l'appétit. Pour ne pas souligner cette gène, ce mal-être qui le rongeait peu à peu, et le grignotait, il décida de sourire, et de répondre avec humour :

« Oulah non, ça c'est pas pour moi, je suis gay  »

Le ton qu'il avait employé n'était pas aussi plaisantin qu'il aurait voulu. Son malaise n'était pas encore complètement dissipé. Il s'empressa d'ajouter :

« Je déconnais hein ! Mais non, je n'ai ni femme ni enfant, je n'ai pas trop le temps avec le travail. Et puis je garde la place libre pour l'Oblat, le prochain Consort, ce sera moi, tu verras »

Cette fois il ria sincèrement. Il poussa rapidement, tout en prêtant une attention toute particulière, la porte et laissa Siana aller la première dans la salle à manger. Comme prévu, elle était vide. Il s'installa tranquillement vers la gauche, là où il allait tout le temps. Peut-être ne serait-il pas seul cette fois ci.